L’édition limitée de ce littlemil mise en bouteille spécialement pour la maison du Whisky a été produite en 1990, il s’agit d’une édition intitulée Jam Session #2 Il n’y a que 172 bouteilles (vu le sort que nous avons réservée à celle ci je pense qu’on peux en compter 171) et bien entendu c’est un cask strengh.
Le nez est fruité mais doux, on distingue en bouche quelques notes de plantes derrière les fruits exotiques, une finale qui reste sur les fruits exotiques légèrement herbacée s’efface un peu trop rapidement.
Le Lowland a été ma porte d’entrée vers l’écosse, au temps ou mon palais refusait qu’on le brusque avec du fruit ou des épices trop présentes, je sais que je ne suis pas objectif mais ce whisky a été pour moi une petite madeleine, me ramenant il y a une quinzaine d’année, lorsque j’ai commencé mon exploration.
Le Lowland est une région sous-estimée, qui produit des whiskys souvent jugés trop doux. Auchentoschan est la seule distillerie vraiment connue (deux autres produisent encore mais la plupart ont été démantelées entre 1980 et 2000) Le Lowland traite des whiskys single malt avec la triple distillation propre à l’écosse, procédé unique et en voie de disparition, qui est heureusement en train d’être repris dans le Speyside notamment avec le Benrinnes que j’ai acheté il y a peu, sans que l’on sache si cette mode va perdurer ou pas.
Cela donne des whisky très doux avec un fruité assez léger, peu épicés et idéaux pour faire découvrir les whisky a des gens qui n’apprécient pas les alcool forts. On n’est pas dans le pur pot still (le mélange de grain qui caractérise également les whiskys irlandais) mais bien sur un malt unique, cela donne aux whiskys de cette région une finesse bien supérieure aux whiskys irlandais de gamme équivalente. Ici nous sommes en plus dans une version d’exception, single malt, single barrel, l’un des ultimes fût de la distillerie pour la mise en bouteille. Un régal!
A noter que Hogsead sort lui aussi un Littlemil 23 ans de 1990 que je n’ai pas eu le plaisir de gouter.
Arrive le moment où selon moi les choses ont commencé à partir en cacahuète, la dégustation d’une bouteille de Karuizawa 1980 cask strengh à 63°. Karuizawa est une distillerie japonaise mythique qui a cessé sa production en 2000. Le nombre de fûts prêts à être embouteillés doit se compter sur les doigts d’une main. La rareté faisant tout pour le collectionneur, je vous laisse imaginer dans quel état d’excitation ce Karuizawa a mis le salon VIP.
Il doit être 13h30 à peu prêt, Tous les VIP se sont rués sur la bouteille dont je comprends qu’elle sera la seule ouverte aujourd’hui. Il doit rester une dizaine de cl. On est 4, il faut agir !
Ils servent le précieux nectar centilitre par centilitre, j’avertis ManoCornuta et mes potes qu’il va falloir être rapides. Je me dirige vers Jean-Marc, le patron de la maison du whisky, et lui demande de me servir la bouteille, il va la chercher me sert un verre et je vois le verre de ManoCornuta se tendre vers lui, je m’extraie en laissant la place à mes potes en file indienne. Jean-Marc fait un peu la tronche parce qu’il voit que sa bouteille est en train d’y passer. Chacun a eu son centilitre, on sort un peu de la foule qui s’agglutine au bar pour savourer le précieux nectar.
C’est un brut de fût à 63° ce qui est très fort à ce moment de la journée pour mon palais. Une décharge d’alcool au nez, des parfums d’épices fortes comme la réglisse et le clou de girofle, de fruits confits, des notes herbacées et fraiches que je n’ai pas le temps de toutes saisir.
Il aurait fallu faire durer ce whisky et le laisser s’aérer dans le verre pendant un bon quart d’heure pour pouvoir l’apprécier à sa juste valeur. Il faudrait certainement plusieurs dégustations pour lire saisir toute la complexité de ce cask strengh d’exception.
Nous n’avons malheureusement pas ce luxe. Nous sommes pris dans une course ou il nous faudra goûter ce qu’on peut quand on le peut. Nous sommes conscients qu’on passera à coté de certains whiskys mais il nous faut faire des choix et trancher.
Ce Karuizawa a été le premier d’une farandole de whisky, que nous essayerons tous d’apprécier au mieux, mais les verres s’enchaineront un peu trop rapidement pour que cela puisse être le cas. Le prix de n’importe quelle bouteille qui nous est proposée ici est au minimum le double de notre place, je goute des whiskys que je n’aurais certainement plus l’occasion de boire ailleurs, alors je vais tenter de grimper cette belle montagne pendant les 6 heures restantes, sans casser mon rythme, sans faiblir et sans poser un pied à terre.
C’est le moment au moment ou la dernière gouttelette de Karuizawa franchit ma gorge que mes deux précédents potes (ceux que j’ai qualifié de connaisseurs avertis) reviennent des micro-distilleries. J’ordonne au plus proche d’entre eux d’aller chercher sa ration de Karuizawa en espérant qu’il en reste un centilitre pour lui. Son sourire satisfait et son regard confiant viennent à bout de la résistance de Jean-Marc. La bouteille verse son ultime goutte dans le verre du deuxième. C’est finit pour celle-ci mais il en reste bien d’autres à déguster.
Je sors boire de l’eau pour tenter de remettre mon palais à jour. Pour ramener totalement mon palais à zéro je décide de goûter un expresso du bar VIP. Excellent mélange de crus du Brésil, du Salvadore et de colombie. Un pur régal. Mon palais est prêt à repartir !
Je fais le tour des whiskys proposés mais ne sais pas vraiment par quoi reprendre. L’un de mes potes me montre alors que trois bouteilles sont encore closes et qu’il s’agit d’excellents rhums. La transition me paraît parfaite et je pars pour un rhum sud américain incroyable. Je n’ai rien retenu de la fiche technique de ce rhum. C’est simplement beaucoup plus sucré et doux que la plupart des whiskys que j’ai gouté, l’alcool est présent sans prendre le pas sur les saveurs, ce rhum me repositionne en bas de la cote, là ou le Karuizawa m’avait poussé trop loin. Enfin c’était l’intention première puisque je suis reparti aussi sec sur des brut de fûts japonais. :eboue :
Je me décide pour un Yoichi 1991 cask strengh à 62°.

J’enchaine avec un Chichibu en version cask strengh et un Hanyu cask strengh également, on est un peu dans le n’importe quoi et si j’apprécie chacune des gorgées que j’avale, on est plus vraiment dans de la dégustation. ManoCornuta revient vers moi le visage enfiévré pour me dire qu’il a trouvé du café en libre service et me tend une poignée de grains pour mon nez. J’en croque 2 avant de comprendre que je n’ai qu’à les sentir.

Cette technique présentée par notre ami Serge Valentin permet de remettre le nez à zéro entre deux whiskys. ManoCornuta et moi passeront donc un certain temps à nous shooter aux grains de café. J’ai gardé un nez assez vif toute la journée, le café n’y est peut être pas pour rien…
Il explore la maison de négoce The Nectar à ce que j’ai compris, a gouté un Ben Nevis qui l’a laissé un peu froid, on est joyeux.
Perdu pour perdu je me décide à attaquer la tourbe qui s’étale devant moi en prenant un Glen Scotia de la presqu’ile de Campbeltown, édité par Silver Seals dans une gamme intitulée "whisky is art", que je ne retrouve pas avec toute la bonne volonté du monde. Introduction à l’iode et à une tourbe légère, ce whisky est un régal absolu. Je suis assez heureux de constater que les whiskys brut de fût ici en dégustation sont remarquablement équilibrés.
Je franchi un bras de mer et me retrouve avec un Caol Ila en main

On se recroise avec ManoCornuta et je lui dit que je suis faible, qu’on est là depuis moins de deux heures et que j’ai déjà les deux pieds dans la tourbe. Le temps d’un verre d’eau et de quelques shoots aux grains de café, on décide que perdus pour perdus autant y aller franco. Je lui montre un Bowmore 25 ans brut de fût qui me tente bien, et on remarque un brut de fût 12 ans, de cette même distillerie, édité par Signatory Vintage.
On se décide à gouter les deux et à faire tourner nos verres dans un grand élan de camaraderie

On aura du mal à obtenir les verres à cause d’un gros italien qui passe son temps à draguer une VIP américaine au lieu de remplir nos verres. (Je découvrirais par la suite qu’il s’agit de Massimo Righi qui est le directeur de la société Silver Seals, ce qui lui vaudra d’être à moitié pardonné, un homme qui apporte un tel soin à sélectionner ces fûts ne peux pas être entièrement mauvais.)
On fait tourner les Bowmore, je me retrouve avec le 12 ans et ManoCornuta avec le 25, le 12 est bien plus puissant en bouche, le 25 est plus fin et plus équilibré. Mes potes ont commencé à déserter la place. Les deux connaisseurs sont partis faire un tour à l’étage des spiritueux, pour tenter d’y gouter rhums et eaux de vies. Les deux autres sont à l’eau. Je me promet de revenir quand j’aurais décider d’achever mon palais pour déguster ce superbe Laphroaig 15 ans version The Artist que j’avais déjà goûté l’année dernière.
On sort de l’espace VIP, on est un peu attaqué et on va prendre un des petits pains spéciaux en dégustation. On boit de l’eau, on se demande un peu quoi faire. La salle principale avec toutes les distilleries écossaises se trouve à l’étage du dessous. Il reste le japon les US et toutes les distilleries du monde…
Par acquis de conscience on fait le tour de l’étage, pour tomber sur une réplique de la boutique londonienne de la maison de négoce Berry’s. Je manque de faire demi tour en voyant des Glenrothes

On ne sait trop quoi prendre, il y a 4 à 5 bouteilles qui sont présentées. On s’approche et le Serveur nous propose un bouteille, mes trois compagnons prennent le whisky proposé (un Clynelish peut-être, je ne sais plus) quand à moi j’opte pour un Imperial de 1991. On s’échange un peu les verres et mon nez me confirme que j’ai fait le bon choix. Imperial est une distillerie du speyside dont l’ensemble de la production à longtemps été destiné aux whiskys d’assemblage. C’est bien dommage quand on goute à ce whisky qui présente un nez très fruité, avec une touche de vanille légèrement épicée. Les fruits confits se retrouvent en bouche. Je suis très agréablement surpris, ce whisky très fruité me laisse en fond de bouche un parfum légèrement épicé comme de la canne à sucre. Je ferme les yeux comme pour mieux savourer les différentes pâtisseries que je pourrais faire avec ce whisky.

Assurément un de mes coups de cœur de la journée avec les merveilles du salon VIP et les magnifiques produits de chez Compass Box.
Je ne vois donc pas arriver un joyeux compère qui reconnaît ManoCornuta et avec lequel je me retrouve à discuter avant de savoir comment il s’appelle. Ce jeune homme sympathique tient visiblement un blog de dégustation de whisky et nous invite à échanger nos coups de cœur du jour. Il nous parle notamment de deux whiskys Néo Zélandais qui l’ont marqué. On parle des découvertes du salon VIP, le jeune homme n’a pas accès au salon privé, il nous écoute avec un certain intérêt. Le type nous propose ensuite de venir chez lui partager ses bouteilles qui sont en train de se perdre

Il nous propose de nous connecter sur whisky base pour voir ce qu’il possède et à apporter qq bouteilles chez lui pour dégustation. Ca me brancherait bien dans l’esprit mais je crois que ça va dépendre de sa cave (il a 50 bouteilles, ça part plutôt bien quand même)
Ce petit filou passe son temps à remplir des fioles vides avec les verres qu’on lui sert, il goute une partie sur place, et en emporte une partie pour dégustation sur son blog. J’admire ce sang froid et les poches de son baggy ou s’entrechoquent les fioles, le mec à autant de classe qu’un roumain qui vient à un buffet gratuit avec trois Tupperware, histoire de faire profiter toute sa famille pendant deux semaines, c’est le whisky live, ça n’arrive qu’une fois par an, le mec est beau parce que dans l’effort.
Il fait le salon tout seul, visiblement on est ses nouveaux meilleurs amis et il décide de nous suivre.
On descend donc à l’étage principal après un nouveau passage par la case eau. Notre nouvel ami nous a parlé des whiskys du monde, on y va, en passant sans s’arrêter par la case Ecosse.
Dans la série des distilleries Néo Zélandaises je demande Hellye'rs Road. Je goûte leur 12 ans. La première impression c’est qu’il ne s’agit pas de whisky, les parfums sont acidulés et fruités mais ont un je ne sais quoi de chimique qui me surprend.
Mes camarades m’abandonnent pour aller vers la distillerie indienne Amrut. Une petite bouteille grande comme un flacon de chanel n°5 enferme leur nectar, un whisky avec 300% de part des anges.

Retour du coté de la Nouvelle Zélande pour le deuxième conseil de notre joyeux drille au pantalon plein (une de ses poches fuit un peu d’ailleurs et je suis surpris qu’il ne se lèche pas la cuisse). Je me retrouve à goûter un whisky de la distillerie the new zealand whisky. Le whisky est un double wood (en gros on le change de fût à mi-parcours)
Je le sens et j’ai envie d’éclater de rire, ce truc n’est pas un whisky, ça sent la fraise tagada, les bonbons de la boulangerie, une odeur de fruit, un peu douceâtre, un peu chimique. Une gorgée et je me marre ouvertement. Un pote de potes nous a rejoint et je lui tend mon verre pour qu’il goute ce truc qu’il qualifiera de « dégueulasse ». Je ne suis pas aussi radical que lui, mais une chose est sûre, ce whisky est très ambivalent. Une personne le place dans ses coups de cœur, une autre dans les whiskys à vomir. Je ne sais personnellement pas trop quoi en penser, c’est très original, mais à part dans une exploration dont le but serait mettre en lumière la diversité des whiskys, je ne vois pas trop d’intérêt à ce truc…. Après je ne suis pas fan de bonbons.

On se fera la réflexion avec ManoCornuta sur ce type avec son blog en se disant qu’il aimait vraiment les trucs différents, et trouvait qu’un whisky trop classique était sans intérêt.
Sa vision n’est pas loin de se trouver à l’opposé exact de la mienne, j’aime beaucoup être surpris, mais je trouve que s’il est facile de sortir du lot en faisant des whiskys avec énormément de caractère, le grand art consiste à se démarquer par la qualité de sa production tout en respectant l’histoire du produit. Le whisky est un alcool noble qu’on peut réinventer et bousculer, mais sa palette est déjà suffisamment riche pour qu’on ne soit pas obligé de l’amener ou il n’a pas besoin d’aller. Mon coté vieux con sans doute.
Il est plus que temps de rentrer dans la salle principale ou les distilleries écossaises, irlandaises et japonaises nous attendent de pied ferme.
On ne faiblit pas et on file vers la troisième et dernière partie du CR de Yessod