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MARSEILLE – Quand, lundi, le nom de Paul Pogba a été prononcé, pour la première fois, lors de sa conférence de presse, Moussa Sissoko l’a accueilli avec un sourire. Et cette phrase, quelques minutes plus tard : « Vous faites une fixette. » Oui, il y a de cela. Le regard posé sur le milieu de la Juventus (23 ans) ne sera jamais le même que pour un autre. Il est lié à ce talent immense, perceptible depuis ses plus jeunes années dans son quartier de la Renardière de Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne) et à cette personnalité à part, prisée par les annonceurs. Les médias ne sont pas les seuls à poser un regard attentif sur l’ancien Mancunien. Didier Deschamps et son staff, depuis des semaines, ne le lâchent pas. Sur le terrain et en dehors. Une exigence qui pourrait avoir une conséquence.Tout à l’heure, Pogba a de grandes chances de prendre place sur le banc des remplaçants. Une sanction par rapport à ses sorties récentes moyennes face à l’Écosse (3-0) et surtout face à la Roumanie (2-1) ? Difficile de ne pas valider cette hypothèse. Mais il y a sans doute aussi une volonté du staff des Bleus de provoquer chez le milieu de la Juve une réaction.
Une méthode du « bâton » souvent utilisée avec « la Pioche » : «Il m’est arrivé de le mettre sur le banc ou en équipe réserve car je voulais susciter chez lui une réaction, se souvient François Rodrigues, son formateur au Havre. Je me rappelle nos discussions. Je lui disais : “C’est bien de prendre du plaisir avec des gestes techniques mais, en faisant ça, tu mets en péril le collectif’’. Il en était conscient, il me répondait en rigolant : ‘‘Je sais, coach, mais je ne peux pas m’en empêcher.’’ » L’équation, difficile à résoudre, a toujours été celle-là avec Pogba : comment gérer, encadrer cet immense talent, ce jeune homme « attachant » (Rodrigues) au caractère affirmé, en développant son potentiel et sans dénaturer son jeu ? « Paul n’est pas quelqu’un de difficile à gérer, c’est un gentil garçon, quelqu’un à l’écoute, analyse Guy Ferrier, son sélectionneur en équipe de France des moins de 16 ans. Mais il faut toujours être derrière lui, attentif. Sinon, il est dans l’excès, à vouloir tout faire tout seul. Il fallait faire des piqûres de rappel, le remettre à sa place. Il le prenait bien car il a une vraie volonté de progresser. Avec son petit sourire enjôleur, il savait qu’il avait franchi la limite.»
Capitaine attentif et leader rigoureux de la génération 1993 avec Samuel Umtiti ou Yaya Sanogo, Pogba a besoin de sentir ce regard exigeant de ses entraîneurs pour avancer : « Moi, j'étais toujours derrière lui mais c'est mon rôle. Surtout à cet âge critique entre dix-huit et vingt ans, se souvient Antonio Conte, son entraîneur à la Juventus de 2012 à 2014, qui n’avait pas hésité à l’écarter à plusieurs reprises pour des retards. Il faut gérer avec la carotte et le bâton : avec Paul, je devais parfois sortir le bâton mais il était toujours à l'écoute. Dans sa tête, c'était clair. Tant qu'il n'aura pas gagné le Ballon d'Or, il ne sera pas content.»
Une ambition qui se heurte à des habitudes : «Il faut être vigilant avec Paul. Régulièrement, il faut lui dire : “Paul, t’as pas le droit.’’ Je me souviens de stages où, au déjeuner, il était en retard de quelques minutes, où il arrivait avec ses claquettes au lieu de ses baskets, prolonge Pierre Mankowski, son sélectionneur jusqu’en moins de 20 ans, un reproche formulé aussi par le staff des Bleus. Il était conscient de son erreur, il s’excusait et ne le refaisait pas un temps. Ça ne l’empêchait pas de recommencer quatre ou cinq fois après. Je me suis toujours dit que c’était une manière pour lui d’attirer l’attention. Paul, c’est un affectif, il a besoin de cela, de sentir qu’on fait attention à lui, à ses gestes. C’est lui, ça fait son charme. (Rires.)» Son entraîneur à la Juve, Massimiliano Allegri, et Didier Deschamps n’y goûtent guère. Cette personnalité est-elle un frein à son évolution dans les prochaines années ? « Il va falloir qu’il fasse quelques concessions. Mais, Paul, il faut le prendre avec son grand talent et ses grandes lacunes : cette liberté-là qui s’exprime sur le terrain, il a ça en lui. Si on lui enlève cette notion de plaisir, cette part de folie sur le terrain, va-t-on voir le vrai Pogba ?» interroge Rodrigues. Même tolérance chez Ferrier : « C’est un jeune garçon à qui on demande d’avoir des attitudes de briscard. Donnons-lui encore du temps.» Et après ?«S'il continue à avoir envie, à travailler, à ne jamais se croire arrivé, il peut viser le Ballon d’Or », poursuit Conte. La carotte est ciblée.
Putain le délire "Pogba joue pas parce qu'il mange en claquettes" est vraiment parti de cet article??