Ligue 1 : comment faire revenir le public
Le Championnat de France attire de moins en moins de spectateurs. Ce n'est pas une fatalité, selon les experts que nous avons interrogés.
Le constat est préoccupant. Après huit journées, l'affluence en L 1 est en baisse de 4,9 % par rapport à la saison dernière. Les stades neufs ou rénovés pour l'Euro 2016 n'ont pas d'effet sur les fans de foot. Les explications varient : crise économique, état d'urgence, suprématie du PSG, manque de résultats et reprise en mains des abonnements à l'OM... Bref, les Français boudent les stades. Comment les inciter à garnir les tribunes ? Nous avons posé la question à différentes personnalités qui proposent cinq pistes de réflexion.
Changer les horaires des matchs
Les avis sont presque unanimes sur la question. Les horaires des matchs ne conviennent pas. « Programmer les grosses affiches le dimanche à 21 heures, c'est compliqué pour l'affluence, regrette Thierry Braillard, le ministre des Sports. C'est difficile d'aller au stade avec ses enfants. » Certains préfèrent ainsi le dimanche après-midi, d'autres le samedi soir. « Mais il faut surtout qu'il y ait davantage de régularité dans la programmation des matchs pour mieux fidéliser le public, estime Jean-Pascal Gayant, économiste du sport. On n'y comprend rien avec ces six tranches horaires. Cela a permis d'augmenter les droits de diffusion, avec des retransmissions d'une qualité toujours améliorée. Mais cela s'est fait au détriment des affluences. Aujourd'hui, la télé est devenue le concurrent des stades. »
Un divertissement plus varié
« Quand le spectacle sportif ne suffit pas, on doit l'enrober, assure Max Guazzini, ancien président du Stade Français. Il faut donner envie aux spectateurs de venir en le faisant participer à une fête, à un événement avec des concerts, des feux d'artifice, des animations. Ça coûte de l'argent bien sûr — jusqu'à 200 000 € parfois dans mon cas —, mais si on offre plus au spectateur, on le fidélise. » Le modèle allemand, avec ces stades qui ressemblent presque à des centres commerciaux ou des multiplexes de cinéma est un exemple à suivre. L'ambiance en tribune est également un « élément d'attractivité », ajoute Jean-Pascal Gayant, qui trouve « l'atmosphère de plus en plus policée et impersonnelle, surtout dans les nouvelles enceintes ».
Relancer le suspense
Les stars du ballon rond ne vont pas débarquer en Ligue 1 cet hiver. Et les plus petites équipes auront, comme d'habitude, du mal à garder leurs meilleurs éléments. « Dans ce contexte, les clubs peuvent mieux faire en valorisant leur collectif, pas seulement les stars, prône l'avocat Didier Poulmaire. C'est un peu l'effet Ibrahimovic, dont le départ crée un vide. L'exemple de la NBA est bon : il y a un vrai travail fait sur le collectif, l'image de l'équipe. » Pour Jean-Pascal Gayant, économiste, le problème est ailleurs : « Une Ligue 1 à 18 clubs avec un système de quatre promotions-relégations permettrait de proposer un meilleur spectacle, surtout si c'est assorti d'un bonus offensif. Il faudrait aussi supprimer la Coupe de la Ligue au format si absurde. Cela permettrait d'éviter l'overdose de rencontres. Ce qui est rare crée le désir. »
De meilleures infrastructures
Grâce à l'Euro, Nice, Marseille ou Bordeaux ont des stades neufs. Mais certaines enceintes, dont l'esthétisme et le confort peuvent faire défaut, attendent toujours un bon coup de peinture. « Pour cela, on peut s'appuyer sur la proposition de loi du sénateur Dominique Bailly (NDLR : qui sera discutée au Sénat le 26 octobre), avance le ministre des Sports. Elle permettra notamment aux clubs de procéder à des emprunts à des taux très bas afin de se donner les moyens d'améliorer leur stade. » Les conditions d'accès peuvent aussi poser problème. Nice discute avec la préfecture à ce sujet. Mais le tramway reliant le centre-ville à l'Allianz Riviera n'est prévu qu'en 2020. A Montpellier, le club vient de mettre en place des lignes de bus pour aller chercher les supporteurs dans tout le département.
Baisser les prix
Comparée à la Premier League, la Ligue 1 reste un produit bon marché. Dans certains stades, il est encore possible d'assister à des matchs pour moins de 15 €. Mais la politique tarifaire doit être encore plus agressive selon Max Guazzini, l'ex-président du Stade Français, réputé pour avoir rempli maintes fois le Stade de France. « C'est le premier levier pour attirer les gens, affirme-t-il. Quand nous avons joué les premières fois au Parc des Princes, en 2005, j'ai préféré mettre la moitié du stade à 5 et 10 € plutôt que de voir les tribunes vides. Il y a moins de recettes billetterie dans un premier temps. Mais les spectateurs prennent l'habitude de venir et finissent par devenir supporteurs. »
Le phénomène des «no show» accentue la baisse
Officiellement, la baisse des affluences est de 4,9 % par rapport à la saison passée. Mais la réalité est bien pire encore. Les clubs transmettent, en effet, à la Ligue de football le nombre total de places vendues, en incluant tous leurs abonnés. « Comme il a payé sa place, il est forcément comptabilisé dans la feuille de recettes qu'on remet au délégué principal de la Ligue », explique Philippe Peybernès, directeur administratif et financier de Montpellier. Or, tous ne viennent pas à chaque rencontre. A Nice, on estime ainsi qu'il y a environ 10 à 12 % de « no show » (sur un total de 12 000 abonnés) par match. Au Parc OL, pour le choc contre Saint-Etienne, 57 050 spectateurs ont été annoncés quand 53 000 environ étaient vraiment présents. Le Parc des Princes est sans doute le stade le plus touché par ce phénomène. Le PSG a communiqué une affluence de 42 484 pour la réception de Dijon mi-septembre. En réalité, ils étaient à peine 29 000. En moyenne, 7 000 à 8 000 abonnés par match ont déserté l'enceinte de la porte de Saint-Cloud en ce début de saison. Un chiffre en hausse par rapport à la saison dernière. Leur but ? S'abonner pour assister aux chocs et revendre leur place pour les petits matchs. Même si les stades modernes, dotés de tourniquets, connaissent le nombre exact de supporteurs réellement présents, les clubs préfèrent rester discrets à ce sujet. « On voit bien que lors de certaines rencontres, le chiffre annoncé ne correspond pas à la réalité, concède un dirigeant bordelais. Mais aucun club n'a intérêt à la dire pour son image. »