Citation (Miles @ 20/03/2020 08:02)

Décision prise par gouvernement, ils précisent ?
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Stock national. Comment en est-on arrivé là ? Comment le ministre de la Santé Olivier Véran peut-il affirmer, le 3 mars, qu’il n’y a pas de « stock d’Etat de masques FFP2 », alors que l’Etat en détenait quelque 600 millions en 2012 ? « Le stock national, en janvier, était nul en masques FFP2 et comptait 150 millions de masques chirurgicaux », confie-t-on avenue de Ségur.
Il existe deux types principaux de masques. Les premiers, FFP2 pour Filtering Face Piece de 2e niveau, protègent efficacement (92 %) ceux qui les portent. Inconfortables, ils sont destinés au personnel médical en priorité. Les masques dits « chirurgicaux» sont des dispositifs « antiprojection », plus légers et confortables. Ils protègent l’entourage des personnes qui les portent et qui pourrait être contaminé. Ces deux types de masques sont un moyen éprouvé de limiter l’expansion d’une pandémie… contrairement à ce qu’ont pu dire les pouvoirs publics depuis plusieurs semaines.
Ce manque de masques pose deux grandes questions : quels sont les stocks immédiatement disponibles ? Et quelles sont les capacités industrielles pour en produire en France et en Europe ? Tenter de répondre à la première question, c’est pénétrer dans une boîte noire. Il est probable qu’il faudra des commissions d’enquête parlementaires, après la crise, pour apporter des éclairages.
C’était initialement au ministre chargé de la Santé de décider des stocks chaque année. « La France dispose actuellement, parmi les grands pays, par nombre d’habitants, des stocks les plus importants de masques et de médicaments antiviraux », écrivent en 2009 Jean-Philippe Derenne et Bruno Housset dans Grippe A (H1NI), tout savoir, comment s’en prémunir (Fayard).
Il faut se souvenir du contexte, après la crise du H1N1 de 2009. Roselyne Bachelot a été accusée d’en avoir trop fait, en passant commande de 95 millions de vaccins et de trop nombreux masques. «On nous disait que nous étions de mauvais gestionnaires!»
De fait, jusqu’en 2011/2013, le stock national est volumineux. Une note de la Direction générale de la Santé du 27 juillet 2011 précise qu’il s’élève à 600 millions de masques FFP2 et à 800 millions de masques chirurgicaux, soit 100 % de l’objectif pour les premiers et 80 % pour les seconds. Mais les masques se périment au bout de quelques années et doivent être régulièrement renouvelés.
Le 27 juillet 2011, dans une note au ministre de la Santé « relative au statut des stocks stratégiques de l’Etat », que l’Opinion a pu consulter, la Direction générale de la Santé considère que « pour l’année 2012, le renouvellement d’une partie du stock de masques chirurgicaux et FFP2 ne semble pas justifié ». Les « enjeux financiers » de la stratégie de renouvellement des stocks sont soulignés à plusieurs reprises dans la note.
Doctrine. Le sénateur Francis Delattre souligne « une forte diminution des stocks depuis 2010», dans un rapport de juillet 2015. « Cette évolution s’explique par une inflexion de la politique de constitution et de renouvellement des stocks mise en œuvre par le ministre chargé de la Santé, sur le fondement de la doctrine développée par le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) et les avis du Haut Conseil de Santé Publique », écrit le sénateur.
Il faut se souvenir du contexte d’alors. Nous sommes après la crise du H1N1 de 2009. La ministre de la Santé Roselyne Bachelot a été accusée d’en avoir trop fait, en passant commande de 95 millions de vaccins et de trop nombreux masques. Une commission d’enquête parlementaire, présidée par le centriste Jean-Christophe Lagarde, a jugé très sévèrement la gestion de la crise, se souvient un acteur de l’époque : « On nous disait que nous étions de mauvais gestionnaires ! »
Deux organismes publics sont concernés : le SGDSN, dépendant du Premier ministre, et la direction générale de la santé, rattachée au ministère de la Santé. Le SGDSN est responsable de tous les plans d’urgence étatique, par exemple en cas d’attentats terroristes, d’accidents nucléaires, de cyberattaques, mais aussi de pandémies.
« En 2011, le SGDSN a changé de doctrine sur la façon de gérer les stocks, confie l’un des responsables politiques de l’époque. Il a considéré qu’il était préférable de s’appuyer sur la capacité de production chinoise ». De fait, ce sont 50 millions de masques FFP2 qui seraient « consommés » chaque semaine en période de crise sanitaire.
Un document du SGDSN, daté du 16 mai 2013, définit bel et bien une nouvelle « doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». Elle se base sur les recommandations d’un rapport du Haut Comité de la santé publique du 1er juillet 2011. L’idée générale était que « la protection des travailleurs relève de la responsabilité des seuls employeurs», à charge pour eux d’évaluer les mesures les plus adaptées pour chaque poste».
Cette « doctrine » vaut aussi bien pour le privé que pour le public, y compris donc les hôpitaux. A charge pour eux, mais aussi aux médecins de ville, si l’on comprend bien, d’assurer leurs stocks de masques FFP2. Des entreprises, ne relevant pas forcément des opérateurs d’importance vitale (OIV) soumis à des règles particulières, l’ont fait. Un grand groupe d’édition, par exemple.
Il s’agit clairement à l’époque de « décentraliser » la commande et la gestion des masques. Interrogés, certains acteurs de l’époque « ne se souviennent pas » d’une décision de réduire le stock national, et il sera nécessaire d’ouvrir les archives.
Si l’on ignore toujours l’état des stocks début 2020, les milieux spécialisés reconnaissent aujourd’hui que « l’épidémie dépasse le plan, elle défie tous les abaques», les graphiques permettant de donner la solution d’un calcul. En décembre, un exercice interministériel imaginait une épidémie de variole et le scénario, basé sur des expertises médicales, ne prévoyait que 500 morts.