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Affaire d'Aulnay-sous-Bois : les contradictions de Théo lors de son audition
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La dernière audition du jeune homme, grièvement blessé d'un coup de matraque aux fesses à Aulnay lors d'une interpellation, met à mal la version du pantalon volontairement baissé par les policiers.
Les policiers ont-ils volontairement baissé le pantalon puis écarté le caleçon de Théo, ce jeune homme de 21 ans, grièvement blessé d'un coup de matraque télescopique, le 2 février dernier à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ? Cette affaire dramatique a choqué la France, entraînant la mise en examen de 4 policiers dont un pour viol et provoquant plusieurs nuits d'émeutes dans les banlieues.
Un an après le scandale de l'interpellation du jeune homme à Aulnay-sous-Bois, la vidéo de l'opération de police est dévoilée, ce lundi 29 janvier, par Europe 1. Des images qui permettent de mieux comprendre les circonstances de ce "viol en réunion", d'après les mots de Théo Luhaka.
Ces images, captées par les caméras de surveillance, lèvent le voile sur ce qui s'est réellement passé le 2 février 2017. Versées aux dossier, elles ont été analysées par les enquêteurs de l'Inspection générale de la police.
Sur les enregistrements, on peut voir quatre policiers arriver pour procéder à un contrôle de routine sur une bande de jeunes. Mais les choses s'enveniment très vite, et Théo L. est écarté tant bien que mal du groupe pour être immobilisé. Il se débat, donne des coups, forçant l'un des policiers à utiliser sa matraque télescopique.
C'est cette dernière qui lui infligera une très grave blessure au niveau de l'anus. Le geste est très rapide, mais on voit le jeune homme s'effondrer sous la douleur. Il avait perdu son pantalon lors de l'échauffourée, mais son caleçon était toujours en place. Ce dernier a été transpercé par la matraque, ont constaté les enquêteurs.
« La première audition, je n'étais pas en état »
Pour Théo, l'intention des policiers était claire. Ses premières déclarations publiques et à trois reprises sur procès-verbal ne laissaient pas de place au doute. Mais, selon sa dernière audition dont nous avons pris connaissance, des contradictions sont apparues avec les images de vidéosurveillance. Des approximations pointées d'ailleurs par la juge d'instruction chargée du dossier. Celles-ci ne remettent en cause ni la réalité de la blessure ni sa gravité, mais relativisent la qualification de viol et la thèse des vêtements baissés.
Le 3 mars dernier, dans le bureau de la juge, le jeune homme reprend le déroulé des faits. La magistrate lui relit ses premières déclarations datées du 2 février. Un fonctionnaire lui aurait «enfoncé le bâton dans les fesses après avoir écarté le caleçon sur le côté» pendant qu'un autre lui «tenait les jambes», un troisième le maintenant «légèrement incliné debout». Cependant, sur la base des vidéos et des constatations effectuées sur le caleçon percé de Théo, la juge remet en cause cette version d'un sous-vêtement écarté au préalable. Lui explique ne pas se souvenir d'avoir mentionné un tel fait. «Comme je vous l'ai dit, la première audition, je n'étais pas en état», se défend Théo, précisant que la commissaire avait insisté pour qu'il témoigne et qu'il n'avait pas relu le procès-verbal.
S'agissant du pantalon, son témoignage évolue aussi. La magistrate note qu'il porte ce jour-là un jogging très lâche, au point qu'il laisse largement voir le caleçon. «Sur la vidéo, fait- elle remarquer, on voit que vous marchez en approchant des lieux, vous remontez votre jogging, et que vous le portez très bas. Est-ce exact ?» «Si tu ne serres pas ton pantalon avec le cordon, logiquement il se descend tout seul. Et puis je prends mes pantalons en XL, ce n'est pas ma vraie taille», concède Théo. Et de poursuivre : «Quand l'un des policiers m'a attrapé, mon pantalon a glissé.» «Ils tiraient vers le bas quand même, mais je ne pense pas que c'était volontaire, précise-t-il. Ils essayaient de me maîtriser. Et comme mon pantalon n'était pas bien attaché, il tombait.» Une certitude aujourd'hui : les policiers n'ont pas écarté volontairement le caleçon de Théo, ni arraché son jogging, ainsi que nous l'écrivions dès le 9 février.
Il reste maintenant à savoir si le policier a enfoncé la matraque volontairement. Selon le rapport de l'IGPN, la police des polices, «la finalité et les conséquences de ce geste n'étaient pas intentionnelles car il visait la cuisse pour faire plier la jambe de l'intéressé». Théo reste persuadé du contraire.