Petite interview de Benjamn Paulin , ex du groupe Puzzle...qui dit pas mal de trucs vrais sur le rap français et son public.
Une belle interview..
Désole pour le pavé
Citation
Abcdr : Jusqu'à présent, tu étais connu du public rap par ton appartenance au groupe Puzzle. Aujourd'hui, le groupe n'existe plus. Pourquoi ?
Benjamin Paulin : La raison du split de Puzzle, c'est juste qu'à un moment, on vieillit. Zedoo a deux enfants, Tony a une gamine, Resha vient d'avoir un enfant, je le félicite au passage... On espérait que le talent, le travail et l'acharnement qu'on avait mis dans la musique nous permettrait un jour de survivre. Malheureusement, les choses ne sont pas passées comme ça. On avait mis beaucoup d'énergie, d'amour et de bonne volonté dans ce qu'on faisait, sans jamais renier notre éthique. Pourtant, à l'époque, on avait eu des opportunités : on nous a invité à des grosses émissions type Vivement Dimanche, des premières parties importantes… On a tout refusé parce qu'on n'adhérait pas à ça. C'est ce qui nous paraissait être le rap : la sincérité, l'authenticité… En fait, on a voulu vivre un rêve, mais on était à mille lieux d'imaginer comment ça se passait dans les couloirs des maisons de disque. Quand notre deuxième album s'est vendu à 2000 exemplaires, les gens nous ont dit "C'est déjà très bien à notre époque !" mais pour nous, c'était un énorme échec. Les concerts se passaient bien, les gens aimaient les clips, mais il n'y avait pas de label derrière qui soutenait vraiment. Le manque d'argent et de reconnaissance ont créé une lassitude énorme. La vulgarisation du rap aussi.
A : Comment ça ?
B : On était dans un truc très protéiforme et tout à coup, il a fallu devenir un cliché. Il fallait "ressembler à son public". Avec Puzzle, on ne voulait pas faire de rap de blanc, on voulait faire du rap universel. Mais comme on était blanc, on était fiché : les journalistes nous comparaient soit à TTC, soit à Svinkels. Alors qu'il n'y avait aucun rapport ! On n'était ni dans l'électro, ni le rap paillard. On faisait du hip-hop mais il aurait fallu qu'on soit noir pour être un groupe de rap aux yeux des médias. On était un peu perdu car on avait toujours cru qu'il était possible d'être un mélange entre Wu-Tang Clan et MC Hammer, Beastie Boys et NWA. Pour nous c'était possible ! On pouvait être drôle, dur, violent, bête et intelligent à la fois. C'est ce qu'on a fait sur les deux albums et ce sont des disques dont je suis ultra-fier. Je suis déçu que ce soit fini comme ça – bon, la vie n'est pas fini, si ça se trouve un jour on en refera un. Je n'en suis pas sûr mais je ne me ferme aucune porte.
A : Le fait de devoir "ressembler à son public", c'est une chose qu'on vous a vraiment conseillé ?
B : J'ai pas envie de balancer… mais je vais quand même balancer un peu : à une époque, dans le rap français, il y avait des gens très célèbres qui faisaient des vidéos. Du moment que tu avais du budget, ils faisaient ton clip. Ces gens avaient entendu nos premiers maxis et ils étaient très intéressés. Ils avaient demandé à Obiwan, notre manager, de leur envoyer des photos du groupe pour qu'ils puissent faire un storyboard. Quand ils ont vu qu'on était blancs, ils ont dit "Finalement, laisse tomber". Il s'est passé à peu près la même chose avec une maison de disque qui hésitait entre La Brigade et nous. On s'est fait recaler comme ça à plusieurs reprises car on ne correspondait pas au cliché que les maisons de disque voulaient vendre au public, c'est-à-dire faire croire aux gens que le rap ne touche que les gens de banlieue. Mais en banlieue, il n'y a pas que des noirs et des arabes. Mes potes du 92 et 93 ont eu la même vie que les autres et il n'y a aucune raison pour qu'ils ne soient pas représentés. C'est du racisme primaire.
"Avec Puzzle, on ne voulait pas faire de rap de blanc, on voulait faire du rap universel. Mais comme on était blanc, on était fiché : les journalistes nous comparaient soit à TTC, soit à Svinkels."A : C'est vrai que le groupe a explosé en pleine tournée ?
B : Oui. Ce sont des gens que je respecte beaucoup, on ne s'est jamais foutu sur la gueule mais il y a eu un moment où la situation n'était plus supportable. C'était très tendu entre nous. Chacun avait d'autres priorités que faire ses scènes. Chacun avait une femme qui ne comprenait pas pourquoi son mec partait sur la route sept jours sur sept pour aller faire des concerts qui ne rapportaient rien et faire une musique dont aucun média ne parlait. En fait, je crois que les médias nous ont eu à l'usure. Ils ne m'ont pas tué mais ils ont tué le groupe Puzzle. Mais j'ai bon espoir qu'un jour, les gens redécouvrent Puzzle et qu'ils se disent "Putain, il y avait ça aussi qui se faisait en rap à la fin des années 90."
A : C'est d'ailleurs assez ironique que ta nouvelle carrière en chanson commence au moment où émerge cette nostalgie rap français des années 90, avec le concert Retour aux Sources, les reformations de Triptik et Tout Simplement Noir… Puzzle aurait presque pu en faire partie…
B : Je vais te dire, ce n'est pas pour insulter les gens qui participent à ça car j'adore ce qu'ils font, mais Puzzle n'a jamais fait partie d'aucun mouvement. Puzzle, c'est en aucun cas des vieux de trente ans qui veulent remettre le rap des vieux de trente ans à la mode. Si on revient un jour, ce sera à la rame, par nous-mêmes.
A : Quelles relations as-tu avec les anciens membres du groupe ?
B : Je vois beaucoup Tony. J'ai pas eu de nouvelles de Zedoo et Resha depuis deux ans. Aucune. J'ai des petites nouvelles à droite à gauche par des gens, on me dit qu'ils vont bien, ça me fait plaisir, et voilà. C'est comme un vieux couple, on avait une lassitude des uns et des autres. On ne pouvait plus se piffrer ! Resha, je le détestais, et je pense qu'il me détestait aussi ! Ce n'était même pas méchant, juste humain. On a tellement galéré ensemble, à prendre du temps, à rêver, à faire des plans sur la comète pour rien ! Au bout d'un moment, tu deviens le miroir de quelqu'un qui est fier mais aussi plein de regrets. C'est usant.
A : Ces regrets et cette frustration, on les ressent beaucoup dans ton album solo, Suicide commercial…
B : Ouais, j'ai voulu tout mettre là-dedans pour ne pas les avoir sur cet album "Benjamin Paulin". Il fallait que je vide mon sac. Logilo m'a appelé en me demandant si je voulais faire un album solo. Je lui ai répondu "Non, j'en ai rien à battre, je vais signer chez AZ, je fais de la chanson, j'emmerde le rap." Il m'a dit "C'est dommage, il y a des gens qui aiment ce que tu fais, et même s'ils ne sont que 500, c'est pas sympa de ne pas le faire." J'ai réfléchi et je me suis dit que j'allais le faire sans aucune prise de tête. J'ai quasiment tout écrit sur place, à Toulouse, dans un studio qu'on nous avait prêté. Logilo a composé la plupart des beats avec moi. Ça a duré quinze jours, j'ai écrit "L'homme post-moderne" en une nuit, le lendemain on le posait, c'était fou…
"
A : Logilo partageait aussi ta lassitude du rap ?
B : Logilo, c'est un mec ultra-positif qui vit pour le plaisir de la musique. Mille fois, il aurait pu profiter de gens qui voulaient se servir de lui pour se refaire une image. Il a refusé car il a une éthique irréprochable. Il aime le hip-hop, le basse/batterie, le boom-bap. Il s'est fait très plaisir sur cet album car je lui ai laissé beaucoup de place en tant que DJ. C'est une frustration qu'il a, je pense, depuis l'époque des Sages Poètes : le DJ, c'est le babtou que tu mets derrière et tout le monde s'en fout. Je ne te raconte pas toutes les frustrations qu'il a pu connaître dans sa carrière, tous les sons qu'il a produits sans être crédité… Il est là depuis tellement longtemps, il a fait les premiers DMC avec Dee Nasty, il a même rappé ! Il n'a jamais voulu nous dire comment il s'appelait car il avait peur qu'on le retrouve [rires]. C'est un mec qui a la foi. Il était très heureux de faire ce disque.
A : Comment avez-vous collaboré sur ce projet ?
B : Moi, j'acceptais tous ses beats, sans chipoter. Il me disait "Ton refrain il est pété, je vais faire des scratchs à la place", je lui répondais "OK, vendu". On a fait un album où il n'y a quasiment que des couplets et des refrains scratchés. En France, il n'y a jamais vraiment eu d'album aussi "hip-hop". Après, chacun a sa vision du hip-hop, évidemment. Je ne prétends pas détenir LA réalité, je trouve que Lil Wayne rappe mieux que moi, pas de problème ! Mais on a juste fait ce disque en suivant notre vision du hip-hop, celle de vieux cons des années 90 [sourire].
A : Cette éthique dont tu parles, qu'est-ce qu'il en reste finalement ? Avec le recul, ça avait vraiment un sens ?
B : Je ne pense pas que ça avait de sens. C'était inconscient mais c'était beau. Et je pense qu'on a eu raison de le faire juste pour ça. On a toujours eu des petits boulots. On bossait à mi-temps le matin, l'après-midi on se retrouvait chez Resha et on faisait de la musique toute la journée, toute la nuit, non-stop. Ça a permis à des gens comme Tony d'échapper à des histoires pas possibles. Il sortait de prison quand on a commencé, Zedoo et Resha avait aussi connu des histoires dures. Le rap, ça nous a permis de canaliser tout ça, ce truc presque Zulu Nation : transformer l'énergie négative en énergie positive. On était comme dans une secte, en fait, tout le temps ensemble. On se trouvait les meilleurs du monde. Les gens nous ignoraient mais on s'en foutait ! On était tellement en vase clos à kiffer ce qu'on faisait… On répétait comme des dingues. D'ailleurs, je dois dire que Resha avait un grand professionnalisme. Il fallait répéter de telle heure à telle heure, les backs devaient être en place, rien n'était laissé au hasard.
"Je ne sais pas si le rap a tant de problèmes que ça ou si moi j'ai un problème avec le rap parce que je n'y ai pas été accepté à hauteur de ce que j'espérais." A : On a l'impression que la lassitude du rap chez les rappeurs intervient toujours aux alentours de 30 ans. C'est parce que le rap perd en qualité ou parce que les gens vieillissent ?
B : Je ne suis pas sûr que le rap perde en qualité. Moi, quand j'avais quatorze ans, j'adorais l'album 95 200 du Ministère Amer. J'en étais dingue. Dans ma tête, j'avais pas compris que j'étais pas noir et qu'ils me détestaient ! Mais j'adorais. "Cours plus vite que les balles", j'écoutais en boucle, ils me rendaient fous ces mecs… Récemment, j'ai réécouté et franchement, c'était cool à l'époque mais bon, les mecs rappaient quand même très mal. Et finalement, quand j'entends un Alpha 5.20 aujourd'hui, je me demande : si j'avais quinze ans, est-ce que je trouverais pas ça super cool ? Je ne juge pas les gens qui aiment le rap ultra-caillera parce qu'en fait, je demande au rap d'être ultra-caillera. Des gens vont peut-être s'arracher les cheveux en lisant ça, mais aujourd'hui, quand j'écoute du rap, j'écoute Sefyu Molotov, Booba, La Fouine… Ce qui me fait kiffer c'est les trucs les plus bourrins. Bourrins mais drôles. Il y a un humour dingue chez Booba et La Fouine. Ces mecs, ils ont compris un truc. Ils ont une espèce de maestria…
A : "On va t'faire comme ton père, on va t'niquer ta mère"…
B : Voilà, c'est génial ! Moi j'adore ça. Un rappeur qui arrive pour m'expliquer le sens de la vie, je m'en tape ! Le Vrai Ben qui arrive après La Fouine ? Je m'en bats les couilles ! Va prêcher ailleurs, on s'en branle ! Booba et La Fouine, en rap, ils me pètent en mille ! C'est aussi pour ça que j'ai voulu sortir de ce truc, j'ai bien compris qu'on est dans une époque de médiocrité. Les gens ne sont attirés que par la médiocrité. Pourquoi leur compliquer la tâche ? Les gens n'ont pas envie de lire des livres sans images, ils veulent lire Closer. Ils n'ont pas envie d'écouter KRS-One, ils ont envie d'écouter Booba. Et ouais ! Et ce n'est ni de la faute de Booba, ni de la faute de Closer. C'est le monde qui tourne comme ça.
A : Il y a une forme d'élitisme qui s'est développée chez les auditeurs de rap, à se demander si les gens n'ont pas perdu de vue ce qui les faisait kiffer au départ…
B : Ouais. Moi ce que je kiffe chez Booba, c'est sa spontanéité. T'as l'impression que chez lui, tout est naturel. Surement pas d'ailleurs, peut-être qu'il a un atelier de chinois qui lui écrivent des vannes ! Mais le mec a du talent, je respecte à mort. Ce que je trouve dommage chez lui, c'est son côté parodique. C'est pour ça que j'aime bien quand il fait une photo avec un chat. Il n'y a que lui qui peut faire ça ! Pour moi, Booba c'est Renaud. Ce qu'on achète chez Booba, comme ce qu'on achète chez Renaud, c'est une attitude, un bagout. Le mec, il arrive, il est pas content, il t'emmerde et il le fait bien. Booba, il est glamour comme Renaud l'était. Si tout d'un coup il décidait de faire un truc léché, ce serait... Je ne sais pas en fait, peut-être que ça casserait son mythe. Il n'y aurait plus l'équilibre du mauvais goût avec la qualité. Mais bon, parfois, j'aimerais que Booba prenne la place de Benjamin Biolay. J'aimerais qu'il laisse pousser sa calvitie, qu'il arrive avec un pull sale et fasse son truc en piano/voix. Il les déchirerait tous.
A : Il y a une forte critique du rap dans Suicide commercial, mais la critique du rap dans le rap, c'est presque un exercice de style à part entière. On a du mal à distinguer la limite entre le folkore et la réalité. Selon toi, quel est le problème du rap en France ?
B : Je sais pas si le rap a tant de problèmes que ça ou si moi j'ai un problème avec le rap parce que je n'y ai pas été accepté à hauteur de ce que j'espérais. Peut-être qu'Oxmo, peut-être que Fabe ont eu aussi un problème avec le rap. Le rap, lui, il n'a pas de problème avec nous, il continue à évoluer. C'est le propre du rap d'être un mouvement jeune qui doit se renouveler très vite. Alibi Montana, dans cinq ans, ce sera un vieux et il dira "Le rap c'était mieux avant".
A : On a l'impression que beaucoup de rappeurs ont eu une révélation assez tardive avec la chanson française. C'est complètement absent de leurs références pendant très longtemps et d'un coup, ça arrive dans leur musique. Comment ça s'est passé pour toi ?
B : Ça va te paraître absurde, mais je suis toujours resté dans le rap. Quand j'ai commencé à enregistrer des trucs chantés, la personne qui m'inspirait, c'était 50 Cent. Sur le deuxième album de Puzzle, j'ai fait quelques refrains chantés, et ça m'a donné l'envie. Les gens qui m'ont inspiré pour cet album, c'est donc Alain Souchon et 50 Cent ! Par la suite, des gens m'ont comparé avec Jacques Dutronc. Ça me va parce que je l'adore, pour moi c'est le seul qui avait l'attitude et la nonchalance – un peu comme Booba. Ça me plaît d'être comparé à lui. J'aime ce côté du mec qui sait qu'il n'est pas entrain de faire une œuvre d'art. Les textes de Jacques Lanzman pour Dutronc, c'est le top. Tu sens que le mec a écrit le texte en cinq minutes sur une nappe de restaurant, mais il y a l'attitude, et tu y crois. Ils ne se sont pas pris la tête pendant dix ans à faire des enluminures, mais l'émotion fonctionne. C'est ça qui est important.
A : En te lançant dans la chanson, est-ce que tu as fait un travail de recherche sur des artistes que tu ne connaissais pas ? Ton "appétit" de chanson a-t-il augmenté ?
B : Malheureusement non, je suis quelqu'un d'assez basique, j'intellectualise peu ce que je fais. Ça sort comme des spasmes. Je pars instinctivement sans me poser de questions. Je déroule, je déroule, et au bout d'un moment je réalise que ça crée quelque chose et je me repositionne en fonction de ce que j'ai fait. J'ai pas du tout calculé ce que j'ai fait. Un mec a pris une photo de moi pour la pochette, je me suis dit "Tiens, ça va être ça mon image". Tout s'est crée par la force des choses. Avez Puzzle, on a beaucoup travaillé sans aucun résultat. Cette fois-ci, j'avais envie de me laisser glisser. Résultat : je fais des maquettes et le lendemain je signe chez AZ. Un an et demi après l'album sort, j'ai trois clés dans Télérama, des trucs commencent à se passer, je vais partir en tournée… Les choses se font naturellement alors que dans le rap, tout était laborieux. Là, je décide de me laisser pousser la mèche, je mets une cravate, et tout d'un coup c'est logique. C'est logique car c'est ce que les gens attendent de moi depuis le début. Et tu sais quoi ? J'ai pas du tout l'impression de baisser mon froc. Je me sens libre. Je prends un plaisir dingue à faire ce que je fais. Je découvre ma voix, je chante de mieux en mieux, j'écris de mieux en mieux, j'évolue enfin. Et je suis content.
"Dans le rap, tout était laborieux. Là, je décide de me laisser pousser la mèche, je mets une cravate, et tout d'un coup c'est logique."A : Tu as été signé sur le label AZ par Valery Zeitoun, un personnage emblématique et controversé dans l'industrie du disque. Que peux-tu dire sur lui ?
B : Plein de gens disent du mal de Valery Zeitoun. On n'est pas obligé de partager ses goûts musicaux, mais c'est l'un des derniers mecs qui a des couilles. Personne ne m'aurait signé à part lui. Ces gens-là osent des trucs alors que les autres sont très frileux. Signer Grand Corps Malade, c'était quand même un sacré pari, ça aurait pu ne pas marcher du tout ! C'est vrai qu'il a ce côté un peu show off, mais quoiqu'on dise sur lui, c'est un mec qui est passionné par ce qu'il fait. Il ne vit que pour ça. Je pense qu'il est bien moins pourri que la plupart des artistes qui prétendent que les maisons de disque sont pourries.
A : Qu'est-ce que ça fait de débuter dans la musique une deuxième fois ?
B : C'est très humiliant. Ça a été très dur d'apprendre à chanter parce que j'étais particulièrement mauvais au début. Sur le disque, j'ai commencé à m'améliorer et maintenant je suis vraiment meilleur. Ça fait partie de mon évolution. Le prochain album sera autre. Si ça se trouve, je vais gagner un nouveau public que je vais perdre dès le prochain album. Je n'arrive pas à garder un costume trop longtemps. Dans Puzzle, ils m'encadraient un max parce que je passais d'un truc à un autre. Ce n'est pas de la schizophrénie mais pourquoi s'enfermer à tout prix ? Quand on peut faire les choses, pourquoi en faire une seule ?
A : Donc tu n'as pas de regrets à avoir connu dix ans de rap pour arriver aujourd'hui à la chanson…
B : Non, ça fait partie de mon chemin et je l'assume complètement. Au début, je m'étais dit que je n'allais pas en parler. Stop, fuck le rap, j'en parle pas. Mais c'était ridicule, je n'ai pas à en rougir. Puzzle, c'était super. Il faut que j'assume tout ce que je suis, tout ce que je fais, toutes mes contradictions. J'ai envie de faire quelque chose de tout ça. Les gens sentent les influences hip-hop dans Benjamin Paulin et j'en suis content. Au début j'en avais honte car je voulais vraiment faire le chanteur mais finalement j'en suis super content – tant qu'on ne dit pas que je fais du slam [rires].
A : Pourquoi ?
B : Aujourd'hui, dès que tu parles sur de la musique, c'est du slam. Alors Gainsbourg a quasiment fait du slam toute sa vie ? Et "L'été indien" de Joe Dassin, c'est du slam ? Il y a un refrain Rn'B et un couplet slam ! [rires] Ceci dit, je n'ai rien contre les slammeurs. Grand Corps Malade a fait un carton, bravo à lui. Il le mérite ne serait-ce que pour son humanité, mais c'est pas mon truc. Je ne suis pas un fan de poésie. J'aime les choses nettes, tranchées, germaniques [rires].