Le Cycle de Rigante (L'épée de l'orage, Le faucon de minuit, Le coeur de corbeau, Le cavalier de l'orage) de David Gemmell.
Au cœur de montagnes verdoyantes se trouve le petit village rigante de Trois-Ruisseaux, dont les habitants vénèrent les dieux de l’air et de l’eau, et les esprits de la terre. Parmi eux vit un enfant marqué au sceau du destin. Né au cours de l’orage qui condamna son père, il se nomme Connavar.
Bientôt, les récits de son courage se répandront comme un feu de prairie. De l’enfant qui a combattu l’ours, il deviendra l’homme qui a tué le roi ! Il a juré de protéger son peuple et rien ni personne ne pourra se mettre en travers de son chemin. Or, une prophétie a prédit qu’une armée sans pitié traverserait un jour la mer et, telle une avalanche, détruirait tout sur son passage.
Sur cet échiquier, toutes les forces en présence vont jouer leur main : du général Fantôme à la Morrigu, créature maléfique qui hante les bois depuis la nuit des temps, en passant par Jasaray, l’Érudit de Roc, et son armée invincible.
C’est compter sans Connavar, qui s’embarque pour une quête qui le mènera au cœur de l’ennemi. Mais en chemin, il recevra un don : une épée magique. Ainsi obtient-il un nom qui frappera de terreur le cœur de ses amis comme de ses adversaires. Un nom proclamant une destinée glorieuse et amère : Démone-Lame.
De la fantasy "light" dans le sens où la magie se limite à une sorcellerie issue d'un peuple supérieur disparu (ou presque) et qu'il n'y pas les créatures du bestiaire classique (exit les elfes, nains, dragons, etc...).
Le contexte se situe dans un univers parallèle excessivement proche du notre, les Rigante n'étant rien d'autre qu'une variante des highlander et Jasaray et Roc n'étant que des avatars de César et de Rome (Gemmell l'explique d'ailleurs à un moment).
De fait, je pense que ce cycle est très abordable pour des lecteurs pas habitués ou réticents à la fantasy classique.
Autre point, les deux premiers tomes se situent donc à une époque équivalent donc à celle de Jules César tandis que les deux suivants se situent 800 ans plus tard, à une époque pouvant faire penser à la Renaissance (il y a donc des armes à feu, des mousquetaires).
Les connaisseurs de Gemmell ne seront pas surpris par ce cycle où on retrouve le style de l'auteur et ses thématiques favorites. Toutefois, perso, je l'estime d'une excellente facture.
Ce que je mettrai avant tout en avant, c'est l'extrême solidité de la construction de ce roman. Il n'y a aucune phrase vaine, chaque événement a du sens et de l'importance. Les persos, même les plus anodins, sont très bien caractérisés et ont un réel rôle dans l'histoire. Tout se recoupe, s'entrecoise, s'enchaîne d'une manière chirurgicale.
Pour moi, c'est un véritable exemple en matière de construction de roman et même si la notion de destin est lourde, elle n'est pas pesante et ne nuit en rien à l'intérêt du lecteur.
Au niveau du style, la lecture est facile et le rythme très bien dosé. Les scènes d'action ou de bataille (très présentes) sont décrites de manière efficace et les scènes d'introspection sont intéressantes sans jamais être pesantes. Les sentiments des protagonistes sont bien exposés et permettent un réel attachement aux personnages qui, comme déjà dit, sont brossés efficacement.
Bref, c'est solide, efficace, plaisant. Une vraie bonne lecture.
Et à l'opposé de ces qualités on a :
Perdido Street Station de China Miéville :
Nouvelle-Crobuzon est une gigantesque cité industrielle, sombre, glauque et grouillante de vie, dans laquelle cohabitent de nombreuses races étranges, et où les bio-thaumaturges qui transforme les condamnés en hybrides mécaniques côtoient artistes et révolutionnaires, tout cela sous la domination d’un gouvernement irrémédiablement corrompu s’appuyant sur sa toute-puissante milice pour faire régner un semblant d’ordre.
Yagharek, homme-oiseau provenant d’un lointain désert, dont les ailes ont été arrachées en châtiment d’un crime impardonnable, parvient dans cette ville à la recherche d’un homme capable de lui permettre de voler de nouveau. Sa destinée s’entremêlera avec celle d’Isaac, bouillant scientifique en marge de sa communauté, de Lin, la khepri rebelle sachant sculpter sa salive comme nulle autre, et de Derkhan, idéaliste au service d’un journal révolutionnaire.
Mais, pendant ce temps, les bio-thaumaturges fous au service du gouvernement laissent échapper des créatures de cauchemar qui s’apprêtent à semer la terreur sur Nouvelle-Crobuzon…
Ici, on se situe dans un steampunk fourre-tout et bordélique. C'est simple, il y a de tout : de la technologie, de la magie, des créatures hybrides, extra-terrestres, voire extra-planaire,... Cela contribue à un univers riche et foisonnant, baroque et surprenant. Le défaut, c'est que ça peut induire chez le lecteur un certain sentiment d'insécurité en se disant que de toute manière l'auteur pourra toujours sortir n'importe quel truc farfelu de sa manche à n'importe quel moment (ce qui d'ailleurs ne manque pas d'arriver).
Au delà de ce contexte, le personnage principal de ce roman est avant-tout la cité de Nouvelle-Crobuzon dont l'auteur prend le soin de décrire l'atmosphère sombre et oppressante de manière très détaillée, voire trop car il amène une très longue première partie d'exposition, très descriptive, avec un scénario qui prend trop de temps à prendre son envol. C'est important de le préciser car ça peut rebuter le lecteur et ça serait vraiment dommage qu'il lâche le livre à ce moment là.
La cité est donc omniprésente, pesante, étouffante. Elle poursuit son existence chaotique, totalement insensible aux évènements dramatiques (et pas qu'un peu !) qui se déroulent, à la souffrance de ses habitants qui finalement n'apparaissent que comme des parasites qui grouillent dans ses artères et organes, parasites aussi insignifiants qu'interchangeables. Perso, j'ai beaucoup aimé cet aspect même si il peut sembler rébarbatif par moment.
Passée donc la première partie d'exposition, le scénario prend son envol et on peut dire que ça pète dans tous les sens. La menace est aussi originale que terrifiante, les réponses sont au niveau. Mais là-dedans, ce sont de simples individus, pas forcément "extraordinaires", fragiles et en proies à leurs propres tourments qui se démènent avec leurs maigres moyens. On se situe dans une approche très humaine (pour moi, c'est très similaire au traitement des persos dans les romans cyberpunk de Gibson). Les persos apparaissent comme des fétus de pailles ballotés par des évènements qui les dépassent mais font preuve aussi d'initiative et de caractère.
Cependant, à part Isaac qui est l'élément moteur, j'ai trouvé les différents persos assez peu intéressants. De toute manière, la plupart se feront broyer inéluctablement par la cité.
Yagharek est à part car s'il est présent tout au long du roman, il se montre d'une extrême passivité et discrétion. Pour autant, il est loin d'être un perso useless puisque son cheminement intérieur s'inscrit en filligramme de l'action et aboutit sur une conclusion admirable qui le voit être absorbé par le monstre qu'est Nouvelle-Crobuzon.
Quant au style, il est très soutenu et très descriptif avec un vocabulaire complexe et riche. Le dico est loin d'être superflu. Perso, je trouve que c'est exagéré et je pense que ça peut rebuter le lecteur mais il n'en reste pas moins que certains passages sont magnifiques. Les dialogues sont de qualité. En revanche, je trouve l'auteur peu à l'aise dans les scènes d'action qui sont parfois bien trop confuses. Il se fend aussi parfois de justifications technico-magiques maladroites et superflues.
En bref, c'est vraiment à bouquin à lire, absolument.
Cependant, je pense qu'il ne sera accessible qu'à un public "averti" tant en raison du contexte bordélique faisant appel à tout un tas de concepts propres aux littératures de l'imaginaire, que de son caractère très descriptif et de son style très élaboré.