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James Rodriguez s'est engagé au Real Madrid. La star colombienne est en vogue, mais constitue-t-elle une nécessité dans l'effectif des champions d'Europe ?
Il aura donc fallu la magnificence d'une Coupe du monde pour que le Real Madrid retombe dans le plus originel de ses péchés. Un péché mignon, mais un péché quand même. Le film est vieux comme le monde. Un script palpitant, pas encore écrit, une belle histoire inopinée, et le bouleversement d'un destin pour une star propulsée sur l'autel d'une gloire nouvelle.
Avec son Oscar de meilleur artilleur, sa vista, son sens de l’esthétique et sa virtuosité technique, James Rodriguez a explosé au Brésil. Il n'est pourtant pas qu'un crack du présent. Parce que son passé est une genèse annonciatrice de son talent. Et parce que son futur sera grand, assurément. Mais ce Real incorrigible avait-il besoin de renforcer son effectif avec cette pépite appartenant à la caste des purs numéros 10 ? L’abondance de biens ne nuit pas, oui, mais à Madrid, l'adage n'a pas toujours été véridique.
Cette catégorie des meneurs de jeu axiaux est si racée qu'on ne se permettrait pas de juger la tentation, mais elle est en voie de disparition, aussi, et le club madrilène ne déroge pas à cette tendance. La saison dernière, il a conquis un vieux Graal, la fameuse Decima, en remportant la dixième Ligue des champions de son histoire. Cette prouesse fut une signature, dès la première année de l’ère Ancelotti. Le technicien italien a eu le mérite de constituer le puzzle idéal. Il a testé, longtemps, avant de voir poindre un équilibre, progressivement. Ses stars sont devenues complémentaires. Les connivences techniques sont apparues. Les complicités relationnelles se sont dégagées. Et les circuits préférentiels ont émergé. La définition-même d’une équipe, en somme.
Il y a fort à parier qu’Ancelotti n’altère pas ce schéma pour la prochaine campagne : Un 4-3-3, malléable grâce à la flexibilité des profils qui le composent, mais amené à durer dans le temps. Isco peut en attester. Le jeune prodige espagnol, débarqué l’été dernier avec le statut de grand espoir, n’a jamais trouvé sa place. Son profil a été galvaudé, broyé dans les prérogatives d’un système porté par le succès. Comme James, l’Espagnol avait pourtant tout les attributs du meneur de jeu axial.
Comment le Colombien va-t-il donc trouver sa place si Ancelotti conserve son projet ? L’arrivée du très coté Toni Kroos ne tend pas vraiment à résoudre le schmilblick. Pour conserver son poste de prédilection, James devrait évoluer à la pointe d’un milieu à trois, mais c’est un autre triangle, à pointe basse, qu’Ancelotti à composé pour équilibrer son entrejeu. Il réunissait Xabi Alonso, dans un rôle de quaterback naturel pour le stratège espagnol, et deux accélérateurs de jeu, Luka Modric et Angel Di Maria. L’un par la passe, l’autre par la percussion individuelle. Cet été, l’Argentin est sur le départ, et l’intégration de Kroos au cœur du jeu changera l’expression de ce milieu à trois.
James pourrait donc compléter cette ligne de rêve avec une position plus haute pour dessiner la perspective d’un milieu en losange derrière Cristiano Ronaldo et Gareth Bale, les deux flèches inamovibles de l’attaque madrilène. Mais cette optique engendrerait un système sans avant-centre, et sacrifierait donc Karim Benzema. Pour ses dispositions actuelles, déjà, mais aussi pour la relation étroite que le Français entretient avec ses deux compères d’attaques, l’hypothèse n’a rien d’une évidence. Les autres options, beaucoup moins plausibles, consisteraient à intégrer James dans le trio du milieu, ou dans celui de l’attaque, sur un côté. Mais le Colombien l’a déjà démontré dans sa jeune carrière, il ne s’inscrit pas dans le registre à la mode de ce type de détonateurs en "faux pied".
Dans le fantasme de ce paysage onirique, James devra forcer son destin. Madrid l’aime déjà, mais l’histoire reste à écrire. Le Real est tiraillé entre les vertus de sa légende et ses coutumes d'enfant gâté. Entre le rêve et la réalité. Il a gaspillé, parfois, en cédant à ses délicieux caprices. C’est le sens de son histoire. Mais un prix mirobolant ne sera jamais aussi désolant que le gâchis d’un immense talent.
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