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Le Ballon d’Or ne vaut plus rien
Julien Momont (@JulienMomont) – Les débats étaient sympas, on s’est bien amusé, on a bien rigolé à essayer de se convaincre que Manuel Neuer pouvait remporter le Ballon d’Or. Mais maintenant, on peut arrêter de faire semblant, parce qu’il n’y a jamais eu l’ombre d’un doute. Les règles du scrutin sont désormais telles que le troisième couronnement de Cristiano Ronaldo était inéluctable. Le fruit d’un basculement décisif en 2010, avec le passage du trophée sous l’égide de la FIFA, quitte à en dénaturer complètement l’essence et s’engager à contre-sens d’une histoire soixantenaire.
Alors oui, l’attaquant portugais a marqué plus que quiconque. Il a affolé les compteurs en 2014 et il les affolera encore en 2015. Mais cela ne suffit pas (encore) à en faire l’égal, dans l’histoire du football, de Marco van Basten, Michel Platini et Johan Cruyff, qu’il a rejoints au nombre de sacres. Le temps qui passe embellit les souvenirs, mais ces derniers étaient bien plus qu’une simple addition de chiffres. Ils dégagaient et incarnaient bien autre chose.
Oui, Cristiano Ronaldo avait les meilleures statistiques en 2014. Mais les chiffres ne sont jamais porteurs de vérité absolue et doivent être pondérés. Le Portugais est passé au travers de la compétition majeure de l’année et n’a toujours rien gagné avec sa sélection. Surtout, en 2014, il n’a marqué aucun but décisif dans un match déterminant pour un titre. Ni en finale de la Coupe du Roi, ni en finale du Mondial des clubs. Il a certes inscrit un doublé en demi-finale retour de Ligue des Champions, à Munich, mais le score cumulé était alors déjà de 3-0. En finale contre l’Atlético (4-1), ses simagrées après son penalty sans enjeu, au bout de la prolongation, avaient fait sourire les moins virulents.
Nous ne sommes peut-être que des utopistes romantiques et idéalistes, mais ce Ballon d’Or pouvait être celui des hommes “de l’ombre”, si l’on peut dire, alors qu’ils ont tant brillé. Le chef d’orchestre du Real Luka Modric. Angel Di Maria, tellement plus déterminant que Cristiano Ronaldo dans le triomphe du Real en Ligue des Champions et autrement plus en vue au Mondial. Arjen Robben, aussi, qui a porté sur ses épaules l’attaque oranje et n’a jamais été aussi fort qu’en 2014. Mais, et ce n’est un secret pour personne, le Ballon d’Or ne reviendra jamais plus à ceux dont l’apport est avant tout collectif, plus difficile à capter par les analystes parce qu’il est bien moins quantifiable numériquement. On avait de toute façon fait une croix sur le sacre d’un Allemand. Au moins, Wesley Sneijder ne sera plus seul à pouvoir déplorer l’inanité du palmarès des années de Coupe du monde.
Dans un an, la mascarade recommencera. Quelques outsiders ressortiront encore du lot pour contrarier la suprématie du duel – tellement lucratif et tellement ancré dans les esprits qu’il vampirise tout le reste – entre Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Mais si rien ne change d’ici là, on ne sera encore pas dupe. Le Ballon d’Or n’a jamais été le trophée parfait, mais aujourd’hui, il ne veut vraiment plus rien dire.
TRUE STORY OF THE YEAR