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Vincent Bolloré : "On peut tout à fait imaginer l'arrêt des chaînes Canal+"
Face à ses actionnaires, le président du conseil de surveillance de Vivendi a alerté aujourd'hui sur la santé financière de Canal+, faisant de la validation du partenariat avec beIN Sports une condition de sa survie.
Séance "séduction" aujourd'hui pour Vincent Bolloré. Le président du conseil de surveillance de Vivendi était confronté à ses actionnaires lors de l'Assemblée générale du groupe médias français. L'homme d'affaires breton a profité de l'occasion pour rappeler sa volonté de créer un géant "latin" des médias et des contenus capable de rivaliser avec les groupes médias anglo-saxons de l'ancienne comme de la nouvelle génération.
"Une période de faillite" pour Canal
Au cours de sa prise de parole, Vincent Bolloré a notamment alerté sur la santé financière de Canal+, qui pourrait selon lui perdre plus de 400 millions d'euros en 2016, après 264 millions de pertes en 2015. Rappelant que le groupe Canal était un "pilier de Vivendi", l'homme d'affaires a estimé que Canal traversait "une période de faillite" héritée de la précédente direction. "Certains ont cru que j'étais la cause des pertes. Je suis leur conséquence et peut-être leur solution", a jugé Vincent Bolloré.
Ce dernier s'est appuyé sur ces mauvais chiffres pour mettre un maximum de pression sur l'Autorité de la concurrence qui doit prochainement se prononcer sur le partenariat de distribution que Canal+ veut nouer avec beIN Sport. Selon le président du conseil de surveillance de Vivendi, une décision négative de l'anti-trust mettrait gravement en danger l'avenir de Canal au sein du groupe Vivendi.
"Si à un moment, on n'a pas l'autorisation de distribuer beIN, si les pertes continuent, on sera obligé à un moment d'arrêter le robinet. Vivendi ne pourra apporter indéfiniment de l'argent à Canal+", a fait savoir Vincent Bolloré, soulignant que Canal représentait "1 milliard de dettes". "Personnellement, je pense que ça mérite d'aller redresser cette entreprise", a-t-il cependant rappelé. Avant de souligner : "Ce qui est abimé dans Canal, ce sont seulement les chaînes que nous faisons nous-mêmes. C'est cela qui obère les comptes et perd beaucoup beaucoup d'argent (...) Le reste - D8, D17, Studio Canal, CanalSat, l'international- va très bien. A Dieu ne plaise, on peut tout à fait imaginer l'arrêt des chaînes Canal+, ce qui serait très rentable".
"A Canal, je ne suis pas populaire"
L'homme d'affaires a aussi fait savoir qu'il se moquait des critiques pouvant le viser."Il y aura beaucoup de critiques. Evidemment, à Canal, je ne suis pas populaire. Là, il y a Cannes qui arrive en mai. C'est délicieux Cannes au mois de mai : la Croisette, le Suquet (quartier de Cannes, ndlr), les olives, la mer bleue... C'est sûr que quand on dit aux gens, vous n'êtes plus 469 à partir mais 50, oui, vous n'êtes pas populaire. C'est sûr", a-t-il ironisé.
Vincent Bolloré a aussi raillé ceux qui évoquent un risque de départs des talents des entreprises dont il prend le contrôle. "On m'a dit que les talents allaient partir. Je ne sais pas pourquoi les talents partiraient quand on arrive. Ce que veulent les talents c'est être payés, travailler et avoir un groupe qui leur permette de se développer. Ils ne sont pas plus cons qu'ailleurs les talents. Ils n'ont pas peur", a-t-il estimé d'un ton familier.
"Si j'y ai mis 4 milliards, ce n'est pas parce que je pense que c'est de la daube"
Le tycoon a conclu en réaffirmant sa confiance dans son projet pour Vivendi. "Je trouve que sur le plan moral c'est intéressant d'aller promouvoir les artistes français, les écrivains français, le cinéma français, latin. Mais en plus, je pense que financièrement, ça peut être beaucoup d'argent. J'y ai mis à titre personnel avec nos autres associés de Bolloré 4 milliards ou un truc comme ça. Ce n'est pas parce que je pense que c'est de la daube !", a-t-il fait valoir. Avant d'ajouter : "Mais il peut m'arriver de me tromper".
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Jeux Olympiques : Les journalistes d'iTELE privés de Rio
Les journalistes du service des sports d'iTELE n'iront pas à Rio. Ceux de Canal+ assureront les duplex et les contenus de la chaîne info.
Pas la peine de refaire son passeport ! Les journalistes du service des sports d'iTELE n'iront pas cet été à Rio de Janeiro où se dérouleront les Jeux Olympiques d'été. Entre le 5 et le 21 août prochain, ils suivront donc les performances d'Usain Bolt, de Renaud Lavillenie, de Novak Djokovic, de Teddy Riner et de l'équipe de France de handball... sur leur poste de télévision. En regardant Canal+, s'il vous plait, puisque leur grande soeur a acheté à France Télévisions la co-diffusion de la manifestation.
Ils ne seront pas seuls frustrés de la rédaction : les journalistes culture de la chaîne d'info ont également appris qu'ils n'iraient pas à Cannes couvrir le festival international du cinéma. Selon le site Les Jours, la rédaction a été informée de ces deux décisions la semaine dernière lors d'une réunion "houleuse" avec Guillaume Zeller, le directeur de la rédaction de la chaîne.
Economies
Si iTELE va zapper la compétition sportive la plus médiatisée du monde (avec le SuperBowl et la coupe du monde de football) c'est parce que Vincent Bolloré a décidé d'imposer le régime sec à sa chaîne d'info gratuite. iTELE, qui n'a jamais été rentable depuis sa création en 2002, doit limiter ses pertes. Et pour cela, elle va appliquer à la lettre le credo de Bolloré : elle va profiter de la mutualisation des ressources du groupe !
Car les Jeux de Rio seront largement traités sur l'antenne d'iTELE... mais pas par les salariés d'iTELE ! La chaîne va pouvoir piocher dans les images officielles dont Canal+ a acheté les droits et, surtout, dans les nombreuses interviews des sportifs recueillies par les équipes de Canal+ et InfoSport, qui, elles, seront sur place. Les journalistes des deux chaînes assureront également des duplex sur iTELE, en plus de ceux sur leur propre chaîne. "Une soixantaine de journalistes vont être envoyées sur place pour le groupe, alors qu'au maximum, iTELE aurait pu envoyer deux équipes", rappelle-t-on en interne.
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La lettre de Vincent Bolloré à tous les collaborateurs de Canal+ et Vivendi
Ce matin se tient l'assemblée générale des actionnaires de Vivendi, à L'Olympia.
Document puremedias.com Vincent Bolloré à l'offensive. Ce matin se tient l'Assemblée Générale des actionnaires du groupe Vivendi, à L'Olympia. L'industriel breton vient d'adresser une lettre à toutes les collaborateurs du groupe, dont puremedias.com a eu copie, pour expliquer sa stratégie, de plus en plus controversée.
La lettre de Vincent Bolloré
Nous travaillons depuis moins de deux ans à transformer Vivendi, qui était devenu une holding financière, en un véritable groupe industriel intégré dans les contenus. Face à la culture américaine et à la culture asiatique, la culture européenne vaut la peine d'être développée et peut même être exportée en Amérique, en Asie, en Afrique. Vivendi peut être l'acteur clé de ce beau projet.
C'est toujours bien d'avoir une idée, une stratégie, mais pour la transformer en réalité, en réussite, il faut tout d'abord des équipes. C'est ainsi que nous pouvons compter, avenue Friedland, siège du groupe, sur des gens compétents, dynamiques et solidaires : Arnaud de Puyfontaine, Hervé Philippe, Stéphane Roussel, Simon Gillham et Frédéric Crépin, et bien d'autres. Cette équipe a su finaliser les cessions d'actifs au meilleur prix : GVT au Brésil, le solde de Numericable - SFR, le solde d'Activision Blizzard. Près de 3 ou 4 milliards ont pu être accumulés par rapport à la valeur d'aujourd'hui !
Nous avons pu aussi avancer dans notre stratégie :
- Conforter la musique avec Universal Music Group, le numéro 1 mondial, sous la direction talentueuse de Lucian Grainge. La musique est le premier contenu, le plus important pour les audiences sur les plateformes digitales - c'est un immense atout pour notre groupe.
- Mettre le cap sur le Sud, en partenariat avec les télécoms, et Mediaset en Italie et en Espagne.
- Retourner dans les jeux vidéo.
- Développer le " live and talents ".
- Prendre une participation dans la Fnac.
- Développer des contenus et du digital avec Studio+, Watchever et Dailymotion.
Cette stratégie offensive se met en place pas à pas.
"Nous ne pouvions risquer de voir une de nos filiales historiques françaises nous entraîner dans sa faillite"
Malgré ces avancées positives, nous ne pouvions risquer de voir une de nos filiales historiques françaises nous entraîner dans sa faillite. Canal+ a été créé il y a 30 ans par Havas, sur qui La Générale des Eaux - Vivendi avait fait une OPA pour en prendre le contrôle.
Canal+ a toujours connu une vie mouvementée : un lancement avec "tambours et trompettes" vite suivi par des rumeurs et un risque de faillite. Puis une période de gloire, puis des pertes colossales (déjà 500 millions). Puis un redressement. Puis à nouveau une période difficile à cause de la concurrence de TPS qui, racheté très cher par Vivendi, permettait à Canal+ de connaître encore de belles années. Puis l'arrivée de beIN Sports et autres Netflix entraînant les chaînes Canal+ dans des pertes considérables – 180 millions en 2014, 250 millions en 2015, 400 millions d'euros pour 2016 !
Face à cette terrible situation, l'équipe de Vivendi a accepté de faire son devoir en s'impliquant dans une tentative de redressement. D'abord, afin d'intervenir sans contestation, Vivendi a dû racheter les minoritaires mécontents : Lagardère et la SECP - cela a coûté la bagatelle d'1,5 milliard d'euros ! En effet, Canal+ est un mélange de 5 activités bien distinctes, dont une seule présente un grand danger, les actionnaires minoritaires des autres activités auraient légitimement bloqué toute aide inter-activités :
- Canal Overseas, qui dispose d'équipes remarquables et solidaires dans le monde entier sous l'autorité de Jacques du Puy, représente 1,5 milliard de chiffre d'affaires et dégage un bénéfice positif de près de 250 millions d'euros.
- Studiocanal, dirigé désormais par Didier Lupfer, dispose d'équipes compétentes et dégage un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros ainsi qu'un bénéfice d'environ 50 millions d'euros, grâce à l'un des plus beaux catalogues de films d'Europe qui est chaque année complété par la production de nouveaux films.
- CanalSat, dirigé désormais par Jean-Marc Juramie, achète des chaînes de télévision à des tiers (Disney, Eurosport, Lagardère) et les diffuse avec succès puisque son bénéfice est supérieur à 250 millions d'euros pour 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires.
- Les chaînes Canal+, dirigées désormais par Gérald-Brice Viret, fabriquent des programmes en achetant sport, cinéma, séries, documentaires et émissions. Elles devraient réaliser un chiffre d'affaires d'1,5 milliard d'euros mais 400 millions de pertes cette année.
- Enfin, les chaînes gratuites, dont D8 et D17, sont en train de gagner leur pari de l'audience et de la rentabilité. Cependant iTélé perd des sommes importantes : - 16 millions d'euros en 2014, - 20 en 2015 et - 24 prévus en 2016, alors qu'arrivent deux nouvelles concurrentes aux actionnaires puissants : LCI de TF1 et France Info de la télévision publique.
"Le groupe Canal+ ayant un endettement supérieur à 1 milliard n'obtiendra pas de Vivendi de mettre indéfiniment la main à la poche"
Outre iTélé, c'est évidemment sur les chaînes Canal+ France que doivent se concentrer nos efforts. En effet, le groupe Canal+ ayant un endettement supérieur à 1 milliard d'euros n'obtiendra pas de Vivendi, dont 70% du capital est détenu par des fonds étrangers, de mettre indéfiniment "la main à la poche".
Comme toujours, le premier pas a consisté à choisir une équipe capable de faire face à cette hémorragie. Outre la compétence - bien sûr essentielle - il est souvent nécessaire de faire venir du "sang neuf", car les personnes déjà impliquées ont du mal à modifier profondément le travail qu'elles faisaient auparavant. Si un jour dans le groupe Bolloré, en Bretagne - à Dieu ne plaise - il fallait faire un plan d'économies, je serais le moins bien placé pour le faire, étant trop attaché aux personnes et aux usines que j'ai contribué à embaucher ou construire.
C'est ainsi que dans la direction, 20 personnes ont été remplacées - croyez-moi, avec des conditions financières très honorables - et une nouvelle équipe a été constituée autour des "anciens". Maxime Saada, en tant que Directeur Général, et Grégoire Castaing, comme Directeur Financier, ont apporté leurs compétences et leurs connaissances de la maison au Directoire présidé par Jean-Christophe Thiery et qui comprend Jacques du Puy. Cette nouvelle équipe commence à travailler ensemble et je ne doute pas de son succès.
Dans toute autre société, le changement d'une équipe de 20 personnes sur 8 000 aurait été banal ; chez Canal+, le retentissement médiatique a été malheureusement considérable. A cela s'est ajoutée une campagne sur une censure présumée, totalement injustifiée car Canal+ est l'un des groupes de médias où les responsables sont les plus libres aujourd'hui.
"On parle beaucoup de nos programmes en clair mais nos abonnés ont droit, avec ce qu'ils payent mensuellement, d'avoir accès en priorité à des programmes inédits et intéressants."
Il y a 4 mois, j'avais annoncé à l'Olympia ce que nous voulions faire : investir pour redonner à Canal+ sa puissance et son attrait, et nous le faisons ! Nous investissons dans les programmes pour les abonnés... On parle beaucoup de nos programmes en clair mais nos abonnés ont droit, avec ce qu'ils payent mensuellement, d'avoir accès en priorité à des programmes inédits et intéressants.
Pour le sport, dirigé avec talent par Thierry Cheleman, tout est déjà joué entre aujourd'hui et 2020, et beIN Sports possède l'essentiel des droits qui nous intéressent. Il est donc naturel de rechercher à avoir ces contenus dans l'offre Canal+. J'espère de toutes mes forces que l'accord entre Canal+ et beIN Sports, essentiel, aboutira car le sport reste le contenu le plus attractif pour nos abonnés qui sinon, inexorablement, se désabonneront en grand nombre, mettant en cause l'existence-même de Canal+.
Pour le cinéma, nous avons rattrapé fin 2015 les 4 millions d'euros de retard pris auparavant, et investi même plus, montrant ainsi notre soutien à cette création essentielle tout en offrant des films pour nos abonnés. Nous avons aussi développé avec Studio+ un grand nombre de séries courtes. Mais Canal+ n'est pas seulement un robinet à films. Il faut éditorialiser davantage, assumer les choix, les coups de coeurs. Nous investissons en France et à l'étranger dans Mars Films, Bambu ou Iroko.
Pour les émissions, nous avons investi dans Banijay, le 3ème groupe mondial de contenus (après les n°1 et 2 détenus par nos concurrents Murdoch et Bertelsmann) et soutenu des talents ramenés ou découverts par notre efficace équipe de Vivendi Talents. Le digital, le live et l'international vont également représenter des investissements importants avec les plateformes Watchever et Dailymotion, qui permettront de faire connaître nos contenus partout.
"Nous allons continuer à réduire ce qui est inutile et à réinvestir dans les contenus pour nos écrans"
Enfin, la Direction Marketing et Commerciale - dirigée par Frank Cadoret, fort de sa longue expérience chez SFR - a lancé un plan de transformation dont le succès est crucial. L'exploitation des data va être mise en oeuvre, et Francine Mayer qui dirige nos régies publicitaires, va également développer nos diversifications. Mais investir ne veut pas dire ne pas faire attention aux dépenses exagérées. Ainsi, la décision de ne pas dépenser les millions d'euros habituels au Festival de Cannes a été prise, tout en augmentant nos investissements sur le dispositif cinéma sur place et en supprimant les dépenses de fêtes - relations publiques - et chambres avec vue sur mer. Dans cette période difficile, nous faisons le choix d'investir dans des programmes pour nos abonnés. Nous allons continuer à réduire ce qui est inutile et à réinvestir dans les contenus pour nos écrans.
De même, le Directeur des Achats a revu l'ensemble des contrats avec nos fournisseurs, qui pendant longtemps ont profité du groupe Canal+. Ce sont des signes forts d'une volonté de réduire les coûts dans tous les domaines.
Je sais que la période est difficile et que le "bashing" quotidien peut en faire douter beaucoup et inquiéter chacun. Mais lorsqu'une entreprise comme Canal+ voit les piliers qui ont fait ses succès s'effondrer et ses pertes s'accumuler par centaines de millions d'euros, il n'y a qu'une seule solution pour s'en sortir : c'est de poursuivre notre travail avec courage, confiance et détermination.
Ainsi, Canal+ pourra participer avec fierté au succès de tout le groupe Vivendi.