Citation (M4URIC3 @ 30/11/2010 à 21:22)

Son délire sur Ribery vu comme le méchant musulman et Gourcuff comme le gentil français est quand même bien risible.
Ribery, tout le monde s'est branlé dessus quand il sortait des bons matchs et avait l'image d'un mec, certe con, mais qui se bouge le cul, et simple au bon sens du terme. Aujourd'hui, la plupart ont juste compris que c'était surtout une petite racaille ("ferme ta gueule cousin, j'te nique ta mère moi"©) et un mec qui, bien qu'abruti, prend les gens pour des cons en se faisant passer pour le gars bien aux yeux des médias.
Rien à branler qu'il soit musulman, c'est pas d'hier sa conversion, les gens l'aimaient bien quand même.
Donc oui, pas grand chose dans l'extrait mais il arrive déjà à être ridicule une fois en 5 phrases donc bon...

Sauf qu'on ne le présentait pas comme "le gentil mec de cité", mais "le gentil ch'ti". Et quand il est devenu "méchant", on a pas dit "le méchant ch'ti" mais "le méchant mec de cité". Cherchez la différence

Edit. Un article de Stéphane Beaud, sociologue, dans
Libération, après la pitoyable sortie de l'équipe de France. Il "n'excuse" personne (surtout pas Anelka, dont il estime le comportement répréhensible), mais tente de comprendre. Il n'estime d'ailleurs pas détenir la vérité sur le sujet, mais lancer un débat un peu différent de celui qui s'est tramé après la déroute française en Afrique du Sud.
Citation
Depuis la débâcle de la France contre le Mexique de mercredi dernier, l’acte d’accusation dressé contre les joueurs de l’équipe nationale ne cesse de grossir au gré des scandales qui se succèdent jour après jour, heure par heure, en Afrique du Sud. Les insultes d’Anelka visant le coach, l’exclusion de ce dernier par la FFF, la mutinerie des joueurs dans la journée de dimanche ont amplifié l’impression de désastre, transformant ces événements sportifs en véritable crise nationale obligeant le président de la République lui-même à intervenir.
Si les commentateurs autorisés, journalistes sportifs et «anciens» joueurs de 1982, 1986 et de 1998 pointent la responsabilité écrasante de l’entraîneur, de la FFF et de tous ses cadres dirigeants, ils n’en condamnent pas moins tous l’attitude des Bleus, dans des termes qui nous semblent devoir être interrogés. On pourrait établir un florilège de tous les noms d’oiseaux qui leur sont adressés depuis six jours : «imposteurs» (l’Equipe du jeudi 17 juin), «égoïstes», «gâtés», «sous-éduqués», «caïds de collège» (traitement spécial pour Ribery, le «Ti-Franck» du quartier du Chemin-Vert de Boulogne-sur-Mer, encensé par la presse lors du Mondial 2006), sans compter leur «arrogance» doublée de leur «ignorance».
Très vite, le débat sur l’équipe de France s’est déplacé sur l’origine nationale des joueurs, le soupçon principal se portant sur leur cousinage, réel ou symbolique, avec la «racaille» de la banlieue dont la plupart sont issus. Le passionné bien connu du football qu’est Alain Finkielkraut y est allé de sa petite musique, qui nous est désormais familière, en mettant en cause la composition sociale et ethnique de cette équipe de France : «Si cette équipe ne représente pas la France, hélas, elle la reflète : avec ses clans, ses divisions ethniques, sa persécution du premier de la classe, Yoann Gourcuff. Elle nous tend un miroir terrible.» Pour l’anecdote, à la fin de cet article, il en appelle ni plus ni moins à la formation à l’avenir d’une «équipe de gentlemen» (recrutés, qui sait, dans les «beaux quartiers» ? Au quartier latin ? à Polytechnique où il enseigne ?…) Bref, ce désastre sportif de l’équipe de France serait imputable, une fois encore, à la jeunesse populaire des cités, à l’élite sportive sortie de ses rangs, incapable de «se tenir» et de représenter dignement la nation, enfin soupçonnée de ne pas aimer porter le maillot national.
Prendre un point de vue sociologique sur cette affaire consiste à poser des questions simples. En quoi ces joueurs de l’équipe de France diffèrent-ils de ceux de l’équipe de 1998 ? En quoi sont-ils le produit d’une histoire collective ? En quoi reflètent-ils une série de transformations internes au monde du football ? En premier lieu, si l’on compare avec la glorieuse équipe de 1998, la composition «black-blanc-beur» s’est délitée en 2010. Les joueurs d’origine maghrébine n’y sont plus, soit qu’ils n’aient pas été retenus par Domenech, réputés trop «individualistes» (cf. le trio Benzema, Ben Arfa, Nasri), soit qu’ils aient choisi depuis le décret de la Fifa (qui autorise des anciens sélectionnés des équipes Espoirs à choisir une autre équipe en équipe A) de porter le maillot de l’équipe d’Algérie ou du Maroc (Chamakh, né à Marmande, qui aurait fait un bel avant-centre «français»). Ensuite parce que, pour le dire vite, les enfants de la fraction établie (métier qualifié, pavillon) de la classe ouvrière française (cas de Laurent Blanc, fils d’ouvrier d’Alès, ou de Didier Deschamps) parviennent beaucoup moins au sommet du foot français, concurrencés qu’ils sont par les enfants de cité et/ou ayant fui ce sport devenu, en équipes de jeunes, trop violent ou pas assez formateur moralement.
En second lieu, les carrières des footballeurs professionnels ont changé en quinze ans. Les joueurs de l’actuelle équipe de France, entrés à 14 ou 15 ans en centre de formation, ont été vite pris en mains par des agents, gagnant très jeunes des sommes astronomiques, partant beaucoup plus tôt à l’étranger (vers 21 ou 22 ans aujourd’hui, contre 26 ans pour Zidane, Desailly ou Deschamps). Dans ce monde du football internationalisé où les clubs sont devenus des «centres de profit», il faut bien voir que l’équipe nationale n’est objectivement plus une priorité dans la carrière, qu’elle entre en concurrence avec les grands clubs toujours inquiets de céder «leurs» joueurs à des staffs techniques et médicaux différents. Ce n’est pas un hasard si les équipes nationales des grands championnats européens (Angleterre, Italie, Espagne) rencontrent aussi des difficultés en ce début de Mondial.
En troisième lieu, les joueurs de l’équipe de France sont le produit de l’histoire des cités et de la ségrégation sociale et urbaine française de ces vingt dernières années. Beaucoup ont grandi dans les années 1985 à 1995, souvent dans les cités de la région parisienne (Trappes pour Anelka, les Ulis pour Evra et Henry) ou lyonnaise (La Duchère pour Abidal). Beaucoup ont noué là leurs amitiés les plus solides ; leurs copains de quartier étant souvent de religion musulmane, ils se sont intéressés à cette religion et ont pu se convertir à l’islam : Anelka à la fin de l’adolescence quand il était à l’INF de Clairefontaine, Abidal au moment de la rencontre avec sa future femme rencontrée à La Duchère (Hayet, d’origine algérienne), Ribéry avec son amie de quartier, Wahiba, rencontrée à l’âge de 16 ans. De ce fait, par leurs amitiés de quartier et leur vie conjugale, ils se retrouvent les héritiers d’une histoire mêlée qui les sensibilise à d’autres questions, comme peut-être la colonisation. Bien loin du roman national qu’avait voulu imposer le débat sur l’identité nationale. Sans être «politisés», certains en viennent à se poser des questions de type politique. Citons à ce propos Eric Abidal (parents martiniquais, découvert à 19 ans au club de La Duchère par l’AS Monaco) qui ne chante jamais l’hymne national. Lorsqu’un journaliste lui pose cette question, il répond : «J’ai pris la peine de lire les paroles en détail et je ne me sens pas représenté par cet hymne […] Je représente la France, je suis très heureux d’être français, mais cet hymne, lui, ne me représente pas.»
Evitons les mises au pilori, les accusations vengeresses à propos de l’équipe de France. Ses joueurs ne sont pas ces monstres asociaux qu’on veut bien nous présenter. Ils ont du mal à assumer et à gérer leur fulgurante ascension sociale et certains d’entre eux peuvent se comporter de manière répréhensible (comme l’a fait Anelka, coutumier depuis ses 17 ans d’accrochages avec ses entraîneurs). Dès qu’on plonge dans leurs histoires personnelles, on mesure à quel point leurs conduites peuvent s’interpréter comme un symptôme des transformations du football professionnel et du lien qu’entretiennent les jeunes de milieu populaire (notamment ceux issus de l’immigration et des DOM-TOM, ce dernier point étant nouveau et crucial) et la nation.
Dans une atmosphère de camp retranché, ces joueurs ont subi une défaite sportive, une disqualification symbolique et une stigmatisation médiatique. La mutinerie de dimanche exprime leur désarroi et leur manière de répondre aux agressions de l’extérieur.