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Fraude : sur le RER B, les contrôleurs ont un nouveau plan de bataille
Les contrôleurs appliquent de nouvelles méthodes pour lutter contre les fraudeurs.
D’un extrême à l’autre. Alors qu’il n’y a eu aucun contrôle à gare du Nord pendant huit ans - les contrôleurs faisant valoir, depuis les «émeutes» de 2007, leur droit de retrait - l’établissement qui gère les lignes H, K et le nord du RER B est aujourd’hui à la pointe en matière de lutte contre la fraude. «Nous voulons reprendre la maîtrise de notre territoire», résume Hélène Fèvre, nouvelle directrice de la sûreté à Paris-Nord.
Et l’occurrence, le «ninja en chef», c’est Mourad Fridi, chargé de «l’animation de la lutte contre la fraude», à Paris-Nord. Après avoir longuement analysé les comportements des fraudeurs du RER B, il a élaboré un plan de bataille qu’il s’apprête à dérouler ce lundi après-midi. C’est lui qui a pensé la plupart des nouvelles méthodes de contrôle désormais appliqués par les 120 contrôleurs de Paris-Nord et qui seraient, selon ses dires, «trois à quatre fois plus efficaces que les tactiques traditionnelles».
C’est à la gare d’Aulnay que Mourad retrouve son équipe, une quinzaine de contrôleurs et une dizaine d’agents de la Sûreté ferroviaire (Suge), qu’il dirige immédiatement vers le terminus du T4, où ils font barrage et contrôlent tous les passagers. Mourad est lui allé jusqu’au tram et, sur un ton très déterminé, invite les cinq passagers restés à bord, attendant que le tramway reparte dans l’autre sens, à rejoindre ses collègues pour se faire verbaliser... «Ça n’a l’air de rien mais il y a encore peu de temps, on serait restés au bout du quai. On peut aussi le faire parce que la Suge est avec nous sur nos opérations», explique Mourad, dont le «hameçonnage» représente le tiers des contraventions dressées sur ce seul contrôle.
«Abordage», «rasoir trois lames»... De nouvelles stratégies
Dès le lendemain de notre reportage, les contrôleurs montaient une nouvelle opération d’envergure, mobilisant 200 agents de sûreté et contrôleurs pour «boucler» toutes les gares, sur le RER B Nord. Cette méthode demande des moyens conséquents, comme le «bouclage» de la gare du Nord, qui lui nécessite 500 agents, mais elle est très efficace : en trois heures de temps, ils ont récolté 12 600 € d’amendes et dressé 1493 PV !
Mais ça n’est qu’une des nombreuses techniques mises en place par les contrôleurs de Paris-Nord. Ils nous en racontent quelques autres, qui sont redoutablement efficaces...
«L’abordage» : une centaine de contrôleurs se positionnent à toutes les entrées du’un même train, fermant ainsi toutes les issues.
Le «parcours fraudeur» : en collaboration avec les compagnies de bus, analyse des itinéraires alternatifs reliant les gares et les bus empruntés par les fraudeurs, qui s’ils échappent aux contrôleurs SNCF, tomberont sur ceux des bus.
Le «rasoir à 3 lames» : Contrôle trois jours de suite au même endroit pour décourager les fraudeurs calculateurs et leur faire acheter leur abonnement.
«Du premier au dernier train» : contrôle de l’ensemble des trains d’une ligne pendant toute une journée .
A peine le tram reparti, ils retournent vers les quais du RER B, en direction du Bourget, pour «une partie de cache-cache». Le gros des troupes se poste dans le tunnel qui relie les différents quais, tandis que Mourad et un agent de la Suge se mettent en position d’éclaireurs au milieu des escaliers menant vers les portiques, de manière à voir sans être vu... Il repère ceux qui passent derrière quelqu’un, ceux qui font demi-tour en l’apercevant (trop tard), les interpelle et court même les chercher, quand c’est nécessaire.
Dans le tunnel, les autres contrôleurs sont tous occupés à rédiger des PV à un rythme frénétique, tandis qu’ils laissent passer les autres voyageurs. «C’est le principal avantage de cette technique, elle permet de laisser les voyageurs honnêtes tranquilles», insiste Mourad, qui reste aux aguets en toutes circonstances. Il attrape d’ailleurs dans la foulée un jeune qui non seulement doit payer une amende de 50€ car il n’avait pas de ticket, mais aussi une autre, de 150€, parce qu’en voyant Mourad, il s’est retourné et a dit à sa copine «y’a les contrôleurs»...
La méthode est légèrement différente à la gare de la Courneuve/Aubervilliers. Ici les contrôleurs sont massés sur le quai principal, à la sortie de l’escalier qui y mène. Deux autres se trouvent eux à mi-hauteur, collés à un mur à l’abri du regard de ceux qui montent. Ils laissent passer les gens, à moins qu’une fois en haut de l’escalier, voyant tous les autres contrôleurs, ils ne rebroussent chemin... Dans cette gare, la plus «fraudeuse» du RER B, d’après la direction de Paris-Nord, la technique de la «nasse» est très efficace.
L’après-midi aura été productif : les agents ont dressé plus de 430 PV et réalisé près de 5 000€ d’encaissements directs, bien au-delà du «rendement» d’un contrôleur appliquant les méthodes habituelles. «En changeant de technique tous les jours, on espère décourager les fraudeurs calculateurs et les convaincre de s’abonner. Mais on sait qu’il y a aussi des irréductibles, qui même après s’être fait verbaliser dix fois, continueront de frauder», conclut Mourad Fridi.
leparichien