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« Javi » a bien grandi
Formé à Cordoba, révélé à Huracan, le meneur de jeu convoité par Paris s’est construit en deux ans à Palerme l’image d’un surdoué. Retour sur le parcours argentin d’« El Flaco ».
CES DERNIERS JOURS, son nom revient sur toutes les lèvres des supporters du PSG. Il fait fantasmer les uns. Fait douter les autres. Et pourtant, en Argentine comme en France, peu connaissent le parcours de celui qui devrait être dans quelques heures la première star de l’ère qatarienne du PSG. « El Flaco » (le maigre) a grandi à San Roque, une petite bourgade d’un millier d’habitants, coincée entre la Sierra Chica (petite montagne) de Cordoba et un lac artificiel, à quarante kilomètres à l’ouest de Cordoba (*). C’est dans son village parsemé de maisons secondaires que « Javi », comme le surnomme sa maman Patricia, s’essaie aux dribbles pour la première fois.
Après avoir testé le basket-ball, il fait ses débuts à neuf ans à Talleres de Cordoba, club supporté par toute sa famille. Patricia, qui s’est retrouvée en chaise roulante alors que Javier avait quatre ans, a joué un rôle fondamental dans la carrière de son troisième enfant. Elle lui consacre « de quatre à cinq heures par jour », le conduisant à un entraînement dont elle ne perd pas une miette, tandis que Juan Carlos, le père, tient une entreprise de métallurgie qui fabrique des moules en aluminium destinés aux constructeurs automobiles de la région. Entreprise dans laquelle travaillent aujourd’hui les aînés Lorena et Ariel.
Après une tournée en Europe à l’automne 2006, avec un passage à Saint-Étienne, qui ne le retiendra pas (voir notre édition du 30 juillet), et une poignée de matches disputés en Deuxième Division avec l’équipe première de Talleres, Pastore décide de sauter le pas et de rejoindre Buenos Aires, à dix-sept ans. « À Talleres, l’entraîneur l’a fait jouer cinq rencontres puis l’a renvoyé en équipe réserve. Il ne l’a pas bien vécu, se remémore son père, Juan Carlos. On a alors décidé de prendre contact avec un agent qui l’avait repéré. Javier avait aussi tapé dans l’œil des dirigeants d’Huracan, Carlos Babington (le président) et le “Turco” Mohamed (entraîneur de l’époque), après une victoire 3 à 0 contre leur club. Ce jour-là, il avait inscrit deux buts. »
Une arrivée à Huracan qui va accélérer son éclosion. C’est grâce à Angel Cappa, son « maître » comme il le définit lui-même, que Pastore va se révéler lors de la saison 2008-2009. Cappa n’hésite pas à lui confier les clés du jeu d’une formation d’Huracan qui termine à la deuxième place le Tournoi de clôture 2009. « Pastore dispose d’une grande technique, d’une insolence et d’une excellente vision du jeu », explique Cappa, qui fut l’ancien adjoint de Luis Menotti au FC Barcelone (1983-1984) et de Jorge Valdano au Real Madrid (1994-1996). « Lorsque je l’ai pris en main (en 2008), c’était déjà un joueur abouti, compétitif pour évoluer en équipe première. Il n’avait besoin que de temps de jeu », note son mentor, qui lui donne à l’époque un conseil simple : « Au milieu, joue simple, et devant, fais-nous du Pastore. »
Aujourd’hui encore, il lui envoie régulièrement des mails pour lui faire part de ses conseils. « Je ne suis pas surpris par tout ce qui lui arrive. Javier est un joueur extraordinaire, comme il y en a peu. Dès la première minute où je l’ai vu jouer, j’ai su qu’une brillante carrière l’attendait. »
Numéro 10 à l’ancienne ayant pour modèles Kaka, Riquelme et Zidane, Pastore est comparé à un autre illustre joueur passé par le Championnat d’Argentine, qui s’exila aussi sur les pelouses de France : Enzo Francescoli. Comme ces grands noms, le nouveau meneur de jeu du PSG (1,87 m ; 75 kg) ne se distingue pas par sa vitesse. Il excelle dans l’art de caresser le ballon avec élégance sur toutes les surfaces du pied. « C’est un joueur très habile qui aime porter le ballon, marquer le rythme de son équipe, avant de glisser le ballon juste à l’attaquant. En Italie, il a gagné en mobilité », glisse Osvaldo Piazza, l’ancien défenseur des Verts (1972-1979), qui le proposa à Saint-Étienne. Plutôt introverti, comme son ami de sélection Lionel Messi, l’amateur de cuarteto cordobes (musique au rythme tropical) reste un vrai compétiteur. Son prochain défi est de taille. Ramener le PSG en haut de l’affiche.
(*) Deuxième ville du pays en nombre d’habitants (1 400 000).
FLORENT TORCHUT
L'équipe
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Vu d’Italie, un coup de folie
Aucun des grands clubs de Serie n’a pu(ou voulu) miser sur Pastore la sommeque s’apprête à verser le PSG.
À vingt-deux ans, Javier Pastore devrait devenir cette semaine le joueur au transfert le plus élevé de l’histoire de la L 1 (42 M€). Si le meneur de jeu argentin a été durant deux saisons l’idole de Palerme, aucun grand club italien ne s’est aligné sur la somme déboursée par les propriétaires qatariens du PSG. Les mois à venir diront qui avait raison.
MAURIZIO ZAMPARINI, le bouillonnant président de Palerme, peut fanfaronner. Depuis des mois, il avait fixé le prix pour son talentueux meneur de jeu argentin (22 ans), et il a fini par toucher un chèque à la hauteur de ses exigences. « J’ai vendu Pastore à sa juste valeur, même si beaucoup me prenaient pour un fou, savoure-t-il. Je constate qu’avec Agüero (passé de l’Atletico à Manchester City pour 43 M€), Pastore (sous contrat avec Palerme jusqu’en 2015) est le roi de ce mercato. » Et Zamparini le roi du business, lui qui a savamment fait monter les enchères et repoussé les propositions, jugées insuffisantes, de ses collègues italiens.
La Serie A n’a rien pu faire pour retenir Alexis Sanchez (acheté 26 M€ plus 11,5 M€ de bonus à l’Udinese par le Barça), et la voilà aussi orpheline du prometteur milieu offensif, élu en janvier dernier « meilleur jeune » aux oscars du foot italiens. Les prétendants étaient là, pourtant. « L’Inter, le Milan et la Juventus le voulaient, mais leurs offres n’étaient pas convaincantes », explique Zamparini. Vraiment ? Le Milan n’a pas tardé à démentir, en tout cas, par la voix d’Adriano Galliani, son directeur général : « Cette année, Pastore ne faisait pas partie de nos objectifs, parce qu’il était trop cher. Les talents de 40 ou 50 M€ ne peuvent plus rester en Italie, ils sont destinés à partir à l’étranger. » « J’aimerais continuer en Serie A », avait pourtant confié le joueur. Mais qui aurait pu s’offrir l’Argentin ? L’AC Milan paye seulement cet été au Barça le transfert d’Ibrahimovic (acheté il y a un an pour 24 M€), et n’est plus enclin à de telles transactions : il n’a pour l’instant dépensé que 10 M€. L’Inter, prudente jusqu’ici, a préféré miser sur l’avenir, avec la venue de Ricky Alvarez, le milieu offensif du Velez Sarsfield, contre 12 M€. La Juventus, en pleine reconstruction, n’était pas disposée à tout investir sur un seul joueur. Et si le directeur sportif de l’AS Rome, Walter Sabatini, qui avait fait venir le joueur à Palerme en 2009, était séduit par l’idée d’attirer Pastore, il s’est vite fait une raison devant les sommes évoquées.
Il ne restait que les Qatariens, sans doute, pour lancer une telle offre sans y réfléchir à deux fois, comme on prendrait un pari. Pastore était-il trop cher pour les Italiens, un peu surévalué, ou les deux ? Les mois qui viennent le diront. En attendant, le PSG est déjà premier : personne n’a investi autant que lui (81,2 M€) depuis l’ouverture du mercato estival. Et le podium sent bien les pétrodollars, puisque suivent Manchester City (62,75 M€) et Malaga (58 M€)… – M. Go.
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Paris paye le potentiel
Leonardo souhaitait un milieu offensif technique, jeune, capable de faire lever un stade. Mais Pastore vaut-il 42 M€ ?
JAVIER PASTORE est sans doute un joueur prometteur, au potentiel et au talent indéniable, et, en tirant le trait grossièrement, son portrait pourrait correspondre à celui du « nouveau Messi » que convoitait Nasser al-Khelaïfi, le président du conseil de surveillance du PSG, dans ces colonnes (L’Équipe du 1er juillet). De beaux dribbles, le milieu international argentin de vingt-deux ans en est capable, des gestes techniques de classe aussi, des buts, il sait en planter du gauche, du droit, de la tête. Mais la saison dernière, avec Palerme, il n’en a mis que onze en Série A, et aucun lors d’un match important. La saison d’avant, il n’en avait inscrit que trois. Du coup, on est en droit de se demander si les 42 à 43 millions d’euros que le club de la capitale s’apprête à débourser pour racheter ses quatre années de contrat ne sont pas exagérés.
Aujourd’hui, Pastore vaut autant, ou presque, que son compatriote Sergio Agüero, transféré de l’Atletico Madrid à Manchester City pour 45 millions. Le gendre de Diego Maradona n’a qu’un an de plus que le futur Parisien, mais il a dans les jambes cinq saisons de Liga, dont la dernière à vingt buts. Agüero est un international argentin averti qui a signé neuf buts en vingt-six sélections. Pastore ne compte que dix sélections et n’a jamais marqué avec l’Albiceleste. Agüero était convoité cet été par le Real Madrid et la Juventus Turin, ce qui contribue à élever son prix sur le marché. Pastore était un second choix de Chelsea qui n’a jamais formulé d’offre à son sujet. Agüero a déjà participé à deux reprises à la Ligue des champions et remporté une Ligue Europa (2010), Pastore n’a que six matches de C 3 dans les jambes.
Il est certain que si Agüero vaut 45 millions – ce qui n’est pas évident –, Pastore, dont les dirigeants parisiens vanteront surtout le potentiel, est estimé à la moitié, pas plus. Mais Leonardo a toujours apprécié ces milieux offensifs axiaux, élégants, qui évoluent la tête levée, sont capables d’aller chercher le ballon assez bas et de le remonter très vite. C’est le nouveau directeur sportif parisien qui avait fait venir Alexandre Pato à l’AC Milan (2007) pour 15 millions alors qu’il n’avait que dix-sept ans. C’est encore Leonardo qui aurait apprécié recruter Pastore à l’époque où il dirigeait l’Inter Milan.
L’Argentin est un joueur qu’il suit depuis quelques mois, mais il n’était pas forcément son premier choix pour Paris. Au départ, c’est de l’international brésilien Ganso (21 ans) dont il rêvait. Mais la complexité du dossier (Ganso appartient au club de Santos et à une société d’investissements), conjuguée au fait que le joueur préfère l’AC Milan au PSG, a mis un terme au dossier. Du coup, le patron parisien s’est replié sur Pastore dont il a vanté aux actionnaires qatariens, qui ne le connaissaient pas, l’immense potentiel. Financièrement, Leonardo avait carte blanche. Il s’est donc aligné sur les exigences du malin président de Palerme, Maurizio Zamparini, qui assure qu’il s’agit d’un joueur « fuoriclasse ». La probabilité que Pastore soit revendu, un jour, à un prix équivalent, n’est pas très élevée. Mais pour les Qatariens, ce n’est pas vraiment un problème. Ils tiennent leur tête d’affiche pour leur premier marché des transferts.
DAMIEN DEGORRE
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