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Lavenu, de si loin
Le manager de la formation AG2R La Mondiale, qui domine ce Tour, dirige une équipe depuis vingt-trois ans. Une longévité unique qui n’a pas été sans heurts. Portrait d’un coriace.
CE MATIN, Vincent Lavenu va s’installer derrière le volant d’une des voitures d’AG2R La Mondiale. Avec, toujours, ce frisson des jours de bataille. La radio qui crachote, les encouragements gueulés à la portière, les bidons tendus… « Je ne suis pas du genre à boire du champagne à l’arrivée avec les officiels, se marre-t-il. Moi, ce que j’aime, c’est sentir l’embrocation, voir tourner les jambes d’un coureur. C’est ça ma vie, c’est le vélo. »
Lavenu n’a ni la gouaille communicative d’un Marc Madiot ni la fibre sentimentale d’un Jean-René Bernaudeau. Ni leur palmarès de coureur non plus. Justement. C’est sans doute dans ces années de labeur, dans ces longues saisons de démerde et de sacrifices, dans ces fins de mois de bouts de ficelle, que le natif de Briançon a puisé l’essence de sa deuxième carrière, celle qui en fait une figure unique du peloton français. À cinquante-huit ans, il dirige une équipe professionnelle depuis vingt-trois saisons. Sans interruption. Un cas d’école.
Ce jour-là, il reçoit au service course, à La Motte-Servolex, en banlieue de Chambéry. Tout au long du couloir qui mène à son bureau, les photos de ses équipes. Au passage, il raille ses coupes de cheveux, ses costumes désuets, ses cravates bigarrées. Pointe du doigt des coureurs, des membres du staff, ravive les souvenirs, les jours de gloire, les espoirs envolés : « Kirsipuu, mon guerrier » , « Vino, le plus gros moteur » , « Scanlon, un talent incroyable juste pas fait pour ça.» Puis, en se retournant : « Ces gars ont fait notre histoire parce qu’à un moment, ils ont cru en moi. Quand quelqu’un intègre l’équipe, j’aime qu’il sache d’où on vient.»
Toute dorée qu’elle paraisse, la trajectoire de Lavenu a pourtant souvent opté pour le détour, flirté avec l’incertitude, combattu les vents contraires. «Je suis devenu un chef d’entreprise mais jamais je ne renierai mes origines de sportif, dit-il. Si je suis là, c’est parce que j’ai décidé un jour de monter sur un vélo. Ça a été compliqué mais j’y ai toujours trouvé du bonheur.»
Cette carrière de coursier, elle est née à Briançon, où, dès qu’il se lève, le regard est aimanté par les sommets alentour. L’Izoard, le Lautaret, une étape où son équipe s’est encore montrée hier. Et làhaut, tout là-haut, le Galibier. Comment, dès lors, ne pas se sentir des ailes ?
Pourtant, Lavenu va batailler. À vingt ans, il arrête ses études de comptabilité. Quand il ne court pas la prime, il est chauffeur-livreur, travaille dans une usine de cycles, devient vaguemestre. «Je n’étais pas un grand coureur », avoue-t-il. Mais sa route croise celle de Pierre Rivory, figure du cyclisme forézien, qui lui offre un contrat à l’UC Pélussin. Il a vingt-sept ans. Il est professionnel. Enfin. Suivront neuf saisons de hauts, rarement, de bas, souvent. « On était presque livrés à nous-mêmes, on prenait la voiture et on partait courir un peu partout, se souvient Laurent Biondi, équipier d’alors et inamovible frère d’armes. On faisait chambre ensemble, on a partagé des bons moments mais aussi des petites galères. Il fallait se battre et on s’est bien trouvés, on ne lâchait pas le morceau. » En pensant à ces années, Lavenu refuse, lui, d’y voir le moindre tourment: «Je ne suis pas masochiste, je me suis fait d’abord plaisir. Mes amis me disaient : “Arrête Vincent, ça ne mène à rien !” Une de mes qualités, c’est d’être tenace. Malgré tout, j’ai couru le Tour (en 1989). Gamin, ma grand-mère disait : “Ce petit, il fera le Tour de France !” Sa fille Magali, qui travaille à ses côtés depuis 2005, confirme : « Depuis toute petite, j’ai cette vision d’un homme qui ne se décourage pas. Ça n’est pas un optimiste, juste un persévérant. Ça lui vient de l’enfance, il a toujours fallu qu’il cravache, son père est parti. Il ne le dira jamais mais pour nous élever, il a galéré, à faire des critériums à l’autre bout de la France pour gagner trois francs six sous.»
Cette première carrière pose les fondations de la deuxième. Comme il a toujours vécu dans la certitude de lendemains qui déchantent, Lavenu a préparé l’après. Alors, fin 1990, il troque le cuissard contre un attaché-case. À l’intérieur, un projet d’équipe, «dix coureurs, des jeunes, le couteau entre les dents. » Et ça marche. Alain Chazal, charcutier-traiteur jurassien, dit banco. À ses côtés, Vanille & Mûre, une marque de parfums pour enfants, amène 40 000 francs (6 000 euros !) et Vetta, des accessoires pour cycles, boucle la boucle. Lavenu vient d’en prendre pour plus de vingt ans. Vingt-trois saisons nées dans l’artisanat bon enfant, poursuivies dans la course à l’armement la plus excessive puis dans une ambition raisonnée.
Là encore, il va affronter des tempêtes. Qu’il a parfois semées. Dans sa quête de reconnaissance, il se montrera parfois assez peu clairvoyant. À l’image de tous ses collègues, peu enclin, à l’époque, à regarder là où ça fait mal. Et il va payer, souvent cash.
Lors du Tour de France 1998 estampillé Festina, des produits interdits sont trouvés dans la chambre d’hôtel de l’Italien Rodolfo Massi, l’un des leaders de l’armada Casino (65 victoires cette année-là !). Lavenu part entre deux policiers et sera entendu trois heures. Au départ du Tour 2006, le nom de l’Espagnol Francisco Mancebo, engagé pour assurer à ses couleurs une place dans le Pro Tour, est cité dans l’opération Puerto. Et l’an dernier, les contrôles positifs de Steve Houanard et Sylvain Georges le forcent à suspendre son équipe pour le Dauphiné, sa course chérie. À chaque fois, il va se relever. « Quand un mec a fait une connerie, tu te sens trahi, ton image est salie, ton histoire aussi. Malgré tout, la passion reprend le dessus. Mais je sais que tout cela est fragile.»
Alors, pourquoi le fil ne s’est-il jamais rompu ? « On vit dans un monde où on peut se retrouver en face de grands sourires mais sans engagement solide, explique Lloyd Mondory, qui a fait toute sa carrière chez AG2R. Vincent, c’est tout le contraire. Au début, il m’a donné sa parole alors que j’étais blessé et jamais il ne l’a reniée. » Lavenu serait donc un patron à l’ancienne, un patriarche pour qui l’humain régit toute relation. Quitte, parfois, à l’être trop : «Bien sûr, il y a des clashes et quand il pousse une gueulante, ça s’entend, avoue sa fille. Mais quand il faut trancher, être un peu intransigeant, il a du mal.» Yvon Breton, le patron d’AG2R La Mondiale, affine le trait : « Quand il est face à des coureurs en fin de contrat ou quand il doit annoncer la sélection pour le Tour, ça lui retourne les tripes. Il pense à ceux qu’il va laisser sur le bord de la route. C’est ça, Vincent, quelqu’un d’une honnêteté intellectuelle et d’une fidélité sans faille.»
Lavenu aurait donc trouvé l’alchimie idéale, paternaliste ce qu’il faut, meneur d’hommes ce qu’il faut, à l’écoute, toujours, borné, jamais ? Pourtant, le boss est omniprésent, omniscient. Quitte, parfois, à vampiriser l’affaire. « J’ai un caractère bien trempé mais je pense que je sais écouter, partager et déléguer. Seul, je n’y serais jamais arrivé. Moi, je trace le sillon et, autour, tout le monde oeuvre pour que la récolte soit bonne. » Sa fille renchérit : «Il arrive à faire confiance même si, naturellement, il a du mal. L’équipe est dans sa tête jour et nuit, il la porte sur ses épaules. Vivre à cent à l’heure, c’est son truc. Ralentir lui fait un peu peur.»
Pour le moment, il ne s’est pas fixé de limite d’âge. Mais il avoue que «d’ici deux ou trois ans, il sera peut-être temps de passer la main.» Et de profiter de ses deux plus jeunes filles (6 et 8 ans). En attendant, il continue de vibrer au volant de sa voiture. Comme ce jour d’été, à la Clasica San Sebastian. Sur le siège arrière, un jeune homme invité par un partenaire. Qui, quelques années plus tard, deviendra professionnel chez AG2R. Au moment de parapher son contrat, il avouera à son nouveau patron que c’est sa passion, ce jour-là, qui lui avait fait penser que la maison Lavenu était faite pour lui. C’était Romain Bardet.
La meilleure equipe de GT francaise depuis quelques annees, juste pas assez copine avec les medias francais je crois. Et elle a le tort de ne pas viser que le TDF.
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Hier matin, au départ, Alejandro Valverde est venu trouver Thibaut Pinot pour s’excuser de son attitude de la veille

Valverde qui evoque un probleme de derailleur pour expliquer sa contre performance d'hier.
VDB se lache: « C’est fini, at-il lâché, amer. Je ne comprends plus rien, j’avais de bonnes jambes en début d’étape et plus rien n’a fonctionné quand l’allure a forcé.
C’est nul, mon Tour est pourri alors que je pensais être revenu à mon meilleur niveau au Dauphiné. Peut-être que j’étais prêt trop tôt. Je m’en veux beaucoup, surtout vis-àvis de l’équipe. »