Citation
François Bégaudeau, écrivain (nantais), s’est fendu d’une tribune sur le PSG dans Le Monde. Nous vous laissons juger…
« Tout se passait bien. Tout se déroulait comme écrit dans le scénario publié au printemps 2011. Synopsis : en quête d’une vitrine mondiale, le Qatar choisit le foot. Il achète une Coupe du monde puis convoite une équipe. Comme les clubs prestigieux sont tous pris, il se rabat sur un petit club français dont la structurelle médiocrité sera compensée par le capital glamour de la ville qu’il représente. Le budget illimité soutient la fabrication rapide d’une équipe internationale qui décroche en marchant le titre de champion de France. Pour fêter ça, le Parc des Princes s’impose, mais le Parc des Princes n’est connu que des Français. Or le Qatar ne communique pas avec les Français, il communique avec le monde. Il veut les Champs-Elysées. Au pire, le Trocadéro. Avec la tour Eiffel en arrière-plan, s’il vous plaît. Voilà, comme ça, c’est parfait. Non, Zlatan, pas d’oreilles de lapin à Jérémy. Cheese. Tout se passe bien. Et puis c’est l’incident de plateau. L’imprévu de tournage. Les scénaristes du Qatar avaient oublié que la ville était habitée par des gens. Des gens pourvus de jambes et même de bras, qui leur servent parfois à balancer un fumigène ou à piller un car de touristes. Fâcheuse contrariété, écrit-il. Une nouvelle équipe de scénaristes prend le relais. La story qu’ils racontent rehausse le supporteur d’en bas qui, en perturbant la fête, s’est rappelé au bon souvenir du propriétaire étranger qui l’a injustement interdit de stade. Bon, ce scénario ne fonctionne pas très bien non plus. Il y a quelques éléments qui ne collent pas. Supporteurs d’en bas ? Le lanceur de fumigène est surtout un crâne rasé convaincu de la suprématie de sa race ; le pilleur descend de banlieue pour profiter du bordel occasionné par une victoire sportive, une manif lycéenne, un réveillon. Mais c’est justement là qu’une cohérence globale se reconstruit. Au fond, le scénario 1 et le scénario 2 campent des personnages qui n’ont rien à foutre du foot en général et du PSG en particulier. Emirs et ultras et cailleras, même combat. Même tonneau. Ce club est-il soutenu par quelqu’un ? Y a-t-il un supporteur du PSG dans la salle ? Il semblerait. On l’a localisé mardi soir dans son studio de Levallois, la tête entre les mains, excédé, désespéré. Deux ans qu’il avale toutes les couleuvres : le rachat pétrolier, l’éviction de Kombouaré, les joueurs qui lâchent les matchs hexagonaux jugés indignes d’eux, la farce Beckham, le coup d’épaule de Leonardo, et maintenant le titre gâché. Ne pleure plus, mon petit. Tu rêves de joueurs qui ne prennent pas leur passage ici pour une pige à défaut d’Angleterre ? D’un entraîneur qui ne soit pas un mercenaire à peine arrivé que déjà parti chez plus offrant ? D’une inscription dans la durée qui permette l’élaboration d’un style de jeu ? Choisis-toi une autre équipe. Saint-Etienne, par exemple. Lorient. Tiens regarde, le FC Nantes remonte en Ligue 1. Sache que là-bas on est très « open », pas regardant sur l’origine, pas sectaire. On t’accueillera avec joie dans le kop. TGV : deux heures. Plage à 60 kilomètres. »
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