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Breaking Bad - De monsieur Tout-le-monde à Scarface
"De monsieur Tout-le-monde à Scarface”, c'est la formule employée par Vince Gilligan lorsqu'il doit résumer en peu de mots l'esprit qui anime Breaking Bad : comment un père de famille, Walter White (joué par Bryan Cranston), professeur de chimie, sans histoire, sans casier judiciaire et sans problèmes devient Scarface.
Réponse : quand un médecin lui diagnostique un cancer des poumons et que ses jours sont comptés.
Débuts choatiques
Le soir du 20 janvier 2008, alors que le pilote de Breaking Bad éclaircit les téléviseurs, l'industrie audiovisuelle américaine a l'esprit ailleurs : les scénaristes sont en grève depuis trois mois et paralysent tout le secteur. Plus un seul scénario, de film ou de série, ne peut être produit. Dans l'équipe de Vince Gilligan, la résignation gagne du terrain. L'avenir de la série ne se jouera pas sur treizes épisodes (une saison normale) mais uniquement sur les sept épisodes déjà écrits.
Une contrariété de plus dont ils se seraient bien passés, le projet ayant eu toutes les peines du monde à trouver acquéreur. « Ils disaient (tous), 'Peut-on changer la nature de Walter White ? Il pourrait peut-être voler des banques ?' » racontait dans USA Today le président de Sony Pictures Television, producteur de la série. Ils l'ont proposée à toutes les chaînes câblées. Finalement, FX (The Shield, Nip/Tuck) donnera son accord... mais l'abandonnera une fois le pilote tourné, anticipant une réaction négative des annonceurs.
C'est alors qu'intervint la chaîne AMC, spécialisée à ses débuts dans les classiques du cinéma. Elle cherchait à lancer ses propres fictions et venait justement de récupérer un autre projet, refusé cette fois-ci par HBO (The Soprano, Six Feet Under), qui s'appelait Mad Men. Pour AMC, il n'était pas question de toucher à l'identité de Breaking Bad. Ils la voulaient pure.
La vérité... est ailleurs
Les toutes premières fondations de Breaking Bad sont jetées en réalité dès 1998. Dans un épisode de X-Files intitulé "Drive", on retrouve Bryan Cranston campant Mr. Crump, un couvreur du Nevada frappé d'une étrange fièvre. Dans ce road-movie grippé, Mr. Crump est présenté comme un dangereux criminel avant que l'on apprenne l'origine de son mal. Il est en fait la victime d'une bavure gouvernementale, l'obligeant à prendre la route sans jamais s'arrêter et le plongeant, kilomètres après kilomètres, vers une destination inévitable.
Si l'on met de côté la mythologie de X-Files qui demande sa dose de conspiration et de bizarreries, il s'agit du premier brouillon officieux de Breaking Bad. Car c'est Vince Gilligan qui a écrit l'épisode, permettant la rencontre entre les deux hommes. On retrouve aux deux oeuvres quelques thèmes communs comme l'obsession, l'inéluctable évolution d'un personnage ou bien la morale plutôt... malléable.
"Walt se transforme de protagoniste à antagoniste."
Développer un réseau, contrôler un territoire, affronter ses concurrents et mentir à sa famille ne sont pas des compétences que Walt maîtrisent à la perfection. Pour supporter cette nouvelle charge, il va développer une autre facette de sa personnalité, sombre et violente, surnommée Heisenberg (nom de couverture qu'il emploie en hommage au physicien Werner Heisenberg, spécialiste de la mécanique quantique qui a posé le principe d'incertitude).
S'il fallait comparer cette série à une autre, ce serait indéniablement Dexter. Non pas parce qu'elles se ressemblent mais parce qu'elles ont développé deux personnages principaux totalement inversés et pourtant tout aussi attachants. Dexter est un tueur par nature qui s'invente une vie familiale pour maintenir l'illusion. Walt est lui un père de famille dévoué qui s'invente une personnalité suffisamment forte pour assumer ses activités criminelles. Tous deux en ont conscience mais dans les deux cas, ils n'ont pas le choix, leurs actes s'inscrivent dans la nécessité des choses. A l'inverse de Dexter, donc, le téléspectateur assiste ici à la subtile naissance d'une véritable ordure. C'est là tout le pari de Vince Gilligan (: « (Walt) se transforme de protagoniste à antagoniste. Toute la série, dans ce sens, est une expérience scientifique pour continuer l'analogie en chimie. » Une expérience encore jamais tentée à la télévision.
L’accroche du pré-générique
L'expérimentation est également narrative et s'accomplit entre autres lors des séquences pré-génériques. Parsemés de flashbacks dans la saison 1, ils franchissent un nouveau palier lors de la saison 2. Pour une poignée d’épisodes (2.01, 2.04, 2.10 et 2.13), ils constituent un jeu de piste dont la résolution amène directement à la scène finale de la saison lorsqu’on assemble les titres originaux de ces épisodes en une phrase (on ne l’écrira pas pour ne spoiler personne).
Quant au reste, ils offrent parfois des clins d’oeil à la première saison (épisode 2.03 en référence au 1.03). Mais à la manière du pilote, ils peuvent également montrer sans aucune explication une situation à la limite de l’absurde pour mieux raconter durant tout l’épisode comment on en est arrivé là. On pense au rythme cadencé d’un low rider dans l’épisode 2.02 par exemple. L’exubérance créative des scénaristes est telle qu’ils iront même jusqu’à diffuser le clip d’un groupe fictif (episode 2.07) qui chante, sur un air mexicain entraînant, un hymne dédié à Heisenberg. Ce soin tout particulier pour ces amorces d’épisodes a une explication : c’est l’héritage direct de l’enseignement de Chris Carter sous X-Files que Vince Gilligan essaye de nous restituer à sa sauce. Il reconnaît avoir tout appris de lui. Et plutôt bien. La saison 3, diffusée ce printemps aux Etats-Unis, accentue encore plus ces effets.
Loin de la sobriété et de la lente inertie de Mad Men, Breaking Bad est une série où, à chaque épisode, le téléspectateur prend le risque d’être surpris par la créativité délirante de ses scénaristes. Une richesse jamais démesurée au service d’un récit de plus en plus noir.
Le désespoir et la tristesse n’ont jamais été aussi excitants.
Manuel Raynaud
arte.tv/breakingbad
Citation (Raptor39 @ 09/10/2010 à 23:11)

j'ai fait un max de pub dans mon entourage...
peux pas mieux faire

j'ai foutu la pub du 20mn dans la salle de pause