La vie et la mort, le long du RER B
En moins d'un quart d'heure de trajet, le risque de mortalité est quasiment doublé selon que l'on habite un cité défavorisée ou un quartier chic....Emmanuel Vigneron, professeur de santé publique à Montpellier et spécialiste de l'aménagement du territoire, s'est intéressé à la question de l'accès aux soins en France. Et, pour ce faire, il a regardé le risque de mortalité du sud au nord de la ligne RER B qui dessert Paris et les banlieues coquettes (St Rémy-les-Chevreuses, Orsay....) comme les cités peu favorisées, telles La Courneuve ou Le Bourget. Sa conclusion laisse pantois: en comparant le risque de mortalité entre le VIe arrondissement à Paris et La Plaine-Saint-Denis, il montre que, "en moins d'un quart d'heure de trajet, le risque de mourir une année donnée augmente de 82% entre les arrondissements les plus aisés de Paris et le quartier du Stade de France!"
Difficile, dans ces conditions, de parler d'une égalité des soins dans l'Hexagone... D'autant que les facteurs positifs ou négatifs se cumulent les uns les autres. Ainsi, le revenu moyen par ménage passe de 37 000 euros près du jardin du Luxembourg à 10 000 euros à La Courneuve. Tandis que la proportion de personnes non ou faiblement diplômées dans la population adulte passe de moins de 20% à plus de 75%. Et, comme si cela ne suffisait pas, le nombre de médecins libéraux varie lui aussi de façon considérable. On compte en effet, en moyenne, 1,6 spécialistes pour 100 000 habitants à Aubervilliers, contre 68 dans le VIe arrondissement. Soit un rapport de 1 à 50 environ...
Voilà, sans doute, l'une des explications à la persistance, en France, d'inégalités criantes en matière de santé. Il y en a d'autres. Le fait, notamment, que les écarts en matière de mortalité, qui n'avaient cessé de se réduire entre 1955 et 1999 (l'écart maximal entre deux départements était passé de 7,2 ans à 5,7 ans) se sont progressivement accrus au cours des dix dernières années, pour remonter à 6,4 ans. Le fait, aussi, que la prévention demeure le parent pauvre de notre système de santé, avec à peine 3% du budget total, de la même façon que l'on compte en moyenne à peine un médecin scolaire pour 8 000 élèves. Le fait, enfin, que le classement établi par l'OMS il y a une dizaine d'années, faisant de notre pays "le meilleur système de santé au monde" n'a pas vraiment poussé les responsables politiques à mettre en oeuvre des réformes de fond. De la fin de la liberté d'installation des médecins à la fin du paiement à l'acte en passant par la réforme des études médicales, la liste est longue...