So FootCitation
Mais qui es-tu Christophe Jallet ?
10 juillet 2009
Nercillac, Cognac, Niort, Lorient et maintenant Paris pour quatre ans. Christophe Jallet gravit les échelons sans se précipiter. Portrait de la recrue la moins sexy du PSG, mais qui pourrait finalement s’avérer être la plus importante de la cuvée 2010.
Christophe Jallet est né à Cognac, ses parents sont viticulteurs et il est supporter de Bordeaux. Voilà, c’est dit, ce mec a un CV qui sent l’alcool franchouillard. Pourtant, si on retourne aux origines du bonhomme, c’est surtout l’odeur de la campagne qui vient chatouiller les narines. Christophe a grandi au milieu des vignes et des années 80, dans un patelin charentais de 1000 âmes nommé Nercillac.
La nature, la terre, Jallet les a placées au centre de sa vie. Peut-être même un peu trop. Dans une interview publiée le 5 août 2007 sur son Skyblog (sic), on lui demande s’il est plutôt PS ou UMP : « Ni l’un ni l’autre. Plutôt "Chasse, Pêche, Nature et Traditions". Je reste dans les traditions de mon terroir. J’ai vécu comme ça, avec ces traditions à défendre ». Flippant. Le côté positif c’est que, de l’avis général, son origine rurale a aussi fait de Cricri d’amour un mec simple, modeste, sans prise de tête. « Quand il rentre chez lui, il oublie tout ce qui tourne autour du foot parce que ses parents travaillent la terre, parce que ses beaux-parents sont d’un milieu ouvrier, explique Marc Boutruche, son ancien collègue à Lorient aujourd’hui retraité. Il a peut-être une plus grosse voiture mais c’est tout. Christophe a beaucoup d’amis en dehors du foot, forcément ça maintient la réalité en place ». Du coup, Christophe développe des goûts simples entre bricolage, bonne bouffe et bon vin. Il n’a pour le moment acquis qu’un seul tic de riche : la passion du golf.
Mais avant même de savoir ce qu’est un green, Jallet taquine déjà le ballon rond sur la pelouse du club de Nercillac. Il y reste jusque ses dix ans, âge auquel il est recruté par l’équipe de sa ville natale, Cognac. « Il n’était pas surclassé mais il était déjà au-dessus des autres, se souvient Didier Martineau, son entraineur en moins de 15 ans. Bonne technique, bonne vision du jeu. Physiquement, il était bon pour courir, un peu moins pour rentrer dedans. Comme maintenant, ce n’était pas un gros bonhomme mais il emmenait les autres ». Comme tous les joueurs au-dessus du lot dans ces catégories là, Christophe jouait numéro 10.
De Chamois à Merlu
A 14 piges, la plupart des adolescents rêvent encore de devenir pro. Pas glamour pour un sou, Christophe Jallet ne veut pas trop s’éloigner de ses parents, il part donc en sport-études à Niort, à 98,5 km de Nercillac selon Google Maps. Chez les Chamois, le jeune Jallet fait toute son éducation, sur et en dehors du terrain. Centre de formation, baccalauréat, il enchaine même avec un BTS d’œnologie par correspondance, histoire d’assurer ses arrières, et se transforme en milieu défensif ou en milieu droit selon les matchs. Passé pro à 20 ans, Christophe joue deux saisons en Ligue 2 avant la descente de Niort en National. Le malheur de son club fait le bonheur du joueur, qui récupère le capitanat et confirme son talent.
Première ligne au palmarès (champion de National) et le Chamois devient un Merlu. Lorsque Jallet débarque à Lorient, fraichement monté en Ligue 1, il impressionne par son endurance. « Dès le stage de préparation, il éclatait tout le monde. Physiquement, il était au-dessus du lot, même s’il n’avait pas un gros gabarit. On avait un préparateur physique qui entrainait Elodie Guegan (championne de France du 800m en 2007, ndlr), il disait que Christophe était l’un des rares qui aurait pu faire de l’athlé. Il aurait pu faire un super coureur de 1500 », assure Stéphane Bacro, journaliste à Ouest France. N’empêche, le mec vient d’un niveau inférieur et il n’a pas été recruté pour être titulaire. Rentré en cours de jeu lors de la première journée, banquette pour la deuxième, Jallet profite des blessures et suspensions pour connaître sa première titularisation en Ligue 1 contre Lens.
A la 73è minute, les Lorientais sont menés 1-0 à domicile. Saïfi, à 20 mètres du but, dévie une ballon vers le côté droit. Jallet, esseulé, contrôle de la poitrine et claque une demie-volée croisée qui termine sa course dans la lucarne d’Itandje, un but qui restera comme l’un des plus beaux de la saison. Mais ce n’est pas un pauvre but, si beau soit-il, qui peut convaincre Christian Gourcuff. Boutruche, qui a pris Christophe sous son aile depuis son arrivée dans le Morbihan, le console : « Je lui ai dit : “Sois patient, vu tes qualités, je suis sûr que tu termineras par jouer latéral droit à ma place” ». Lors du match suivant, Boutruche se nique les ischio-jambiers. A partir de ce moment-là, Jallet se mue en arrière droit, poste qu’il ne quittera plus. Il pousse son pote sur le banc et s’installe dans l’équipe-type : 36 matchs en 2006/2007, 37 l’année suivante. Finalement, sa saison la moins pleine est la dernière, une pubalgie l’ayant éloigné des terrains cet hiver.
Bientôt chez les Bleus
Mais Antoine Kombouare ne s’est pas laissé prendre. Au milieu des recrues qui font couler de l’encre (Erding et Coupet), le nouveau coach parisien a tenu à faire signer l’alter ego de Sylvain Armand (latéral, passé d’un club de National à un club breton de Ligue 1 avant de rejoindre le PSG). Si l’on sait maintenant que Christophe Jallet a le niveau pour « détitulariser » Ceara, on se demande toujours comment un mec de la campagne qui aime la simplicité va réussir à se fondre dans le bordel parisien. « Il a cette faculté de s’adapter à tout type de gens, rassure Marc Boutruche. Il s’entend avec tout le monde, mais ça ne veut pas dire qu’il fait le dos rond. C’est un mec de groupe, il ne restera pas seul dans son coin. S’il ne s’adapte pas, ce ne sera pas de son fait. C’est que des gens veulent la jouer perso ». A Paris, le risque existe.
Meneur de jeu à Cognac, milieu défensif à Niort, arrière droit à Lorient. Au fur et à mesure qu’il montait vers le Nord, Jallet reculait sur le terrain et grimpait les échelons. S’il ne devrait plus changer de poste (Coupet peut respirer), reste à savoir jusqu’où il peut aller en terme de renommée sportive. « L’équipe de France, répond coach Gourcuff sans hésiter. On manque de latéraux en ce moment ». Confirmation de copain Boutruche, un peu plus modéré : « Je lui ai fait un plan. Il devrait rester deux ou trois ans à Paris et, s’il n’y a pas de coupe d’Europe, je le vois bien arracher un Bordeaux ou un Lyon, après quelques sélections chez les Bleus. Il pourrait être essayé dans les matchs amicaux où il y a 35 joueurs sélectionnés dont 17 nouveaux ».
Mais pourquoi donc les supporters parisiens ont-il ri jaune en découvrant cette nouvelle recrue ? Pourquoi ne parle-t-on pas plus souvent d’un type qui sera en Polognukraine en 2012 pour disputer l’Euro ? C’est encore Gourcuff qui a la réponse : « Bah, parce qu’il jouait à Lorient... ». On l’avait sur le bout de la langue.
Thomas Pitrel