Le PSG vend ses supporters pour s'acheter des client(e)s, les larmes amères de Jérôme Reijasse
Tu sors à peine du sommeil, ton corps n'a pas encore complètement accepté de réintégrer le monde des vivants. Tu allumes ton ordinateur. Une cigarette. C'est un mardi matin, ni plus horrible, ni plus lumineux qu'un autre. L'habitude, vite, s'impose. Sélection des mails, lecture rapide, re-cigarette. Là, deux messages d'un ami abonné au Parc des Princes. La chute, l'église qui brûle, les modernes qui ont lancé la dernière offensive. C'est presque officiel : l'année prochaine, plus d'abonnés au Parc, dans les virages, ainsi que dans ma tribune, la K, pareil pour la G. Pire: il semblerait que pour remplacer les ultras trop encombrants, le Club (plutôt les zombies qui nous servent de dirigeants) ait décidé de privilégier l'accès des tribunes aux femmes (des places gratuites pour elles !!!) et aux enfants. Je lis, je relis, encore et encore. Est-ce moi qui crie ainsi, de douleur et de stupéfaction, dans mon salon ? Il semblerait...
Voilà, c'est donc chose faite. On vient de demander à ma foi de ne s'exprimer que dans le cadre privé. On me laisse cependant un choix : ne plus venir au Parc ou accepter de m'abonner en tribune latérale (traduire : accepter de débourser 4 fois plus pour poser mon cul hémorroïdaire sur un siège en plastique, au beau milieu des touristes). Choix d'esclave, choix même pas cornélien. Notre époque est dégueulasse, vraiment. Elle n'a qu'une idée en tête : éradiquer les hommes, les castrer pour mieux les transformer en bêtes de foire, en Mickey désincarnés, en épaves ludiques, en culpabilisés inoffensifs. Notre président Lepoux, depuis sa prise de fonction, me semblait être l'homme de la situation. Ses discours sévères, ses prises de position courageuses, me l'avaient rendu sympathique, compétent. Tu parles ! Ce coup de poignard définitif, c'est lui qui me le donne là, tout de suite, dans mon salon, alors que je suis encore en caleçon. Les traîtres, les laborieux, les marchands du temple ! Je les hais, je les vomis maintenant, je les maudis. Avant, on balançait les Chrétiens dans les arènes et on lâchait les fauves. Le peuple se marrait, applaudissait, en redemandait. Rien n'a changé en 2010 : du sacrifice pour acheter la paix. Mais quelle paix ? A quel prix ? Exterminer (le mot est faible) le coeur et l'âme du Parc en un seul communiqué officiel, voilà la vérité, voilà la performance. Oh, j'entends déjà les associatifs, les résistants démocratiques, les politiques, les journalistes violeurs de symboles, le peuple dans tout ce qu'il a de plus méprisable, approuver cette mesure historique, les ânes, les ennemis, gavés de médias. Ils vont enfin pouvoir souffler, ils vont enfin pouvoir se rendre au Parc sans rien risquer, en toute tranquillité (je rappelle juste que les deux dernières victimes du PSG étaient des ultra, hein, comme ça, en passant...). Un Parc sans chant, sans tifo, sans ambiance, un stade quoi... Ils boufferont leur hot-dog le sourire en coin, les enfants s'endormiront paisiblement, les femmes hurleront les noms des joueurs les plus sexuellement attractifs. Ce n'est plus un tableau mais un cauchemar. Une négation, une antithèse, une trahison ! Colony, Lepoux, tous les autres ont donc du sang sur les mains aujourd'hui. En un clic, ils ont assassiné un esprit, une histoire, un peuple. Comme la ridicule Caroline Fourest qui rêve de transformer toutes les églises en musée, en lieu de pèlerinage pour les athées et leurs hordes de bien-pensants écoeurants, les pontes du PSG ont choisi : le vide plutôt que le tumulte. Quelle arrogance, quelle bêtise, quel sacrilège ! Messieurs, vous pensez ainsi vider le stade des quelques dizaines d'excités, tout en sachant que derrière, des milliers d'autres, comme moi, par solidarité, par foi, par dégoût, suivront. Vous pensez transformer le Parc en attraction, sans violence, ni rien ? Mais comment parviendrez-vous à imposer ce miracle ? Pensez-vous vraiment, en congédiant les supporters, remplir le Parc avec des consommateurs lambda ? Mais ces créatures modernes, elles, ne viendront que s'il y a de la star, s'il y a du foot proposé sur la pelouse... Nous, on a été là pour voir Mendy, Armand, Camara, Madar, Pouget, tous les monstres du PSG, ridiculiser le football et l'honneur. Mais on était là, pour toujours. Vous pensez peut-être aussi que la France est un pays assez sûr de sa culture foot pour emplir des arènes avec des béotiens ? Ah ah ah. Des femmes invitées, des enfants privilégiés, des tribunes pacifiées, des après-midi calmes, côté pelouse comme côté béton. Laissez moi rire (quand cette larme acide aura fini de couler sur mon visage de déjà fantôme, s'il vous plaît). Vous m'avez flingué, là, un mardi parisien, sans même me prévenir. Dans le dos, comme de bons démocrates qui se respectent. Vous voulez faire le ménage ? Vous avez confondu aspirateur et dynamite. Sacré et argent. Honneur et peur. JE SUIS MORT. Et avant de disparaître dans les brouillards de la tristesse, une dernière chose : Ici, ce n'est plus Paris. Ici commence la honte. Votre honte. O Dieu tout puissant, entends ma prière. Qu'il ne reste plus rien. Que tout ici s'éteigne. L'obscurité éternelle plutôt que la compromission. Charles Péguy a écrit: “Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite”. Je suis prêt. Et vous ?
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