Un article intéressant sur la formation française :Citation
Formation : révolution dans le foot français
Formation. Réforme. La France s'inspire du Barça et va mettre l'accent sur le collectif chez les jeunes.
La formation à la française ne fonctionnant plus, les instances dirigeantes du foot ont décidé de s'inspirer de ce qui se fait au Barça. Priorité au collectif et à l'état d'esprit.
Savez-vous qui sont les pays les plus gros fournisseurs de joueurs en Ligue des champions ? Le Brésil, et la France. Cocorico ? Non.
La stat est trompeuse pour le football de France, né dans les années 70 avec Georges Boulogne, jamais actualisé depuis. « Avec nos morphotypes, Xavi et Iniesta n'auraient jamais joué en France ! », s'est exclamé il y a peu Laurent Blanc, au cours d'une réunion avec les entraîneurs de la Direction Technique Nationale.
« Laurent Blanc sait ce qu'il veut. Il veut pratiquer un jeu offensif, à base d'enchaînements, il nous a demandé de tout miser sur les jeunes, et toutes nos équipes de France sont désormais tournées vers un jeu en mouvement. Le succès de l'Espagne aujourd'hui, c'est celui de leur formation. Mais l'Espagne n'est devenue performante que quand elle a accepté de prendre les fondamentaux du Barça, qu'elle s'est bâti autour de huit joueurs formés à Barcelone, enterrant sa sacro-sainte guerre entre Madrilènes et Catalans », note Erick Mombaerts, sélectionneur des Espoirs français mais également très impliqué dans le projet de jeu que porte depuis quelque temps François Blaquart, l'actuel DTN par intérim… qui devrait le rester.
Le modèle espagnol
Jusqu'à il y a trois ans environ, le football français reposait sur des critères athlétiques (des joueurs grands qui vont vite), une formation analytique, des séances d'entraînement dirigées, qui ne laissaient pas la moindre part à l'individu, à la créativité. « On a choisi de se rapprocher du modèle espagnol, d'approfondir la culture tactique du joueur, mais surtout de modifier son état d'esprit, son approche du jeu », poursuit l'ancien entraîneur du TFC.
Plus précisément, cette démarche n'est plus celle qui assurera une réussite sociale et individuelle mais une éducation et un état d'esprit au service du jeu, et de son équipe. « C'est le principe du football de rues, et sa force, quand tu prends du plaisir avec tes copains, à trois contre trois. Nous allons l'aménager, et on va travailler en opposition, dès les 12 ans. Parce qu'on ne veut plus de ceux qui veulent juste gagner de l'argent, ou qui ne respectent pas les autres. Ça nous a pété au nez, c'est fini. Notre idée, c'est que le bon individu deviendra un bon joueur, et non l'inverse ! », poursuit Erick Mombaerts.
L'opération a déjà démarré. Au niveau des certificats de formateurs, des recyclages d'entraîneurs, des réunions avec les éducateurs, où les vidéos subjuguent les intéressés.
Les petits gabarits ne sont plus dédaignés
Les clubs montrent le bout du nez. « Rennes travaille avec nous, Sochaux, Toulouse et Montpellier envoient beaucoup de monde se former aux nouvelles méthodes. Sur le terrain, des équipes comme Lorient et Lille ont adopté une partie de notre philosophie, la qualité des enchaînements à partir de la récupération. L'idéal, ce serait que cette qualité naisse à la possession. Mais bon… »
Le mouvement, qui tient de la lame de fond, est en marche : les petits gabarits ne sont plus dédaignés par les clubs pros, qui les laissaient jusqu'alors dans les centres fédéraux de préformation, comme celui de Castelmaurou. L'idée force, c'est l'éducation, et l'état d'esprit. Autant de critères qui ont fait, jadis, la force d'un Nantes ou d'un Auxerre, « des fleurons aujourd'hui disparus, où un Makelele a réussi, où un Eric Carrière a réussi, alors qu'ils ne correspondent pas aux codes athlétiques », souligne encore Mombaerts.
D'ici trois à quatre ans, les premiers résultats seront visibles. Au niveau des équipes de France bien sûr, avec un Euro 2016 qui sert de phare. Au niveau des clubs aussi, puisque la formation sera leur seule possibilité de survivre. Il sera peut-être temps, alors, de noter qu'on a réinventé l'amour immodéré et exclusif du maillot. Comme chez les très grands d'Europe…
Citation
Pourquoi le Barça a dix ans d'avance
Si on veut comprendre, au même titre qu'apprécier, pourquoi le FC Barcelone règne aujourd'hui de façon incontestée sur la planète foot, il faut remonter aux années 70, et au «football total» alors prôné à l'Ajax d'Amsterdam par Rinus Michels.
L'expression ne mérite pas d'être galvaudée, réduite à l'idée unique d'un jeu offensif et spectaculaire où les défenseurs deviendraient, d'un coup, de redoutables buteurs.Dans le système de jeu mis en place par Michels, un 4-3-3 (tiens donc), la permutation des postes n'est qu'un des ingrédients.
On lui ajoute la circulation du ballon, le pressing haut, le replacement, la possession, la création et l'occupation des espaces, la rapidité, le tout destiné à la pratique d'un jeu d'attaque, où la valeur technique et l'intelligence du joueur sont essentielles. Autant de systèmes et de thèmes abordés dans le football d'aujourd'hui...
Rinus Michels va installer l'Ajax au sommet de l'Europe, et faire des Pays-Bas une équipe de rêve qui hante encore nos nuits, quand on repense à son échec en finale du Mondial 1974 (RFA, 2-1).
Dans le même temps, il quitte les Pays-Bas en 1971 pour s'installer à Barcelone. Sa première préoccupation est de faire venir Johan Cruyff, sa deuxième de ciseler le jeu développé par le club catalan, au creux de la vague. Rinus Michels dirigera les «blaugranas» jusqu'en 1978, et Johan Cruyff, fils spirituel, en sera le digne successeur, développant dès l'école de football un jeu basé sur l'état d'esprit des joueurs, définitivement au service du collectif.
Au Barça, depuis plus de trente ans et ce, dès l'âge de 12 ans, on joue pour les autres, on se met au service du coéquipier, de l'équipe, du jeu. Et le ballon circule en permanence, jusqu'à ce que s'offre une ouverture...
L'exemple le plus stupéfiant n'est pas la réussite des Messi, Xavi, Iniesta, purs produits de l'école catalane, nés ensemble à La Masia, l'école du club, ou les récents succès de l'Espagne, qui s'appuie désormais sur le savoir-faire des Barcelonais plutôt que sur les éternelles rivalités Madrid-Barcelone, Real-Barça, etc.
Il y a moins de trois semaines, le FC Barcelone dispute la dernière journée des matches de poule, en Ligue des champions. Déjà qualifié, il reçoit l'équipe russe du Rubin Kazan. Pep Guardiola, enfant né au Barça, décide de faire tourner son équipe. Il met, peu ou prou, sa «réserve» sur le terrain. Or, on ne voit aucune différence. Le jeu s'écoule, fluide, vif, joyeux, les buts arrivent, le Rubin, ci-devant bête noire des Catalans, et pourtant pourvu en talents, s'incline. Devant les rois du jeu, pour la plupart inconnus...
Citation
Interview :Erick Mombaerts, sélectionneur des Espoirs français
«le foot de rues, mais aménagé»
Erick, où en est la formation à la française ?
« Nous avons été, avec les Hollandais, les deux grands pays initiateurs de la formation. Ce que nous avons particulièrement réussi, ce sont nos structures et nos centres. Elles nous ont permis, avec les contrats d'aspirants et la protection des joueurs formés, d'être leaders. Jusqu'à l'apogée de 1998 et 2000, quand Aimé Jacquet a dit que c'était la victoire de la formation.
Mais depuis, nous sommes dépassés par d'autres, les Espagnols et les Allemands notamment, nous sommes au creux de la vague, nous avons perdu le goût de former. Or, nous avons besoin que le maillage se refasse. À la DTN, nous sommes convaincus qu'il faut redonner cet élan, avec une autre méthode, pour des joueurs différents et plus complets ».
La démarche a débuté ?
« Depuis trois ans, nous nous sommes rendus compte que même si notre formation demeure de qualité, nous manquons de culture tactique, d'état d'esprit positif au service du collectif, de culture du jeu sans ballon. Et nous évoluons désormais vers ces critères ».
Quelle est donc cette méthode ?
« Les Espagnols, qui ont choisi le modèle hollandais, mais à la sauce catalane. Leur démarche est à l'opposé de la nôtre. Ils sont très globaux, nous sommes très analytiques : au Barça, tu ne fais pas de la technique, sauf au travers de jeux aménagés. C'est le principe du football de rues, comme au Brésil ou en Afrique, mais aménagé. La base, c'est le jeu réduit, la conservation du ballon, la maîtrise collective. Et tu travailles tout le temps en opposition, même à douze ans ».
C'est ce qui fait la force du Barça, donc ?
« Eux commencent avec leurs 12 ans, à la sortie de l'école de football. Pendant six ans, ils ne travaillent que le collectif, ce n'est donc pas étonnant qu'ils peuvent jouer les yeux fermés ! Ils forment le joueur à travers le jeu collectif. Tu joues d'abord pour le collectif, puis tu apprends à jouer contre un adversaire, puis tu joues avec tes partenaires, et enfin tu joues pour tes partenaires. C'est un peu ce que faisait le Nantes de Suaudeau, à l'époque ! »
Avez-vous des retours positifs ?
« Nos éducateurs sont subjugués ! Tous ceux qui viennent au certificat de formateur, depuis trois ans, reçoivent une pédagogie différente, active, pas directive. Il faut des compétences particulières, mais on forme des joueurs intelligents, tout en revalorisant le jeu. Dans les modules de recyclage des entraîneurs, obligatoires, dans toutes les réunions des amicales d'éducateurs, et aussi auprès des joueurs, nous faisons passer le message. En trois ans, nos centres fédéraux de préformation, comme Castelmaurou, sont passés de 30 à 50 % de signatures de contrats pros. Toutes les équipes de France de jeunes travaillent désormais dans le même sens, avec le même objectif, et des clubs commencent à nous emboîter le pas, Rennes, Sochaux, Toulouse, Montpellier, comme par hasard ceux qui utilisent le plus leur formation ».