Citation
Tant de raisons d'aimer Zlatan Ibrahimović !
Qu'importent son côté voyou et ses mauvaises manières. Pour ce journaliste roumain envoûté, l'attaquant suédois du PSG est un "détraqué magnifique" et son football "sauve la poésie et la misère à la fois".
« Je vous écris, ainsi, ouvertement, bien qu'il n'y ait aucune chance pour que ces lignes arrivent à Votre Seigneurie. Je vous écris parce qu'il m'est de plus en plus difficile de vous défendre, Monsieur Ibrahimović.
Il y a des jours où j'aurais aimé avoir vécu, comme vous, dans la banlieue, parmi les immigrés [à Malmö, en Suède où il a grandi]: j'aimerais parfois pouvoir répondre à certaines personnes comme vous le faites [dans une autobiographie qui paraîtra en 2013 en France].
Vous connaissez, je pense, toutes les charges qui pèsent contre vous: vous êtes bon, mais voyou ; vous êtes malpoli ; vous crachez – Monsieur Ibrahimović, vous crachez ! – et, "quand ça vous prend" (j'espère qu'il existe une expression semblable en suédois) vous vous transformez en une bête déchaînée qui détruit tout sur son passage.
En d'autres mots, on vous reproche une seule chose : en vertu de votre talent, vous vous êtes vous-même dispensé des bonnes manières. Vous êtes dangereux pour le vestiaire : vous auriez même, dit-on, déstabilisé la grande équipe de Barcelone, d'où vous auriez été banni. Il se raconte que vous auriez manifesté une attitude hostile envers la classe des esthètes de la Catalogne. Je ne peux y croire, Monsieur Ibrahimović.
Je crois en votre coup de ciseau, en vos quatre buts contre l'Angleterre (avec l'équipe de Suède, le 14 novembre à Solna, en match amical), en vos quatre passes dans le match contre le Dinamo Zagreb (le 6 novembre), et je m'arrête là parce que je ne veux pas remonter plus loin dans le passé de Votre Seigneurie. Le football est un sport d'équipe, mais le génie est une affaire personnelle, et je ne vous cache pas que votre cas m'étonne, me trouble, m'alarme.
Monsieur Ibrahimović, vous n'êtes pas normal, vous êtes exceptionnel à un point tel qu'il n'y a pas de mot pour le décrire, vous êtes peut-être le plus grand footballeur de notre temps ; vous avez un don que vous devez vous-même censurer, sinon la beauté de vos exécutions deviendrait véritablement insupportable.
Monsieur Ibrahimović, vous êtes un géant exalté, un détraqué magnifique, un de ces désaxés qui nous rendent la vie supportable, ici, au milieu des gens ordinaires. Je voudrais que vous sachiez à quel point je respecte votre folie créatrice. Continuez à décliner votre propre football, indifférent aux critiques qui de toute manière ne comprennent rien.
Monsieur Ibrahimović, je connais bien les Balkans qui coulent dans vos veines, et vous devez probablement les porter parfois comme un fardeau, parfois comme une bénédiction. Ici, il n'y a pas de projets et il n'est pas bon d'en avoir, car ici naissent souvent des "sauveurs". Vous en êtes un, Monsieur Ibrahimović ! Vous sauvez la poésie et la misère à la fois. Vous avez toute la splendeur d'un monde sans fin. Monsieur Ibrahimović, vous devriez signer l'anthologie de la perfection ébréchée, le véritable accomplissement auquel un génie peut aspirer. Coupez-vous une oreille, Monsieur Ibrahimović ! Continuez, je vous prie, je vous implore même, à être furibond, à moitié obscur, insupportable. »
Andrei Craciun Courrier International
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