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« Il est temps que ça change »
Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG, n’a toujours pas digéré l’élimination en Ligue des champions. Il va lancer un nouveau cycle à Paris, peut-être sans Laurent Blanc.
JUSTE avant de s’envoler pour Doha, Nasser Al-Khelaïfi nous a reçus hier en début d’après-midi au Royal Monceau, le palace de l’avenue Hoche (VIII e arrondissement). Pour « Le Parisien » - « Aujourd’hui en France », le président du PSG a accepté de faire un tour d’horizon de l’actualité de son club. Décontracté et affable, son visage est devenu grave au moment de dresser le bilan de la saison. L’élimination à Manchester City est « le pire moment » depuis son arrivée en 2011. Ce constat d’échec l’amène à se poser beaucoup de questions, notamment à propos de Laurent Blanc, son entraîneur, dont il ne citera pas une fois le nom en trente-cinq minutes d’interview. Il envisage de « gros changements » dès cet été, annonce le début d’un « nouveau cycle » et l’on comprend au fil des phrases que cela pourrait d’abord concerner le poste de coach. Il salue les performances de l’Atlético de Madrid, veut des joueurs « prêts à mourir sur le terrain ». Des allusions qui font immanquablement penser à Diego Simeone, l’entraîneur des Colchoneros. Même si Nasser Al-Khelaïfi confirme qu’aucune star planétaire ne signera cet été et que Cavani sera l’attaquant numéro un du PSG, ça va bouger à Paris cet été.
Quel bilan dressez-vous de la saison qui vient de s’écouler ?
NASSER AL-KHELAÏFI. Honnêtement, je crois qu’on a échoué cette saison malgré de nouveaux trophées au niveau national. On n’a pas atteint notre objectif européen, donc c’est une mauvaise saison. Je suis là depuis cinq ans et c’est la première fois qu’on a ce sentiment d’échec. Ce n’est pas simplement le fait d’avoir perdu en quart de finale de la Ligue des champions qui me fait dire ça, c’est la manière dont ça s’est passé. Je suis très déçu. Nous n’étions pas prêts mentalement et nous sommes tous responsables, moi le premier. Je n’ai pas ressenti de pression avant les matchs face à Manchester City. C’était complètement différent avant Chelsea : les joueurs étaient nerveux, ils avaient faim, ils étaient prêts. Je n’ai pas retrouvé ça face à Manchester. Cette élimination est le pire moment depuis que je suis à Paris. C’est encore très difficile à accepter.
Avez-vous demandé à Laurent Blanc pourquoi il avait changé l’organisation de l’équipe au match retour ?
Oui, bien sûr. Il m’a expliqué et ça restera entre nous. Il a pris ses responsabilités.
Faites-vous toujours confiance à votre entraîneur ?
Je le soutiens depuis trois ans. Maintenant, il faut penser à ce que nous ferons la saison prochaine pour construire un groupe plus fort au niveau européen. Je le répète, c’est la première fois que nous échouons et je dois me poser les bonnes questions. Dois-je changer ma façon de diriger ? Dois-je changer les gens ? Dois-je changer de système ? Dois-je changer les joueurs ? Je réfléchis et de gros changements pourraient arriver.
Dès cet été ?
Oui.
Lesquels ?
Vous verrez le moment venu. Ce ne sera pas facile pour tout le monde mais c’est le moment de changer. Après cinq ans, il faut relancer un nouveau cycle. Nous rêvons grand, je le dis depuis mon arrivée, nous voulons gagner la Ligue des champions et je n’abandonnerai pas. Je suis confiant : un jour on descendra les Champs-Elysées avec ce trophée. Mais, pour y arriver, il faut changer certaines choses. Et j’espère que l’échec face à Manchester City nous permettra d’être plus forts dans le futur.
Pouvez-vous me dire clairement si Laurent Blanc sera encore l’entraîneur du PSG la saison prochaine ?
Je ne parlerai pas aujourd’hui de cas particulier. De gros changements vont arriver, un nouveau cycle va commencer, vous verrez. En tout cas, si on continue comme ça à tous les niveaux, on ne va pas y arriver
Leonardo va-t-il revenir au PSG ?
Comme vous le savez, j’ai de très bonnes relations avec lui. On se parle souvent, c’est un homme de grande qualité, excellent directeur sportif qui nous a apporté beaucoup. Qui sait ? Un jour peut-être mais, pour le moment, il ne fait pas partie du projet. Je réfléchis à la façon d’organiser le club. On verra. Olivier Létang (NDLR : directeur sportif adjoint) fait un bon travail, il s’est construit un réseau ces dernières années, il prend de l’expérience et je lui fais confiance. Vous savez, on peut vouloir changer, évoluer, mais il y a une chose qui ne changera pas, c’est que je protège les gens qui travaillent autour de moi. Le staff, les joueurs, les salariés, on est une famille.
Serge Aurier a-t-il encore sa place dans cette famille ?
Il a été placé en garde à vue mais on ne sait toujours pas précisément ce qui s’est passé. Cette affaire a pris d’énormes proportions à cause de ce qu’il a fait avant. Attendons le jugement du 26 septembre.
Coupable ou non, ne serait-il pas mieux pour le club et pour lui qu’il soit transféré ?
S’il n’a rien fait et qu’on le transfère, je me sentirai coupable. Il ne quittera pas Paris cet été.
Beaucoup de gens reprochent au club, et à Laurent Blanc en particulier, d’être trop laxiste avec les joueurs ?
Deux heures avant le match retour à Manchester, je savais qu’on allait perdre. Je ne sentais pas les joueurs et je l’ai dit à un membre du staff. Ils n’étaient pas prêts au combat. On a perdu avant de jouer. A qui la faute ? Cela ne doit plus se reproduire.
Laurent Blanc n’est pas assez dur avec ses joueurs ?
Encore une fois, je ne veux pas parler d’un cas en particulier. Je fais juste un constat et j’analyse les résultats et les compétences de tous : les joueurs, le coach, le management. Il faut des évolutions.
Quand vous voyez la motivation des joueurs de l’Atlético de Madrid, qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’étais à Milan samedi pour un comité de l’UEFA. J’étais invité pour voir Real - Atlético mais je n’y suis pas allé. Pour moi, on aurait dû jouer cette finale, je n’ai toujours pas digéré l’élimination ; alors c’était impossible d’être dans la tribune de San Siro. J’ai quitté Milan trois heures avant le coup d’envoi.
Vous n’avez donc pas regardé la finale ?
Si, sur mon mobile… Pour revenir à votre précédente question, j’ai un grand respect pour l’Atlético, le club, l’équipe, les supporteurs. Ils ont toujours beaucoup de motivation, ils méritent d’être allés en finale. C’est la deuxième fois en trois ans et ce n’est pas un hasard.
Parlons de mercato. Zlatan est parti, quelle grande star va le remplacer ?
J’ai parfois l’impression que les médias ne voient pas bien les choses. On a un buteur, un formidable buteur. Cavani est l’un des meilleurs au monde. Regardez ses buts tout au long de sa carrière. Cavani en pointe est l’un des meilleurs à ce poste. Pourquoi aller chercher ailleurs ?
Oui mais il n’est pas une star planétaire comme Zlatan…
C’est un des changements du projet. On va recruter des joueurs qui apporteront encore plus à l’équipe. Au début, on a eu besoin de joueurs pour développer notre image. Aujourd’hui, grâce à eux, le PSG est connu partout dans le monde. Comme chaque année, on cherche des joueurs qui vont aider l’équipe à franchir un palier sur le terrain. On a besoin de joueurs qui mangent le gazon, prêts à mourir pour le club et pour ce maillot.
Pourquoi n’arrivez-vous pas à convaincre des grandes stars comme Ronaldo ou Neymar ?
(Mystérieux) Ce que vous dites n’est pas vrai et, si un jour, on gagne la Ligue des champions, je vous dirai un secret.
Aimez-vous Hatem Ben Arfa ?
C’est un grand joueur du football français. Il a beaucoup grandi mentalement, il a beaucoup de talent et beaucoup de qualités. Certaines personnes se demandent s’il peut évoluer dans un grand club. Selon moi, la réponse est oui. Vous allez me demander si on va le recruter. Je ne vous dis ni oui ni non. Je vous dis simplement que c’est une option. Il y en a d’autres.
Qui a le dernier mot sur le mercato dans ce club ?
On discute tous ensemble avec l’entraîneur et le directeur sportif mais, à la fin, je tranche.
L’ambiance dans les tribunes du Parc est un débat récurrent. Est-il possible de renouer le dialogue entre le club et les ultras ?
Le seul terme que j’emploie est celui de supporteurs du PSG. Ma priorité restera toujours la sécurité mais on a besoin d’ambiance. On a un stade fantastique, l’un des plus beaux du monde. Si l’ambiance est chaude, je vous garantis qu’on gagnera tous nos matchs à domicile. J’ai échangé sur ce sujet récemment avec Pedro Pauleta. On a besoin des supporteurs. Pour moi, ils sont le premier de nos joueurs. Le Parc des Princes est ouvert à tout le monde à condition qu’on respecte les règles.
Avez-vous choisi le lieu d’implantation du futur centre d’entraînement ?
C’est en cours de finalisation. Nous continuons d’avoir des échanges avec toutes les parties concernées. Je pense qu’on l’annoncera durant la deuxième moitié du mois de juin. Honnêtement, c’est un dossier très compliqué, mais on va prendre la bonne décision.