Selon cet article, la négociation arrive au mauvais moment pour Canal.
Droits TV du foot: la négociation arrive au pire moment pour Canal
MÉDIAS - Attention, une zone de turbulence devrait bientôt traverser les canaux de la chaîne cryptée. La ligue de football professionnelle (LFP) ont remis en jeu les droits du championnat de France de football (L1 et L2) ce 6 mars. C'est environ un an avant la date prévue, alors qu'ils concernent la période 2016-2020. Pour quelle raison? La LFP estime qu'il y a un sacré pactole à obtenir si elle s'y prend maintenant.
La manoeuvre des instances du foot est très claire: jouer l'effet de surprise en prenant de vitesse le principal pourvoyeur des clubs français, Canal Plus. Cela pourrait créer un sentiment d'urgence profitant à la LFP, qui compte obtenir plus d'argent. Selon Le Parisien, Frédéric Thiriez, président de la LFP, aurait même choisi cette période car la direction de Vivendi, maison-mère de Canal Plus, vient de changer. En effet, Vincent Bolloré vient de prendre la présidence du conseil d'administration du groupe. Toutes les étoiles sont donc alignées pour mettre le couteau sous le gorge de Canal.
Derrière, le concurrent BeInSports ne peut que se réjouir. Grande rivale dans la diffusion du sport, la chaîne à l'actionnariat qatari n'a que des avantages à la déstabilisation du diffuseur historique. "BeIn Sports pourrait profiter de l'avancement du calendrier pour prendre de vitesse Canal", estime un observateur de l'économie du sport.
Au terme d'une affaire similaire, la Ligue nationale de rugby (LNR) avait rompu son contrat avec Canal+ en décembre, alors qu'il courait jusqu'en 2016. Objectif: exploiter une clause secrète et profiter de la concurrence de BeInSports pour revaloriser le montant. Au final, la chaîne cryptée a conservé ses droits, mais a été contrainte de mettre le paquet. Le contrat existant était d'un montant de 31,7 millions d'euros annuels. Le nouveau est de 71 millions d'euros, soit plus du double.
Si Canal a l'habitude de vociférer sur BeInSports, cette dernière ne peut être mise en cause. Elle a d'ailleurs regretté "l'absence de respect d'une procédure transparente de mise en concurrence équitable et loyale". A juste titre: BeIn n'a pas eu le temps de déposer la moindre proposition. "La LNR a pleinement joué de l’opposition BeInSports/Canal+ pour faire monter la valeur de ses droits", analyse Vincent Chaudel, expert sport pour le cabinet Kurt Salmon. Résultat, cela a le don d'attiser la haine entre les deux chaînes.
Le directeur général de BeIn Sports, Youssef al-Obaidly, a menacé Canal+ d'une procédure devant les autorités de la concurrence. "Canal+ fait tout pour protéger sa position monopolistique", dénonce-t-il. Début janvier, Canal s'était à son tour fendue d'une note blanche aux pouvoirs publics, réclamant un décret pour empêcher la chaîne qatarie de participer au prochain appel d’offres de la Ligue 1. En cause, le fait que le Qatar "cumule les qualités d’acheteur et de vendeur -en tant que propriétaire du PSG- des droits audiovisuels de la Ligue 1". Une attaque restée pour l'instant sans suite, mais dont le débat pourrait resurgir bientôt. Rappelons que Canal était propriétaire du PSG il n'y a pas si longtemps (1991-2006).
BeInSports alimente la concurrence mais Canal est toujours préféré
Selon des sources proches du dossier rugby, la LNR n'a jamais imaginé ses matches sur BeInSports. Malgré une offre qui aurait été supérieure, une diffusion sur la chaîne qatarie aurait occasionné un mécontentement des sponsors.
Avec BeIn Sports, ces derniers auraient bénéficié d'une exposition moindre qu'avec la chaîne cryptée, dont la base d'abonnés est bien plus élevée que sa concurrente (5 millions contre 1,5 million). "La différence entre l'offre de Canal+ (71 millions) et celle de BeInSports (80 millions) ne pouvait pas compenser la perte en revenus sponsoring qu'aurait subie la LNR si elle avait choisi BeInSports. Il aurait fallu un écart bien plus important", note un proche du dossier.
Pour le football, ce constat est néanmoins différent. Les recettes télévisuelles représentent 54% des revenus totaux des équipes de Ligue 1, contre 5% pour leurs homologues du ballon ovale. A l'inverse, les recettes sponsoring pèsent plus (44%) dans le rugby que dans le football (26% pour un club comme l'OM). Un basculement de l'ordre établi est donc beaucoup envisageable pour le football.
"Tous les signaux sont au vert pour obtenir le maximum"
Alors que le montant global des droits de la Ligue 1 a baissé lors de la dernière négociation (2011), passant de 660 à 607 millions d’euros par saison, la LFP entend profiter de la guerre ouverte entre Canal et BeInSports pour faire grimper vers les sommets le montant des droits TV.
En 2011, BeInSports n’avait pas surenchéri sur les lots traditionnellement détenus par Canal depuis plus de 30 ans (match du samedi après-midi et l’affiche du dimanche soir en exclusivité). Il n’est pas certain que BeInSports reste en retrait sur les lots phares cette fois-ci. Mais il faudra payer: cela leur coûtera bien plus que les 150 millions d’euros dépensés annuellement pour les 8 matchs et les magazines. De quoi espérer un cachet record pour les instances du foot.
"Outre la concurrence féroce entre Canal et BeIn, la LFP profite aussi d'une bonne séquence pour le football français", note Vincent Chaudel. L'équipe de France est en train de retrouver le soutien populaire, le championnat dispose de deux grosses locomotives avec le PSG et Monaco. "L'effet Coupe du monde" peut aussi faire monter les enchères, alors que 2015 sera une année creuse, donc mauvaise pour la négociation.
"On ne sait pas non plus à quoi ressemblera le paysage dans un an. Si BeInSports se fait accuser de position dominante à cause du PSG, la chaîne sera alors plus faible qu'aujourd'hui", prévient ce spécialiste. "Lancer l'appel d'offre début 2014 est idéal: tous les signaux sont au vert pour valoriser le football au maximum et donner de la visibilité aux clubs". Canal est donc en pole position pour sortir un gros chèque... Pourtant, la chaîne cryptée peut trouver un intérêt à négocier en avance.
BeInSports est un acteur aux moyens astronomiques mais n'a pas un gros parc d'abonnés. Dans un an, la chaîne sera certainement beaucoup plus forte. Elle diffuse déjà une grosse partie de la Ligue des champions et prochainement le tournoi de Wimbledon (tennis). De quoi séduire des nombreux amateurs de sport. On peut donc facilement prophétiser que la barre des 2 millions d'abonnés sera franchie dans un an. Avec cette barre psychologique atteinte, BeIn offrira une visibilité bien plus importante que celle dont elle dispose aujourd'hui. La notion de "fidélité" entre le football français et Canal aura alors soudainement moins de sens...
http://www.huffingtonpost.fr/2014/03/06/dr...m_hp_ref=medias