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Le report d’OM-PSG provoque un inacceptable chaos
Le sulfureux OM - PSG a été reporté au dernier moment pour raison médicale (grippe A). Une première dans l’histoire du foot français. Les conséquences de cette décision sont catastrophiques .
C’est l’histoire d’une décision qui ne pouvait être bonne quelle qu’elle soit. En reportant OM - PSG pour cause de grippe A dans les rangs parisiens, la Ligue de football professionnel et son président, Frédéric Thiriez, essuient depuis hier une vague de protestations. A l’image de Patrick Menucci, le maire des Ier et VIIe arrondissements de Marseille : « Je suis scandalisé par l’annulation du match et très en colère contre la Ligue, qui ne réfléchit pas, dit l’élu.
Quand il y a dans la ville 2 000 supporteurs dont on connaît les habitudes, dont 500 ultraviolents, avinés et, pour certains, fascistes, on réfléchit un peu. Les forces de l’ordre, lorsqu’il s’agit de sécuriser un match, elles savent faire, mais quand vous envoyez en pleine ville, parmi les familles qui se promènent, ces énergumènes, c’est du grand n’importe quoi. » Robin Leproux, le président du PSG, stigmatise, lui, un premier diagnostic le maintien du match trop optimiste.
Casse-tête pour la sécurité
Ce n’était pas une décision mais un dilemme. Ou le match avait lieu, et des risques de santé graves selon les spécialistes pesaient sur les joueurs problèmes de complications cardiaques principalement , ou il était reporté, et le hooliganisme allait ressurgir, ce qui n’a pas manqué, avec une ville à sac par endroits.
Le report de la rencontre rappelle à quel point un OM - PSG reste un casse-tête majeur de sécurité, dépassant les strictes limites du football. Il est à parier que la tenue même du match aurait aussi conduit à des débordements. Grippe A ou pas, ce match-là rend toujours malade.
Dominique Sévérac
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LES ACTEURS DE LA POLEMIQUE
L’OM crie au complot
Le trio fait face au parterre clairsemé de journalistes, mais s’adresse en fait directement à Frédéric Thiriez et aux dirigeants de la Ligue de football professionnel (LFP). Jean-Claude Dassier, le président phocéen, s’assoit au centre. A sa gauche, le directeur sportif, José Anigo, serre les dents. A sa droite, l’entraîneur, Didier Deschamps, est rouge pivoine, c’est dire s’il est énervé !
« Ce report, c’est une décision que je qualifierais de tardive, de légère, et j’espère ne pas avoir à la qualifier de décision dangereuse, lance Dassier en préambule.
La Ligue nous avait garanti que le match aurait lieu, tout était sous contrôle… Enfin, je ne jette la pierre à personne. »
« Jouons mercredi ! L’équité sportive serait respectée »
Alors Anigo s’en charge : « A un moment, il faut respecter le club qu’est l’OM et ses supporteurs. L’effet tardif de l’annulation crée un vrai malaise, ça laisse dans la ville 2 000 supporteurs parisiens, ça provoque des incidents. Je crois que la sécurité des 60 000 spectateurs est au moins aussi importante que celle des 22 acteurs sur la pelouse. » Deschamps abonde : « La décision, elle devait être prise hier ! » Le cas de Jérémy Clément, à l’origine du report, interpelle. « Pourquoi a-t-il voyagé, au risque de contaminer ses partenaires ? s’interroge Anigo. Il est à l’hôtel, il joue aux cartes. Il y a un peu d’irresponsabilité. »
Si Dassier se refuse à croire en la « duplicité » du staff parisien et de Robin Leproux, Deschamps, toujours aussi scrupuleux, scrute déjà le calendrier : « Il y a une date qui est libre pour le report, le 2 décembre. Mais il est hors de question qu’on joue ce jour-là, cela ferait 10 matchs en 31 jours. » Anigo renchérit : « Le 2 décembre, notre CFA est libre. » Deschamps conclut avec une solution : « Le principe de précaution prévoit 72 heures sous Tamiflu pour les Parisiens. Donc je me dis, jouons mercredi ! L’équité sportive serait respectée. C’est une proposition, ce n’est pas une menace. »
Mathieu Grégoire
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« J’avais fait part de mes réserves à Thiriez ! »
ROBIN LEPROUX, président du PSG
Le président du PSG, Robin Leproux, jure avoir fait preuve de « transparence ».
Quel est votre sentiment après ce report ?
Robin Leproux. On ne peut pas le regretter. On nous a demandé de partir à Marseille après avoir eu les résultats de Giuly et Sakho (positifs à ce virus) . Samedi à 13 heures, quand est tombé le communiqué de la Ligue confirmant le match de manière assurée, j’ai appelé le président de la Ligue (Frédéric Thiriez) pour lui dire que j’étais très surpris qu’il soit si catégorique, parce qu’il y avait encore plein d’incertitudes sur la tenue de ce match.Il ne fallait pas dire aux supporteurs : « Descendez à Marseille, le match aura lieu. »
La Ligue a-t-elle selon vous été imprudente ?
J’avais fait part de mes réserves, parce que je n’étais pas « en ligne » avec cette certitude. J’ai cherché à être extrêmement transparent depuis le début, en donnant des informations aux médias pour les diffuser aux supporteurs. Dès qu’on a eu les résultats pour Ludovic et Mamadou, on les a donnés. On devait cette information à un public en train de déferler sur Marseille.
Pourquoi avoir amené Clément à Marseille alors qu’il avait le virus ?
Mais Jérémy était guéri. Il n’aurait contaminé personne. Quand on a deux joueurs positifs, la question est de savoir si l’ensemble du groupe est touché. On ne pouvait pas tester les vingt joueurs, et on a choisi Jérémy parce que lui était guéri. On en a testé trois, et les trois étaient positifs, donc le virus est dans tout le groupe.
Cela vous arrange-t-il de ne pas disputer le clasico ?
On a tous envie de voir ce genre de matchs. Mais là, on est dans un sujet sérieux, sur la sécurité et la santé des personnes. Le directeur sportif de l’OM dit que le PSG a mis la pression sur la Ligue pour ne pas disputer le match. Ce n’est pas le moment de créer une polémique entre les clubs.
Propos recueillis par D.O.
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Marseille a basculé dans la violence
Le gaz lacrymogène a mis du temps à se dissiper hier après-midi entre le Vieux-Port et la gare Saint-Charles. Le bilan des affrontements qui ont opposé dans le centre-ville de Marseille plusieurs centaines de policiers et des groupes de supporteurs marseillais et parisiens se chiffrait à une dizaine de blessés légers. Renversé par une voiture sur la Canebière, un supporteur parisien a été évacué dans un hôpital marseillais pour être opéré d’une jambe, mais son état n’inspirait hier soir aucune inquiétude.
Une dizaine de personnes, Parisiens et Marseillais, ont été interpellées et placées en garde à vue.
« Tout a commencé sur ma terrasse vers 16 heures, quand un groupe de Marseillais a fait une réflexion à des Parisiens qui étaient là en famille. Puis des groupes sont arrivés en masse et ont commencé à se battre », raconte Jacques, patron du bar le Marengo, à deux pas du Vieux-Port. « Vu comment ça s’est passé, je pense que c’était prémédité. C’est triste d’en arriver là pour un match de football. »
Sous les yeux de passants médusés, la situation a dégénéré en course-poursuite avec la police dans les ruelles du quartier de l’Opéra, avec jets de projectiles divers et tirs de flash-ball et de gaz lacrymogène. Une centaine de supporteurs parisiens, venus par leurs propres moyens, ont été isolés dans la rue Saint-Saëns, où ils ont été mis à l’abri des assauts de plusieurs centaines de Marseillais. Ils ont ensuite été évacués, encadrés par des CRS vers le métro et la gare Saint-Charles.
« Il y a eu des affrontements dans plusieurs points de la ville », a précisé Jacques Dallest, le procureur de la République de Marseille. Trois Parisiens qui avaient fait le déplacement en bus ont été interpellés sur l’aire d’autoroute de Peypin, qui a été en partie saccagée.
« Je suis très inquiet pour le prochain OM - PSG »
« On a caillassé les Parisiens, ils sont venus frapper les gens, raconte Kader, sa casquette de l’OM vissée sur la tête, ils n’avaient pas à venir faire les malins ici. » Entre 400 et 600 supporteurs parisiens ont été réunis sur l’esplanade de la gare Saint-Charles pendant que les gendarmes mobiles dispersaient les dernières vagues de jeunes Marseillais. Peu après 19 heures, les visiteurs ont embarqué dans des TGV, dont un spécialement affrété, en partance pour la gare de Lyon encadrés par 25 stewards du PSG. Deux supporteurs marseillais, dont un qui avait ramassé une pierre sur une voie, ont été interpellés.
« Cette décision de reporter ruine dix ans de travail avec le PSG, assure un proche de la direction de l’OM. Depuis plusieurs saisons, on avait réussi à faire des clasicos des rencontres plus sûres. Là, je suis inquiet, très inquiet pour le prochain OM - PSG. Je ne sais pas quelle sécurité on pourra garantir. C’est une catastrophe. »
Marc Leras (avec M.G.)
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« Vingt heures de bus pour rien »
OLIVIER CHERFA, de la section PSG Meuse
Ils ont rebroussé chemin le coeur en berne et en colère. Environ 2 000 supporteurs parisiens (1 300 dans des bus, 700 dans leurs propres véhicules ou par train) étaient attendus hier à Marseille. En milieu d’après-midi à mi-parcours pour certains, au point de rendez-vous pour d’autres (sur l’aire d’autoroute de Peypin, près d’Aix-en-Provence) , ils ont été invités à faire demi-tour, les autocars étant placés sous escorte policière.
« Je suis très en colère, raconte Olivier Cherfa, responsable de la section PSG Meuse, venu en bus avec 41 autres personnes. On s’est levés à 3 heures du matin et la plupart d’entre nous avaient pris une journée de congé demain (aujourd’hui) . Mes adhérents ont payé 60 € pour ce déplacement, et j’ai loué le bus pour 2 800 € . On nous prend pour des c… J’en veux à Ligue mais j’attends aussi du PSG un remboursement de nos frais ! Quand je les ai appelés hier (samedi ), le club m’a certifié que le match aurait lieu. C’est un manque de respect. »
Les passagers de son bus ont très mal vécu d’être arrêtés sur le chemin du retour, peu avant Lyon, puis escortés par une voiture de gendarmes. « C’est inacceptable d’être raccompagnés de cette manière, poursuit Olivier. On a l’impression d’être des pestiférés. » Les 42 supporteurs devaient arriver à destination hier soir, aux environs de minuit. « Plus de vingt heures dans un bus pour rien, souffle Olivier. Le PSG, c’est toute ma vie. Mais là, c’est vraiment dur, très dur… »
Sylvie De Macedo
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Report d’OM - PSG
Questions autour d’un fiasco
Sportivement, le report de la rencontre ne manque pas de poser de vrais problèmes de calendrier.
Combien de joueurs du PSG sont-ils porteurs du H1N1 ?
Il existe aujourd’hui trois cas avérés : Ludovic Giuly, Mamadou Sakho et Jérémy Clément, et de forts soupçons concernant d’autres éléments de l’effectif.
Loris Arnaud présente les mêmes symptômes et doit rapidement passer des tests. Un membre de l’encadrement, le préparateur physique, est également souffrant. C’est à l’issue de la quarantaine de l’équipe que d’autres cas se déclareront éventuellement. Très contagieuse, cette grippe pourrait contaminer l’ensemble de l’effectif rapidement.
Le match Sochaux - PSG est-il aussi menacé ?
A l’issue de sa quarantaine, le PSG reprendra l’entraînement mercredi, matin ou après-midi. Avec combien de joueurs valides ? Personne ne peut le savoir à l’heure actuelle. En imaginant qu’aucun nouveau cas ne se déclare d’ici là et que les malades soient remis, reprendre mercredi est-il suffisant pour jouer le prochain match, dimanche, à Sochaux. « On n’a pas joué ce week-end et je ne retrouve mes joueurs que mercredi, s’inquiète Antoine Kombouaré. Ce qui me gène le plus, c’est la préparation de cette rencontre. » Hier, on se montrait d’ailleurs pessimiste dans le camp parisien sur la tenue de ce match dans le Doubs.
Quand cet OM - PSG sera-t-il rejoué ?
C’est un casse-tête incroyable. Avec la Ligue des champions en milieu de semaine, le calendrier de l’OM est infernal jusqu’à la trêve (une semaine de vacances à partir du 24 décembre). L’OM demande carrément à rejouer ce mercredi… le jour où les Parisiens vont reprendre l’entraînement ! Frédéric Thiriez va saisir aujourd’hui la commission des experts, présidée par le Pr Rochcongar, pour réfléchir à une nouvelle date pour le match Marseille - Paris SG. Il reviendra ensuite, après cet avis, à la commission des compétitions de la Ligue de fixer cette date. Il serait possible de disputer le match le 2 décembre, mais Marseille n’en veut pas à quelques jours de recevoir le Real Madrid. Reste un créneau, a priori possible à moins que la Fédération française ou l’UEFA ne s’y opposent : la semaine de Eire - France, en programmant OM - PSG le mercredi 11 novembre, quatre jours avant la rencontre aller des Bleus. Seul Steve Mandanda est concerné par les barrages, aucun autre joueur de l’effectif marseillais ou parisien n’est susceptible de participer aux quatre matchs prévus (Eire - France, Portugal - Bosnie, Russie - Slovénie et Grèce - Ukraine).
Quelle est la position de Canal +, le diffuseur ?
La chaîne a pris « acte de la décision de santé publique ». Mais Cyril Linette, directeur des sports du groupe Canal +, précise : « Nous souhaitons que la Ligue prenne en compte les intérêts des abonnés de Canal + quand elle fixera la date du match. » En clair, que le match se déroule un dimanche soir. Son préjudice financier est considérable : une centaine de collaborateurs étaient à Marseille pour ce choc qui a fait l’an passé une des trois meilleures audiences.
S.D.M. et D.S. avec A.H. et D.O.
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En quarantaine avec le PSG
Il est 19 heures quand le bus du PSG, escorté de neuf fourgons de CRS, franchit enfin les grilles de l’hôtel Pullman de Marignane, que les joueurs n’avaient plus quitté depuis vingt-quatre heures. Tous, à l’exception d’Antoine Kombouaré, portent un masque. Cette image presque surréaliste clôt un séjour que les Parisiens n’oublieront pas.
La matinée s’était pourtant déroulée de manière classique, avec l’habituelle causerie d’avant-match.
Rentrer au plus vite
C’est vers 14 heures que le bruit du report du match parvient lentement aux oreilles du PSG. Un joueur l’apprend même de la bouche du réceptionniste… Mais personne ne reste confiné dans sa chambre. Les Parisiens, dont Loris Arnaud, probablement atteint à son tour par la grippe A, déambulent dans l’hôtel sans protection sur le visage. Certains prennent un verre au bar, d’autres jouent aux cartes. Les autres clients de l’hôtel ne s’affolent pas. « Je veux bien être contaminé, sourit un pilote d’Air France, cela me fera un congé maladie ! »
Pendant ce temps, l’intendant du club tente de trouver un moyen de ramener le plus vite possible l’équipe à Paris. Finalement, l’avion de la compagnie Blue Line affrété par le club, qui devait décoller à minuit trente, après le clasico, accepte de partir à 19 heures. En fin d’après-midi, quelques joueurs commencent à porter le masque. Sylvain Armand est l’un des premiers. Un couple de Parisiens venu spécialement pour le match explique à Armand qu’ils sont impressionnés de le voir ainsi. « N’ayez pas peur », tente de les rassurer ce dernier. Le personnel de l’hôtel explique aux clients curieux que les chambres des Parisiens ne seront pas relouées avant d’être désinfectées. « Certains de mes joueurs craignent de contaminer leur épouse enceinte ou leurs enfants, reconnaît Kombouaré. Et, à l’hôtel, je voyais bien que les gens avaient envie qu’on reparte vite… »
Christophe Bérard (avec A.H.)
leparisien.fr