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Makelele : « Je veux donner une identité au PSG »
Invité à répondre aux questions de nos lecteurs, le capitaine du PSG, 36 ans, s’est longuement confié. Il n’a pas caché son désir de s’investir sur le long terme à Paris.
A.H. Entretien coordonné par Frédéric Gouaillard et Frédéric Michel. Photos : Philippe de Poulpiquet. Avec la collaboration d’Elisabeth Kastler-Le Scour. | 25.05.2009, 07h00
Claude Makelele arrive au siège de notre journal jeudi dernier, peu après 15 h 10, au volant de son 4 x 4 Porsche, boosté et customisé. Chemise à petits carreaux, cravate noire, jean clair et baskets blanches, le capitaine du PSG, décontracté, n’a pas oublié de soigner son look, lui le passionné demode. De sa voix douce et posée, il charme son auditoire.
D’ordinaire adepte de la langue de bois, l’ancien international force sa nature pour se livrer comme dans son autobiographie* à paraître mercredi. Malgré l’argent et la célébrité, Claude Makelele a su rester simple. Nos lecteurs s’en sont vite aperçus et, après près de deux heures d’entrevue, ils ont entouré le milieu de terrain pour une longue séance photo et de dédicace.
JEAN-MICHEL PLOMION. Qu’envisagez-vous de faire l’année prochaine ?
Claude Makelele. (Rires.) Je l’ai toujours dit : je veux rester au Paris Saint-Germain sur le long terme. Je vais avoir une discussion avec le futur entraîneur. Je l’ai déjà eue avec le président. Il y a de grandes chances que je reparte sur une année. Ça dépendra donc de la discussion avec le nouvel entraîneur.
SALIMA BRAOUNI. A 36 ans, avez-vous les capacités physiques pour continuer ?
On me parle souvent de ça. Mais ce n’est pas l’âge biologique qui compte.Çase joue aussidans latête. Il suffit d’être professionnel, d’avoir une bonne hygiène de vie. En plus, le Bon Dieu m’a donné une condition physique qui peut me permettre de continuer.
PASCALINE CABANNE. Qu’estce qui vous pousse à vouloir rester au PSG l’an prochain ?
Je veux participer au projet du président : construire une bonne équipe à long terme et donner une identité au club — comme celle des années 1990 — avec pour objectif d’être au coude-à-coude avec Lyon, Bordeaux et Marseille. C’est la place de Paris. On est la capitale.
SALIMA BRAOUNI. Quel pourrait être votre rôle au sein du club ?
Un, d’être à l’écoute. Ensuite, d’être un ambassadeur à tous les niveaux : sportif, au niveau de l’image et de la communication. Je peux apporter par mon vécu, par mon image dans le footballmondial. Pourquoi ne pas donner ça au PSG ?
PASCALINE CABANNE. Comment vivez-vous votre rôle de capitaine ?
Ce n’est pas nouveau pour moi. Je l’étais parfois à Chelsea. J’ai toujours eu ce tempérament de gagneur. J’apprécie de parler et d’écouter.
AMBROISE MORICEAU. Avez-vous encore des contacts avec Charles Villeneuve qui vous a fait venir à Paris ?
Oui, je le connaissais bien avant. On garde le contact. Je suis fidèle. Le boulot c’est le boulot, les amis restent des amis. Au PSG, il a su insuffler une rigueur nécessaire. Par ailleurs, je suis conscient que Villeneuve, Bazin ou moi, on est de passage, car le PSG appartient à la ville de Paris.
ALEXIS DA SILVA. Croyez-vous que Charles Villeneuve ait un projet pour revenir au club ?
Il ne m’en a pas parlé ! (Rires.) Je pense qu’il a regretté son départ parce qu’il adorait le PSG. Il était comme un enfant, il s’épanouissait. Ce qui s’est passé, c’est dommage. Mais le football est un tourbillon. Il faut faire très attention à tout et à tout le monde…
BLAISE NANA. Pensez-vous que votre arrivée au PSG a apporté un plus ?
J’espère. C’était l’objectif. Cela a donné une image un peu différente dans le sens où, depuis pas mal de temps, beaucoup d’internationaux ne voulaient plus revenir à Paris par manque de stabilité. J’ai ouvert la porte. J’espère que la plupart des joueurs français de haut niveau vont pouvoir revenir de l’étranger et rehausser le niveau de la L 1.
ALEXIS DA SILVA. Paul Le Guen va partir. Quelles relations aviez-vous ?
Cela me surprend qu’on parle de complot, de mauvaises relations avec Paul. Au contraire. Oui, au départ il ne voulait pas de ma venue. Mais le premier jour, quand on en a discuté, il a compris que je ne venais pas en vacances. Quand je m’investis, je suis à 100 %. Après, ce qui s’est passé entre l’entraîneur et le président (Bazin) a un peu déstabilisé le groupe. Ces décisions, ça se prépare.
ALEXIS DA SILVA. Avez-vous eu un entretien avec Sébastien Bazin au sujet de Le Guen ?
Pas du tout. Mais j’ai eu énormément de discussions avec M. Bazin. C’est vrai qu’il me posait des questions. Je lui disais exactement ce qui se passait. C’était très, très transparent entre nous. M. Bazin, je le connais depuis trois ans. Il venait voir des matchs à Chelsea. Nous avions des amis en commun.
JEAN-MICHEL PLOMION. Avez-vous évoqué avec Patrick Vieira sa possible arrivée au PSG ?
Non. J’ai été surpris d’entendre ça. Patrick reste un très bon joueur. Ce serait exceptionnel qu’il puisse venir. Il peut apporter énormément. A Paris, il serait accueilli les bras ouverts.
ALEXIS DA SILVA. Comment expliquez-vous l’incapacité du PSG à bien négocier les gros matchs ?
On est à notre place, tout simplement. Cela faisait deux ans que le PSG souffrait. Le fait d’arriver dans les cinq premiers serait un soulagement. En une année, on a su se stabiliser sur le terrain. L’année prochaine, il faudra confirmer. Ce sera encore plus dur.
ALEXIS DA SILVA. Le fond de jeu est assez pauvre…
On ne peut pas construire une bonne équipe avec un jeu fluide en un an.Mais le travail va faire queParis retrouvera une identité de jeu.
ALEXIS DA SILVA. Pensez-vous que Guillaume Hoarau puisse devenir le grand attaquant de l’équipe de France ?
Il a des qualités exceptionnelles, il est toujours à l’écoute. Il a un potentiel énorme et est très travailleur. Lorsque je suis arrivé, il était tout timide. Je lui disais : « Commence à travailler maintenant, à t’endurcir dans la tête. Le jour où tu partiras, tu auras un bagage exceptionnel. Tu n’auras pas de problème pour réussir à l’étranger. »
AMBROISE MORICEAU. Comment jugez-vous votre bilan personnel cette saison ?
Assez correct. J’ai démarré dans des circonstances difficiles en étant un peu blessé. J’ai tout donné, que ce soit sur le terrain ou en dehors. J’ai toujours fait le maximum pour que l’équipe ait un équilibre.
PATRICK LEPLAY. Quand on est gamin, on rêve de jouer dans les grands clubs. Est-ce que vous avez réalisé tous vos rêves ?
Avant le début de cet entretien, vous avez dit : « Je vous félicite pour votre carrière. » Mais vous ne savez pas vraiment par où je suis passé pour en arriver là. J’ai connu des galères que vous ne pouvez pas imaginer. Je me suis retrouvé sans club. Les gens me faisaient une réputation de fainéant. Je pleurais chez moi, je ne comprenais pas. Je me disais : « Je ne suis pasméchant. Pourquoi ils font ça ? » Souvent c’était gratuit. Il faut avoir un bagage énorme pour s’en sortir.
PATRICK LEPLAY. Comment fait-on pour s’en sortir ?
Dans le football, les bonnes choses arrivent à long terme, avec le travail. Et les mauvaises très vite… Moi, j’ai pris des chemins quim’ont aidé à repenser plus au football qu’à vouloir gagner de l’argent tout de suite.
PATRICK LEPLAY. Quand avez-vous traversé cette période difficile ?
A Nantes, àMarseille, au Celta Vigo. Je me retrouvais toujours dans des situations où il fallait faire plus que les autres.
SALIMA BRAOUNI. Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Audépart, je ne voulais pas. L’an dernier, j’ai finalement accepté. Je me suis dit : « Je suis père de famille, j’ai deux enfants. » Ils représentent tout pour moi. Ils sontmon énergie. C’est un témoignage pour eux — et mon père — afin de leur laisser quelque chose dont ils seront fiers. Ce livre reflète mon identité, raconte combien leur père a fait des sacrifices.
SALIMA BRAOUNI. Ecrire un livre sur sa vie à 36 ans, n’est-ce pas trop tôt ?
C’est surtout montrer la voie à beaucoup de jeunes. J’en ai vu beaucoup partir dans de mauvaises directions pour une phrase, un plaisir, des détails. On ne se rend pas compte que cela peut changer toute une vie.
SALIMA BRAOUNI. Quel regard portez-vous sur les Bleus et la stratégie de Domenech ?
Avant 2006, Domenech a voulu lancer les jeunes dans une qualif pour la Coupe du monde… Mais il a commis une erreur. Il a fait arrêter tous les anciens. Dans une équipe, il faut toujours de l’expérience.On ne parle pas de l’âge, mais de l’envie d’aider son prochain. Il a ensuite sumodifier sa stratégie. C’est pour cela que je l’apprécie. Il le mérite, il a toujours protégé ses joueurs. Un sélectionneur doit être une muraille pour ses « petits soldats ».
JEAN-MICHEL PLOMION. Les salaires des joueurs doiventils être rendus publics en cette période de crise ?
On peut dire ce que je gagne. J’ai souffert, j’ai sauté des étapes dans ma vie d’adolescent pour faire des sacrifices. Oui, je dois gagner cet argent- là, cela ne me pose pas de problème. Il y a quinze ans, les acteurs, les chanteurs gagnaient ces salaires. On en parlait moins alors.
AMBROISE MORICEAU. Les jeunes joueurs gagnent-ils trop d’argent ?
C’est l’évolution de la vie. Moi, dès l’âge de 16 ans, mon père m’a pris mon argent et il l’a mis sur un compte bloqué. Ilme donnait de l’argent de poche. Il m’a dit : « Le jour où tu arrêteras, avec la vie que tu as eue, tu ne supporteras pas de vivre notre vie à nous, de te lever lematin et d’aller au travail. Tu n’auras pas cette capacité. Fais en fonction de ne pas redescendre et de garder ce niveau de vie-là. » Il n’avait pas tort.
SALIMA BRAOUNI. Ressentez-vous la crise dans le monde du foot ?
(Rires.) Oui. Mais ça n’empêchera pas le football d’avancer parce que c’est une passion.
ALEXIS DA SILVA. Comment viviez-vous votre exposition dans la presse people ?
Désormais, c’est derrièremoi. C’était lié au travail de la mère de mes enfants (NDLR : la top-modèle Noémie Lenoir). C’était supportable,même si je n’aime pas ça et que je le vivais comme une obligation.
BLAISE NANA. Avez-vous été victime de racisme dans les stades ?
Comprenez-vous qu’il y ait des joueurs qui craquent nerveusement ? Oui, c’est compréhensible. Certains imitent des cris de singe ? Mais on vient tous du singe. Je ne fais pas très attention à cela.
PATRICK LEPLAY. Envisagez-vous de créer un centre de formation ?
Oui, je fais énormément de choses, mais je n’en parle pas parce que cela vient du cœur. On le fait pour aider, pas pour le médiatiser. Je fais des choses en Afrique, notamment au Congo. Je fournis des médicaments aux hôpitaux. J’aide aussi les jeunes footballeurs sur le plan du matériel.
PASCALINE CABANNE. Vous êtes très attaché à votre père. Continuez-vous à lui demander conseil ?
Oui. Je discute énormément avec lui. On est vraiment très complices. Rien qu’à se regarder, on sait ce qu’on va dire. C’est lui qui m’avait obligé à revenir en équipe de France, c’est lui quim’a dit de venir à Paris. Ilm’a dit : «Cela va être plusdifficilequ’àChelsea, à Madrid. » Il avait raison.
ALEXIS DA SILVA. Comment vivez-vous la situation du FC Nantes ?
Très difficilement. Nantes a été une institution du football français. Ils ont fait beaucoup d’erreurs en faisant partir des piliers comme Suaudeau, Budzinski, Denoueix. On veut toujours du renouveau, mais il ne faut jamais oublier le passé. Le club a été déstabilisé par des gens qui viennent pour assouvir leurs besoins personnels.
PASCALINE CABANNE. Vous avez ouvert un restaurant à Paris, le Royce. Quelle a été votre motivation ?
Depuis notre plus jeune âge, on avait cet objectif avec un ami. Ce n’est pas que du business. On y gagne un peu, mais pas au point d’arrêter de travailler. C’est à nous. On est contents quand on y est.
SALIMA BRAOUNI. Si vous deviez choisir un entraîneur pour l’équipe de France, autre que Domenech, sur qui porteriez-vous votre choix ? Mourinho ?
C’est quelqu’un que je respecte,mais qui m’a aussi fait souffrir énormément ! Mais c’est un gagneur. Il connaît le football, il sait comment utiliser les joueurs, comment lesmotiver, mais aussi comment lesmettre bas. C’est quelqu’un de très calculateur, vicieux, ambitieux. Le meilleur, c’est Suaudeau. Je n’ai jamais vu aussi fort que lui. Pourtant, j’en ai côtoyé des entraîneurs.
PASCALINE CABANNE. Pour revenir au PSG, vous n’avez pas encore eu de discussions avec Antoine Kombouaré ?
Non, pas encore. (Rires)
BLAISE NANA. Et s’il vous dit : « Je compte sur toi. » Vous continuez ?
Il faudra beaucoup plus d’arguments quandmême !Mais, si un entraîneur me dit ça, ce serait très positif pour ma décision.
AMBROISE MORICEAU. Il n’y a donc pas que la volonté de Sébastien Bazin qui comptera ?
Ah non !
AMBROISE MORICEAU. Allez, on est entre nous…
(Rires.) Je n’ai pas encore eu cette discussion, donc ma décision n’est pas prise.
PATRICK LEPLAY. Vous comptez l’annoncer quand ?
Dans la semaine.