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Son empire du milieu
Le sélectionneur nous raconte comment il a composé le trio Cabaye- Matuidi- Pogba, moteur de l’équipe de France
Si le barrage retour face à l’Ukraine ( 3- 0) a métamorphosé l’équipe de France, c’est notamment grâce à l’émergence d’un milieu de terrain ultra- performant, formé de Yohan Cabaye ( Newcastle), Blaise Matuidi ( PSG) et Paul Pogba ( Juventus de Turin). Le sélectionneur, qui a joué l’essentiel de sa carrière à ce poste, a tâtonné avant de trouver la bonne formule, comme un architecte sur le plan de la maison parfaite.
Il est parti d’un constat, confiet- il au JDD : « Au niveau international, la plupart des équipes n’ont plus qu’un attaquant axial. Le milieu prend la forme d’un triangle, avec une pointe basse ou une pointe haute, épaulé par deux joueurs sur les côtés. Soit cinq joueurs actifs à la récupération du ballon. » Il a donc écarté d’entrée le schéma en 4- 4- 2, qui souffre d’une infériorité numérique dans ce secteur clé du milieu, « où l’on contrôle le match à défaut d’être sûr de le gagner » .
Après avoir essayé de nombreux candidats, dont certains ne sont pas au Brésil ( Capoue, Gonalons, Guilavogui, Nasri), Deschamps est revenu pour le match décisif contre l’Ukraine vers trois hommes déjà alignés lors d’une rencontre à haute tension, face à l’Espagne au Stade de France ( 0- 1 en mars 2013). Avec un changement de taille : c’était alors Pogba qui évoluait en pointe basse, « en sentinelle défensive et en premier relanceur » , et non Cabaye comme aujourd’hui.
« Un milieu doit être intelligent avant tout »
Le sélectionneur a donc inversé deux pions sur son échiquier. Avec des résultats immédiats. « Contre l’Espagne, j’avais longuement hésité. Avant l’Ukraine, j’ai demandé son sentiment à Yohan. Il a tout de suite été d’accord. » Cette formule a plusieurs avantages. « En sentinelle, Paul ne peut pas se projeter autant vers l’avant, ce qui est sa grande force ; il le fait avec son club, détaille Deschamps. Yohan, lui, a l’intelligence et la qualité de passe pour orienter le jeu rapidement d’un côté à l’autre. Paul a moins cette qualité, Blaise ne l’a pas. »
Ces deux- là ont en revanche un profil « box to box » , comme disent les Anglais à propos des joueurs capables de répéter les efforts d’une surface de réparation à l’autre. Depuis le début de la préparation à la Coupe du monde, Deschamps a d’ailleurs remarqué que Pogba penchait un peu trop vers l’avant et lui a fait savoir. Matuidi, lui, ne néglige jamais le travail de récupération. Grâce à la fréquentation de grands joueurs au PSG, il a aussi progressé dans les gestes offensifs, passes décisives ou efficacité devant le but.
« Ce qui fait la qualité d’un bon milieu, c’est la complémentarité. On l’obtient avec ces joueurs aux qualités physiques et aux registres techniques différents, appuie Deschamps. Ensuite, c’est l’équilibre. Il faut être bon à la récupération, dans la transition vers l’avant, tout en sachant s’insérer dans les espaces pour apporter offensivement. Un milieu doit être intelligent avant tout. La récupération, ce n’est pas tant le duel que la capacité à fermer les angles de passe. »
Comme Karembeu- Petit- Deschamps en 1998
Avec ces trois- là, la stabilité est assurée et le danger est multiple pour l’adversaire. « Quand Yohan s’intercale vers les 25 mètres, il peut armer rapidement et sa frappe est très bonne. » Pogba possède une frappe moins précise mais plus puissante, comme il l’a démontré à la Juve. Mais aussi un très bon jeu de tête, du haut de son 1,88 mètre. Quant à Matuidi, « il a une capacité athlétique très largement au- dessus de la moyenne. Ça se voit en match et nos tests physiologiques le confirment » .
Curieusement, ce trio a des airs de ressemblance avec celui composé de Christian Karembeu, Emmanuel Petit et… Didier Deschamps lors de la Coupe du monde 1998. DD en sourit. « Le positionnement est le même. Mais les qualités sont différentes, comme les joueurs offensifs. » Fort de ce passé, le sélectionneur ne cesse de conseiller ses ouailles. « À la fois sur paperboard, lors de séances vidéo, ou dans des discussions. Je reviens sur les matches que je les ai vus faire en club. Souvent ils me disent : “Mais c’est le coach qui me l’a demandé ! ” Sauf que j’ai aussi parlé à leur coach. Je sais donc si c’est vrai ou pas… »
C’est le privilège d’avoir d’innombrables contacts, en France et à l’étranger. Le privilège de l’expérience aussi. Car s’il est bien quelque chose que Deschamps a remarqué depuis longtemps, et dont il se méfie, c’est que « dans ce rôle de milieu, on préfère toujours aller vers le but adverse que revenir vers le sien » . Ce n’était pas son cas. C’est pour cela qu’il était un joueur sous- estimé du public mais adoré de ses entraîneurs. Il sait leur rappeler.
JDD