Etes-vous « nomophobe »?
Paris (Xe ), hier. Les possibilités des smartphones (téléphoner, mais aussi utiliser des applications en tout genre, écouterde la musique, mettre à jour son profil sur les réseaux sociaux...) rendent de plus en plus de gens dépendants. ( (LP/DELPHINE GOLDSZTEJN.) )Vous êtes inquiet lorsque votre téléphone portable n’est pas à portée de main? Votre cœur fait des bonds lorsque vous vient la seule idée de perdre votre mobile? La moindre faiblesse de réception, ou la batterie qui flanche, vous rend fébrile? Alors vous êtes probablement atteint, vous aussi. En tout cas, vous montrez quelques-uns des symptômes évocateurs de l’une des grandes névroses de l’ère multimédia : la nomophobie.
Une maladie galopante et universelle, à en juger par l’étude qui vient d’être publiée et qui a été menée en Angleterre, terre natale de cette « pathologie » ainsi diagnostiquée pour la première fois en 2008. Selon cette enquête réalisée auprès d’un millier d’utilisateurs par une société britannique spécialisée dans la sécurité des mobiles, deux tiers (66%) des sondés s’avouent « très angoissés » à l’idée de perdre leur téléphone, et surtout plus de trois quarts (76%) des jeunes de 18 à 24 ans. Beaucoup ont toujours une roue de secours : 40% des personnes interrogées ont indiqué posséder deux téléphones portables!
Le mobile est devenu une sorte de doudouSauf que cette dépendance déclenche des comportements anxieux qui menacent de remplir les cabinets des psys. Avec l’arrivée des smartphones et la multiplication des forfaits illimités, qui vous permettent de surfer sans compter, d’envoyer des SMS par millions, de regarder la télévision, acheter des voyages ou chatter en continu sur les réseaux sociaux, les spécialistes des nouvelles technologies ne voient aucune limite à l’addiction. D’ailleurs, de notre côté de la Manche, le tout dernier sondage, réalisé le mois dernier par la société Mingle auprès de 1500 utilisateurs, montre que 22% des Français jugent « impossible » de passer plus d’une journée sans leur portable. Et ils sont 34% chez les 15-19 ans. A peine moins « addicts » que les Anglais, les Français sont tout de même 49% à affirmer qu’ils pourraient y survivre sans difficulté. Ce sont sans doute les seuls à respecter les Journées sans portable inventées par l’écrivain Phil Marso il y a une dizaine d’années, affolé qu’il était par l’obsession de son entourage pour cet « outil qui déshumanise ».
Faut-il pour autant y voir une véritable « phobie »? Pour Didier Rougeyron, écrivain, auteur du « Dictionnaire divertissant et culturel des phobies » (Ed. Grancher), c’est un peu exagéré d’un point de vue strictement clinique : «
Cette peur du manque est plutôt névrotique que phobique. C’est la crainte d’être dépourvu d’un objet grigri, un peu doudou », estime celui qui trouve que l’on « met parfois du suffixe phobie à toutes les sauces ». «
Il y a une vraie mode à mettre de la phobie partout, ça traduit une angoisse profonde de la société », souligne-t-il. «
Les phobies appartiennent à une époque, elles peuvent cristalliser l’angoisse profonde par rapport à un objet. Elles peuvent disparaître puis réapparaître. »
En attendant qu’elles disparaissent, les employés des boutiques de téléphonie mobile voient en tout cas tant de « spécimens » qu’ils ont désormais leur blog, où s’épancher des scènes cocasses auxquelles ils assistent. «
Les clients sont de plus en plus accros à leur portable et leurs comportements sont stupéfiants, hilarants et parfois désespérants », explique Agnès Niedercom, cofondatrice du blog Histoiresdeportables, témoin du «
lien quasi charnel » que chacun de nous peut développer avec son téléphone.