« Je suis un hool »
La rédaction - Recueilli par Louis Chenaille - RMC.fr, le 04/04/2009
Document RMC Sport – Kévin C. est un supporteur de l’extrême. Un cogneur qui participe à des batailles rangées en marge des matches de foot. Témoignage d'un hooligan de chez nous.
J’ai toujours aimé cogner. La bagarre me procure du plaisir. A l’école, je cherchais la première occasion pour dérouiller quelqu’un dans la cour. J’allais me friter dès que je pouvais, d’abord seul puis rapidement en bande. Les week-ends, on allait mettre des coups dans les parcs d’attraction ou au retour des boîtes de nuit. La violence dans le foot, c’est arrivé plus tard. J’aimais aller au stade, soutenir mon équipe. Je chantais, je m’habillais aux couleurs du club. J’aimais les vibrations qu’il y avait dans les tribunes. Je suis allé voir les sites de bagarres sur internet, et à un moment je me suis rapproché d’un groupe. C’est à 16 ans que j’ai découvert mon premier fight. Cette année-là, j’ai participé à un déplacement à Saint-Etienne, j’étais le plus jeune du car. Je ne savais pas ce que j’allais voir. Je partais pour connaître. Ça a bagarré, c’était du sérieux. J’étais hyper impressionné par la violence et la vitesse du combat, ça n’avait duré que quelques secondes. Ça a été un kif énorme. Je découvrais qu’il y avait une vie où tu pouvais te battre sans limites. Une vie où la seule règle consistait à ne pas tabasser un mec qui était au sol. Pour le reste, c’était freestyle : pas d’arbitre, pas de partenaire, pas de temps de jeu. Rien. Juste frapper plus fort que le gars en face. Mais ça, si tu n’es pas hooligan, tu ne peux pas comprendre. Faut en être pour piger. Ma famille n’est au courant de rien. Ça fait des années que j’ai une double vie. Mes parents ne pourraient pas comprendre. Non, ce n’est pas possible de leur dire un truc pareil. Il n’y a que ma copine qui sait. Elle accepte ma vie d’hooligans. Mais j’ai connu d’autres filles qui m’ont demandé de choisir. C’était elles ou la baston. Je n’ai pas hésité. La bagarre, c’est plus fort que tout. C’est là que je me sens libre.
Aujourd’hui, c’est plus difficile d’être un hool. C’est devenu trop fliqué. Il y a trop de services spécialisés anti-hooligans. Ça s’est durci depuis trois ou quatre ans, et surtout après la mort de Quemener (le supporter du PSG Julien Quemener tué le 23 novembre 2006 par un policier, ndlr). Avec les RG (renseignements généraux), on peut parler. Ils observent, ils discutent. Bon, c’est vrai que derrière leur apparence cool, ils peuvent te coller une IDS (l’interdiction administrative de stade prévoit une sanction minimum de 3 mois et vise un auteur d’actes répréhensibles lors de manifestations sportives, ndlr). Mais au moins, avec eux, il y a du respect, et puis ce sont des gars qui connaissent le milieu hooligan. Ils savent comment s’y prendre. Ça n’a rien à voir avec les mecs de la PJ. Ceux-là , ils se la racontent. Dès qu’ils te voient, ils te tombent dessus. Ils ne calculent pas.
J’ai eu plusieurs IDS, et ça c’est très chiant. On te demande de pointer au commissariat à la mi-temps des matches de ton club, histoire d’être certain que tu ne vas pas au stade. Ça m’est arrivé d’attendre plus d’une heure avant d’être enregistré. C’est pire aujourd’hui parce qu’avant il suffisait de remplir une main courante, mais maintenant ils demandent un procès verbal. Franchement, je préfère une garde à vue, au moins c’est clair, je ne verrai pas le match plutôt que de pointer et rater la deuxième mi-temps. Sans parler qu’une fois, je n’avais pas pointé dans ma ville mais dans un commissariat de l’Est de la France , les policiers avaient oublié de faxer mon pointage, ce qui fait que j’ai été convoqué par le tribunal d’Instance et on m’a reconduit mon IDS… Leur truc, il n’est pas au point.
Certains hooligans, enfin des mecs qui se disent hooligans, vont pleurer leur mère auprès de la police pour avoir une escorte quand ils se déplacent. Ça, c’est n’importe quoi ! Ces gars-là, ce sont des tafioles. Quand t’es hool tu vas au contact. Franchement, les vrais, tu les trouves à Lyon, à Paris, à Lille et à Toulouse. Les Parisiens et les Lyonnais, ce sont des vrais et en plus ils sont nombreux. Paris, c’est la référence, tous les mecs à l’étranger veulent se mettre avec eux ; mais eux, c’est niet, ils ne veulent pas. Lyon, c’est là que tu as les plus durs, ils font du free fight, ils ont tapé les Anglais de Manchester United la saison dernière. En plus, ils sont politiques. C’est les mecs de la ‘Cosa’ et ceux des Bad Gones, le noyau dur des Gones. Ils sont d’extrême-droite comme l’étaient certains des Boulogne Boys. Des fachos, quoi ! Mais c’est une minorité, pas plus du quart des hooligans en France. Les Lillois et les Toulousains, c’est pas mal non plus. Les Parisiens filent un coup de main aux Toulousains. Les Lillois sont maqués avec les Belges. Comme les Sedanais, le sont avec Utrecht. Sinon, tu as des gars à Nantes, à Nancy et à Rennes, qui sont nickels, mais bon, là c’est du tout petit. De l’autre coté, t’as des hools qui font ça comme des ‘salopes’. Les pires, tu les as à Nice. Ces mecs-là, ils te sortent les couteaux, ils t’éclatent un type au sol à coups de brique ou de boots. Ils fightent avec les Italiens. Les Stéphanois et les Bordelais, ils sont avec Brescia, mais à part ça, c’est plutôt du genre à rester devant leur tribune, au lieu de venir te chercher. Des ‘merde’, quoi ! Quand t’es hool, tu vas chercher la baston. Si tu restes derrière, c’est que tu es là pour voir, si t’es nouveau, OK, mais si t’es là juste pour te montrer, tu ne vas pas rester longtemps dans le groupe. Un fight, ça dure trente secondes, un vrai hool, ça se voit tout de suite, t’as pas le temps de faire semblant.