Citation (Master-Exploder @ 16/07/2012 14:14)

Il s'est mis en tête du peloton, debout sur la selle, en écartant les bras pour dire "calme". Tranquille quoi. Et après Eisel a "applaudi ironiquement" ceux qui continuaient à attaquer.
Même sur une étape de plat qui les concerne pas ils veulent tout diriger.
Citation
Rolland, et alors?
Le cyclisme est un sport merveilleux. Dimanche, nous avons assisté à une de ces grandes messes dégoulinantes dont le peloton actuel a ponctuellement le secret. Chevaleresques, ils ont tous, à l'unisson, sauver le soldat Cadel, le grand seigneur jaune Bradley Wiggins en tête de cette si belle armée. Victime de trois crevaisons entre le sommet du Mur de Péguère et la première moitié de la descente de ce même col, l'Australien aurait pu y perdre définitivement le Tour. Mais la mansuétude de ses adversaires, déterminés à ne pas profiter des malheurs de leur illustre confrère, lui a finalement permis de rentrer à l'hôtel comme si rien de tout ça ne s'était passé. Dans l'affaire, il n'y a donc que des gentils. Mais comme dans tout bon film, il faut un méchant. Pierre Rolland, passé à l'attaque dans cette même descente quelques instants après les premiers malheurs d'Evans et accusé par certains d'avoir voulu sciemment profiter de la situation, sera donc celui-là.
A vrai dire, je ne sais pas si Rolland savait ce qui se tramait derrière lui. Lui jure que non. Personne n'a les moyens de prouver le contraire. Accordons-lui le bénéfice du doute même si je dois dire que je n'ai pas bien compris le sens de son attaque, seul, si loin de l'arrivée, avec vingt kilomètres de plat pour finir avant la ligne d'arrivée. Il n'avait aucune chance. Je ne suis pas là pour instruire le procès de Rolland ou pour me faire son avocat. Mais il faut distinguer deux choses: si Rolland a attaqué alors qu'il savait que vingt ou trente coureurs avaient crevé et que ces crevaisons étaient dues à une malveillance manifeste et réellement exceptionnelle par sa nature et son ampleur, c'est effectivement très limite. En revanche, s'il a attaqué avec pour seule information que Cadel Evans avait crevé, sans connaitre l'origine de cet incident, désolé de vous le dire, il n'y a aucun scandale.
Or ne soyons pas hypocrites. Ce qui est reproché à Rolland, ce n'est pas d'avoir profité du malheur d'une vingtaine de coureurs, mais de l'un d'entre eux en particulier. Si Bradley Wiggins en personne a demandé à tout le monde de lever le pied, c'est bien parce que Evans, et pas Tartampion, était à l'arrêt derrière. Personne n'aurait attendu Tartampion. J'appelle ça du fair-play à géométrie variable. "Personne n'a envie de profiter de la malchance d'un de ses adversaires", a d'ailleurs dit le maillot jaune après l'arrivée. Evidemment, personne n'a envie de ça. Mais la nature du sport cycliste veut que, parfois, certains jouent de malchance. Charly Gaul a perdu un Tour de France sur une crevaison. Bien plus près de nous, Jean-François Bernard a perdu un Tour de France sur la base d'une crevaison. Raymond Poulidor n'a jamais été attendu après ses multiples chutes. Le débat que nous avons aujourd'hui sur l'attaque de Rolland aurait paru surréaliste il y a encore trente ou quarante ans. D'ailleurs, certains "anciens" ne prennent pas tant de pincettes. Jean-Pierre Danguillaume, en grande forme dimanche soir dans L'Etape de Virenque, a expliqué qu'à son époque "personne ne faisait de cadeau".
Si on pousse jusqu'à l'absurde le raisonnement de Wiggins, il n'y a plus de cyclisme. Un cyclisme sans chute, sans incident mécanique, sans crevaison, sans saut de chaine, ça n'existe pas et ça n'existera jamais. On en arrivera un jour à considérer que si le maillot jaune a un rhume le matin, il ne faudra pas l'attaquer, sous prétexte qu'il n'a pas eu de chance de prendre froid. Au passage, sans oreillettes, jamais une telle scène ne se serait déroulée puisque, par définition, Rolland n'aurait sans doute pas su qu'Evans avait été victime d'une crevaison et encore moins pour quelles raisons. Le vrai problème, c'est quand la course se décide dans les voitures avant de se tramer sur le vélo. Quand les directeurs sportifs ont le pouvoir sur leur coureur via l'oreillette.
Je ne dis pas que ce qu'a fait Rolland a fait était bien ou mal. Mais les leçons de morales me fatiguent. Si Rolland veut attaquer Evans parce qu'il a crevé, on peut trouver que ça manque de classe, on peut regretter qu'il n'attaque pas plutôt dans la montée, mais c'est un fait de course, pas un crime. Et si le peloton tout entier veut se coaliser pour le lui faire payer, à lui de voir. Le comble de l'absurde a quand même été atteint quand les coureurs de Lotto se sont fait enguirlander par d'autres, notamment George Hincapie, coéquipier d'Evans, parce qu'ils roulaient derrière Rolland. Mais comme l'a fort justement fait remarquer Jurgen Van den Broeck, leader de l'équipe belge, Rolland menaçait sa position. On ne peut pas neutraliser la course de tout le monde au gré de la volonté des uns et des autres. La malchance, je dirais même l'injustice, font partie de ce sport. Accessoirement, il y a la chance et la gestion d'une situation de crise. BMC a très mal géré la première crevaison de son leader. Tejay Van Garderen, qui a vu Evans crever, a d'ailleurs admis qu'il aurait dû s'arrêter. Mais, a-t-il ajouté, dans la confusion, il n'a pas pris la bonne décision.
Je peux entendre l'argument sur l'aspect "exceptionnel" de la situation de dimanche. Mais il a ses limites. D'abord parce qu'en première semaine, deux chutes au moins ont eu lieu dans le peloton car un coureur avait roulé sur un bidon jeté par un autre coureur. Preuve que les spectateurs n'ont pas le monopole des gestes irresponsables. Ceux qui ont laissé une ou deux minutes dans ces circonstances doivent-il être considérés comme moins malchanceux que ceux qui ont roulé sur des clous dans Péguère? Pourtant, personne ne les a attendus. D'autre part, Wiggins lui-même a admis que c'était bien la crevaison d'Evans qui l'avait incité à agir comme il l'a fait. Pas l'origine peu ordinaire de cette crevaison. Si Evans avait percé sur un gravier, le peloton aurait attendu de la même façon. Les clous ont donc bon dos.
De cas particulier en cas particulier, on n'en sortira plus. Il y a deux ans, la neutralisation de l'étape de Spa m'avait consterné. Là aussi, avait-on dit, les circonstances étaient exceptionnelles: beaucoup avaient chuté, des favoris étaient au tapis, le temps était épouvantable. En réalité, la véritable injustice, c'est lorsque certains décident, en fonction des noms des victimes et des circonstances, quand il faut attendre ou ne pas attendre.
Reste au moins un point sur lequel, je pense, tout le monde sera d'accord: ceux qui ont posé les clous sur la route sont des inconscients doublés d'imbéciles. Ils ont de la chance: ils ont provoqué des crevaisons, ils auraient pu, par leur geste, engendrer des drames. Le pire a été évité. Cela nous permet de nous concentrer sur des questions plus futiles, comme l'attitude de Pierre Rolland. C'est bien mieux comme ça.
http://www.eurosport.fr/roue-libre_blog138...gpostfull.shtml