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Lannoy prépare un putsch
Pour soutenir le duo Batta-Layec, dans le viseur de la FFF, l’arbitre français n° 1 veut prendre la tête du SAFE, le syndicat des arbitres.
C’EST UNE RÉCRÉATION géante pour adultes qui dure depuis maintenant dix ans. Dans la cour, certains visages ont changé mais les passe-temps sont restés les mêmes. Quand ils ne se font pas des croche-pieds, les arbitres s’envoient des boules puantes. Les remous qui agitaient le milieu depuis 2003 avaient fini par provoquer le départ de Michel Vautrot de la Direction nationale de l’arbitrage (DNA) et son remplacement par Marc Batta en juillet 2004 (*).
Quelques semaines après la réélection de Noël Le Graët à la tête de la FFF, les sifflets de Ligue 1 et leur direction auraient voulu se faire tirer les oreilles par celui qui, pendant sa campagne, a promis de s’attaquer enfin au chantier de l’arbitrage qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Il y a les bulletins de notes, déjà, loin d’être flatteurs. En décembre, l’UEFA a réactualisé ses listes. Stéphane Lannoy (43 ans) reste le seul représentant français en Top List, quand certains pays (Italie, Angleterre) en comptent trois. Tony Chapron, qui figurait en Elite Development, l’antichambre de la Ligue des champions, est rétrogradé. Antony Gautier le remplace. Clément Turpin grimpe également d’une division, en First List, où il rejoint Fredy Fautrel et Chapron, mais sa promotion est tempérée par les descentes de Laurent Duhamel et Saïd Ennjimi en Second List.
Ce dernier, qui préside le Syndicat des arbitres de football d’élite (SAFE), s’est battu, en septembre dernier, pour conserver son écusson international, que la DNA voulait lui retirer pour permettre la promotion de Benoît Millot.
Ennjimi prêt à s’en aller
Ennjimi a obtenu gain de cause auprès du comité exécutif de la FFF (Comex) et de Le Graët. Mais, depuis, il vit un vrai calvaire à chaque rassemblement. Vexés d’avoir été contredits par Le Graët, Batta et Bertrand Layec, le manager des arbitres de L 1, s’en sont pris à Ennjimi devant ses collègues en octobre.
Lannoy, qui a dirigé la demi-finale de l’Euro 2012 Allemagne-Italie (1-2, 28 juin 2012), s’est fait plus menaçant lors du stage au Canet-en-Roussillon, la semaine passée, en préparant tout simplement un putsch contre Ennjimi, cinquième président du SAFE, syndicat créé il y a seulement six ans.
Lannoy avait ouvert les hostilités le mercredi, lors de la visite d’Éric Borghini, le nouveau Monsieur Arbitrage du Comex. Après avoir mis en avant son statut de numéro 1 français et mis en cause la représentativité des élus du SAFE, il avait demandé à pouvoir participer désormais aux consultations entre les instances et les arbitres. Le lendemain, il s’est réuni avec ses collègues pour leur faire voter une motion de défiance contre Ennjimi et le comité de direction du SAFE. Les seize présents l’ont suivi. Ennjimi n’a pas pu se défendre, la réunion ayant été curieusement programmée au moment où il se trouvait à Paris pour être entendu par la commission de discipline.
Vendredi, Lannoy a prolongé sa démarche en invitant les autres adhérents (assistants et arbitres de L 2) à demander au SAFE, avant demain, d’organiser de nouvelles élections. Dans ce mail, il déclare même sa candidature à la succession d’Ennjimi et assure qu’il a déjà constitué une équipe pour reprendre en main le syndicat. Écœuré, Ennjimi, seul candidat en mai dernier à la succession d’Alexandre Castro, envisage de présenter sa démission lors de la prochaine réunion du bureau du SAFE, lundi prochain.
Si Lannoy est si pressé, c’est parce que, depuis la réélection de Le Graët, le vent du changement souffle sur l’arbitrage. Au conseil d’administration de la LFP siège un adhérent du SAFE (Damien Ledentu) qui a pris la place occupée jusqu’ici par Philippe Leduc, membre de la DNA, proche de Batta et Layec, qui se savent, eux aussi, menacés. Lannoy, qui espère terminer sa carrière lors de la Coupe du monde 2014, sait ce qu’il leur doit et n’a aucun intérêt à les voir partir. Batta et Layec n’ont d’ailleurs rien fait pour que le stage de reprise ne prenne pas l’allure d’un rendez-vous syndical. Subventionné par la FFF et la LFP qui viennent d’ailleurs d’augmenter leur subvention annuelle de 30 000 à 50 000 euros, le SAFE aurait pourtant les moyens d’organiser ses propres congrès. Ses comptes laissent apparaître un solde positif avoisinant les 200 000 euros.
RAPHAËL RAYMOND et ALEXANDRE CHAMORET
(*) Contesté par les arbitres et miné par un conflit avec Bernard Saules, le président de l’Union nationale des arbitres de football, l’ancien arbitre international avait quitté la DNA en juillet 2004.
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Cette mafia.