Article qui date du 26 novembre 2011 du journal suisse Le Temps. Je ne le mets pas en Revue de presse car je le trouve assez incomplet sur pas mal d'aspect, mais je trouve pas mal non plus d'avoir un regard extérieur.
Citation
Le PSG, un malade imaginaire
Fred Hirzel
Le leader de la Ligue 1 s’arrange pour fabriquer des remous internes qui le minent. Querelles d’ego, guéguerres de dirigeants, une spécialité parisienne depuis 1970.
La plupart des grands clubs de foot vivent une existence interne agitée, rythmée par l’apparition de spasmes organiques qui, en général, ne durent pas davantage que la saison en cours. Très peu connaissent une vie «tranquille», excepté le FC Barcelone depuis une décennie ou Manchester United sous l’ère Alex Ferguson, entamée voici 25 ans. Mais il n’y en a vraiment qu’un seul qui joue les hypocondriaques en se croyant atteint de toutes les maladies imaginables. Un seul qui s’invente des crises pathologiques là où il n’existe aucun symptôme, telle une affection liée à sa naissance: le Paris Saint-Germain, dit Paris SG, dit PSG.
Les plus caustiques y verront la meilleure preuve que ce n’est pas un grand club. Pas encore, sans doute. Reste que réussir à déstabiliser en quelques jours une équipe leader de son championnat, jusqu’à la faire perdre à domicile face à un relégable (Nancy, 0-1), après 12 journées d’invincibilité, et à muer le «clasico» OM-PSG de dimanche soir en quitte ou double factice, il faut le faire! Tout cela par la grâce d’un homme, le Brésilien Leonardo, 42 ans, ci-devant directeur sportif du locataire du Parc-des-Princes.
En l’espèce, «Leo» se borne à perpétuer une tradition bien ancrée à partir de la création du club en 1970 (fusion du Stade Saint-Germain et du Paris FC). 1972: divorce – déjà – d’avec le Paris FC; 1990: la gestion pépère du président Francis Borelli tutoie la faillite; 1997: le PSG frise la sortie aux préliminaires de la Ligue des champions… à la suite d’une erreur administrative; 2007: le coach Guy Lacombe est éjecté, Paul Le Guen le remplace et «propulse» l’équipe dans le bas du tableau. Liste non exhaustive, évidemment.
«La tendance aux remous internes est historique», nous confirme Cyrille Haddouche, journaliste au Figaro. «Elle se trouve liée au prisme médiatique qui transforme le PSG en nombril de toutes les attentions et provoque un effet d’entraînement. Il s’agit d’une spécialité locale, on peut le dire.»
Remontons, pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, à l’intersaison printanière. Dirigé par le cheikh Tamim, le groupe Qatar Sports Investments rachète le Paris Saint-Germain à hauteur de 70% de son capital, place à sa tête Nasser al-Khelaifi, le président délégué de la chaîne Al-Jazira – laquelle détient les droits TV de la Ligue 1 française pour l’étranger –, s’offre le directeur sportif Leonardo, ex-entraîneur de l’AC Milan puis de l’Inter, moyennant un salaire annuel de 5 millions d’euros, et déverse 85 millions d’euros sur le mercato estival en échange, notamment, de Salvatore Sirigu, Milan Bisevac, Diego Lugano, Jérémy Ménez, Blaise Matuidi, Mohamed Sissoko, Kevin Gameiro, et bien sûr du prodige argentin Javier Pastore (42 millions, plus gros transfert des annales du Championnat de France). L’avenir immédiat? David Beckham (Los Angeles Galaxy, qui hésite), Kaká (Real Madrid, 50 millions proposés), Eden Hazard (meneur belge vedette de Lille), Vágner Love (buteur brésilien du CSKA Moscou) au programme officieux du marché d’hiver.
Ce conglomérat de VIP demeure chapeauté, au niveau du banc, par Antoine Kombouaré, Kanak de 48 ans, ancien solide défenseur central dépourvu de charisme. Le canard boiteux, quoiqu’efficace dans son travail et son vestiaire. Or, histoire de rentabiliser leur mise de fond, les propriétaires qataris veulent du glamour, du bling-bling, en même temps que du beau football et des résultats. Au côté de Leonardo toujours en costard tiré à quatre épingles, Kombouaré et son survêtement ne font pas vraiment l’affaire. Ils jurent. «Les Qataris ont un besoin d’image, de gens de renommée internationale sur et hors du terrain, ils veulent installer une marque PSG dans le foot business», poursuit Cyrille Haddouche. «De ce point de vue, Kombouaré n’est pas l’homme de la situation.»
Dès le début de l’exercice, on (en particulier le beau «Leo») le discute, le soupèse, le critique. Mais, tout en présentant un jeu collectif mièvre, le coach gagne grâce au talent de ses individualités, Paris SG occupe le leadership de la Ligue 1. Donc, on le maintient à son poste.
Survient cette fameuse quinzaine précédant le revers piteux contre les Nancéens. Leonardo contacte Carlo Ancelotti, 52 ans, technicien et tacticien italien reconnu, que son éviction de Chelsea, en juin, a laissé libre comme l’air. Et surtout, ami de «Leo», l’un ayant évolué sous les ordres de l’autre à l’AC Milan. Le Brésilien entend couvrir ses arrières si jamais, vu que le big boss Al-Khelaifi a lâché à l’AFP: «En tant que directeur sportif, il lui incombe d’évaluer le coach. Ce n’est pas à moi de le faire.» Sous-entendu: si tu te trompes, je vous vire les deux.
Sans réfléchir plus loin qu’une souris attirée par la trappe à fromage, Leonardo fixe l’entrevue au palace Royal Monceau, VIIIe arrondissement, propriété qatarie et quartier général des «huiles» du PSG! Un lieu surveillé par les médias de la capitale comme le lait sur le feu. De pseudo discret, le rendez-vous prend une résonance nationale. Le directeur sportif a beau se répandre en «la situation n’a jamais changé et il ne va rien se produire, Kombouaré a la pleine confiance du club» – tandis qu’Ancelotti, lui, nie en bloc – la rumeur devient certitude dans l’Hexagone: au cas où Paris s’inclinerait au Stade-Vélodrome dimanche, devant le Marseille chaotique de Didier Deschamps (voir encadré), le Kanak s’en irait. «Oui, mais pas forcément au profit d’Ancelotti, car cela m’étonnerait que l’Italien accepte de débarquer au milieu d’une galère», prophétise Haddouche. «Si les Qataris décident de limoger Kombouaré, je crois plus vraisemblable que Leonardo devra enlever son costume trois pièces pour endosser lui-même le bleu de chauffe de l’entraîneur!» Encore un psychodrame en perspective à Boulogne-Billancourt.