A Berlin, les « hipsters » ont leur site de rencontres Grand succès depuis quatre mois d'un site de rencontres pour jeunes branchés ou créatifs. Son principe : chaque candidat se fait photographier et interviewer de visu par les fondatrices du site, au lieu de rédiger leur annonce eux-mêmes.

Ole©, célibataire de 31 ans à la recherche d'une femme, dans la cuisine de son appartement à Kreuzberg, quartier branché de Berlin.
Markus, le célibataire du jour se décrit comme
« un grand chevelu couvert de tatouages ». Cuisinier la semaine et physionomiste le week-end, ce Berlinois d’une trentaine d’années en recherche d’une compagne a l'allure d'un skateur en deuil : un débardeur XXL, un jogging noir resserré aux chevilles et un bonnet retroussé sur son crâne, tous noirs.
Entre une anecdote sur son vélo à pignon fixe et une blague sur les magazines érotiques qui trainent sur la table basse du salon, Markus confie aux deux intervieweuses du site de rencontres Im Gegenteil (
« au contraire », en allemand)
« avoir tout essayé, même les sites échangistes » avant de frapper à leur porte. Ce qui l’a attiré ?
« Un format de site plus joli, qui prend le temps de dire qui je suis vraiment », résume Markus, en tirant sur sa cigarette.
Les deux
"entremetteuses", une petite blonde et une grande brune, à l'origine de ce site à succès en Allemagne (600 000 visiteurs uniques en mars 2014 et 800 demandes de portraits par mois) ont voulu créer l’anti-Tinder – une application mobile de rencontres où l’on sélectionne ses prétendants sur une simple photo.
Au lieu de bricoler sa propre annonce, chaque candidat se fait interviewer chez lui. Accompagnées d’un vidéaste bénévole, Annelie Kralisch-Pehlke et Jule Müller se répartissent les rôles lors de ces visites à domicile : à la première l’interview classique et les questions qui mettent à l’aise le candidat, à la seconde, plus en retrait, la prise de
« photos de qualité », quitte à interrompre l’échange pour sortir un objet gênant du champ visuel.
« C’est une collègue de travail qui m’a parlé de ce site et je trouvais ce concept de portrait personnalisé génial », raconte Janina, Berlinoise de 29 ans à la recherche d’un homme, inscrite sur le site en février.
C’est beaucoup plus compliqué de mentir à deux personnes qu’en remplissant un simple formulaire en ligne », ajoute Annelie, taclant les méthodes des concurrents.
La volubile Annelie Kralisch-Pehlke revendique des portraits
« qui donnent envie », quitte à recadrer Markus lorsqu’il évoque sa relation douloureuse avec un père absent :
« De ça, je n’en parlerai pas. » Du sur-mesure pour la génération Facebook, rompue à l’auto-mise en scène. Autre atout majeur du site et principal point faible : tout y est gratuit, pour les célibataires en vitrine comme pour les visiteurs. En échange de quoi, les deux cofondatrices du site se gardent le droit de choisir qui a droit de cité sur Im Gegenteil.
En ligne depuis quatre mois, Im Gegenteil a vite été catalogué
« hipster » par la presse allemande. En cause, les célibataires présentés sur le site qui répondent tous aux critères du
« hipster » : plus beaux que la moyenne, au look étudié, exerçant des métiers créatifs et posant pour la plupart entre une platine vinyle et des meubles années 1960.
« Je m’attendais à recevoir beaucoup de demandes de hipsters, confie Janina, en couple depuis quelques semaines avec un prétendant du site,
mais si la plupart étaient bien créatifs et plutôt jeunes, ils étaient moins extrêmes que je ne le craignais. »Cette surreprésentation de jeunes créatifs au style millimétré n’est pas le résultat d’une discrimination consciente, mais plutôt le penchant naturel des deux fondatrices – l’une est DJ et agente d’artistes, l’autre photographe et auteur – pour des profils qui leur ressemblent.
« Lorsque je me déplace pour le portrait d’un nouveau célibataire, je ne sais absolument pas à quoi ressemble son appartement, ou si c’est un hipster ! », réfute Annelie avec un certain agacement, avant de glisser que le candidat du jour est un
« ami d’ami ».Quand Annelie envisage l’avenir financier, c’est la pro du marketing qui parle :
« Notre site permettra aux annonceurs de toucher une cible très intéressante, qui a entre 20 et 40 ans, est urbaine et leader d’opinion », énumère-t-elle. Bien implanté à Berlin, Im Gegenteil tend à présent ses bras aux âmes esseulées de Rostock, Cologne, Munich et Hambourg. Et prévient que certains célibataires devront attendre six mois avant d’avoir droit à leur portrait à domicile.