me coûte de penser qu'on aurait seulement des résultats à leur offrir.» L'entraîneur défend un jeu offensif, à risque, sans relâchement. Spectacle permanent donné en cadeau aux supporters, avec qui il entretient des liens privilégiés partout où il travaille. Lors de son passage à Marseille, l'entraîneur avait l'habitude de répondre, parfois par téléphone, aux courriers envoyés par les fans. Et avant de s'engager à Lille, l'Argentin a tenu à appeler un ultra historique de l'OM pour savoir ce que le peuple marseillais penserait de sa signature au Losc. À Rosario, à Bilbao, des fan-clubs chantent ses louanges.

Au Chili, dont il a profondément transformé le football, ce fut encore plus fort : on s'amuse à dire que le sélectionneur Bielsa (2007-2011) aurait pu y être élu président de la République. Son choix de vivre de manière rudimentaire au centre d'entraînement et son départ interprété comme un fait politique y furent pour beaucoup. Son intérêt pour les films chiliens, douce réminiscence de ses quatre belles années là-bas, n'a rien d'étonnant. «Dans un monde du foot manipulé par les intérêts commerciaux, Marcelo incarne une éthique, quelque chose de romantique, admire Luis R. Vera. Il est plus qu'un entraîneur parce que sa philosophie de jeu est en accord avec sa philosophie de vie. Le résultat, c'est qu'il exprime une façon de voir le monde. À la manière d'un réalisateur de cinéma.» La boucle est bouclée.

« En tout cas, peu d'entraîneurs ont autant conscience que lui du rôle social et politique joué par le football», résume le documentariste Gilles Perez. En 2013, le festival Thinking Football, organisé par la fondation de l'Athletic Bilbao, diffuse un film réalisé par Perez et Gilles Rof. Les Rebelles du foot retrace le combat politique de cinq footballeurs : parmi eux, le Chilien Carlos Caszely, courageux opposant au régime de Pinochet. Ce jour-là, Marcelo Bielsa est dans la salle, qu'il quitte en catimini à la fin de la projection. «Quelques mois plus tard, le président de la fondation nous appelle pour nous raconter que Bielsa a diffusé notre documentaire aux joueurs de Bilbao pendant le stage estival de préparation, sourit Gilles Perez. En leur disant : "Eux ont risqué leur vie. Vous, vous ne risquez rien. Alors, battez-vous !"» Ce n'est pas tout : ému par son histoire, l'entraîneur argentin se met alors en tête de trouver le numéro de téléphone de Carlos Caszely. Depuis, le Chilien a peut-être reçu, un matin très tôt, un surprenant coup de fil.