Citation (Conyk @ 01/07/2019 15:21)

« passer à travers », « ça a pas de sens », « bienvenue » (pour de rien), j’en oublie mais le québécois est rempli de ces traductions littérales.
Plus qu’un simple mélange linguistique, c’est le produit de deux choses. D’abord du fait qu’a l’image de l’anglais, et à plus forte raison peut-être de l’anglais américain, le français québécois est historiquement très « oralisé ». La culture de la stabilisation des règles (y compris grammaticales) par l’ecrit y est moins forte que dans les traditions européennes. Ce qui explique d’ailleurs en partie les grandes facultés orales de nombreux québécois, qui peuvent être assez verbeux dans leur quotidien, sans parler même de la culture de « l’impro » que l’on retrouve très ancrée dans les cursus de théâtre et de comédien, là les québécois ont, en moyenne, un écrit beaucoup plus défaillant : plein de fautes de grammaire à l’ecrit, d’accords aussi, y compris chez des gens très qualifiés (à l’Université notamment, et je ne parle pas que des étudiants..)
Et dans ce cadre-là, ces modes de langage traduisent aussi, et plus fondamentalement, les restes d’une domination séculaire de l’anglais sur le français, qui a structuré - et structure encore - l’histoire du Canada. Cette domination est combattue tant bien que mal depuis les années 1970, avec les grandes lois de francisation, à l’école d’abord et dans l’espace public, incluant les administrations publiques. C’est ce combat impossible à achever pleinement qui explique que d’un côté tout est très frénétiquement francisé (au-delà des mots techniques, qu’on retrouve à des degrés divers dans tous les domaines, le plus étonnant pour les non-initiés étant les titres de film, en raison des lois sur l’affichage : Frisson pour Scream, Histoire de jouet, etc. ; ou les noms de resto pour la même raison : PFK pour poulet frit kentucky) ; mais que de l’autre subsiste l’anglais dans les formes oralisées, qui sont les plus inconscientes et les plus difficiles à maîtriser (les traductions littérales en étant le meilleur exemple). Il n’est pas à exclure que le militantisme linguistique diminuant chez les nouvelles générations, et l’influence de l’anglais augmentant, ces formes se multiplient à l’avenir, ce qui en retour provoquera une volonté frénétique (et compréhensible) de francisation par les élites francophones. Dans les écoles secondaires (collège), il n’est pas rare que les ados parlent anglais à la récré et reviennent au français dans les couloirs et évidemment dans la classe, l’usage de l’anglais étant souvent très formellement interdit dans l’enceinte des établissements francophones.
Citation (Conyk @ 02/07/2019 00:53)

Je limiterais pas la "richesse" d'un pays aux capacités (ortho)graphiques moyennes de ses habitants.
Sans bien sûr qu'on puisse comparer à ce qui se produit en France, il y a de très belles et bonnes choses en cinéma, en littérature, en poésie, en musique, en théatre aussi et en arts vivants.. Montréal est pour le coup une vraie ville de culture, à la fois entrée sur la francophonie québécoise et grande métropole nord-américaine, ce qui lui donne un statut et une saveur vraiment singulière et finalement très "riche".
Propos très intéressant! Merci!
Tu as vécu à MTL n’est-ce-pas!?