C’était plus facile dans l’environnement du PSG?J’y arrive à 28 ans donc j’ai déjà X années de football derrière moi. J’ai mon tempérament, mon style, mais ça ne pose pas de problème, car les mecs ont l’envie de gagner des titres. En plus, les vedettes sont des Brésiliens dont je parle la langue. Quand il y a des problèmes d’adaptation, c’est moi qui réuni tout le monde au resto. On aide Dely Valdés, on accompagne Rai. Quand il arrive, c’est le capitaine de la Seleçao championne du monde, pas un tocard. Mais cela faisait quatre ans qu’il n’avait pas eu de vacances. Il était cramé. Il arrive ici en plein hiver, il fait moins dix degrés. Dans le vestiaire, je lui donnais tous les trucs pour se réchauffer les pieds. Ce n’est pas la seule fois où j’ai été obligé d’intervenir. Par exemple, lors de la saison 1998/99, on est treizièmes avec Artur Jorge, je sens qu’on va vers la ligue 2, et en observant la vie dans le groupe, je voyais qu’il y a quelque chose qui n’allait pas.
Et donc? Je suis allé discuter avec Artur Jorge. Il était complément à côté de la plaque. Entre temps, il avait été opéré du cerveau. Ça s’est vu tout de suite. Au niveau de sa méthode, il était hors du temps. À l’entraînement, on faisait
des allers-retours, puis des séances de passes à 10. Le seul spécifique qu’on faisait, c’était des coups de pieds arrêtés le jeudi, avec Ricardo, Kombouaré, etc. Artur Jorge n’avait pas besoin de nous apprendre à jouer au football. Ce qu’on lui demandait, c’était de faire une équipe. On se chargeait du reste sur le terrain. La dynamique n’a pas été bonne dès le début de cette saison: Giresse viré au bout d’un mois, élimination en C2 puis démission de Biétry. Tu te retrouves avec Laurent Perpère, un président qui ne sait pas ce que c’est le football. Sur le terrain, on ne pouvait pas faire trois passes d’affilée. Certains comme Wörns ou Simone la jouaient perso. Simone, c’est un gros con qui se la racontait. Wörns touchait un gros salaire mais c’était un lâche. Il était limité et ne savait faire que le marquage individuel. Lors de certains matches, il nous a lâchés. J’ai dit stop, je suis allé parler à un journaliste. Le journaliste a appelé Perpère pour avoir une réaction. Le soir même, le président m’appelle, me demande ce qu’on devrait faire, je lui balance le truc. Jean-Luc Lamarche (le directeur sportif) m’appelle le lendemain, me demande ce que je pense de Bergeroo et c’est lui qui est embauché. Je suis même allé jusqu’à proposer d’entraîner l’équipe. Je ne pouvais pas faire pire que les deux entraîneurs passés sur le banc cette saison.
Finalement, Paris se maintient et termine deuxième du championnat la saison suivante… Oui, sauf que c’est moi qui gère le vestiaire. On avait une équipe bidon, avec pleins de problèmes. On avait Igor Yanovski, un bon gars mais on ne savait pas s’il fallait le mettre en défenseur ou au milieu de terrain. Jimmy Algerino, à droite, pouvait avoir des absences monumentales. Dans l’axe, j’ai Rabésandratana qui est en plein divorce, sans oublier Godwin Okpara qui, on l’a appris après, fait ses conneries. Voilà ma défense. Devant, j’ai “Mickey” Madar qui pète un câble en permanence. Au milieu, j’ai Jay-Jay Okocha qui sait pas si on le met en 6 ou en 10. Christian me parle de ses cours de français. Il me dit que son prof ne sait pas parler portugais. Je suis allé voir le club, j’ai appelé une amie brésilienne à Paris et lui ai demandé de s’occuper d’eux. Parfois je faisais leurs cours. C’était cela aussi le PSG à cette époque (amusé)…
Vous gagnez quand même une coupe des coupes en 1996. C’était comment l’ambiance avec Luis Fernandez? Ah Luis… C’était le folklore. Fernandez, c’est un entraîneur de coupes, pas un entraîneur de stabilité. Toutes les semaines, fallait qu’il change l’équipe. C’est quelqu’un qui n’a pas compris où il était. C’était trop haut pour lui. Intellectuellement, il y avait un décalage. Il suffit de voir comment il parle à RMC. Il pouvait diviser le groupe. D’ailleurs, à un moment, tout le monde voulait le cogner, sauf les Brésiliens et Daniel Bravo, que Luis avait replacé en 6. Personne ne voulait être son capitaine. On n’est pas si loin en termes d’âge l’un de l’autre, mais il se permettait des familiarités…
Quels types de familiarités?Il se mélangeait au groupe, venait jouer aux cartes avec nous. Les jeux ne se terminaient pas si lui n’avait pas gagné. Dans la gestion humaine, il était à côté de la plaque. Je me souviens d’un match où je viens d’apprendre le décès de mon grand-père. J’encaisse un but sur une sortie ratée alors que Kozniku me gêne avec son coude. Je vais voir Fernandez après pour lui dire que je dois partir pour assister à l’enterrement qui avait lieu le lendemain. On a un match à Kiev en Champions derrière. Je lui assure d’être au départ de l’avion. Il me demande pourquoi j’ai pris le but et je lui explique les circonstances. En lisant l’Équipe dans l’avion de Guyane, je vois que Fernandez disculpe l’arbitre, cela veut dire indirectement que je lui ai menti. Une fois dans l’hôtel à Kiev, j’ai convoqué Luis avec Joël Bats. Les murs ont tremblé. Je lui ai fait comprendre que j’avais pas envie de passer pour un menteur et qu’il me jetait en pâture dans la presse. Il me répond: “Je t’ai pas jeté en peinture”, donc déjà le mot que j’avais employé, il ne le comprenait pas. À partir de ce jour-là, il a compris et m’a laissé tranquille. Je ne suis pas bagarreur, en revanche si on me cherche, je ne vais pas me défiler. Maintenant il n’y a plus de soucis, il m’appelle pour RMC, je réponds à ses sollicitations.
C’est pour cela que Yannick Noah a été appelé en “ambianceur” pour préparer la finale de coupe des coupes 1996?Oui. On venait de perdre le championnat contre Auxerre et la finale approchant, le club voit qu’il y a un truc qui ne fonctionne pas avec Luis. Ils appellent donc Yannick. Sauf que lorsqu’il débarque, il n’est pas au fait de tout ce qu’il se passe. Je l’ai pris à part et lui ai fait le topo. Lors du stage à Hendaye, la seule chose qu’il fait, c’est de nous sortir le samedi. On est allés dans des bars à tapas. J’ai prévenu Luis qu’on rentrait à une heure du mat’ maximum, lui voulait qu’on soit rentrés à minuit. À une heure du matin, on est tous arrivés à l’hôtel, tout le staff attendait, je leur ai dit qu’ils n’avaient rien à faire là et qu’ils pouvaient dégager. On s’est mis en cercle, on a réouvert le bar et on s’est amusés jusqu’à quatre heures du matin, à discuter et échanger. On avait juste besoin de dédramatiser les choses. Le lendemain, je cartonne à l’entraînement. Noah était surpris de me voir en forme. Je lui dis: “Bon la nuit,
bon le jour.” Yannick trouve une chanson et met l’ambiance dans le groupe. S’il n’y avait pas eu Yannick pour faire la soupape, je ne sais pas si on aurait gagné.
Zlatan Ibrahimovic a un jour déclaré que le PSG n’était rien avant lui…Que le PSG prenne une autre dimension, c’est certain. Ce qui est sûr aussi, c’est que le PSG existait avec lui et existe sans lui. Ceci dit, il faudra juste lui rappeler qu’il y a deux ans, Barcelone a battu le record du PSG de cinq demi-finales de suite en coupe d’Europe. Pour l’instant, ce PSG-là n’est pas encore arrivé à une demi-finale de coupe d’Europe…
Bernard Idolo