LE PARISIEN (site internet)
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Vendredi dernier, 17 h 10, salon Rose. Comme tous les jours, la réunion se déroule, avant l’entraînement, dans le salon Rose du château de Clairefontaine, la résidence de l’équipe de France. Raymond Domenech et Thierry Henry viennent de terminer leur conférence de presse. Joueurs, staff, encadrement : tout le monde se retrouve alors dans cette grande salle de réunion autour de l’immense table ovale.
Au mur, des vieilles photos en noir et blanc rappellent quelques grands moments de l’histoire de l’équipe de France.
Dans quelques minutes, les joueurs vont participer au dernier entraînement avant le grand rendez-vous face à la Roumanie, le lendemain. Le sélectionneur prend la parole et se lance dans un monologue. Le ton est posé, comme d’habitude. Raymond Domenech ne hausse pas la voix. Il ne crie pas, ne se fâche pas. Pourtant, d’un seul coup, il surprend ses joueurs en critiquant leur comportement lors de la séance de la veille. « J’espère qu’aujourd’hui vous serez meilleurs à l’entraînement, dit-il en substance. Hier, je suis resté sur ma faim. Je n’ai pas vu des mecs qui avaient envie, qui étaient à fond pour préparer la rencontre importante de samedi. »
« Nous aussi, on s’ennuie pendant vos entraînements »
Les différentes sources qui nous ont raconté la scène évoquent le silence qui a suivi ces mots, l’atmosphère rendue tendue par cette provocation du sélectionneur. « C’était étrange. Personne ne s’attendait à ce qu’il attaque les joueurs comme cela. Il voulait les piquer dans leur orgueil. Il voulait une réaction de leur part pour qu’ils se donnent encore plus avant le match face à la Roumanie », confie un membre de l’encadrement. Seulement, le retour du boomerang est violent. « Raymond ne s’attendait pas du tout à ça », assure un autre témoin. « Ça », c’est la réaction des joueurs. Ou plutôt d’un joueur, le meilleur buteur de l’histoire des Bleus, le capitaine, le leader, celui qu’on écoute, qui montre l’exemple : Thierry Henry. Le Barcelonais prend la parole. « Coach, nous aussi on a quelque chose à vous dire. Là, je parle au nom du groupe. Nous aussi, on reste sur notre faim. On s’ennuie pendant vos entraînements. Cela fait douze ans que je suis en équipe de France, jamais je n’ai été dans cette situation. On ne sait pas comment jouer, où se situer, comment s’organiser. On ne sait pas quoi faire. On n’a aucun style, aucune idée directrice, aucune identité. Ça ne va pas », argumente Henry. Lui non plus n’élève pas le ton. Il ne cherche pas la confrontation, ni l’altercation avec le patron technique des Bleus. Il veut simplement lui dire le sentiment, ou plutôt le ressentiment, qui habite tout le groupe.
Les joueurs sont déçus, anxieux par rapport à ces qualifications pour le Mondial. Le spectre de ne pas aller en Afrique du Sud leur fait peur. Ils en parlent entre eux. Beaucoup. La pauvreté des entraînements mais surtout des causeries de Domenech les désespèrent, eux qui travaillent ou ont travaillé avec les plus grands entraîneurs du monde, de Ferguson à Wenger en passant par Ancelotti, Mourinho, Hiddink, Lippi et tant d’autres.
« Depuis que le coach est en place, on a toujours eu des difficultés… »
Déjà, lors de sa conférence de presse, quelques minutes plus tôt, Henry avait lâché une phrase lourde de sens, prémonitoire : « Depuis que le coach est en place, on a toujours eu des difficultés… » Publiquement en interne, Titi vient ainsi de remettre en cause les compétences et le leadership de Raymond Domenech à la tête de l’équipe de France.
Certains croyaient peut-être que l’ancien attaquant d’Arsenal n’était qu’un individualiste qui ne pensait qu’à lui, qui plus est à 32 ans et après avoir tout gagné. Il a démontré le contraire. Jamais, sous Domenech, un joueur n’avait osé le désavouer de cette manière. Le sélectionneur est sous le choc, comme en témoigne sa réaction après le couplet d’Henry. Le coach s’égare dans des explications… tactiques. L’encadrement des Bleus tentera peut-être aujourd’hui de minimiser l’incident. Cela ne servira à rien. La vérité est là. Henry et le groupe se sont désolidarisés du sélectionneur, même si les joueurs ont bien évidemment joué le jeu face à la Roumanie.