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Govou: « Je n’aime pas cette gestion humaine »
SIDNEY GOVOU, marqué par le retrait du brassard, n’apprécie ni la façon dont l’OL le traite ni le fonctionnement de Claude Puel. Et annonce qu’il partira en fin de saison.
Il avait quelque chose sur le cœur et se retenait depuis de longues semaines. Il n’avait pas voulu parler avant le huitième de finale de la Ligue des champions face au Real Madrid (1-0, 1-1, 16 février et 10 mars) pour ne pas perturber l’élan retrouvé de l’OL. La qualification acquise, Sidney Govou s’est confié, hier à L’Équipe, comme on se libère d’un poids.
LYON –
de notre envoyé spécial
« DEPUIS LA TRÊVE, vous acceptiez de parler seulement de l’équipe de France. Pourquoi ce silence sur l’OL ?
– Parce que je n’étais pas en accord avec un certain nombre de choses. Parce qu’on m’a retiré le brassard et qu’après, c’est facile. On m’enlève le brassard et, quand l’équipe ne va pas bien, on veut m’envoyer au front, en conférence de presse, parce que j’ai de l’expérience et que je saurai dire ce qu’il faut ? Là, ça m’a gonflé. Il y a eu des gens et des choses que je n’ai pas eu envie de défendre. Je me suis dit qu’ils n’avaient qu’à envoyer quelqu’un d’autre à la guerre.
– Reprenons dans l’ordre. Pour le brassard, tout est parti de l’information sortie sur votre soirée festive au Grand Prix de tennis de Lyon (1).
– Personnellement, ça m’a fait mal.
– Pensez-vous que le club est à l’origine de la fuite ?
– Quand une réunion de cinq personnes se tient sur le sujet et que l’information sort dès le lendemain sans que je sois au courant (2), c’est que quelqu’un a parlé. Avant que je sache qu’on me retire le brassard, c’est déjà dans le journal. Qu’on sache que je suis sorti, c’est une chose. Mais qu’on connaisse la sanction avant moi, c’est que l’une de ces cinq personnes a parlé. Enfin, je dis cinq au hasard, c’est peut-être quatre, ou trois.
– Le problème, dans cette affaire, c’est que vous êtes coupable.
– Mais je l’assume, cette culpabilité ! Je suis peut-être plus exposé que d’autres, mais... (Il réfléchit.) Dans un club, on dit qu’on se protège les uns les autres. Moi, je n’ai pas eu le sentiment d’être protégé. Curieusement, j’ai joué le lendemain, puis quatre jours après, et, sportivement, ça n’a pas eu de conséquences. Du coup, je ne vois pas la logique.
– La logique était de vous sanctionner personnellement, mais de ne pas punir l’équipe par votre absence.
– Alors, il ne fallait pas le faire de cette manière.
– Est-ce que cela a eu une influence concernant l’arrêt des discussions sur votre prolongation de contrat ?
– J’ai envie de dire oui. Et en même temps non. J’ai l’impression qu’on n’ose jamais me dire les choses ici. On passe souvent par de tierces personnes pour dire les choses, en bien ou en moins bien. Quand on me dit : “Va voir le président”, c’est comme ça, jamais directement.
– Êtes-vous allé le voir ?
– Non.
– Il a demandé à vous voir ?
– Non. De toute façon, j’ai pris ma décision depuis un certain temps.
– De partir ?
– Oui, à la fin de mon contrat, en juin.
– Vous êtes-vous senti retenu ?
– Non, pas spécialement. Enfin, cela dépend par qui. Autour du club, et dans le vestiaire, je sens que les gens ont envie que je reste. Il y a des joueurs qui sont venus me voir pour me dire que, si je partais, cela allait faire bizarre. Et, quand ils insistent, quand ils disent que ça les fait chier que je parte, je me dis que, finalement, je suis peut-être un joueur important. Ou apprécié, du moins.
– Il y a Vercoutre, Toulalan...
– (Il coupe.) Rémi, c’est mon ami. Je comprends que ça l’embête, il n’y aura plus personne pour rire de ses conneries. Mais “Toul” m’a dit ça, aussi, et ça m’a touché. Je sais qu’il a vu le président et le coach. Lorsqu’ils lui ont demandé quel était le joueur le plus écouté, il a dit que c’était moi. C’est comme ça, ça les aurait arrangés que ça ne soit pas moi, mais il ne fallait pas poser la question. (Sourires). Mais bon, je suis le plus ancien, c’est un peu normal qu’on m’écoute.
– Rester à Lyon, c’est inimaginable, maintenant ?
– Complètement. Même si je sais qu’il ne faut jamais dire de trucs comme ça. Mais je ne vois pas ce qui pourrait me donner envie de rester.
– Vous êtes libre de signer. Vous l’avez fait ?
– Non. Et si je ne sais pas où, le champ se réduit.
– À Paris ?
– Le PSG fait partie de mes envies, mais il a d’autres problèmes en ce moment que de savoir s’il a envie de moi ou pas.
– Vous sentez-vous poussé dehors ?
– Je l’ai été par le passé, clairement. On me l’a dit. Ils ne l’ont pas dit publiquement, mais à moi, ils me l’ont dit. Comme l’année où ils voulaient que je parte à Porto parce qu’ils voulaient faire venir Quaresma. J’avais dit non. Cette fois, c’est différent. Je pense qu’eux comme moi on a compris qu’il était peut-être temps que ça s’arrête. (Sourires.)
– Vous avez quitté votre agent Frédéric Guerra en décembre 2008. Vous êtes revenu vers lui ?
– Là-dessus, il a été écrit tout et n’importe quoi. On a discuté, mais mon point de vue n’a pas changé : je n’ai pas d’agent, pas de contrat signé avec qui que ce soit. Mais Fred m’a dit qu’il pouvait m’apporter telle et telle chose, et je lui ai dit O.K., on se tape dans la main, si tu me les apportes, on le fera ensemble. Tous les deux, on n’a pas besoin d’un papier.
– Vous vouliez attendre les deux matches face au Real pour parler...
– C’est une question de respect. J’aurais pu parler plus tôt. Mais, en décembre, l’équipe allait mal et je ne voulais pas envenimer les choses. Il ne sert à rien de dire n’importe quoi au mauvais moment. Après, il y avait le Real. Je me dis que j’ai bien fait d’attendre. (Sourires.) Et puis, avec le temps, je me suis calmé. Il y a trois semaines encore, j’étais beaucoup plus énervé.
– Vous avez parlé avec Puel de l’histoire du brassard ?
– Non.
– Jamais ?
– Non. Ce qui me dérange le plus, c’est que cela s’est passé dans une causerie avant l’entraînement : il a dit que je n’étais plus capitaine, devant tout le monde. Il m’a dit : “Tu sais ce que tu as fait.” Cela a duré cinq secondes, mais 90 % des joueurs ne savaient pas pourquoi, ils n’avaient aucune idée de ce que j’avais fait.
– Quels sont vos rapports avec Claude Puel ?
– Je n’ai pas de rapports, c’est aussi simple que ça. Je suis un joueur de l’OL, je fais mon métier, je fais ce qu’il me demande, ça s’arrête là.
– Mais vous avez de l’influence. Les joueurs ont beaucoup parlé de votre causerie, au Real...
– J’ai juste dit ce qui n’avait pas été dit avant : que, si le Real menait rapidement 1-0, il ne fallait pas s’affoler. C’était pour rassurer. Je sentais que le début de match allait être compliqué. Après, quand Ronaldo a marqué, peut-être que certains s’en sont souvenus. Mais le coach en avait peut-être parlé, lui aussi, avec ses mots. Moi, c’étaient plus des mots de joueur, d’avant match.
– Compte tenu de votre ancienneté, est-ce que vous pouvez apparaître comme un contre-pouvoir aux yeux de Claude Puel ?
– Peut-être plus qu’avant, oui. J’en suis arrivé à cette conclusion. Pourtant, je n’irai jamais à l’encontre de ce qui peut nous faire gagner, jamais ! C’est impossible, pour moi, de jouer contre l’entraîneur. Paradoxalement, quand il y a un souci entre un entraîneur et les joueurs, je suis plutôt le gars qui va arrondir les angles, même si, au fond de moi, je n’en ai pas envie.
– Son style de management, qui le pousse à tout contrôler, est-il usant ?
– Oui. Ça peut être efficace avec certains, mais moi, je n’aime pas cette gestion humaine. Je m’y plie, je fais partie d’un groupe, et je sais qu’on ne peut pas laisser faire n’importe quoi aux joueurs. Mais je regrette le manque de discussion. On n’a pas besoin de savoir tout ce qui se passe dans le groupe, ce serait fatigant, mais il y a des façons d’intéresser un joueur à la vie d’un groupe. Avant, la responsabilité était mieux partagée, et plus de monde s’impliquait, du staff à la laverie, pour qu’on réussisse le week-end. Ce côté-là m’allait bien. Là, cette façon de tout contrôler, ce n’est pas moi, je me sens moins bien à l’intérieur. Mais, si ça me va moins bien, je suis conscient que c’est peut-être mieux pour les autres ! Globalement, cela a plutôt marché.
– Et avec Cris, avez-vous parlé du brassard ?
– Non plus.
– Il y a beaucoup de non-dits dans une équipe.
– Oui, c’est comme ça. Mais, avec Cris, c’est autre chose. Il avait le brassard avant, il pensait le mériter, il l’avait dit, et cela n’a rien changé à nos rapports.
– À quand remonte votre dernière discussion avec Jean-Michel Aulas ?
– En septembre... Non, fin novembre, pour une discussion d’homme à homme. C’était... instructif.
– C’était juste après qu’il a dit qu’il souhaitait vous aider, après l’incident du Grand Prix de tennis ?
– Oui, c’était ça. Franchement, ça m’a bien fait chier, et plus que chier. Il a reconnu qu’il n’avait pas employé les bons mots. Mais il n’y avait plus rien à faire, il l’avait dit.
– Vous êtes depuis dix ans au club (il aura trente et un ans en juillet) et vous semblez toujours maintenir une sorte de distance.
– Cela doit venir de moi. Il y a des choses que je ne fais pas. J’aime ce club, mais pas montrer mon amour : entre nous, joueurs, on sait bien que ça sonne faux, la plupart du temps. Et puis, c’est mon caractère, parfois je suis un peu sauvage. Ce n’est pas l’idéal dans un club où il vaut mieux clamer les choses haut et fort pour espérer un retour. Mais moi, je veux juste prouver sur le terrain. »
L'Equipe