Le Berger et son troupeau« Quoi? toujours il me manquera
Quelqu'un de ce peuple imbécile!
Toujours la blessure m'en gobera !
J'aurai beau les compter! Ils étaient plus de dix mille ©
Et m'ont laissé ravir notre pauvre Sakavomi;
Sakamouton, qui par la ville
Me suivait pour un peu de
tounels,
Et qui m'aurait suivi jusques au bout du monde.
Hélas! de mes roulettes il entendait le son;
Il me sentait venir de cent pas à la ronde.
Ah! le pauvre Sakamouton! »
Quand Javier eut fini cette oraison funèbre,
Et rendu de Sakavomi la mémoire célèbre,
Il harangua tout le troupeau,
Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau,
Les conjurant de tenir ferme:
Cela seul suffirait pour écarter les loups.
Foi de peuple d'honneur, ils lui promirent tous
De ne bouger non plus qu'un terme.
« Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton
Qui nous a pris Sakamouton. »
Chacun en répond sur sa tête.
Javier les crut et leur fit fête.
Cependant, devant qu'il fût nuit,
Il arriva nouvel encombre.
Une rupture parut: tout le troupeau s'enfuit.
Ce n'était pas une rupture, ce n'en était qu'une lésion.
Haranguez de méchants soldats:
Ils promettront de faire rage;
Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage;
Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.