Quintana tutoie les stars

Le jeune Colombien, récent vainqueur du Tour du Pays Basque, pourrait être la révélation du Tour.

EN 1995, alors que Miguel Indurain devenait champion du monde du contre-la-montre à Tunja, en Colombie, Nairo Alexander Quintana Rojas (notre photo) avait tout juste cinq ans. « Je ne me souviens de rien, dit le jeune coureur de la province de Boyaca. On m’a dit ensuite que le Mondial avait eu lieu à deux pas de la maison. » Aujourd’hui, ironie du sort, le grimpeur de l’équipe Movistar, dont les dirigeants n’ont pas hésité à renouveler le contrat jusqu’en 2015, vit à Pampelune, le fief du roi Miguel. Mais, pour l’heure, la comparaison s’arrête là. À vingt-trois ans, Quintana incarne désormais la renaissance du cyclisme colombien, au même titre que Rigoberto Uran, José Luis Henao (Sky) ou Esteban Chaves (Colombia). Il est aujourd’hui dans la lignée des grands grimpeurs de son pays, les Lucho Herrera et Fabio Parra. Le vainqueur du Tour de l’Avenir 2010 avance à pas de géants, et sa marge de progression semble encore énorme. Vainqueur l’an dernier du Tour de Murcie, de la Route du Sud après une véritable exhibition à travers les cols du Tourmalet, du Soulor et des Spandelles, mais aussi de l’étape de Morzine du Critérium du Dauphiné, devant des pointures comme Evans, Wiggins et Froome, il a encore gravi un échelon cette saison en remportant l’étape reine du Tour de Catalogne, à Vallter 2000, mais surtout en s’imposant de manière claire lors du récent Tour du Pays Basque devant son compatriote Henao, Richie Porte et surtout Alberto Contador. « J’ai de très bonnes sensations depuis le début de la saison, explique Quintana, désormais 4e au classement UCI. Dès Paris- Nice, j’avais de bonnes sensations. Et, si je n’avais pas chuté, je pense que je pouvais terminer sur le podium à l’arrivée. »
L’homme est timide. Il vit cette soudaine notoriété avec un recul saisissant et, à chaque succès, ne manque jamais l’occasion d’appeler sa famille. « C’est un besoin, avoue-t-il. Sans elle, je ne serais sans doute pas ici aujourd’hui. » Nairo Quintana pense à son père, Luis Guillermo, handicapé depuis des
« Il me reste du chemin »

Quintana ne nourrit pas de complexes, mais il vit cette prodigieuse ascension avec une certaine retenue. « J’avance étape par étape, souligne-til. J’ai encore beaucoup à apprendre. Il me reste du chemin avant de pouvoir un jour espérer remporter un grand Tour. » années après un accident de voiture et qui lui avait confectionné son premier vélo pour lui permettre de se rendre à l’école, dix-huit kilomètres plus loin. « À l’aller, la route était en descente, se souvient-il. Une pente à 8 % où on risquait à tout moment de se prendre un camion ou un chariot. C’est peut être pour ça que je me défends bien en descente. Au retour, tout était en montée jusqu’à la maison. Il m’arrivait de croiser des coureurs affirmés du coin et je faisais tout pour parvenir enhaut le premier, à 3 000 mètres d’altitude. » La puce colombienne (1,67 et 59 kg) participera dimanche à l’Amstel Gold Race pour enchaîner avec la Flèche Wallonne et Liège-BastogneLiège. Puis il retournera en Colombieafinde préparer au mieux son premier Tour de France. « La Vuelta a été une bonne expérience l’an passé, note-t-il. Sans une chute au tout début, mon classement aurait été meilleur ( 36e). Mais j’étais surtout là pour aider Alejandro ( Valverde), comme je vais le faire cette année dans le Tour. J’ai encore besoin d’apprendre pour m’améliorer. »
MANUEL MARTINEZ