Bon, petit compte rendu produit par produit – Alerte au pavé quand même, cette année on a prouvé une fois de plus notre capacité à gérer aussi bien le sprint qu’une course de fond sur les rhums, dans le cas présent on s’est fait un petit marathon. Scrollez directement à la fin pour la synthèse si vous ne voulez pas le détail.
Comme évoqué plus haut quelques petits changement par rapport à l’édition précédente : pas de stand VIP (qui ne servait absolument à rien) donc des bouteilles assez haut de gamme directement sur certains stands – pas tous, va falloir se renouveler pour certains comme Clément, une salle de plus permettant d’absorber plutôt bien le flux d’alco… d’amateurs présents pour l’occasion, et toujours pas de fontaines de flotte afin de s’assurer que quelques uns tombent dans les vap’ histoire de mettre l’ambiance.
On se pointe à 13h avec un pote, on négocie à l’entrée d’avoir le verre avec le logo Rhum Fest (parce qu’on est quand même des grands enfants, on préfère toujours les cartes brillantes aux autres), et on part en reconnaissance. Comme d’hab, on élabore une stratégie : on commence par les blancs cette année.
Direction le stand Longueteau donc, qui a communiqué récemment sur la sortie d’un blanc « sorti de colonne », donc embouteillé au degré naturel de distillation. La course à l’armement est lancée sur les blancs dits « premium », et connaissant le niveau déjà très appréciables des blancs de la maison, on va se mettre directement dans le bain.
Longueteau Genesis : il est là, dans sa bouteille blanche de toute beauté.
Celle là rien que pour la déco elle vaut le détour. 73° le bestiau, brassé gentiment 24 mois avant l’embouteillage, ça promet. Et là on commence fort : un nez de canne pure étonnamment fin vu le degré d’alcool, une bouche tout en rondeur sur la canne avec des notes très fraiches mais toujours douces, et une longueur sur les mêmes arômes qui conserve ce bel équilibre et sans agression aucune des papilles

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Bref, faudrait que je regoute l’Esprit de Neisson, mais celui-là était servi à température et il a fait un sans faute, je pense qu’il est au-dessus, rien de tel pour se désinfecter la bouche tout en activant les papilles en mode hardcore.
On continue la ballade, on va faire un saut chez Bologne. On connait déjà le blanc classique et le Black Cane, donc on fait déjà une entorse au plan de jeu – l’équipe de branques – et on se jette un vieux.
Bologne XO : pendant assez longtemps Bologne n’a fait qu’un seul rhum vieux, correct mais pas extra. Ca commence à suivre le mouvement, et on va tester le dernier vieux, embouteillé dans une belle carafe. Un rhum assez sec qui demande a priori pas mal d’aération, mais vu qu’on a envie d’optimiser la journée on s’en branle. L’attaque est sèche donc, mais on note un beau développement sur la vanille avec quelques notes de réglisse. Pas mal du tout, donc probablement très bien après un peu de repos.
Pas trop loin on note la nouvelle marque A1710, qui a sorti un blanc et 3 vieux soit disant « premium », en travaillant fortement à la fois le packaging et le marketing, on va voir ce que ça donne.
A1710 La Perle : on attaque par le blanc de la bande. Et là on se prend une petite claque. Celui-là il a un nez de dingue, on dirait presque une eau de vie de fruit (prune ?), la bouche est du même acabit sur ces notes fuitées, la longueur tient très bien la route… super produit

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On attaque les vieux de la bande. Ce sont tous des assemblages de « rhums des Antilles françaises », donc potentiellement un mélange Guadeloupe / Martinique, le tout assemblé et vieilli au Simon en Martinique.
A1710 Soleil de Minuit : on attaque le premier vieux de la bande, assemblage de rhums de 6 à 9 ans. Un rhum assez sec, une bouche plutôt sympa et longue sur le bourbon, on sent la finition cognac avec la petite pêche finale et une légère astringence pas désagréable. Comme dirait Bruno il est bon. Après de là à dépenser 200€ pour ça…
A1710 Tricentenaire : un rhum également assez sec, l’attaque et sympa mais s’écroule assez rapidement, n’a pas la longueur du précédent, pas un grand intérêt donc.
A1710 Nuée Ardente : celui là est plus rond mais la bouche devient sèche très rapidement, on sent également les notes de cognac mais ça ne tient pas vraiment la distance.
Bref, sur les 3 vieux victoire nette du premier, mais c’est de loin le blanc qui se démarque.
On fait un tour à côté chez Mezan. Une maison qui s’est donné comme vocation de rendre les rhums accessibles sans les trafiquer, donc on est sur des produits bien finis mais qui jusqu’à présent étaient un peu trop réduits de mon point de vue. Ils ont du avoir ce type de retour vu qu’ils sortent deux nouveautés à un degré un peu plus élevé, on va tester ça.
Mezan Jamaica 2005 : on retrouve la vocation de la maison sur les rhums accessibles. Ce rhum est vraiment l’idéal pour ceux qui voudraient se frotter aux Jamaicains sans se défoncer un palais peu entrainé. On retrouve les marqueurs habituels (banane, colle…) mais tout en rondeur, c’est très agréable.
Mezan Trinidad 46° : même type de rondeur et d’accessibilité, cette fois-ci sur des notes florales très parfumées avec des touches de miel. C’est pas forcément ma came mais il faut reconnaître que c’est un produit, très bien fini.
Foursquare 2004 Exceptional Casks : Un rhum de Richard Seale, connu pour son militantisme quant à la transparence sur les produits (origines, ajouts de sucre, etc.). Version 11 ans d’un Barbades qui a la réputation de faire partie des meilleurs rapports qualité prix du marché. Premier Barbades du salon, ça confirme mon attrait pour ces types de rhum. Une attaque sur les fruits noirs, des pointes de réglisse, une longueur vraiment cool avec ce petit côté fumé. Définitivement validé.
On retourne aux Antilles et on décide de faire un tour chez Damoiseau, autant pour le côté assez incontournable de cette distillerie que pour la ravissante brune qui sert au stand. Pas mal de produits classiques, mais un nouveau millésime décliné en version réduite et brut de fût, on teste ce dernier.
Damoiseau millésime 2009 : version à 66,7° (quand même), mais assez différentes des petites fioles 89/91/95. On retrouve les marqueurs Damoiseau sur la cannelle notamment, mais en moins intense que d’habitude, le tout très bien fondu dans les épices avec un alcool super bien intégré. Belle réussite.
Interlude monologue Bruno sur ma gauche :
« Ouais celui-là il est bon mais il s’écroule un peu à un moment… je sais pas trop comment dire… il est bon mais il manque un truc. Mais il est quand même bon. ». Y a pas à dire le rhum parfois ça te transforme en poète.
La Mauny Nouveau Monde : on passe à côté chez La Mauny (et pas l’Amaury) pour tester un assemblage de rhums vieux sur lequel j’avais lu quelques bon retours. Un rhum assez rond, un peu trop réduit, et qui devient rapidement assez sec sur la cannelle et les épices avec une longueur assez courte. Bref, c’est plutôt moyen.
3 Rivières cuvée de l’Océan : le fameux rhum qui accompagne soit-disant très bien les huitres… Servi frais, on retrouve également la fraicheur habituelle 3R au nez et en bouche, avec des notes végétales (pas forcément iodées je trouve…) très bien équilibrées. Ca passe tout seul.
3 Rivières Oman : le maitre de chais (qui renifle ton verre et le rince avec son blanc à 55° en cas de besoin) nous explique comment il a constitué cette cuvée haut de gamme : Vieillissement 7 ans, fût vidangé et rhum au repos pendant 5 ans, avant de revieillir en fût 7 ans. Tout ça pour dire que ça fait beaucoup d’années tout ça. Un nez très sympathique, toujours le côté frais en bouche mais ensuite une longueur sur le boisé très fine et persistante.
Ca coute un bras mais c’est excellent

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Miam et Yessod se pointent à peu près en même temps à ce moment là. Ils embrayent sur le premier Longueteau histoire de se mettre en bouche. Profitant de l’arrivée des amateurs de sky, je fais un tour sur le stand « L’Esprit », un embouteilleur indépendant qui fait de très bons produits, bruts de fût généralement, sur ces petites séries, que les amateurs de whisky apprécient tout particulièrement.
L’Esprit Foursquare 2017 Cask Strength : retour en Barbades, 14 ans de vieillissement pour 56° et quelques. On est assez proche du Black Rock qu’on avait placé dans le match retour rhum, avec plus de rondeur et moins de fumé. On reste donc dans le typique Barbades mais ça donne un superbe équilibre à l’ensemble. Y a clairement concours avec le Foursquare d’avant, il est probablement un poil au-dessus, faudra faire un vertical pour vérifier

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L’Esprit Monymusk Cask Strength : on tente la version de cette distillerie jamaïcaine. Là j’ai eu plus de mal, l’acidité est assez extrème et m’a coupé la langue en deux, pas mal de contrastes mais probablement un peu trop, y a largement mieux dans les jamaicains bdf dans d’autres marques.
L’Esprit Port Mourant Cask Strength : on termine avec le plus puissant de la gamme, issu de la distillerie Diamond mais du fameux alambic PM (qui a donné lieu à certains rhums des plus pêchus par ailleurs). Un nez puissant avec des notes d’hydrocarbures, on retrouve certaines similitudes en bouche avec les jamaicains mais avec des parfums moins extrêmes, une belle richesse d’ensemble sur un boisé léger mais très fin, un poil fumé en final, de toute beauté.
Un tour rapide vers la compagnie des Indes histoire de tester en lousedé pendant que Miam et Yessod montent en puissance.
CDI Barbades 20 ans : Beaucoup de choix sur le stand, mais je décide de rester sur le Barbades pour me faire une petite comparaison. A priori on est ici sur un assemblage de rhums de plusieurs distilleries. Pour être rapide, j’ai été pas mal déçu. Très / trop accessible, manque clairement de caractère par rapport aux autres Barbades, j’ai pas été pas super emballé.
Transcontinental Belize 2005 : nouvelle marque de négoce lancée par LMDW, je n’avais pas eu l’occasion de tester leurs produits jusque là. J’opte pour le Bélize histoire de découvrir un truc vu que je n’avais jamais testé les productions locales. Les rhums de ce coin ne figurent pas parmi mes préférés – loin de là - on est sur quelque chose d’assez sucré (pas impossible qu’il y ait eu un ajout là-dedans), de belles notes de bourbon, mais pas trop de caractère. Ca passe bien quand même.
Bon on arrête les conneries et on se recentre sur ce qu’on connait, on passe chez Bielle.
Bielle 2008 40e anniversaire : un rhum de 8 ans qui envoie du bois mais pas que. On retrouve le nez Bielle, la vanille se mèle au cacao en bouche avec un boisé super bien intégré, une petite pointe de coco sur la finale, c’est ravissant

. Bielle fait quand même partie des valeurs assez sûres dans tout ce bordel.
Bielle 2005 : la carafe habituelle de 10 ans version 2005. Plus de fraicheur, moins de boisé comparé aux carafes précédentes, une finale plus fine et assez agréable. On retrouve le nez Bielle mais en bouche c’est assez différent, a réétudier plus en détail, il aurait probablement fallu commencer par celui-ci plutôt que le 2008. Mais « ça reste un très bon produit ».
Karukera 2009 Select Casks : on retourne à Basse-Terre, pour un 7 ans très intéressant. On retrouve clairement le vieillissement en fût de cognac mais il est très bien associé aux épices (la cannelle entre autres) pour un très bon équilibre global, avec une longueur des plus correctes. Pas mal du tout.
On profite de la présence de Neisson juste à côté pour regarder les produits dispo. Le nouveau XO, un nouveau 3 ans a priori pas mal fini… mouais… et là bouteille du nouveau 12 ans à moitié planquée, voilà qui fera l’affaire.
Neisson 12 ans : on va la faire courte, les vieux Neisson c’est vraiment de la bombe. Un nez profond, une rafale de bois et d’épices super suave et équilibrée en bouche, une longueur interminable, une pointe d’exostisme et de coco pour finir de te convaincre. Au top.
On commence à tous parler fort, il fait chaud donc on se désape (bizarrement on a eu d’un coup beaucoup de place autour de nous), ça discute, ça discute mais mon verre est vide et faut pas perdre le rythme, sinon ça sent le coup de mou. Quoi de mieux que mes petits chouchous pour se relancer, direction Depaz.
Depaz VSOP Port cask Finish : une finition en fût de Porto pour commencer, pourquoi pas… Bon, ça casse pas trois pattes à un canard, ça ajoute de la douceur à un produit naturellement super rond, donc ça se transforme en friandise pour gourmands. On va retourner sur du sérieux.
Depaz Single Cask 2003 : un seul fût pour le millésime cette fois-ci (contrairement au 2002 de l’an dernier qui était un assemblage). Le mec qui le sert en est fan, il te vante le produit comme jamais. J’aime déjà bien Depaz donc je sais que je vais apprécier… mais là j’ai pris une petite tarte (au sens propre comme au figuré), ça envoie du fruit, du cacao, de la vanille et du bois dans tous les sens, avec une texture toujours aussi soyeuse, un putain de régal

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Un espace se libère en face chez New Grove, j’avais beaucoup aimé le 2004 donc j’en profite.
New Grove 2007 Single Cask : le petit frère du 2004, embouteillé à un degré supérieur. On retrouve l’exotisme du précédent avec plus de corps, toujours beaucoup de fruits mais un peu plus de bois je pense, l’alcool est très bien intégré pour une très belle tenue de bout en bout, un quasi sans faute du Mauricien.
Je me remets un petit Depaz 2003 par gourmandise, et commence à réfléchir à ce que j’ai loupé jusqu’à présent. HSE a élargi sa gamme, on va tester une nouveauté.
HSE 2005 Finition Château Marquis de Terme : un HSE qui a du corps dans le boisé comme la plupart de ses acolytes, avec une petite pointe de cerise très agréable en entrée de bouche et la finition en fût de vin rouge très subtile sur la finale. Se positionne sans conteste dans le haut de la gamme des finitions.
On commence à être un peu déshydratés, rien de mieux qu’un petit jamaïcain pour se redresser la bouche.
Habitation Velier Forsyth 2006 : la relève du 2005 sorti l’année dernière qui était un poil trop acide à mon goût. Celui-ci rétablit bien l’équilibre, un très bon jamaïcain entre arômes et puissance, ça mériterait un petit comparatif avec le Hampden 2010.
On continue de discuter avec un certain volume sonore, le nombre de produits dégustés rend la stratégie complétement aléatoire, donc désormais c’est l’opportunisme qui prime. Il y a d’un coup moins de monde chez St James, je ne suis pas forcément fan de la marque (à part les millésimes Single Cask qui se tiennent très bien) mais ça se tente.
St James 15 ans : un bon St James, on retrouve les notes torréfiées / le cacao habituels mais cette fois le boisé n’est pas trop forcé, et la longueur des plus correctes. Pas de regret, ça se boit très bien et ça apporte une touche un peu différente des agricoles précédents.
La fin approche, Miam et Yessod avaient été conquis par le HSE 2003 lors de la dégust donc on y retourne. Focus sur les finitions sherry cette fois ci, leur alcool de prédilection donnant lieu à de beaux résultats avec ce finish.
HSE Sherry Finish – Pedro Ximenez : Miam opte pour l’autre finition Sherry (un peu moins bien malgré un nez plus sympa). Ici on opte pour du fruit sec et un boisé assez prononcé. Une finale des plus correctes. Pas mal pour une finition, même si pour moi ça n’atteint pas la réussite des Single Casks de la marque.
Le salon ferme soit disant à 19h, mais l’organisation commence à foutre tout le monde dehors. Les stands sont vides et la sécurité un poil agressive (merci bande de blaireaux de respecter la convivialité de l’événement), on arrive quand même à négocier un dernier jet chez Madkaud, petite distillerie Martiniquaise qui fait un très bon blanc par ailleurs.
Héritiers Madkaud VSOP : on finit par un petit jeune de 4 ans qui se tient très bien. On retrouve un agricole classique, le boisé est de qualité, et la longueur des plus correctes pour ce degré de maturité.
Vu qu’on a été servi à l’arrache on a eu des doses assez généreuses, donc on sort du salon avec nos verres encore pleins. On laisse Yessod au métro et Miam à l’entrée du RER (toujours avec son verre à la main, ça a du donner le petit cul sec final en public sur le quai du RER). Pas d’after cette fois-ci, on vieillit…
En synthèse : point fort pour l’organisation cette année, moins d’attente et plus d’espace.
Côté quille pour les blancs le Genesis Longueteau et la Perle A1710 méritent qu’on s’y attarde, sur les vieux le Depaz SC 2003, l’Esprit Foursquare, le Bielle 40e anniversaire, le 3R Oman et le Neisson 12 ans méritent qu’on craque un peu le portefeuille et viendront probablement grossir un peu les rangs de leur comparses dans un futur proche.