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Day dompte Dubuisson
L'Australien Jason Day a fini par contenir, après cinq trous de play-off, les assauts de Victor Dubuisson, pour remporter le WGC Match-play Championship.
Quelle guerre des nerfs ! On aurait été prévenu, on aurait gardé les tranquillisants à portée de main gauche et, à droite, le défibrillateur. Quelle trouille, quelle euphorie, quelle tension, quel match ! Pris d'entrée à la gorge, au physique, au putting, à l’énergie aussi par un Day capable de sortir des coups majeurs dès qu’il se sent en danger, Dubuisson accuse trois trous de retard au virage du 9. Une virgule prive Day de mener 4Up au 12 puis, lentement, sans jamais bouger un sourcil - et sans rentrer le moindre de ces putts qui, le matin même, avaient assassiné Ernie Els en demi-finale -, Dubuisson entame sa remontée, jusqu’à arracher, au 17, le droit de rêver (1Down) et, au 18, le droit de jouer le play-off.
Une poussée d’adrénaline sur le 1er trou de play-off l’envoie dans l’impossible : sa balle est sous un petit cactus, crucifiée sur des bébés cactus. Dubuisson dépose une approche miraculeuse à 1,20 mètre du trou, pour arracher l’égalité – et quelques piquants de son pied. Le Français récidive au trou suivant : là où, sur le 9, il s’était déjà égaré à l’aller, il dépose une balle sous une branche morte… qu’il cueille d’un nouveau coup génial qui arrache un rire de dépit à Day. Au 14, le Cannois laissera, d’un rien, échapper le titre, sur un putt un brin sous le paradis. Deux trous plus tard, une approche manquée offrira à Day une ultime occasion d’en finir et de remporter, à 26 ans, le premier de ses grands titres.
Il aura finalement manqué bien peu à Dubuisson pour s'imposer. Quelques putts résolus à achever leur course au fond, évidemment, mais aussi quelques occasions supplémentaires de reporter sur Jason Day la pression. Car c'est plus souvent le Français qui, en déficit au score et le plus souvent contraint de jouer en premier ces deuxièmes coups si décisifs sur ce parcours, eut à déclencher les sprints. Il n'aura en revanche manqué ni de nerfs - quelle maîtrise, Dubuisson est un cobra avant l'attaque -, ni de panache pour sauver des situations improbables. Pendant cinq jours, Dubuisson a bluffé les commentateurs américains qui ont eu le temps d'assimiler, pendant cette haletante finale, que "Dubush" a bel et bien posé le pied sur leur monde, et qu'il débarque d'une autre planète. Après tout, le parcours de Dove Mountain n'est pas si loin que ça de Roswell.
L’Australien, ce lundi, est 4e mondial. Victor Dubuisson, lui, a empoché plus de 905 000 dollars et 315 points FedEx Cup. On verra le Français sur tous les tournois du PGA Tour jusqu’à fin 2015, au moins. Comme Jean van de Velde et Grégory Havret lors de tournois majeurs, Victor Dubuisson a terminé deuxième d’un tournoi d'envergure planétaire. Mais, depuis ce soir, la France du golf ne rêve plus de remporter un titre majeur. Désormais, elle l’attend, sereinement.
LE FILM DU MATCH
L’aller
Trou 1 : Day 1Up. 2 : Day 2Up. 3 : Day 1Up. 4 : AS. 5 : AS. 6 : Day 1Up. 7 : Day 2 Up. 8 : Day 2Up. 9 : Day 3Up.
Comme lors de la demi-finale, Dubuisson rate sa mise en route. Si, lors du tour précédent, l’admiration qu’il a pour son adversaire, Ernie Els, bride un peu le Français, il s’agit plutôt, face à Day d’un mélange de tension et de fatigue, toutes deux assez légitimes. Un premier shot dans les arbustes au 1, puis un chip manqué qui traverse le green offrent deux trous d’avance à Day.
Sur le 3, d’un coup de fer 7, Dubuisson plante au mât et réduit la marge. Au 4, c’est au tour de Day de pécher par imprécision : un tee-shot dans un bunker et une sortie grattée : l’Australien offre à Dubuisson l’occasion d’égaliser. Le Cannois a l’occasion, sur le trou suivant, de tirer encore benefice des égarements de Day, qui trouve le chachis, prend une pénalité, puis se pose dans le sable pour… deposer une sortie de bunker géniale qui lui sauve la mise. Dubuisson, lui, laisse passer sa chance en manquant un putt de deux mètres. Au 6, un coup de fer trop long de Dubuisson traverse le green, tandis que Day trouve le green et fait le par. Dubuisson concede un bogey : l’Australien est 1Up. Puis 2 Up quand, sur le 7, Dubuisson accuse un excès de backspin qui le fait sortir du green.
Le 8, long par 5, aurait pu être une occasion de revenir, pour le Français, d’autant que Day s’égare un peu au drive, tape un 2e coup mediocre qui le mettra en face d’un putt de 8 mètres pour sauver le par, ce qu’il fait. Dubush n’a su en profiter. Ça sera pire encore au 9 : après une belle mise en jeu, Dubuisson trouve le désert, les cactus et la caillasse. Le drop lui donne une balle impossible à jouer, contre une motte de terre : il offre le 3Up à Day, et passe à autre chose.
Le retour
10 à 12 : Day 3Up. 13 au 16 : 2Up. 17 : Day 1Up. 18 : AS.
Toujours aussi solide dans son jeu de fers, Day maintient la pression et pousse Dubuisson à entrer 1,80m pour sauver le trou. C’est quasiment une des premières fois que Dubuisson a overdrivé Day. Idem au 11 : l’avantage dans le jeu est pour Dubuisson et Day doit s’arracher pour déposer une merveille de fer qui frôle le trou et stoppe à 1,50m.
Au 12 : Day fait une virgule sur un putt de 2,50 sur lequel il avait l’occasion de tuer le match. Au 13, l’inversion de pression est payante : Day envoie un drive dans le gras, fait un efficace lay-up mais une approche moyenne, tandis que Dubuisson exploite à merveille son coup de fer4 de 220m, posé à moins de 10m du drapeau : l’avantage n’est “plus” que 2Up pour l’Australien. C’est donné/donné au 14 puis, au 15, Day a encore les nerfs pour entrer 3,50 pour faire birdie, comme Dubuisson qui avait touché le green de ce par 4.
Toujours 2Up au départ du 16, Day touche aussi le green de ce par 3, Dubuisson rate de peu le birdie et est toujours 2 Down. Au 17, Dubuisson est dans le bunker, mais il sort, une fois encore, une énorme sortie qui le plante à 4m du drapeau. Day, du rough, touche à 6 mètres et frôle le birdie. Enorme, Dubuisson entre le putt pour birdie et revient, in extremis, à 1up.
Au 18, Jason Day a géré, mais il commet le pire des péchés : un putt de retour trop court. Never Up, Never WGC ? Dubuisson, lui, a réussi sa sortie de bunker et il entre son putt de 1,50 pour arracher le play-off.
Le play-off : 1 - 9 - 10 - 14 - 18
Au 1 : Dubuisson a envoyé son 2e coup dans le désert : sans doute sous le coup d’une énorme montée d’adrénaline, comme face à Els. La balle est plantée sous un cactus, au milieu de bébé cactus. Pour s’en sortir, il sort un coup miraculeux, grip court, geste tronqué… “Vous n’aviez jamais vu un miracle ? En voilà un”, dit SkySports. Il est à un metre du trou et partage finalement le trou avec Day.
Au 9 : Dubuisson atterrit encore une fois dans les cactus, depuis lesquels il ressort à nouveau une merveille. Day en rigole. De dépit : normalement, ce n’est pas possible de cette balle, encore, sous une branche, dans la terre, dans une trajectoire si parfaite. Le Français rentre le putt de 2,50m pour arracher l’égalité.
Au 10 : bon coup de bois 3 pour Dubuisson. Day aussi, mais dans le bunker tandis que Dubuisson est sur le fairway. La sortie de Day est parfaite. L’approche de Dubuisson, perturbée par les arroseurs, est un rien trop longue. De 3 mètres, il ne signe pas un bon putt. Une occasion pour Day d’en finir, mais il est trop à gauche, trop long. Le putt retour, pas simple à entrer, fait mouche.
14 : Jason Day touche le green mais redescend dans le petit rough du bunker. Dubuisson touche le green. Il manque de peu sa première – et seule – balle de match de cette finale, son putt refusant de tomber pour deux, trois centimètres.
18 : Pris dans le gros rough, Dubuisson manque son approche lobée et termine de l’autre côté du green, à 8 mètres. Son putt sera presque parfait, pas suffisamment pour tomber, cependant. Jason Day, lui, s’est posé à 1,50 m. Cette fois-ci, l’Australien ne manque pas l’occasion de conclure.