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J’ai regardé hier soir le match de football France/Australie. Au milieu de cette belle victoire tricolore, un bémol : le public du Parc des Princes a constamment sifflé Mathieu Valbuena, le meneur de jeu de l’Olympique de Marseille. Un joueur, le seul, est honni par tout un stade parce qu’il vient de chez les rats. Il joue pour les sales, les corrompus, les chômeurs.
Je m’adresse à vous, parisiens, lyonnais, lillois, bretons, alsaciens… Avez-vous ne serait-ce qu’un commencement d’idée de ce que ça fait que d’être marseillais dans ce pays ? Vous ne vous rendez pas compte des brimades permanentes, des articles lapidaires (quand ils ne sont pas carrément bidonnés), des moqueries, de l’ostracisation. Les médias manipulent aujourd’hui sans trop de problème le concept de fusillade à la marseillaise (pour un fait divers se déroulant à 700 kms de là). Ce matin, j’en ai assez de me faire traiter de rat (une saloperie dont j’ai d’ailleurs la phobie).
Oui, Marseille est sale, elle est pauvre, sa classe politique est globalement pourrie (même si le thème majeur des municipales à venir est d’y remédier) et son équipe de foot a été épinglée pour corruption, un jour. Oui, nous sommes tout cela, cela fait 26 siècles que ça dure. Et alors ? Qu’avons de plus ou de moins que les autres territoires de l’Hexagone pour être autant pointés du doigt ? Pourquoi à chaque fois que je monte à Paris, les lutéciens me demandent, en se croyant drôles, "Mais Marseille c’est pas la France, non ?". Je ne sais plus quel twitto renommé a écrit dimanche lors de OM/PSG : "les marseillais ont tellement le temps avec leur chômage qu’ils arrivent à créer des fumigènes volants". Quelques petits gouttes dans un océan de haine et de mépris mal placés.
Pendant ce temps, le New York Times a publié un article sur la Capitale secrète de la France.
La France s’est donnée beaucoup de mal pour que Marseille soit française au cours de l’Histoire. Le fait que cette ville longtemps indépendante fasse partie de ce pays n’a jamais été évident. Aujourd’hui, la cité phocéenne est définitivement asservie au pouvoir jacobin, alors pourquoi encore cette ostracisation ? Dans ce pays qui se dit un et indivisible, pourquoi ce traitement de défaveur ?
Le français déteste Marseille et son peuple qui représente tout ce qu’il abhorre. Il n’aime pas son style de vie méditerranéen, son accent, son histoire agitée, son attitude colorée. Depuis toujours. Mais sachez que nous partageons de la même antipathie. Avec tout le respect que nous devons à nos concitoyens jurassiens, nordistes ou franciliens, nous n’avons qu’une langue et un état en commun. Notre cœur, nos valeurs, nos traditions et nos amis se trouvent plutôt du coté de Barcelone, de Tunis ou de Gênes.
Vous n’avez rien compris à notre identité. Marseille, elle, est réellement une et indivisible. "Marseillais avant d’être français" est plus qu’un aphorisme, c’est un fait. Je suis né à Marseille mais l’identité marseillaise ne dépends pas de ça. Marseille, c’est aussi un sacré paquet de maghrébins, de corses, de comoriens, d’arméniens, de français d’ailleurs venus trouver une vie heureuse. Nous sommes tous Marseille. Cette ville fait partie à tous de notre ADN, elle est nous. Donc, quand vous insultez Marseille, vous nous insultez tous et je ne laisse personne m’insulter.
Etre marseillais et français est devenu intenable avec le climat apocalyptique qui règne sur la ville depuis quelques années. Outre les difficultés réelles que subit notre Cité outragée, nous devons aussi supporter la curée, les quolibets, le mépris et, finalement, l’abandon du reste de ce pays.
Dans le cadre du football, les italiens viennent d’inventer le concept de "racisme territorial", poussés par la haine terrible entre un Nord et un Sud aux différences et aux inégalités profondes. J’ai le sentiment que Marseille subit une forme de racisme territorial et cela ne choque à peu près personne.
Et tout ceux qui me disent que "ce n’est que du chambrage", je les invite à se faire "chambrer" fréquemment et avec véhémence sur leurs origines ethnique ou leurs croyances religieuses lorsqu’ils voyagent, qu’ils ouvrent un journal ou qu’ils naviguent sur internet. On en reparlera après.