Aide - Recherche - Membres - Calendrier
Version complète : Topic Actualités
Forum de Culture PSG > Les forums du Bas : Parce que la communauté ne parle pas que de foot > Forum Général
Pages : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 325, 326, 327, 328, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 352, 353, 354, 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 362, 363, 364, 365, 366, 367, 368, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381, 382, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 393, 394, 395, 396, 397, 398, 399, 400, 401, 402, 403, 404, 405, 406, 407, 408, 409, 410, 411, 412, 413, 414, 415, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 432, 433, 434, 435, 436, 437, 438, 439, 440, 441, 442, 443, 444, 445, 446, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 453, 454, 455, 456, 457, 458, 459, 460, 461, 462, 463, 464, 465, 466, 467, 468, 469, 470, 471, 472, 473, 474, 475, 476, 477, 478, 479, 480, 481, 482, 483, 484, 485, 486, 487, 488, 489, 490, 491, 492, 493, 494, 495, 496, 497, 498, 499, 500, 501, 502, 503, 504, 505, 506, 507, 508, 509, 510, 511, 512, 513, 514, 515, 516, 517, 518, 519, 520, 521, 522, 523, 524, 525, 526, 527, 528, 529, 530, 531, 532, 533, 534, 535, 536, 537, 538, 539, 540, 541, 542, 543, 544, 545, 546, 547, 548, 549, 550, 551, 552, 553, 554, 555, 556, 557, 558, 559, 560, 561, 562, 563, 564, 565, 566, 567, 568, 569, 570, 571, 572, 573, 574, 575, 576, 577, 578, 579, 580, 581, 582, 583, 584, 585, 586, 587, 588, 589
William-10
Citation (NiIbraNiLemaitre @ 03/03/2019 16:27) *
Source?

Milieux anarchistes eux mêmes.
Exemple avec la CNT.

Petite recherche sur Fouad Harjane.

Bonne lecture.


Il y a là encore un thread très intéressant sur leur forum. L'inertie de l'organisation, ou de autogestion puisqu'on est dans le milieu anarchiste.
NiIbraNiLemaitre
Citation (William-10 @ 03/03/2019 16:33) *
Milieux anarchistes eux mêmes.
Exemple avec la CNT.

Petite recherche sur Fouad Harjane.

Bonne lecture.


Il y a là encore un thread très intéressant sur leur forum. L'inertie de l'organisation, ou de autogestion puisqu'on est dans le milieu anarchiste.

Très sale l'inaction de la CNT. Peut-être pas aussi sale que le fait d'instrumentaliser des viols pour sa propagande anti cocos/anars, mais ça ne rend pas fier.
Alain Miamdelin
Citation (NiIbraNiLemaitre @ 03/03/2019 16:59) *
Très sale l'inaction de la CNT. Peut-être pas aussi sale que le fait d'instrumentaliser des viols pour sa propagande anti cocos/anars, mais ça ne rend pas fier.


Gros +1.

On parle de justice dans ce cas, pas de politique.
romano
Retour à l'actu vraie avec une nouvelle bavure
Citation
Accident mortel de scooter: deuxième nuit d'émeutes à Grenoble
04/03/2019 à 07h42

Deux jeunes de 17 et 19 ans, pris en chasse par un véhicule de police, sont décédés samedi soir dans la cité Mistral à la suite d'une collision avec un autocar. Un drame qui a déclenché deux nuits d'affrontements entre jeunesse du quartier et forces de l'ordre.

Les émeutes déclenchées par la mort samedi de deux jeunes, âgés de 17 et 19 ans, pris en chasse par les forces de l'ordre, se sont poursuivies dimanche à Grenoble, dans la cité Paul Mistral.

Une information judiciaire a été ouverte pour éclaircir les circonstances dans lesquelles les deux victimes - qui circulaient sans casque sur un scooter de grosse cylindrée, volé et dépourvu de plaques - ont trouvé la mort en percutant un autocar, tandis qu'un véhicule de la brigade anticriminalité les suivait.

"Accident" ou "bavure"?
Le parquet évoque pour l'heure "un accident", alors que l'idée d'une "bavure" prévaut dans le quartier Mistral où vivaient les deux jeunes, qui étaient connus des services de police pour des faits de petite délinquance.

"Vous pouvez écrire que la police est responsable de leur mort", a lancé une proche des victimes, les yeux rougis, en sortant du palais de justice de Grenoble dimanche en début de soirée, où le procureur Éric Vaillant a reçu "les pères, les oncles, une soeur des deux jeunes" durant plus d'une heure.

Lors d'une conférence de presse, le magistrat a écarté, en l'état d'une enquête "qui ne fait que débuter", tout choc entre le véhicule de la police qui suivait les deux jeunes et le scooter. "J'ouvre une information pour recherche des causes du décès. Je ne vise aucune infraction commise par les uns ou les autres", a-t-il insisté.

Images "vagues" de la collision avec l'autocar
Les premières investigations s'appuient notamment sur les images d'une caméra de vidéosurveillance, qui montre la scène "de façon assez vague", et le témoignage du chauffeur de l'autocar qui transportait une équipe de football de l'agglomération.

Le drame est survenu vers 22h30 autour d'un pont et d'une bretelle d'autoroute. Ayant aperçu le scooter dans son rétroviseur, suivi d'un véhicule de police, le conducteur du bus - dont les tests d'alcoolémie et aux stupéfiants se sont avérés négatifs - affirme avoir serré à droite pour les laisser passer. À ce moment-là, les deux jeunes tentaient, eux, de le doubler par la droite et ils se sont retrouvés coincés contre le parapet, selon le procureur.

Plus tôt dans la soirée, un scooter similaire avait été signalé pour des infractions routières - ses deux utilisateurs dégradaient des véhicules stationnés selon Le Dauphiné libéré - avant la course-poursuite fatale. Pour les enquêteurs, il s'agit du même scooter, "mais le lien n'est pas encore totalement avéré".

Pour autant, l'intervention des policiers était "totalement justifiée", d'après le parquet: ils n'auraient pas suivi les deux jeunes "s'ils n'avaient pas mis les autres usagers de la route en danger, en brûlant des feux rouges, en roulant sur le trottoir, en roulant à vive allure".

14 feux de véhicules dimanche soir
Dans la nuit de samedi à dimanche, de violents incidents ont eu lieu dans le quartier Mistral. Une caserne de CRS a été prise pour cible à coups de cocktails Molotov. Les policiers et gendarmes arrivés en renfort ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes et de LBD. Des voitures et des poubelles ont été incendiées, ainsi que le hall d'une école d'infirmières, un local associatif et du mobilier urbain. Aucune interpellation n'a eu lieu.

En dépit de l'appel au calme du maire écologiste de la ville Éric Piolle, des émeutes ont eu lieu à partir de 20 heures dimanche soir. Les autorités ont mis en place le "Codis crise", une cellule de crise dédiée aux interventions d’ampleur, avec des pompiers d’astreinte mobilisés.
Jesé Rarien
Citation (romano @ 04/03/2019 13:25) *
"Vous pouvez écrire que la police est responsable de leur mort", a lancé une proche des victimes

Ah oui une bavure. Autant les éborgnements au flashball oui, autant ça serait bien d'arrêter de déresponsabiliser ces petits cons. Tu roules sans casque, faut pas pleurer si tu meurs. Dans une moindre mesure, tu roules sur un scooter volé et tu prends la fuite, tant pis pour toi.
Le Trépied
Citation (Jesé Rarien @ 04/03/2019 13:29) *
Ah oui une bavure. Autant les éborgnements au flashball oui, autant ça serait bien d'arrêter de déresponsabiliser ces petits cons. Tu roules sans casque, faut pas pleurer si tu meurs. Dans une moindre mesure, tu roules sur un scooter volé et tu prends la fuite, tant pis pour toi.


+1
Pas de casques, scooter volé, pas de plaque d’immatriculation, grillent les feux, roulent sur le trottoir en excès de vitesse mais pour certains les flics sont responsables implosion du tibia.gif
NeoSeb35
Et ils ont doublé par la droite le bus, crime ultime. mad.gif
William-10
Citation (NiIbraNiLemaitre @ 03/03/2019 16:59) *
Très sale l'inaction de la CNT. Peut-être pas aussi sale que le fait d'instrumentaliser des viols pour sa propagande anti cocos/anars, mais ça ne rend pas fier.

J'instrumentalise walou.

Ces organisations clairement à gauche tiennent un double discours : un en externe et un en interne. C'est de la politique dans ce qu'elle a de plus sale. Pas médiatisée parce que ça n'est pas au pouvoir. Mais absolument destructeur pour les victimes qui sont traitées au mieux avec de l’indifférence et le plus souvent avec de la défiance de tout un système. En plus vu le caractère sectaire de certains de ces groupuscules, soit tu es avec eux soit tu es contre eux, tu te tapes toute la déferlante de haine.
Jesé Rarien
Citation (NeoSeb35 @ 04/03/2019 14:09) *
Et ils ont doublé par la droite le bus, crime ultime. mad.gif

Tu peux déformer nos réactions si ça t'amuse. Ils ont roulé comme des merdes sans casque, sélection naturelle.
Citation
Plus tôt dans la soirée, un scooter similaire avait été signalé pour des infractions routières - ses deux utilisateurs dégradaient des véhicules stationnés selon Le Dauphiné libéré - avant la course-poursuite fatale. Pour les enquêteurs, il s'agit du même scooter, "mais le lien n'est pas encore totalement avéré".

Même si c'est effectivement eux, y'en aura encore pour défendre ces pauvres jeunes sans repère dans cette société qui ne voulaient que s'amuser un peu pour oublier leurs difficultés quotidiennes.
ikki
Le Monde Diplomatique - Mars 2019
Citation
Sortir de l’impasse européenne

Frédéric Lordon
Économiste et philosophe, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), auteur de La Condition anarchique, Seuil, Paris, 2018


Plutôt que de porter sur les problèmes communs de l’Union, les élections européennes juxtaposent vingt-sept scrutins de politique intérieure. Dans la plupart des États, les électeurs se prononcent surtout pour ou contre l’équipe au pouvoir. Mais la marge de manœuvre dont dispose chacun de ces gouvernements nationaux est très largement contrainte par les traités européens. Dans ces conditions, que faire ? Et, pour la gauche, comment s’en sortir ?

Un spectre hante la gauche : l’Europe. Il hantera les « gilets jaunes » du moment où ceux-ci se poseront concrètement la question des politiques alternatives — c’est désormais le cas. Car toute idée de faire « autre chose » est vouée à percuter le mur des traités. Desserrer les politiques austéritaires qui détruisent les services publics, fermer l’anomalie démocratique d’une banque centrale indépendante sans aucune légitimité politique, défaire les structures qui font l’emprise de la finance sur les entreprises comme sur les gouvernements, en finir avec la concurrence réellement faussée (par le dumping social et environnemental) ou les délocalisations en roue libre, reconquérir la possibilité des aides d’État : tout cela, par quoi passe nécessairement une politique de justice sociale, est rendu formellement impossible par les traités.

« Refaisons donc les traités ! » Après l’« Europe sociale », l’« euro démocratique » est l’illusion de remplacement qui permet à la « gauche inconséquente » de repousser encore le moment d’affronter le problème européen. De M. Yanis Varoufakis (lire son article, « Vers un printemps électoral ») à M. Benoît Hamon en passant par M. Raphaël Glucksmann, tout le monde veut « refaire les traités ». Disons-le-leur tout de suite : on ne refera rien.

Les traités ne sont une erreur que pour ceux qui considèrent qu’une communauté politique ne peut pas être assez tordue pour s’interdire à elle-même de redécider en matière de monnaie, de budget, de dette ou de circulation des capitaux, c’est-à-dire pour s’amputer volontairement des politiques qui pèsent le plus lourdement sur la situation matérielle des populations. Mais les traités sont parfaitement fonctionnels pour le petit nombre des autres qui, au contraire, poursuivent le projet à peine caché de sanctuariser un certain type de politiques économiques, favorables à un certain type d’intérêts. Avec en prime, pour verrouiller l’édifice, l’investissement névrotique spécial d’un pays qui se raconte depuis plus d’un demi-siècle que l’orthodoxie monétaire et budgétaire est son seul rempart contre le nazisme…

Voici donc comment se présente l’impasse européenne.

1. Soustraire, comme le font les traités, les contenus substantiels de certaines des plus importantes politiques publiques aux délibérations d’une assemblée ordinaire, pour les sanctuariser dans des traités ne répondant qu’à des procédures de révision extraordinaires, est une anomalie qui disqualifie radicalement toute prétention démocratique.

2. Seule une révision des traités propre à instituer un véritable Parlement, auquel serait rendue l’intégralité des domaines de décision actuellement hors d’atteinte de toute nouvelle délibération souveraine, est à la hauteur du projet de rendre l’Europe démocratique.

3. Malheureusement, en l’état actuel des choses, une telle révision fera l’objet d’au moins un refus catégorique certain, celui de l’Allemagne. C’est que l’Allemagne, précisément, a conditionné sa participation à l’euro à la sanctuarisation de son orthodoxie dans les traités. Serait-elle mise en minorité à ce sujet, elle préférerait l’intégrité de ses principes à l’appartenance à l’Union.

Voici le dilemme avec lequel la « gauche européenne démocratique » va devoir se débrouiller : démocratiser (réellement) l’euro suppose de refaire les traités, mais refaire les traités verra immanquablement l’Allemagne partir… et l’euro se briser. Bien sûr, quand le réel est trop dur à affronter, il y a toujours la solution du refuge dans le fantasme — alors la berceuse de l’« euro démocratique ».

Ne plus couler un désir internationaliste dans les pires propositions du néolibéralisme

Pour ceux qui acceptent de voir la contradiction, et choisissent les politiques progressistes contre le fétichisme de l’euro, le problème n’est cependant pas moins aigu. Ainsi, pour Stefano Palombarini (1), la perspective de sortie de l’euro ne saurait s’envisager dans le cadre du bloc électoral de gauche actuellement constitué, certaines de ses fractions hurlant au « repli national » à l’énoncé de cette seule idée. D’un certain point de vue, il a raison. Le débat à gauche sur l’euro depuis 2010 a suffisamment montré de quelles divisions il était parcouru. Et c’est bien de ce réflexe épidermique que témoigne la persistante chimère de l’« autre euro », à laquelle le désastre grec n’a pas suffi à tordre le cou — et dont les errements obstinés à la recherche du « Parlement de l’euro » sont l’expression la plus pathétique. S’il est d’ailleurs un seul obstacle qui ait fait opposition au retrait de M. Hamon en faveur de M. Jean-Luc Mélenchon avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, jusqu’à lui faire préférer l’humiliation à une victoire de la gauche, c’est la question européenne.

Or il existe bien toute une fraction de l’opinion à gauche qui, désapprouvant, parfois avec véhémence, les contenus particuliers des politiques européennes, et les contraintes qui s’ensuivent sur la conduite des politiques nationales, ne se cabre pas moins à l’idée générale, pourtant conséquente, de rompre avec l’euro. Ceux-là tribuneront à répétition contre l’« Europe austéritaire », mais sitôt qu’on leur proposera d’en sortir répondront : « surtout pas ! » Tant que cette impasse restera sans résolution, la gauche n’accédera pas au pouvoir.

C’est qu’elle aura toujours à faire avec la classe éduquée, qui est le lieu névralgique de cette situation. Se croyant la pointe avancée de la rationalité dans la société, cette classe en est en fait le point d’incohérence par excellence : car c’est bien elle qui, plus que toute autre, est en proie aux affects de peur, sublimés en humanisme européen et en postures internationalistes abstraites lui permettant, croit-elle, de tenir le haut du pavé moral — quel qu’en soit le prix économique et social (pour les autres). C’est bien elle, partant, qui n’en finit pas de chercher dans l’« euro démocratique » et son « Parlement » une résolution fantasmatique à ses contradictions intimes. Et c’est donc avec elle, comme le note Palombarini, que, pour son malheur, une stratégie politique à gauche doit compter.

Comment alors tenir un arc de forces qui aille des classes populaires, expérimentant, elles, de première main le dégât des politiques européennes, et par là moins en proie aux scrupules précieux de l’européisme, jusqu’à la bourgeoisie éduquée de gauche, à qui sa sensibilité écorchée fait de toute idée de rompre avec l’Europe un motif de crise hystérique ? Il est absolument hors de doute qu’aux premières il faudra donner la sortie de l’euro, car elles vivent la chose dans le concret. C’est à la seconde qu’il faut réserver un traitement spécial — c’est-à-dire trouver quelque chose à lui accorder.

En quoi consisterait alors la contribution de l’internationalisme réel à la résolution du dilemme européen pour la gauche ? À ne pas laisser la classe éduquée orpheline d’Europe, et à lui donner une perspective historique européenne de rechange. C’est-à-dire à la convaincre que déposer son objet transitionnel, l’euro, ne la prive pas de tout, lui permet encore de croire à ce qu’elle aime croire, et à quoi d’un certain point de vue elle a raison de croire, à savoir : en toute généralité, l’effort de décentrer les peuples nationaux, de les rapprocher autant que se peut, en commençant logiquement par l’échelle européenne. Mais pas non plus de n’importe quelle manière, ni à n’importe quel prix, c’est-à-dire en cessant de couler inconsidérément ce désir internationaliste bien fondé dans les pires propositions de l’économisme néolibéral — l’internationalisme de la monnaie, du commerce et de la finance.

Sans relâcher l’effort pour la convaincre qu’il n’y aura pas d’« autre euro », que l’« euro démocratique » n’existera pas, il faut donc dire à la classe éduquée qui, pour une bonne part, en effet, tient le sort d’une hégémonie de gauche entre ses mains qu’elle n’a pas à renoncer pour autant à l’européisme générique qui lui tient à cœur. Et donc lui faire une nouvelle proposition en cette matière. Une proposition suffisamment forte pour se substituer à la promesse déchue de l’euro à laquelle la bourgeoisie de gauche continue pourtant de s’accrocher parce qu’elle a trop peur du vide. La promesse d’une sorte de « nouveau projet européen », auquel il s’agit de donner la consistance d’une perspective historique.

C’est qu’il est possible de rapprocher les peuples européens par de tout autres voies que celles de l’économie. Études universitaires et pourquoi pas lycéennes, arts, recherche, chantiers systématiques de traductions croisées, historiographies dénationalisées, tout est bon pour être intensément « européanisé » — et par là « européanisant ».

On n’est cependant pas obligé d’en rester au registre des interventions en direction de l’« Europe de la culture », dont on sait assez quelles classes sociales en sont les principales bénéficiaires. En réalité, l’Europe a un fameux passif à éponger auprès des classes populaires. Elle aurait grandement intérêt à s’en souvenir, non pas d’ailleurs au nom d’une économie du pardon ou du rachat, mais parce qu’il y va décisivement de son propre intérêt politique d’avoir ces classes-là avec elle — leur hostilité, parfaitement fondée, disons-le, n’aura-t-elle pas été sa plaie lancinante depuis le traité de Maastricht ? Si donc cette nouvelle Europe, débarrassée de l’euro, veut renouer quelque lien avec ces classes, elle a intérêt à s’adresser très directement à elles — et d’abord dans le langage qui sera le sien : celui, concret, de l’intervention financière. Il n’est pas de moyen plus simple pour elle de se rendre désirable que de venir se substituer aux États défaillants, d’ailleurs rendus tels par elle tout au long du règne de la monnaie unique : vastes programmes de réhabilitation des banlieues, plans de désenclavement numérique, fonds de réindustrialisation, financement de réseaux d’éducation populaire, soutien aux tissus associatifs, ce ne sont pas les idées qui manquent où l’Europe trouverait à sérieusement se refaire une « image de marque ».

Et comme ce ne sont pas les idées qui manquent, les moyens ne doivent pas non plus. Au vrai, c’est ici que se joue la différence entre des paroles en l’air et la consistance d’un projet politique. Dont l’ambition se mesurera très exactement aux ressources qu’il se donne. Évaluées très simplement d’après un objectif quantitatif global, indiquant une trajectoire de moyen terme vers une cible budgétaire de 3 %, puis, pourquoi pas, de 5 % du produit intérieur brut (PIB) européen — en lieu et place du ridicule 1 % d’aujourd’hui.

Ça n’est pas qu’il y ait à partir du néant et qu’aucune de ces choses n’existe déjà — Erasmus, Fonds européen de développement régional (Feder), etc. Mais il faut en étendre considérablement le champ, les adresses aussi, notamment vers des classes de destinataires jusqu’ici parfaitement délaissées, donner à toutes ces actions une ampleur inédite, les assembler dans un discours à portée historique et, pour mieux donner crédit à celui-ci, leur prévoir de nouvelles expressions institutionnelles visibles. Des expressions nécessaires, d’ailleurs, car il faudra bien qu’une instance décide des domaines, des volumes et de la répartition des interventions. Quelle peut-elle être sinon une assemblée ? Pour le coup, tout autre chose que l’introuvable « Parlement de l’euro », faux-semblant démocratique voué à recouvrir l’irrémédiable non-démocratie de l’union monétaire.

Au point où on en est, on peut commencer à espérer que même la bourgeoisie éduquée, qui se croit première en intelligence quand elle est le plus souvent d’un confondant aveuglement politique, puisse comprendre qu’il est urgent de sauver l’Europe d’elle-même, et que cela ne se fera qu’au prix d’un radical déplacement. Non pas cependant par quelque « transformation » de la monnaie unique, congénitalement, et pour longtemps encore, ordolibérale, mais, précisément, par son abandon même. L’Europe ne regagnera les faveurs des peuples qu’en les rendant à tout ce dont elle les a interdits jusqu’ici. Notamment au droit démocratique fondamental d’expérimenter, d’essayer, de tenter autre chose. La camisole de l’euro ôtée, tout est possible à nouveau, bien sûr selon l’autodétermination souveraine de chaque corps politique. Et puisqu’il s’agit de penser une stratégie pour la gauche : arraisonnement de la finance de marché, socialisation des banques, mise au pas du pouvoir actionnarial, propriété sociale des moyens de production…

Il est très possible d’expliquer aux plus inquiets que, si persister dans la voie de l’euro sera le tombeau de toute espérance à gauche, l’idée d’une communauté politique européenne ne demande pas pour autant à être sortie du paysage, qu’elle pourrait bien même être sauvée. Pourvu qu’on consente à lui offrir ses conditions de possibilité historique, comme couronnement d’un long rapprochement, mais cette fois-ci réellement « toujours plus étroit », entre les peuples du continent, auquel le « nouveau projet européen », désintoxiqué du poison libéral de l’actuelle Union, donnera enfin son temps, ses moyens et sa chance.


—————————-
(1) « Face à Macron, la gauche ou le populisme ? », le blog de Stefano Palombarini, 10 juillet 2017.
NeoSeb35
Citation (Jesé Rarien @ 04/03/2019 14:18) *
Tu peux déformer nos réactions si ça t'amuse. Ils ont roulé comme des merdes sans casque, sélection naturelle.

Même si c'est effectivement eux, y'en aura encore pour défendre ces pauvres jeunes sans repère dans cette société qui ne voulaient que s'amuser un peu pour oublier leurs difficultés quotidiennes.


Ha na mais t'inquiète, je défendrais jamais la racaille.
Jesé Rarien
Citation (NeoSeb35 @ 04/03/2019 14:35) *
Ha na mais t'inquiète, je défendrais jamais la racaille.

Ah ok désolé j'avais mal compris ta réponse.
ikki
Le Monde Diplomatique - Janvier 2019
Citation
Un Capitalisme de surveillance

Shoshana Zuboff
Professeure émérite à la Harvard Business School. Auteure de The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, Public Affairs, New York, 2019


L’industrie numérique prospère grâce à un principe presque enfantin : extraire les données personnelles et vendre aux annonceurs des prédictions sur le comportement des utilisateurs. Mais, pour que les profits croissent, le pronostic doit se changer en certitude. Pour cela, il ne suffit plus de prévoir : il s’agit désormais de modifier à grande échelle les conduites humaines.

Cette journée de juillet 2016 fut particulièrement éprouvante pour David. Il avait passé de longues heures à auditionner les témoins de litiges assurantiels dans un tribunal poussiéreux du New Jersey où, la veille, une coupure d’électricité avait eu raison du système d’air conditionné. Enfin chez lui, il s’immergea dans l’air frais comme on plonge dans l’océan. Pour la première fois depuis le matin, il respira profondément, se servit un apéritif et monta à l’étage afin de s’accorder une longue douche. La sonnette retentit au moment même où l’eau commençait à ruisseler sur ses muscles endoloris. Il enfila un tee-shirt et un short, puis dévala les escaliers. En ouvrant la porte, il se retrouva nez à nez avec deux adolescents qui agitaient leurs téléphones portables sous son nez.

— Hé ! vous avez un Pokémon dans votre jardin. Il est pour nous ! On peut aller l’attraper ?

— Un quoi ?

Ce soir-là, David fut dérangé encore quatre fois par des inconnus impatients d’accéder à son jardin et furieux de se voir congédiés. Ils poussaient des cris et scrutaient sa maison à travers l’écran de leur smartphone, à la recherche des fameuses créatures de « réalité augmentée ». Vue à travers leurs appareils, cette portion du monde laissait paraître leurs Pokémon, mais aux dépens de tout le reste. Le jeu s’était emparé de la maison et du monde alentour. Il s’agissait là d’une nouvelle invention commerciale : une déclaration d’expropriation qui transforme la réalité en une étendue d’espaces vides prêts à être exploités au profit d’autres. « Combien de temps cela va-t-il durer ?, se demandait David. De quel droit ? Qui dois-je appeler pour que cela cesse ? »

Ni lui ni les joueurs pendus à sa sonnette ne soupçonnaient qu’ils avaient été réunis ce soir-là par une logique audacieuse et sans précédent : le capitalisme de surveillance.

En 1999, Google, malgré l’éclat de son nouveau monde, avec ses pages Web consultables en un clic et ses capacités informatiques croissantes, ne disposait d’aucune stratégie pour faire fructifier l’argent de ses investisseurs prestigieux.

Les utilisateurs apportaient la matière première sous la forme de données comportementales, lesquelles étaient récoltées pour améliorer la vitesse, la précision et la pertinence des résultats afin de concevoir des produits annexes comme la traduction. Du fait de cet équilibre des pouvoirs, il eût été financièrement risqué, voire contre-productif, de rendre le moteur de recherche payant pour ses utilisateurs. La vente des résultats de recherche aurait aussi créé un précédent dangereux pour la multinationale, en assignant un prix à des informations dont son robot indexateur s’était déjà emparé sans verser de rétribution. Sans appareils du type de l’iPod d’Apple, avec ses chansons au format numérique, pas de plus-value, pas de marge, et rien à transformer en profit.

À l’époque, Google reléguait la publicité à l’arrière-plan : l’équipe d’AdWords, sa régie publicitaire, comptait... sept personnes, dont la plupart partageaient l’antipathie des fondateurs à l’égard de leur spécialité. Mais, en avril 2000, la fameuse « nouvelle économie » entre brutalement en récession, et un séisme financier secoue le jardin d’Éden de la Silicon Valley. La réponse de Google entraîne alors une mutation cruciale, qui va transformer AdWords, Google, Internet et la nature même du capitalisme de l’information en un projet de surveillance formidablement lucratif.

La logique d’accumulation qui assurera la réussite de Google apparaît clairement dans un brevet déposé en 2003 par trois de ses meilleurs informaticiens, intitulé : « Générer des informations utilisateur à des fins de publicité ciblée ». La présente invention, expliquent-ils, vise « à établir les informations de profils d’utilisateurs et à utiliser ces dernières pour la diffusion d’annonces publicitaires (1) ». En d’autres termes, Google ne se contente plus d’extraire des données comportementales afin d’améliorer les services. Il s’agit désormais de lire dans les pensées des utilisateurs afin de faire correspondre des publicités avec leurs intérêts. Lesquels seront déduits des traces collatérales de leur comportement en ligne. La collecte de nouveaux jeux de données appelés « profil utilisateur » (de l’anglais user profile information) va considérablement améliorer la précision de ces prédictions.

D’où proviennent ces informations ? Pour reprendre les mots des détenteurs du brevet, elles « pourront être déduites ». Leurs nouveaux outils permettent de créer des profils par l’intégration et l’analyse des habitudes de recherche d’un internaute, des documents qu’il demande ainsi que d’une myriade d’autres signaux de comportement en ligne, même lorsqu’il ne fournit pas directement ces renseignements. Un profil, préviennent les auteurs, « peut être créé (ou mis à jour, ou élargi) même lorsque aucune information explicite n’est donnée au système ». Ainsi manifestent-ils leur volonté de surmonter les éventuelles frictions liées aux droits de décision de l’utilisateur, ainsi que leur capacité à le faire. Les données comportementales, dont la valeur a été « épuisée » du point de vue de l’amélioration des recherches, formeront désormais la matière première essentielle — exclusivement détenue par Google — à la construction d’un marché de la publicité en ligne dynamique. Ces informations collectées en vue d’usages autres que l’amélioration des services constituent un surplus. Et c’est sur la base de cet excédent comportemental que la jeune entreprise accède aux profits « réguliers et exponentiels » nécessaires à sa survie.

L’invention de Google met au jour de nouvelles possibilités de déduire les pensées, les sentiments, les intentions et les intérêts des individus et des groupes au moyen d’une architecture d’extraction automatisée qui fonctionne comme un miroir sans tain, faisant fi de la conscience et du consentement des concernés. Cet impératif d’extraction permet de réaliser des économies d’échelle qui procurent un avantage concurrentiel unique au monde sur un marché où les pronostics sur les comportements individuels représentent une valeur qui s’achète et se vend. Mais surtout, le miroir sans tain symbolise les relations sociales de surveillance particulières fondées sur une formidable asymétrie de savoir et de pouvoir.

Soudain autant que retentissant, le succès d’AdWords entraîne une expansion significative de la logique de surveillance commerciale. En réponse à la demande croissante de clics de la part des publicitaires, Google commence par étendre le modèle au-delà de son moteur de recherche pour transformer Internet tout entier en un vaste support pour ses annonces ciblées. Selon les mots de Hal Varian, son économiste en chef, il s’agissait alors pour le géant californien d’appliquer ses nouvelles compétences en matière « d’extraction et d’analyse » aux contenus de la moindre page Internet, aux moindres gestes des utilisateurs en recourant aux techniques d’analyse sémantique et d’intelligence artificielle susceptibles d’en extraire du sens. Dès lors, Google put évaluer le contenu d’une page et la manière dont les utilisateurs interagissent avec elle. Cette « publicité par ciblage de centres d’intérêt » basée sur les méthodes brevetées par l’entreprise sera finalement baptisée AdSense. En 2004, la filiale engendrait un chiffre d’affaires quotidien de 1 million de dollars ; un chiffre multiplié par plus de vingt-cinq en 2010.

Tous les ingrédients d’un projet lucratif se trouvaient réunis : excédent d’informations comportementales, sciences des données, infrastructure matérielle, puissance de calcul, systèmes algorithmiques et plates-formes automatisées. Tous convergeaient pour engendrer une « pertinence » sans précédent et des milliards d’enchères publicitaires. Les taux de clics grimpèrent en flèche. Travailler sur AdWords et AdSense comptait désormais autant que travailler sur le moteur de recherche. Dès lors que la pertinence se mesurait au taux de clics, l’excédent de données comportementales devenait la clé de voûte d’une nouvelle forme de commerce dépendant de la surveillance en ligne à grande échelle. L’introduction en Bourse de Google en 2004 révèle au monde le succès financier de ce nouveau marché. Mme Sheryl Sandberg, ancienne cadre de Google passée chez Facebook, présidera à la transformation du réseau social en géant de la publicité. Le capitalisme de surveillance s’impose rapidement comme le modèle par défaut du capitalisme d’information sur la Toile, attirant peu à peu des concurrents de tous les secteurs.

L’économie de surveillance repose sur un principe de subordination et de hiérarchie. L’ancienne réciprocité entre les entreprises et les utilisateurs s’efface derrière le projet consistant à extraire une plus-value de nos agissements à des fins conçues par d’autres — vendre de la publicité. Nous ne sommes plus les sujets de la réalisation de la valeur. Nous ne sommes pas non plus, comme d’aucuns l’ont affirmé, le « produit » que vend Google. Nous sommes les objets dont la matière est extraite, expropriée, puis injectée dans les usines d’intelligence artificielle de Google qui fabriquent les produits prédictifs vendus aux clients réels : les entreprises qui paient pour jouer sur les nouveaux marchés comportementaux.

Sous couvert de « personnalisation »

Premier responsable de la marque Google, M. Douglas Edwards raconte une réunion tenue en 2001 avec les fondateurs autour de la question « Qu’est-ce que Google ? ». « Si nous avions une catégorie, méditait M. Larry Page, cofondateur de l’entreprise, ce serait les informations personnelles (…). Les endroits qu’on a vus. Nos communications (…). Les capteurs ne coûtent rien (…). Le stockage ne coûte rien. Les appareils photographiques ne coûtent rien. Les gens vont générer d’énormes quantités de données (…). Tout ce que vous aurez entendu, vu ou éprouvé deviendra consultable. Votre vie entière deviendra consultable (2). »

La vision de M. Page offre un fidèle reflet de l’histoire du capitalisme, qui consiste à capter des choses extérieures à la sphère commerciale pour les changer en marchandises. Dans son essai La Grande Transformation, publié en 1944, l’économiste Karl Polanyi décrit l’avènement d’une économie de marché autorégulatrice à travers l’invention de trois « marchandises fictives ». Premièrement, la vie humaine subordonnée aux dynamiques de marché et qui renaît sous la forme d’un « travail » vendu et acheté. Deuxièmement, la nature convertie en marché, qui renaît comme « propriété foncière ». Troisièmement, l’échange devenu marchand et ressuscité comme « argent ». Les détenteurs actuels du capital de surveillance ont créé une quatrième marchandise fictive, extorquée à la réalité expérimentale d’êtres humains dont les corps, les pensées et les sentiments sont aussi intacts et innocents que l’étaient les prairies et forêts dont regorgeait la nature avant son absorption par le marché. Conformément à cette logique, l’expérience humaine se trouve marchandisée par le capitalisme de surveillance pour renaître sous forme de « comportements ». Traduits en données, ces derniers prennent place dans l’interminable file destinée à alimenter les machines conçues pour en faire des prédictions qui s’achètent et se vendent.

Cette nouvelle forme de marché part du principe que servir les besoins réels des individus est moins lucratif, donc moins important, que vendre des prédictions de leur comportement. Google a découvert que nous avions moins de valeur que les pronostics que d’autres font de nos agissements.

Cela a tout changé.

La première vague de produits prédictifs fut portée par l’excédent de données extraites à grande échelle sur Internet afin de produire des annonces en ligne « pertinentes ». À l’étape suivante, il fut question de la qualité des prédictions. Dans la course à la certitude maximale, il apparut clairement que les meilleures prédictions devraient s’approcher le plus possible de l’observation. À l’impératif d’extraction s’ajouta une deuxième exigence économique : l’impératif de prédiction. Ce dernier se manifeste d’abord par des économies de gamme.

L’excédent de données comportementales doit être non seulement abondant, mais également varié. Obtenir cette variété impliquait d’étendre les opérations d’extraction du monde virtuel au monde réel, là où nous menons notre « vraie » vie. Les capitalistes de surveillance comprenaient que leur richesse future passait par le développement de nouvelles chaînes d’approvisionnement sur les routes, au milieu des arbres, à travers les villes. Ils tenteraient d’accéder à votre système sanguin, à votre lit, à vos conversations matinales, à vos trajets, à votre footing, à votre réfrigérateur, à votre place de parking, à votre salon.

Une seconde dimension, plus critique encore que la variété, caractérise désormais la collecte des données : l’approfondissement. Pour obtenir des prédictions comportementales très précises et donc très lucratives, il faut sonder nos particularités les plus intimes. Ces opérations d’approvisionnement visent notre personnalité, nos humeurs, nos émotions, nos mensonges et nos fragilités. Tous les niveaux de notre vie personnelle sont automatiquement captés et comprimés en un flux de données à destination des chaînes de montage qui produisent de la certitude. Accomplie sous couvert de « personnalisation », une bonne part de ce travail consiste en une extraction intrusive des aspects les plus intimes de notre quotidien.

De la bouteille de vodka « intelligente » au thermomètre rectal connecté, les produits destinés à interpréter, suivre, enregistrer et communiquer des données prolifèrent. Sleep Number, qui fournit « des lits intelligents dotés d’une technologie de suivi du sommeil », collecte également « des données biométriques et des données relatives à la manière dont vous, un enfant ou toute autre personne utilise le lit, notamment les mouvements du dormeur, ses positions, sa respiration et sa fréquence cardiaque ». Elle enregistre aussi tous les sons émis dans votre chambre…

Nos maisons sont dans la ligne de mire du capitalisme de surveillance. Des entreprises spécialisées se disputaient en 2017 un marché de 14,7 milliards de dollars pour des appareils ménagers connectés, contre 6,8 milliards l’année précédente. À ce rythme-là, le montant atteindra 101 milliards de dollars en 2021. Commercialisés depuis quelques années, des objets absurdes se tiennent à l’affût dans nos intérieurs : brosse à dents intelligente, ampoule intelligente, tasse à café intelligente, four intelligent, extracteur de jus intelligent, sans oublier les couverts intelligents censés améliorer notre digestion. D’autres semblent plus inquiétants : une caméra de surveillance à domicile avec reconnaissance faciale, un système d’alarme qui repère les vibrations inhabituelles précédant un cambriolage, des GPS d’intérieur, des capteurs qui s’adaptent à tous les objets pour analyser le mouvement et la température, sans oublier des cafards cyborgs qui détectent les sons. Même la chambre du nourrisson est repensée pour devenir une source de surplus comportemental.

Tandis que la course aux profits générés par la surveillance s’exacerbe, les capitalistes s’aperçoivent que les économies de gamme ne suffisent pas. Certes, l’excédent de données doit être abondant et varié ; mais le moyen le plus sûr de prédire le comportement reste d’intervenir à la source : en le façonnant. J’appelle « économies de l’action » ces processus inventés pour y parvenir : des logiciels configurés pour intervenir dans des situations réelles sur des personnes et des choses réelles. Toute l’architecture numérique de connexion et de communication est désormais mobilisée au service de ce nouvel objectif. Ces interventions visent à augmenter la certitude en influençant certaines attitudes : elles ajustent, adaptent, manipulent, enrôlent par effet de groupe, donnent un coup de pouce. Elles infléchissent nos conduites dans des directions particulières, par exemple en insérant une phrase précise dans notre fil d’actualités, en programmant l’apparition au moment opportun d’un bouton « achat » sur notre téléphone, en coupant le moteur de notre voiture si le paiement de l’assurance tarde trop, ou encore en nous orientant par GPS dans notre quête de Pokémon. « Nous apprenons à écrire la musique, explique un concepteur de logiciels. Ensuite, nous laissons la musique les faire danser. Nous pouvons mettre au point le contexte qui entoure un comportement particulier afin d’imposer un changement... Nous pouvons dire au réfrigérateur : “Verrouille-toi parce qu’il ne devrait pas manger”, ou ordonner à la télé de s’éteindre pour que vous vous couchiez plus tôt. »

Depuis que l’impératif de prédiction a déplacé les opérations d’approvisionnement dans le monde réel, les fournisseurs de biens ou de services dans des secteurs bien établis, loin de la Silicon Valley, salivent à leur tour à l’idée des profits issus de la surveillance. En particulier les assureurs automobiles, impatients de mettre en place la télématique — les systèmes de navigation et de contrôle des véhicules. Ils savent depuis longtemps que les risques d’accident sont étroitement corrélés au comportement et à la personnalité du conducteur, mais, jusqu’ici, ils n’y pouvaient pas grand-chose. Un rapport des services financiers du cabinet de conseil Deloitte recommande désormais la « minimisation du risque » (un euphémisme qui, chez un assureur, désigne la nécessité de garantir les profits) à travers le suivi et la sanction de l’assuré en temps réel — une approche baptisée « assurance au comportement ». D’après le rapport de Deloitte, « les assureurs peuvent suivre le comportement de l’assuré en direct, en enregistrant les heures, les lieux et les conditions de circulation durant ses trajets, en observant s’il accélère rapidement ou s’il conduit à une vitesse élevée, voire excessive, s’il freine ou tourne brusquement, s’il met son clignotant (3) ».

À mesure que la certitude se substitue à l’incertitude, les primes d’assurance, qui auparavant reflétaient les aléas inévitables de la vie quotidienne, peuvent grimper ou chuter d’une milliseconde à l’autre, grâce à la connaissance précise de la vitesse à laquelle vous conduisez vers votre lieu de travail après une matinée particulièrement tendue passée à vous occuper d’un enfant malade, ou d’un dérapage plus ou moins contrôlé effectué sur le parking du supermarché.

Toutefois, les outils télématiques ne visent pas seulement à savoir, mais aussi à agir. L’assurance au comportement promet ainsi de réduire les risques à travers des mécanismes conçus pour modifier les conduites et accroître les gains. Cela passe par des sanctions, comme des hausses de taux d’intérêt en temps réel, des malus, des blocages de moteur, ou par des récompenses, comme des réductions, des bonus ou des bons points à utiliser pour des prestations futures.

Spireon, qui se décrit comme la « plus grande entreprise de télématique » dans son domaine, suit et surveille des véhicules et des conducteurs pour les agences de location, les assureurs et les propriétaires de parcs automobiles. Son « système de gestion des dommages collatéraux liés à la location » déclenche des alertes chez les conducteurs qui ont un retard de paiement, bloque le véhicule à distance quand le problème se prolonge au-delà d’une certaine période et le localise en vue de sa récupération.

La télématique inaugure une ère nouvelle, celle du contrôle comportemental. Aux assureurs de fixer les paramètres de conduite : ceinture de sécurité, vitesse, temps de pause, accélération ou freinage brusque, durée de conduite excessive, conduite en dehors de la zone de validité du permis, pénétration dans une zone d’accès restreint. Gavés de ces informations, des algorithmes surveillent, évaluent et classent les conducteurs, et ajustent les primes en temps réel. Comme rien ne se perd, les « traits de caractère » établis par le système sont également traduits en produits prédictifs vendus aux publicitaires, lesquels cibleront les assurés par des publicités envoyées sur leur téléphone.

Lorsqu’il ouvrit la porte ce soir-là, David ignorait que les chasseurs de Pokémon et lui-même participaient à une expérience grandeur nature d’économies de l’action. Ils en étaient les cobayes, et le laborantin en blouse blanche se nommait John Hanke.

Auparavant vice-président de Google Maps et responsable de Street View, M. Hanke a créé en 2010 sa propre rampe de lancement au sein de Google : Niantic Labs, l’entreprise à l’origine de Pokémon Go. Il caressait l’ambition de prendre possession du monde en le cartographiant. Il avait déjà fondé Keyhole, une start-up de cartographie virtuelle à partir d’images satellites financée par la Central Intelligence Agency (CIA) puis rachetée par Google, qui l’a rebaptisée Google Earth. Avec Niantic, il s’attelle à concevoir des jeux en réalité virtuelle qui permettront de traquer et de téléguider les gens sur les territoires que Street View a déjà audacieusement enregistrés sur ses cartes.

Ce jeu repose sur le principe de la « réalité augmentée » et fonctionne comme une chasse au trésor. Une fois que vous téléchargez l’application de Niantic, vous utilisez votre GPS et l’appareil photographique de votre smartphone pour trouver des créatures virtuelles appelées Pokémon. Elles apparaissent sur l’écran comme si elles se trouvaient devant vous : dans le jardin d’un homme qui ne se doute de rien, dans la rue d’une ville, dans une pizzeria, un parc, une pharmacie, etc. Il s’agit de pousser les joueurs à « sortir » et à « partir à l’aventure à pied », dans les espaces à ciel ouvert des villes, des villages et des banlieues. Disponible aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande le 6 juillet 2016, Pokémon Go est devenue en une semaine l’application la plus téléchargée et la plus lucrative aux États-Unis, atteignant vite autant d’utilisateurs actifs sur Android que Twitter.

Terrain de jeu grandeur nature

Six jours seulement après la sortie du jeu, Joseph Bernstein, reporter pour le site d’information en ligne BuzzFeed, conseillait aux utilisateurs de Pokémon Go de se pencher sur les quantités de données que l’application recueillait sur leurs téléphones. TechCrunch, un site spécialisé dans l’actualité des start-up et des nouvelles technologies, exprimait des inquiétudes similaires au sujet de la « longue liste d’autorisations requises par l’application ».

Le 13 juillet 2016, la logique de chasse aux données qui se cache derrière le jeu se précise. En plus des paiements pour des options supplémentaires du jeu, « le modèle économique de Niantic contient une seconde composante, à savoir le concept de lieux sponsorisés », a reconnu M. Hanke dans un entretien avec le Financial Times. Ce nouveau flux de revenus était prévu depuis le départ : les entreprises « paieront Niantic pour figurer parmi les sites du terrain de jeu virtuel, compte tenu du fait que cette présence favorise la fréquentation ». La facturation, expliquait-il, s’effectue sur la base d’un « coût par visite », semblable au « coût par clic » pratiqué par les annonces publicitaires du moteur de recherche Google.

L’idée frappe par sa simplicité : les revenus issus du monde réel sont censés augmenter selon la capacité de Niantic à pousser les gens vers certains sites précis, tout comme Google a appris à extraire toujours plus de données comme un moyen d’adresser des publicités en ligne à des personnes précises. Les composantes et les dynamiques du jeu, associées à la technologie de pointe de la réalité augmentée, incitent les gens à se rassembler dans des lieux du monde réel pour dépenser de l’argent bien réel dans des commerces du monde réel appartenant aux marchés de la prédiction comportementale de Niantic.

L’apogée de Pokémon Go, à l’été 2016, signait l’accomplissement du rêve porté par le capitalisme de surveillance : un laboratoire vivant de la modification comportementale qui conjuguait avec aisance échelle, gamme et action. L’astuce de Pokémon Go consistait à transformer un simple divertissement en un jeu d’un ordre très différent : celui du capitalisme de surveillance — un jeu dans le jeu. Tous ceux qui, rôdant dans les parcs et les pizzerias, ont investi la ville comme un terrain d’amusement servaient inconsciemment de pions sur ce second échiquier bien plus important. Les enthousiastes de cet autre jeu bien réel ne comptaient pas au nombre des agités qui brandissaient leurs portables devant la pelouse de David. Ce sont les véritables clients de Niantic : les entités qui paient pour jouer dans le monde réel, bercées par la promesse de revenus juteux. Dans ce second jeu permanent, on se dispute l’argent que laisse derrière lui chaque membre souriant du troupeau. « La capacité du jeu à servir de vache à lait pour les marchands et autres lieux en quête de fréquentation suscite d’intenses spéculations », s’est réjoui le Financial Times.

Il ne peut y avoir de revenus assurés si on ne s’en donne pas les moyens. Les nouveaux instruments internationaux de modification comportementale inaugurent une ère réactionnaire où le capital est autonome et les individus hétéronomes ; la possibilité même d’un épanouissement démocratique et humain exigerait le contraire. Ce sinistre paradoxe est au cœur du capitalisme de surveillance : une économie d’un nouveau genre qui nous réinvente au prisme de son propre pouvoir. Quel est ce nouveau pouvoir et comment transforme-t-il la nature humaine au nom de ses certitudes lucratives ?

———
(1) NDLR. Pour les références, nous renvoyons à l’ouvrage de Shoshana Zuboff.

(2) Douglas Edwards, I’m Feeling Lucky : The Confessions of Google Employee Number 59, Houghton Mifflin Harcourt, New York, 2011.

(3) Sam Friedman et Michelle Canaan, « Overcoming speed bumps on the road to telematics » (PDF), Deloitte, 21 avril 2014
Maboune
Le pire je trouve c'est que la famille ne se remet pas en question. Le chagrin doit être immense bien sûr, mais chercher des coupables alors que tes gamins sont des délinquants récidivistes et font des courses poursuites avec la police sur un scoot volé sans casque...
yéga
Citation (Maboune @ 04/03/2019 15:00) *
Le pire je trouve c'est que la famille ne se remet pas en question. Le chagrin doit être immense bien sûr, mais chercher des coupables alors que tes gamins sont des délinquants récidivistes et font des courses poursuites avec la police sur un scoot volé sans casque...



"C'était pas lui, il avait bu" phrase dite par la mère d'un type, en taule, qui a poignardé un mec un soir (entendu dans une assoc d'aide au famille de taulard).

Quand ça touche leur proche les gens n'ont plus aucun recul.
Yessod
Après t'a aussi des gens qui chercheront toujours le coupable et ne se remettront jamais en question. C'est de la faute à "la société".
Raptor39
merci pour les articles du monde diplo

sur le second, c'est quand même une idée de génie pokemon
c'est tout ce que je retiens smile.gif
je préfère pas voir le mal dans tout ça
et je suis un fan des objets connectés. Je veux bien parler du négatif associé comme le montre bien l'article, mais faut pas omettre non plus tous les aspects positifs ; ou pour le dire autrement, c'est pas que de l'enculage
NewYorkSup
Citation (William-10 @ 03/03/2019 10:07) *
Où est ce que j'ai dit ça ? Toi et d'autres, vous aimez énormément inventé. Cite moi un seul putain de poste où je dis que "je rêve de voir DSK président"...

J'étais sur sa ligne politique, mais évidemment que ses agissements l'ont disqualifié définitivement de la vie politique, d'ailleurs il n'essaye pas d'y revenir.


Tu vas avoir du mal à démentir ce point. Je t'invite à lire le thread. Elle est bien putréfiée. Aucune des instances du PCF ne fonctionnent. Ni le niveau départemental, ni leur congrès bidon, ni même l'instance contre les violences sexistes.

Il y a des témoignages aussi nombreux sur le net, en ce qui concerne les viols et agressions sexuelles dans les organisations dites anarchistes. Là encore, soit disant en pointe sur le combat pour les femmes, on voit toute une organisation s'attaquée à la victime.

C'est ce paradoxe qui doit être pointé.

Ah, il est de ta ligne politique, il etait favori pour devenir president mais tu ne revais pas de le voir president, ok champion. Et tout le monde savait que c'etait un predateur sexuel, juste que tout le monde la fermait parce qu'il avait une chance de gagner. Soit exactement ce que tu reproches (et a raison pour le coup) aux JC. Mais bon, quand c'est dans ton camp, la c'est pas la meme chose. Mais bon on a compris, si on est coco, on est pour l'augmentation de la pauvrete, pour affamer les enfants et donc maintenant apparemment pour le viol. Cool story.

Citation (Raptor39 @ 04/03/2019 10:23) *
merci pour les articles du monde diplo

sur le second, c'est quand même une idée de génie pokemon
c'est tout ce que je retiens smile.gif
je préfère pas voir le mal dans tout ça
et je suis un fan des objets connectés. Je veux bien parler du négatif associé comme le montre bien l'article, mais faut pas omettre non plus tous les aspects positifs ; ou pour le dire autrement, c'est pas que de l'enculage

C'est quoi les aspects posiitfs des pokemon?
Averell
Tu commences enfin a te reveiller sur le communisme, c est deja ca.
NewYorkSup
Citation (أفريل @ 04/03/2019 10:39) *
Tu commences enfin a te reveiller sur le communisme, c est deja ca.

neokill@h.gif. T'es le meilleur wub.gif.
Averell
C est depuis mon changement de pseudo ca



ESSEPTIONNEL
Raptor39
Citation (NewYorkSup @ 04/03/2019 16:38) *
Ah, il est de ta ligne politique, il etait favori pour devenir president mais tu ne revais pas de le voir president, ok champion. Et tout le monde savait que c'etait un predateur sexuel, juste que tout le monde la fermait parce qu'il avait une chance de gagner. Soit exactement ce que tu reproches (et a raison pour le coup) aux JC. Mais bon, quand c'est dans ton camp, la c'est pas la meme chose. Mais bon on a compris, si on est coco, on est pour l'augmentation de la pauvrete, pour affamer les enfants et donc maintenant apparemment pour le viol. Cool story.


C'est quoi les aspects posiitfs des pokemon?


ben ça fait se bouger le cul ph34r.gif
sortir de chez soi, rencontrer d'autres personnes (marrant de voir que des jeunes comme des vieux y jouent)
découvrir de nouveaux lieux, etc

mais je parlais pas de pokemon en particulier, tous les objets connectés sont intéressant, sinon personne ne les achèterait. Je vais bientôt me prendre des thermostats connectés pour mes radiateurs parce que j'en ai ras-le-cul de les allumer et éteindre chaque jour à heure fixe, si on peut automatiser des trucs je le fais sans hésiter.
l'année dernière j'ai pris les ampoules connectés (moquées dans l'article), mais c'est top de les programmer pour s'allumer à la tombée de la nuit.
il faut encadrer l'utilisation des données, la RGPD a été créé pour ça
le reste c'est que du plaisir

(je sais toujours pas allumer ma télé à la voix comme le dit l'article grr)
Valdo
Accessoirement, automatiser, ce n'est pas être connecté

Donc de ce que tu dis, il est impossible de créer des thermostat programmables sans être connecté pour autant ?

Même problème avec les ampoules, automatiser un allumage et une extinction, ce n'est pas être connecté
Raptor39
Citation (Valdo @ 04/03/2019 17:18) *
Accessoirement, automatiser, ce n'est pas être connecté

Donc de ce que tu dis, il est impossible de créer des thermostat programmables sans être connecté pour autant ?

Même problème avec les ampoules, automatiser un allumage et une extinction, ce n'est pas être connecté


dans l'idée tu as raison mais c'est pas pratique
j'ai une caméra bébé, je l'avais choisi parce que outre le mode de connexion habituel (la caméra se connecte au routeur qui permet au smartphone de voir de n'importe où), elle avait un mode connecté direct (caméra au smartphone), sauf que dans ce cas, le wifi du téléphone est utilisé exclusivement pour la connexion directe à la caméra)

donc faisable oui, il aurait fallu inventer une autre façon de se connecter ou mettre deux cartes wifi dans les téléphones
mais pas pratique et pas utilisable en dehors de l'accès proche

l'intérêt du contrôle extérieur est également très intéressant
exemple dont on a beaucoup parlé sur ce topic, le vol de maison quand t'es en vacances
là tu peux mettre une caméra qui t'envoie un mms vidéo quand elle détecte quelqu'un
tu peux lui faire jouer un scénario (mets telle musique, allume telle lumière) pour faire croire qu'on est présent
et l'accès extérieur te permet de répondre à quelqu'un qui sonne à ta porte depuis ton transat en bord de plage.

bref, tout ça, ça a du bon
l'article du monde diplo est très partial et dirigiste, il ne montre que le mauvais côté et veut même laisser penser que c'est le seul côté. Quand il parle de thermo anal connecté, c'est carrément pour faire peur ph34r.gif

Ashura
Caméra bébé, putain LE truc de l'angoisse par excellence. Si c'est piraté (et ça l'a déjà été) qui sait les conséquences que ça peut avoir sur ta vie privée.

Mais sinon évidemment qu'il y a des bons côtés, tu leur ouvres sciemment une porte sur ta vie privée le service derrière a intérêt à être réel.
Raptor39
Citation (Ashura @ 04/03/2019 17:29) *
Caméra bébé, putain LE truc de l'angoisse par excellence. Si c'est piraté (et ça l'a déjà été) qui sait les conséquences que ça peut avoir sur ta vie privée.

Mais sinon évidemment qu'il y a des bons côtés, tu leur ouvres sciemment une porte sur ta vie privée le service derrière a intérêt à être réel.


étonné que tu parles pas des ondes, wifi et autres, dont on ne sait pas les conséquences sur le cerveau d'un nourrisson
ph34r.gif

on est entouré de risques, on l'a toujours été
ils mutent et se résolvent comme les anciens
tu peux te payer un parefeu (pour les familles) en box qui sécurise ta caméra bébé et le reste

en technophile, je vais de l'avant
les gens qui payent pas par internet parce que utiliser sa carte bancaire c'est dangereux (j'en ai connu tellement)
qui veulent pas utiliser alexa ou google home parce que ça écoute tout ce qu'on dit
la polémique (légitime) sur la xbox qui enregistrait en vidéo en permanence pour détecter quand on faisait le geste pour allumer sa console ph34r.gif (légitime car pas d'indicateur de quand ça enregistre ou non et qui a permis d'améliorer l'usage ensuite).

Averell
QUOTE (Raptor39 @ 04/03/2019 17:41) *
étonné que tu parles pas des ondes, wifi et autres, dont on ne sait pas les conséquences sur le cerveau d'un nourrisson
ph34r.gif

on est entouré de risques, on l'a toujours été
ils mutent et se résolvent comme les anciens
tu peux te payer un parefeu (pour les familles) en box qui sécurise ta caméra bébé et le reste

en technophile, je vais de l'avant
les gens qui payent pas par internet parce que utiliser sa carte bancaire c'est dangereux (j'en ai connu tellement)
qui veulent pas utiliser alexa ou google home parce que ça écoute tout ce qu'on dit
la polémique (légitime) sur la xbox qui enregistrait en vidéo en permanence pour détecter quand on faisait le geste pour allumer sa console ph34r.gif (légitime car pas d'indicateur de quand ça enregistre ou non et qui a permis d'améliorer l'usage ensuite).

C est beau
RegardZehef
Citation (NewYorkSup @ 04/03/2019 17:38) *
Ah, il est de ta ligne politique, il etait favori pour devenir president mais tu ne revais pas de le voir president, ok champion. Et tout le monde savait que c'etait un predateur sexuel, juste que tout le monde la fermait parce qu'il avait une chance de gagner. Soit exactement ce que tu reproches (et a raison pour le coup) aux JC. Mais bon, quand c'est dans ton camp, la c'est pas la meme chose. Mais bon on a compris, si on est coco, on est pour l'augmentation de la pauvrete, pour affamer les enfants et donc maintenant apparemment pour le viol. Cool story.


T'essaies de raisonner avec le mec le plus sectaire et petri de certitudes jamais vu ici, une sorte de BHL de Tizi Ouzou, et qui reussit l'exploit de faire l'unaminite contre lui quelque soit le sujet.
ikki
Citation (Raptor39 @ 04/03/2019 16:23) *
merci pour les articles du monde diplo

sur le second, c'est quand même une idée de génie pokemon
c'est tout ce que je retiens smile.gif
je préfère pas voir le mal dans tout ça
et je suis un fan des objets connectés. Je veux bien parler du négatif associé comme le montre bien l'article, mais faut pas omettre non plus tous les aspects positifs ; ou pour le dire autrement, c'est pas que de l'enculage

Je suis aussi plutôt geek/technophile.
Mais je me déconnecte autant que je peux. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les dangers sont bien réels et ce qui relevait de la science fiction il y a 15 ans est maintenant dans nos quotidiens.
Nous ne sommes même plus clients, nous ne sommes plus des producteurs (exploités ou non, là n’est même plus la question), pour les capitalistes nous sommes une ressource au même titre que le pétrole ou le bois.
Alain Miamdelin
Citation (ikki @ 04/03/2019 19:18) *
Je suis aussi plutôt geek/technophile.
Mais je me déconnecte autant que je peux. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Les dangers sont bien réels et ce qui relevait de la science fiction il y a 15 ans est maintenant dans nos quotidiens.
Nous ne sommes même plus clients, nous ne sommes plus des producteurs (exploités ou non, là n’est même plus la question), pour les capitalistes nous sommes une ressource au même titre que le pétrole ou le bois.


Quels ont été les impacts sur ta vie jusqu'ici ?
C'est quoi les capitalistes ? Des entreprises ? Toutes ?
Ashura
Citation (Raptor39 @ 04/03/2019 17:41) *
étonné que tu parles pas des ondes, wifi et autres, dont on ne sait pas les conséquences sur le cerveau d'un nourrisson
ph34r.gif


Sauf que les ondes ça reste défendu essentiellement par des types avec des chapeaux en papier alu sur la tête, et qu'il y a aucune preuve.

Les soucis liés à des appareils connectés dont le dispositif se sécurité a été codé avec le cul c'est en revanche pas les exemples qui manquent, et c'est pas un pare feu (qui soit dit en passant ne devrait jamais faire partie de l'équation: t'achètes un produit cher, invasif et en plus on devrait tolérer qu'il soit pas sécurisé ?) qui arrêtera un type un minimum déterminé.
Maboune
Surtout quand tu te lances dans le tout connecté il faut s'y connaître et/ou s'y intéresser un minimum pour sécuriser ça correctement. Quand madame Michou achète un réfrigérateur connecté parce que le vendeur lui a dit que c'était l'avenir mais qu'elle sait même pas ce qu'il fait réellement et qu'elle laisse les réglages d'usine, c'est la porte ouverte à un peu tout.
Après, la plupart du temps ça sera juste des données persos collectées à ton insu et ça t'empêchera pas de vivre.
Alain Miamdelin
Citation (Ashura @ 04/03/2019 19:27) *
Sauf que les ondes ça reste défendu essentiellement par des types avec des chapeaux en papier alu sur la tête, et qu'il y a aucune preuve.

Les soucis liés à des appareils connectés dont le dispositif se sécurité a été codé avec le cul c'est en revanche pas les exemples qui manquent, et c'est pas un pare feu (qui soit dit en passant ne devrait jamais faire partie de l'équation: t'achètes un produit cher, invasif et en plus on devrait tolérer qu'il soit pas sécurisé ?) qui arrêtera un type un minimum déterminé.


Quel rapport avec un pare-feu ? C'est juste fait pour choisir ce que tu veux laisser passer sur internet ou pas (je simplifie). Aucun constructeur ne peut te vendre un truc à connecter sur un réseau et s'assurer pour toi de la sécurité du réseau.

La sécurité absolue n'existe pour ainsi dire pas vraiment en informatique. Maboune a raison de dire que ça s'adresse à des gens qui ont un minimum de connaissances, c'est pas un jouet.
Tourista-chan
Citation (Alain Miamdelin @ 04/03/2019 19:38) *
La sécurité absolue n'existe pour ainsi dire pas vraiment en informatique. Maboune a raison de dire que ça s'adresse à des gens qui ont un minimum de connaissances, c'est pas un jouet.


Ah, ça serait bien de prévenir alors.
Alain Miamdelin
Citation (Tourista-chan @ 04/03/2019 19:42) *
Ah, ça serait bien de prévenir alors.


Je me suis jamais intéressé à ces conneries, donc je sais pas s'ils le font. Mais ils devraient, c'est certain.
iscfa
Citation (Ashura @ 04/03/2019 19:27) *
Sauf que les ondes ça reste défendu essentiellement par des types avec des chapeaux en papier alu sur la tête, et qu'il y a aucune preuve.

[...]


C'est un tout petit peu plus complexe que ça quand même...
Parisian
Citation (RegardZehef @ 04/03/2019 18:02) *
T'essaies de raisonner avec l’un des mecs les plus sectaires et petri de certitudes jamais vu ici,et qui reussissent l'exploit de faire l'unaminite contre lui quelque soit le sujet.


FYP, y a quand même une forte concurrence cosmoschtroumpf.gif
ikki
Le Monde Diplomatique - Fevrier 2019
Citation
Lutte de classes en France


Serge Halimi & Pierre Rimbert

Au mouvement des « gilets jaunes » le chef de l’État français a répondu en lançant un « grand débat national ». Ce genre d’exercice postule que les conflits sociaux s’expliquent par des problèmes de communication entre le pouvoir et ses opposants, plutôt que par des antagonismes fondamentaux. Une hypothèse hasardeuse…

La peur. Pas celle de perdre un scrutin, d’échouer à « réformer » ou de voir fondre ses actifs en Bourse. Plutôt celle de l’insurrection, de la révolte, de la destitution. Depuis un demi-siècle, les élites françaises n’avaient plus éprouvé pareil sentiment. Samedi 1er décembre 2018, il a soudain glacé certaines consciences. « L’urgent, c’est que les gens rentrent chez eux », s’affole la journaliste-vedette de BFM TV Ruth Elkrief. Sur les écrans de sa chaîne défilent les images de « gilets jaunes » bien déterminés à arracher une vie meilleure.

Quelques jours plus tard, la journaliste d’un quotidien proche du patronat, L’Opinion, révèle sur un plateau de télévision à quel point la bourrasque a soufflé fort : « Tous les grands groupes vont distribuer des primes, parce qu’ils ont vraiment eu peur à un moment d’avoir leurs têtes sur des piques. Ah oui, les grandes entreprises, quand il y avait le samedi terrible, là, avec toutes les dégradations, ils avaient appelé le patron du Medef [Mouvement des entreprises de France], Geoffroy Roux de Bézieux, en lui disant : “Tu lâches tout ! Tu lâches tout, parce que sinon…” Ils se sentaient menacés, physiquement. »

Assis à côté de la journaliste, le directeur d’un institut de sondage évoque à son tour « des grands patrons effectivement très inquiets », une atmosphère « qui ressemble à ce que j’ai lu sur 1936 ou 1968. Il y a un moment où on se dit : “Il faut savoir lâcher des grosses sommes, plutôt que de perdre l’essentiel” (1) ». Lors du Front populaire, le dirigeant de la Confédération générale du travail (CGT) Benoît Frachon rappelait en effet qu’au cours des négociations de Matignon, consécutives à une flambée de grèves imprévues avec occupation d’usines, les patrons avaient même « cédé sur tous les points ».

Ce genre de décomposition de la classe possédante est rare, mais il a pour corollaire une leçon qui a traversé l’histoire : ceux qui ont eu peur ne pardonnent ni à ceux qui leur ont fait peur ni à ceux qui ont été témoins de leur peur (2). Le mouvement des « gilets jaunes » — durable, insaisissable, sans leader, parlant une langue inconnue des institutions, tenace malgré la répression, populaire malgré la médiatisation malveillante des déprédations — a donc provoqué une réaction riche de précédents. Dans les instants de cristallisation sociale, de lutte de classes sans fard, chacun doit choisir son camp. Le centre disparaît, le marais s’assèche. Et alors, même les plus libéraux, les plus cultivés, les plus distingués oublient les simagrées du vivre-ensemble.

Saisis d’effroi, ils perdent leur sang-froid, tel Alexis de Tocqueville quand il évoque dans ses Souvenirs les journées de juin 1848. Les ouvriers parisiens réduits à la misère furent alors massacrés par la troupe que la bourgeoisie au pouvoir, persuadée que « le canon seul peut régler les questions [du] siècle (3) », avait dépêchée contre eux.

Décrivant le dirigeant socialiste Auguste Blanqui, Tocqueville en oublie alors ses bonnes manières : « L’air malade, méchant, immonde, une pâleur sale, l’aspect d’un corps moisi (…). Il semblait avoir vécu dans un égout et en sortir. Il me faisait l’effet d’un serpent auquel on pince la queue. »

Une même métamorphose de la civilité en fureur s’opère au moment de la Commune de Paris. Et elle saisit cette fois de nombreux intellectuels et artistes, progressistes parfois — mais de préférence par temps calme. Le poète Leconte de Lisle s’emporte contre « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs ». Pour Gustave Flaubert, « le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain ». Rasséréné par le châtiment (vingt mille morts et près de quarante mille arrestations), Émile Zola en tirera les leçons pour le peuple de Paris : « Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres (4). »

Autant dire que le 7 janvier dernier, M. Luc Ferry, agrégé de philosophie et de science politique, mais aussi ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, pouvait avoir en tête les outrances de personnages au moins aussi galonnés que lui lorsque la répression des « gilets jaunes » (lire « Des violences policières aux violences judiciaires »), trop indolente à ses yeux, lui arracha — sur Radio Classique… — cette injonction aux gardiens de la paix : « Qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois » contre « ces espèces de nervis, ces espèces de salopards d’extrême droite ou d’extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper du policier ». Puis M. Ferry songea à son déjeuner.

D’ordinaire, le champ du pouvoir se déploie en composantes distinctes et parfois concurrentes : hauts fonctionnaires français ou européens, intellectuels, patrons, journalistes, droite conservatrice, gauche modérée. C’est dans ce cadre aimable que s’opère une alternance calibrée, avec ses rituels démocratiques (élections puis hibernation). Le 26 novembre 1900 à Lille, le dirigeant socialiste français Jules Guesde disséquait déjà ce petit manège auquel la « classe capitaliste » devait sa longévité au pouvoir : « On s’est divisé en bourgeoisie progressiste et en bourgeoisie républicaine, en bourgeoisie cléricale et en bourgeoisie libre-penseuse, de façon à ce qu’une fraction vaincue pût toujours être remplacée au pouvoir par une autre fraction de la même classe également ennemie. C’est le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d’un côté et qui n’en demeure pas moins insubmersible. » Il arrive cependant que la mer s’agite et que la stabilité du vaisseau soit menacée. Dans un tel cas, les querelles doivent s’effacer devant l’urgence d’un front commun.

Face aux « gilets jaunes », la bourgeoisie a effectué un mouvement de ce type. Ses porte-parole habituels, qui, par temps calme, veillent à entretenir l’apparence d’un pluralisme d’opinions, ont associé d’une même voix les contestataires à une meute de possédés racistes, antisémites, homophobes, factieux, complotistes. Mais surtout ignares. « “Gilets jaunes” : la bêtise va-t-elle gagner ? », interroge Sébastien Le Fol dans Le Point (10 janvier). « Les vrais “gilets jaunes”, confirme l’éditorialiste Bruno Jeudy, se battent sans réfléchir, sans penser » (BFM TV, 8 décembre). « Les bas instincts s’imposent au mépris de la civilité la plus élémentaire », s’alarme à son tour le roturier Vincent Trémolet de Villers (Le Figaro, 4 décembre).

Car ce « mouvement de beaufs poujadistes et factieux » (Jean Quatremer), conduit par une « minorité haineuse » (Denis Olivennes), est volontiers assimilé à un « déferlement de rage et de haine » (éditorial du Monde) où des « hordes de minus, de pillards » « rongés par leurs ressentiments comme par des puces » (Franz-Olivier Giesbert) donnent libre cours à leurs « pulsions malsaines » (Hervé Gattegno). « Combien de morts ces nouveaux beaufs auront-ils sur la conscience ? », s’alarme Jacques Julliard.

Inquiet lui aussi des « détestations nues et aveugles à leur propre volonté », Bernard-Henri Lévy condescend cependant à signer dans… Le Parisien une pétition, agrémentée des noms de Cyril Hanouna, Jérôme Clément et Thierry Lhermitte, pour inviter les « gilets jaunes » à « transformer la colère en débat ». Sans succès… Mais, Dieu soit loué, soupire Pascal Bruckner, « la police, avec sang-froid, a sauvé la République » contre les « barbares » et la « racaille cagoulée » (5).

D’Europe Écologie - Les Verts (EELV) aux débris du Parti socialiste, de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) aux deux animateurs de la matinale de France Inter (un « partenariat de l’intelligence », au dire de la directrice de la station), tout un univers social s’est retrouvé pour pilonner les personnalités politiques bienveillantes envers le mouvement. Leur tort ? Attenter à la démocratie en ne se montrant pas solidaires de la minorité apeurée. Comment contrer de tels gêneurs ? User d’une vieille ficelle : rechercher tout ce qui pourrait associer un porte-parole des « gilets jaunes » à un point de vue que l’extrême droite aurait un jour défendu ou repris. Mais, à ce compte-là, devrait-on aussi encourager les violences contre des journalistes au motif que Mme Marine Le Pen, dans ses vœux à la presse, voit en elles « la négation même de la démocratie et du respect de l’autre sans lequel il n’est pas d’échange constructif, pas de vie démocratique, pas de vie sociale » (17 janvier) ?

Jamais le sursaut du bloc bourgeois qui forme le socle électoral de M. Emmanuel Macron (6) ne s’est dévoilé aussi crûment que le jour où Le Monde a publié le portrait, empathique, d’une famille de « gilets jaunes », « Arnaud et Jessica, la vie à l’euro près » (16 décembre). Un millier de commentaires enragés ont aussitôt déferlé sur le site du journal. « Couple pas très futé… La vraie misère ne serait-elle pas, dans certains cas, plus culturelle que financière ? », estimait un lecteur. « Le problème pathologique des pauvres : leur capacité à vivre au-dessus de leurs moyens », renchérissait un second. « N’imaginez pas en faire des chercheurs, des ingénieurs ou des créateurs. Ces quatre enfants seront comme leurs parents : une charge pour la société », tranchait un troisième. « Mais qu’attendent-ils du président de la République ?, s’insurgeait un autre. Qu’il se rende chaque jour à Sens pour veiller à ce que Jessica prenne bien sa pilule ?! » La journaliste auteure du portrait chancela devant ce « déluge d’attaques » aux « accents paternalistes » (7). « Paternalistes » ? Il ne s’agissait pas, pourtant, d’une dispute de famille : les lecteurs d’un quotidien réputé pour sa modération sonnaient plutôt le tocsin d’une guerre de classes.

Clarification sociologique

Le mouvement des « gilets jaunes » marque en effet le fiasco d’un projet né à la fin des années 1980 et porté depuis par les évangélistes du social-libéralisme : celui d’une « République du centre » qui en aurait fini avec les convulsions idéologiques en expulsant les classes populaires du débat public comme des institutions politiques (8). Encore majoritaires, mais trop remuantes, elles devaient céder la place — toute la place — à la bourgeoisie cultivée.

Le « tournant de la rigueur » en France (1983), la contre-révolution libérale impulsée en Nouvelle-Zélande par le Parti travailliste (1984) puis, à la fin des années 1990, la « troisième voie » de MM. Anthony Blair, William Clinton et Gerhard Schröder, ont paru réaliser ce dessein. À mesure que la social-démocratie se lovait dans l’appareil d’État, prenait ses aises dans les médias et squattait les conseils d’administration des grandes entreprises, elle reléguait aux marges du jeu politique son socle populaire d’autrefois. Aux États-Unis, on s’étonne à peine que, devant une assemblée de pourvoyeurs de fonds électoraux, Mme Hillary Clinton range dans le « panier des gens pitoyables » les soutiens populaires de son adversaire.

Mais la situation française est à peine meilleure. Dans un livre de stratégie politique, M. Dominique Strauss-Kahn, un socialiste qui a formé nombre de proches du président français actuel, expliquait il y a déjà dix-sept ans que la gauche devait dorénavant reposer sur « les membres du groupe intermédiaire, constitué en immense partie de salariés, avisés, informés et éduqués, qui forment l’armature de notre société. Ils en assurent la stabilité, en raison (…) de leur attachement à l’“économie de marché” ». Quant aux autres — moins « avisés » —, leur sort était scellé : « Du groupe le plus défavorisé, on ne peut malheureusement pas toujours attendre une participation sereine à une démocratie parlementaire. Non pas qu’il se désintéresse de l’histoire, mais ses irruptions s’y manifestent parfois dans la violence » (9).

On ne se préoccuperait donc plus de ces populations qu’une fois tous les cinq ans, en général pour leur reprocher les scores de l’extrême droite. Après quoi, elles retourneraient au néant et à l’invisibilité — la sécurité routière n’exigeant pas encore de tous les automobilistes la possession d’un gilet jaune.

La stratégie a fonctionné. Les classes populaires se trouvent exclues de la représentation politique. Déjà faible, la part des députés ouvriers ou employés a été divisée par trois depuis cinquante ans. Exclues également du cœur des métropoles : avec 4 % de nouveaux propriétaires ouvriers ou employés chaque année, le Paris de 2019 ressemble au Versailles de 1789. Exclues, enfin, des écrans de télévision : 60 % des personnes qui apparaissent dans les émissions d’information appartiennent aux 9 % d’actifs les plus diplômés (10). Et, aux yeux du chef de l’État, ces classes populaires n’existent pas, l’Europe n’étant pour lui qu’un « vieux continent de petits-bourgeois se sentant à l’abri dans le confort matériel (11) ». Seulement voilà : ce monde social oblitéré, décrété rétif à l’effort scolaire, à la formation, et donc responsable de son sort, a resurgi sous l’Arc de triomphe et sur les Champs-Élysées (voir « Une carte qui dérange »). Confondu et consterné, le conseiller d’État et constitutionnaliste Jean-Éric Schoettl n’eut plus qu’à diagnostiquer sur le site Internet du Figaro (11 janvier 2019) une « rechute dans une forme primitive de lutte des classes ».

Brouillage idéologique

Si le projet d’escamoter du champ politique la majorité de la population tourne à la bérézina, un autre chapitre du programme des classes dirigeantes, celui qui visait à brouiller les repères entre droite et gauche, connaît en revanche une fortune inespérée. L’idée initiale, devenue dominante après la chute du mur de Berlin, en 1989, consistait à repousser aux marges discréditées des extrêmes toute position mettant en cause le « cercle de la raison » libérale — une expression de l’essayiste Alain Minc. La légitimité politique ne reposerait plus alors sur une manière de voir le monde, capitaliste ou socialiste, nationaliste ou internationaliste, conservatrice ou émancipatrice, autoritaire ou démocratique, mais sur la dichotomie entre raisonnables et radicaux, ouverts et fermés, progressistes et populistes. Le refus de distinguer droite et gauche, un refus que les professionnels de la représentation reprochent aux « gilets jaunes », reproduit en somme au sein des classes populaires la politique de brouillage poursuivie depuis des décennies par le bloc bourgeois.

Cet hiver, les revendications de justice fiscale, d’amélioration du niveau de vie et de refus de l’autoritarisme du pouvoir occupent bien le devant de la scène, mais la lutte contre l’exploitation salariale et la mise en accusation de la propriété privée des moyens de production en sont largement absentes. Or ni le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, ni le retour aux 90 kilomètres à l’heure sur les routes secondaires, ni le contrôle plus strict des notes de frais des élus, ni même le référendum d’initiative citoyenne (lire « Qui a peur de l’initiative citoyenne ? ») ne remetttent en cause la subordination des salariés dans l’entreprise, la répartition fondamentale des revenus ou le caractère factice de la souveraineté populaire au sein de l’Union européenne et dans la mondialisation.

Bien évidemment, les mouvements apprennent en marchant ; ils se fixent de nouveaux objectifs à mesure qu’ils perçoivent des obstacles imprévus et des occasions inespérées : au moment des états généraux, en 1789, les républicains n’étaient en France qu’une poignée. Marquer sa solidarité avec les « gilets jaunes », c’est donc agir pour que l’approfondissement de leur action continue à se faire dans le sens de la justice et de l’émancipation. En sachant toutefois que d’autres œuvrent à une évolution inverse et escomptent que la colère sociale profitera à l’extrême droite dès les élections européennes de mai prochain.

Un tel aboutissement serait favorisé par l’isolement politique des « gilets jaunes », que le pouvoir et les médias s’emploient à rendre infréquentables en exagérant la portée de propos ou d’actes répréhensibles mais isolés. L’éventuelle réussite de cette entreprise de disqualification validerait la stratégie suivie depuis 2017 par M. Macron, qui consiste à résumer la vie politique à un affrontement entre libéraux et populistes (12). Une fois ce clivage imposé, le président de la République pourrait amalgamer dans un même opprobre ses opposants de droite et de gauche, puis associer toute contestation intérieure à l’action d’une « Internationale populiste » où, en compagnie du Hongrois Viktor Orbán et de l’Italien Matteo Salvini, se côtoieraient selon lui des conservateurs polonais et des socialistes britanniques, des Insoumis français et des nationalistes allemands.

Le président français devra néanmoins résoudre un paradoxe. Appuyé sur une base sociale étroite, il ne pourra mettre en œuvre ses « réformes » de l’assurance-chômage, des retraites et de la fonction publique qu’au prix d’un autoritarisme politique renforcé, répression policière et « grand débat sur l’immigration » à l’appui. Après avoir sermonné les gouvernements « illibéraux » de la planète, M. Macron finirait ainsi par en plagier les recettes…

————
(1) « L’info du vrai », Canal Plus, 13 décembre 2018.

(2) Cf. Louis Bodin et Jean Touchard, Front populaire, 1936, Armand Colin, Paris, 1961.

(3) Auguste Romieu, Le Spectre rouge de 1852, Ledoyen, Paris, 1851, cité dans Christophe Ippolito, « La fabrique du discours politique sur 1848 dans L’Éducation sentimentale », Op. Cit., no 17, Pau, 2017.

(4) Paul Lidsky, Les Écrivains contre la Commune, La Découverte, Paris, 1999 (1re éd. :1970).

(5) Respectivement : Twitter, 29 décembre 2018 ; Marianne, Paris, 9 janvier 2019 et 4 décembre 2018 ; Le Point, Paris, 13 décembre 2018 et 10 janvier 2019 ; Le Journal du dimanche, Paris, 9 décembre 2018 ; Le Figaro, Paris, 7 janvier 2019 ; Le Point, 13 décembre 2018 ; Le Parisien, 7 décembre 2018 ; Le Figaro, 10 décembre 2018.

(6) Lire Bruno Amable, « Majorité sociale, minorité politique », Le Monde diplomatique, mars 2017, et, du même auteur, avec Stefano Palombarini, L’Illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Raisons d’agir, Paris, 2017.

(7) Faustine Vincent, « Pourquoi le quotidien d’un couple de “gilets jaunes” dérange une partie de nos lecteurs », Le Monde, 20 décembre 2018.

(8) Lire Laurent Bonelli, « Les architectes du social-libéralisme », Le Monde diplomatique, septembre 1998.

(9) Dominique Strauss-Kahn, La Flamme et la Cendre, Grasset, Paris, 2002. Lire Serge Halimi, « Flamme bourgeoise, cendre prolétarienne », Le Monde diplomatique, m5728502.

(10) « Baromètre de la diversité de la société française. Vague 2017 » (PDF), Conseil supérieur de l’audiovisuel, Paris, décembre 2017.

(11) « Emmanuel Macron - Alexandre Duval-Stalla - Michel Crépu, l’histoire redevient tragique (une rencontre) », La Nouvelle Revue française, no 630, Paris, mai 2018.

(12) Lire « Libéraux contre populistes, un clivage trompeur », Le Monde diplomatique, septembre 2018.

Lire aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de mars 2019.
Oyé Sapapaya


Hugo Clément toujours dans les bons coups.
NeoSeb35
Ça change de le propagande "bien-pensante" habituelle de Konbini, surprenant.
Homer
Elle a fait de la taule la vieille la ?
Jesé Rarien
C'est dingues les gens jugent facilement dans un sens comme dans l'autre. Je pense surtout que tant que tu ne vis par un truc comme ça, tu n'as aucune idée de comment tu réagiras, dans un sens comme dans l'autre. Comme ceux qui disent qu'ils garderont ou non leur bébé si la trisomie est suspectée au début de la grossesse, les changements d'avis arrivent dans les 2 sens (et l'entourage qui donne son avis il est gentil mais c'est pas lui qui est impacté par le choix, alors les grandes gueules sur twitter c'est encore pire...).
Maboune
Citation (Jesé Rarien @ 05/03/2019 14:05) *
C'est dingues les gens jugent facilement dans un sens comme dans l'autre. Je pense surtout que tant que tu ne vis par un truc comme ça, tu n'as aucune idée de comment tu réagiras, dans un sens comme dans l'autre. Comme ceux qui disent qu'ils garderont ou non leur bébé si la trisomie est suspectée au début de la grossesse, les changements d'avis arrivent dans les 2 sens (et l'entourage qui donne son avis il est gentil mais c'est pas lui qui est impacté par le choix, alors les grandes gueules sur twitter c'est encore pire...).

+1 mais bon, on commence à avoir l'habitude.
Homer
Citation (Jesé Rarien @ 05/03/2019 14:05) *
C'est dingues les gens jugent facilement dans un sens comme dans l'autre. Je pense surtout que tant que tu ne vis par un truc comme ça, tu n'as aucune idée de comment tu réagiras, dans un sens comme dans l'autre. Comme ceux qui disent qu'ils garderont ou non leur bébé si la trisomie est suspectée au début de la grossesse, les changements d'avis arrivent dans les 2 sens (et l'entourage qui donne son avis il est gentil mais c'est pas lui qui est impacté par le choix, alors les grandes gueules sur twitter c'est encore pire...).

Bah tu appelles ca comme tu veux, elle a tué son enfant, c'est un crime selon le code pénal de ce pays.

En Syrie, le 2e frère Clain abattu par un drone. Une merde de moins.

https://www.huffingtonpost.fr/2019/03/05/je...kfrhpmg00000001
Maboune
Citation (Homer @ 05/03/2019 15:04) *
Bah tu appelles ca comme tu veux, elle a tué son enfant, c'est un crime selon le code pénal de ce pays.


C'est pas la question, personne ne nie que c'est un crime.
Jesé Rarien
Citation (Homer @ 05/03/2019 15:04) *
Bah tu appelles ca comme tu veux, elle a tué son enfant, c'est un crime selon le code pénal de ce pays.

Justement, j'appelle pas ça tout court, oui elle l'a tué. Quant au code pénal, c'est un cas particulier, il n'y a qu'à voir l'affaire Vincent Lambert où c'est allé jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Bon courage pour le juge qui va hériter d'un dossier comme celui-là. En revanche, ce qui me dérange c'est qu'elle sorte un bouquin là-dessus (sauf si les bénéfices sont donnés etc.).
Tourista-chan
Citation (Homer @ 05/03/2019 15:04) *
Bah tu appelles ca comme tu veux, elle a tué son enfant, c'est un crime selon le code pénal de ce pays.


Je ne crois pas qu'il remette ça en cause.
Cela-dit le débat est aussi passionant qu'insoluble ph34r.gif

3615 my life : j'avais organisé un forum social à la mairie et naïvement, j'avais invité l'ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité) qui s'était retrouvée au milieu des assos bien cathos de Versailles. Le truc s'est terminé en bataille rangée entre vieilles bigotes et vieilles gauchistes neokill@h.gif
Suite à ça, je me suis bien fait défoncer par le maire ph34r.gif
Oyé Sapapaya
Citation (Jesé Rarien @ 05/03/2019 15:14) *
Justement, j'appelle pas ça tout court, oui elle l'a tué. Quant au code pénal, c'est un cas particulier, il n'y a qu'à voir l'affaire Vincent Lambert où c'est allé jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Bon courage pour le juge qui va hériter d'un dossier comme celui-là. En revanche, ce qui me dérange c'est qu'elle sorte un bouquin là-dessus (sauf si les bénéfices sont donnés etc.).

Le coup du délais de prescription aussi.
Jesé Rarien
Citation (Oyé Sapapaya @ 05/03/2019 15:27) *
Le coup du délais de prescription aussi.

On peut pas lever la prescription en cas de suspicion d'homicide ?
Homer
Citation (Jesé Rarien @ 05/03/2019 15:14) *
Justement, j'appelle pas ça tout court, oui elle l'a tué. Quant au code pénal, c'est un cas particulier, il n'y a qu'à voir l'affaire Vincent Lambert où c'est allé jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Bon courage pour le juge qui va hériter d'un dossier comme celui-là. En revanche, ce qui me dérange c'est qu'elle sorte un bouquin là-dessus (sauf si les bénéfices sont donnés etc.).

On est d'accord. Je serais même pour un lynchage public pour celui qui lui a tendu un micro. Pour le cas Lambert, je dirais que c'est différent, le type voulait apparemment (je pouvais pas être dans sa tête à ce moment là d'où la précision) qu'on l'aide à partir dignement. L'enfant handicapé de 3 ans, je suis sûr qu'il se rendait même pas compte de sa situation, donc...

Citation (Tourista-chan @ 05/03/2019 15:17) *
Cela-dit le débat est aussi passionant qu'insoluble ph34r.gif

Prison pour la meurtrière. mad.gif
Ceci est une version "bas débit" de notre forum. Pour voir la version complète avec plus d'informations, la mise en page et les images, veuillez cliquer ici.
Invision Power Board © 2001-2025 Invision Power Services, Inc.