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Accor, Carrefour, PSG, trois dossiers chauds
Les dossiers de Sébastien Bazin.
Accor: Le FSI fait de la résistance
Pour Sébastien Bazin, Accor figure parmi les "proies" idéales en 2005: patrimoine de grosse foncière, actionnariat fragmenté… Colony et Eurazeo grimpent au capital. En quatre ans, sous leur impulsion, le groupe hôtelier cède une bonne partie des murs jusqu’à la crise financière. En août dernier, un vieux serpent de mer refait surface : la scission du groupe. D’un côté les hôtels et de l’autre les services (Ticket Restaurant…) valorisés autour de 5 milliards d’euros. Le fonds stratégique d’investissement (FSI), actionnaire d’Accor, s’y oppose. L’option fragiliserait un fleuron national. D’autant que le résultat du groupe est tiré par la branche services particulièrement rentable. "Ils font un numéro de vampire qui consiste à aspirer la substance d’Accor pour récupérer des dividendes sans faire d’OPA", s’insurge un actionnaire. Pour Sébastien Bazin, l’hôtellerie peut se développer en solo par la franchise. Côté investissement, l’opération est un demi-succès. Entré en deux étapes, son fonds a gagné de l’argent sur la première opération. Pas encore sur la seconde.
Carrefour: Enlisement avec Bernard Arnault
En 2007, le patron de Colony Europe achète en Bourse 9% de Carrefour avec Bernard Arnault (LVMH) via Blue Capital. Mais la crise douche les résultats du groupe de distribution. En novembre 2008, les alliés obtiennent la "démission" de José Luis Durán, remplacé par Lars Olofsson, ex-Nestlé. Leurs opposants invoquent un "abus de minoritaire". Pour Blue Capital, l’ardoise est lourde. En 2007 l’action valait 50 euros contre 32 euros aujourd’hui. Colony assure pouvoir attendre cinq à sept ans. "Carrefour est un porte-avions. Pour varier le cap de seulement deux degrés, cela prend du temps et nous le savions", assure Tom Barrack, le fondateur de Colony. "Ils sont embourbés. S’ils sortent au bout de cinq ans avec un profit, ils auront fait aussi bien qu’une Caisse d’Epargne", affirme un concurrent.
PSG: La lueur d’espoir
Sans rien connaître au foot, Sébastien Bazin prend le contrôle du PSG en 2006 et surtout du Parc des Princes. Le conseil de Paris a validé le principe d’un bail emphytéotique d’environ cinquante ans en faveur du concessionnaire qui se chargera de la rénovation et de l’exploitation. Un appel d’offres est attendu avant la fin de l’année. Bazin se dit prêt à mettre 100 millions d’euros pour moderniser et installer des commerces.
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Les secrets de Sébastien Bazin
Il joue avec des milliards d'euros. Révélations sur le patron de Colony Capital.
Les bains de foule au Parc des Princes en veste bleue et logo du PSG le galvanisent. Mais les interviews le font fuir. Il laisse traîner dans ses poches des tablettes de chocolat et des courbes de Bourse. Il est comme ça, Sébastien Bazin. Déroutant, charmeur et totalement à part dans le microcosme de la finance. Patron du fonds d’investissement Colony Capital Europe, il n’oublie pas les railleries que lui avait values la reprise de Lucia, la société foncière de Christian Pellerin à la Défense.
Sans doute l’un de ses plus beaux coups. Rentré à 12 euros l’action, sorti six ans plus tard à 70 euros. Aujourd’hui, la critique est tout aussi féroce sur ses prises de participation de 30% (avec Eurazeo) dans le groupe hôtelier Accor et de 13% (via Blue Capital avec Groupe Arnault) dans Carrefour. Ou son OPA sur le PSG. Il les entend d’ici, ses détracteurs. Il s’est planté. Il va finir par sauter. Le PSG le surexpose.
"Il traverse sa première grande épreuve"
A 48 ans, Sébastien Bazin affiche le détachement d’un vieux matou. Il aime se frotter à "d’autres points de vue" que les siens dans les conseils d’administration et ailleurs. Ceux de décembre chez Accor et Carrefour ne devraient pas manquer de sel. Il y a aussi ses échanges avec les grands patrons. Des "sparring partners" poussés dehors lorsqu’ils ne partagent pas ses valeurs. Pas effarouché non plus par les réunions avec ses investisseurs qui lui ont confié des centaines de millions d’euros. "Ma relation avec eux est bâtie sur la transparence et la confiance dans la durée", a-t-il coutume de dire. Il leur a fait gagner de l’argent mais compte sur eux pour remplir ses prochains fonds.
Sauf qu’aujourd’hui, le doute s’est installé sur ses capacités à produire du TRI, le sacro-saint taux de retour sur investissement. Sur ces deux plus gros tickets, Accor et Carrefour, son TRI serait négatif. De quoi écorner la valeur d’actif du loup blanc du private equity (titres non cotés). A-t-il eu les yeux plus gros que le ventre? Derrière la raie sur le côté, les boucles séraphiques, le costume rayé, un regard très bleu et une vie de père de famille nombreuse tempête un océan de non-dits.
L’homme, pourtant, a du bagout et le soutien du big boss de Colony, Tom Barrack. Depuis son arrivée en 1997 à la tête du fonds européen, il a signé une trentaine d’opérations pour son mentor. Américain d’origine libanaise, Barrack vit autant dans son jet privé qu’à Los Angeles, sa base. "Sébastien a toute ma confiance, affirme-t-il. Il traverse sa première grande épreuve. Moi j’en ai connu trois. Avec lui, je suis sûr que Colony sortira gagnant." Barrack et Bazin ont d’autres raisons de s’entendre. Ils marchent à l’intuition et ne jurent que par la pierre, une passion commune. Presque un atavisme pour le Français dont le père était administrateur de biens.
"On perd, on gagne et chacun se tient"
L’immobilier est le fil rouge de la marque Colony et sa martingale. Depuis son origine, ses gérants ont acheté des bureaux, des casinos, des hôtels de luxe, des vignobles, des hypermarchés, des stades. Tous lestés d’actifs immobiliers mal valorisés. Des pépites comme les murs de la chaîne de restaurants Buffalo Grill ou peut-être demain ceux de Neverland, l’ancienne résidence de Michael Jackson.
Dans l’anonymat, les langues se délient pour expliquer l’équation des deux B. "Tom ne peut pas se passer de lui. Sébastien est beaucoup plus autonome qu’on le croit. Il est majoritaire dans sa boutique en Europe. Sur son nom, en une douzaine d’années, ses fonds ont ramassé une dizaine de milliards d’euros", révèle un investisseur, proche des deux hommes. "Il a gagné beaucoup d’argent pour Colony. Et puis Tom n’a pas toujours eu du flair. Dans ce milieu, on gagne, on perd et chacun se tient par la barbichette", spécule un concurrent.
A sa manière Bazin tient Barrack. "Sa force est d’avoir offert une plate-forme européenne à Colony et une capacité d’influence sans prise de contrôle dans les entreprises où il investit", analyse Patrick Sayer, président de la société d’investissement Eurazeo, principal partenaire de Colony Europe via les fonds Colyzeo. Avec Colony US tous les tickets européens sont financés à 50-50. Bazin siège au comité exécutif, un cénacle de cinq membres qui vote sur chaque projet. Depuis le départ, il a réinvesti tous ses gains dans l’affaire. Et pour rassurer ses investisseurs, il prend des tickets de 1%, sur ses deniers. Soit près de 3 millions pour Accor et autant pour Carrefour. Une belle prise de risque.
JDD