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Villeneuve prépare sa riposte
Poussé vers la sortie par les administrateurs du club, le président du PSG a peaufiné, hier, sa contre-attaque.
Au lendemain de la réunion de crise du Parc des Princes, qui a abouti à la convocation d’une assemblée générale destinée à changer le président du PSG, Charles Villeneuve a choisi de garder le silence. Dans la matinée, il a rencontré Sébastien Bazin, le directeur Europe de Colony Capital. Avant de partir consulter ses avocats pendant plusieurs heures. La confirmation que Villeneuve ne compte pas se laisser évincer sans réagir.
EN APPARENCE, rien n’avait changé.
Le petit déjeuner du lundi matin, c’est le tête-à-tête hebdomadaire de Sébastien Bazin et de Charles Villeneuve depuis bientôt huit mois. Le patron de Colony Capital Europe, actionnaire majoritaire du PSG (62,5 %) et le président du club de la capitale se sont retrouvés, hier, en milieu de matinée, dans les salons du Fouquet’s. Une entrevue d’une heure qui a légèrement brisé la glace du Parc des Princes : la veille, en marge de PSG-Sochaux (2-1), les deux hommes avaient surtout communiqué par avocats interposés. Ils avaient pris soin de s’éviter, Villeneuve allant jusqu’à esquiver la réunion de crise programmée par Bazin après le match. En fin de soirée, ils s’étaient croisés brièvement au Murat, un restaurant proche du Parc.
Le « vrai » rendez-vous d’hier a d’abord été empreint de tensions.
Bazin a reproché à Villeneuve le contenu de sa lettre de jeudi dernier envoyée à tous les membres du conseil d’administration, courrier dans lequel il réclamait avec vigueur plus de pouvoirs financiers. Le dirigeant de Colony a expliqué à l’ancien cadre de TF 1 qu’il n’avait pas de compétences reconnues dans ce domaine. Villeneuve lui aurait rétorqué que non, en effet, il n’était pas un financier, mais qu’il était un entrepreneur, et que lorsqu’on voit l’état dans lequel les ténors de la finance ont plongé la planète, on pouvait douter également de leurs compétences. Ambiance…
Face à Bazin, Villeneuve s’en serait également pris à ceux qu’il soupçonne d’avoir oeuvré contre lui tout au long du week-end, notamment à ses deux prédécesseurs, Alain Cayzac (juin 2006-avril 2008) et Simon Tahar (avril-mai 2008). L’atmosphère se serait ensuite décrispée, sans remettre en question le processus de divorce amorcé depuis la réunion de dimanche soir.
À ceux qui l’ont croisé hier, Villeneuve est apparu serein, plus préoccupé pour ses proches que pour lui même. Une fois son rendez-vous avec Bazin achevé, le président du PSG s’est rendu au cabinet de ses avocats. Depuis le début des hostilités, Villeneuve n’entreprend rien sans les consulter, lui qui craint d’avancer sur un terrain miné. Ce sont eux qui lui avaient notamment conseillé d’éviter tout rendez-vous au Parc, dimanche : si Villeneuve s’était alors retrouvé dans une salle avec au moins cinq administrateurs, le quorum nécessaire à la tenue d ’un conseil d’administration aurait été atteint et sa révocation votée sur le champ…
Fort de son goût intact pour la chose militaire, Villeneuve, l’ancien sous officier de l’armée française, a passé la journée à définir ses angles de riposte. Car la certitude est qu’il s’active pour réagir et mettre à profit le délai de quinze jours qui le sépare de l’assemblée générale élective qui doit entériner sa révocation. C’est un combat perdu d’avance, juge-t-on dans l’entourage du club, mais c’est un combat qu’il entend mener face au processus enclenché par Colony.
« Si Charles Villeneuve compte répliquer, cela peut compliquer les choses en apparence, estime un proche du fonds de pensions américain. Mais, dans une société, le pouvoir appartient à l’actionnaire et vous ne pouvez rien contre ça. » Pour Villeneuve, il importera de ne pas se tromper de stratégie une deuxième fois. Car le premier objectif de sa lettre aux administrateurs n’a pas eu l’effet escompté : au lieu de provoquer un débat sur la situation financière du club et une redistribution des pouvoirs en interne, ce document, de par sa forme virulente, a pris les contours d’un boomerang. Dimanche soir, lors de la réunion au Parc, il n’aurait été question que du ton offensif de cette lettre, qualifié d’« inadmissible » par tous les participants, au premier rang desquels Sébastien Bazin.
Mais cette affaire a semblé raviver quelques dissensions larvées parmi les gouvernants du PSG. Quelques voix, très minoritaires, dont celle de Walter Butler (actionnaire à 4,2 %), se sont ainsi élevées pour regretter l’absence de discussions de fond sur des sujets autrement plus préoccupants pour l’avenir du PSG. Notamment sur la façon dont Colony comptait financer en fin de saison les pertes attendues (encore supérieures à 10 M€), et les besoins en matière de recrutement. C’est probablement autour de cette question centrale de l’envergure financière du club que Villeneuve prépare sa réplique. Il n’a d’autre choix que de frapper lourd. Très lourd. Il n’a d’autre choix a priori que de venir avec cet investisseur de poids dont il est parti en quête depuis sa nomination à la présidence. Ses réseaux dans le Golfe continuent d’alimenter l’hypothèse de son alliance avec un puissant fonds d’investissement local venant acquérir un PSG qui n’est pas à vendre, du moins officiellement.
Depuis quelque temps, Villeneuve semble avoir acquis la conviction que seule une manne extérieure pourrait aider à donner forme au PSG qu’il imagine. Dans son projet secret figurerait en premier lieu un retour à Paris de Gabriel Heinze, a priori sous la forme d’un prêt du Real Madrid. Il y a, toujours, l’idée de recruter l’été prochain le Lyonnais Mathieu Bodmer. Et des sondes auraient déjà été lancées du côté de Nicolas Anelka pour un deuxième come-back, mais plutôt après la Coupe du monde 2010.
Les desseins de Villeneuve paraissent aujourd’hui plus que compromis. Le redoutable jeu de pouvoirs qui régit la vie du PSG s’est sèchement retourné contre lui depuis dimanche soir et les efforts qu’il déploie depuis relèvent peut-être plus de son caractère coriace que d’une conviction qu’il pourra inverser miraculeusement le sens de l’histoire.
Au-delà de son cas personnel, les jours présents confirment la dimension trouble, à Paris, de la fonction présidentielle ces dernières années. Car au PSG, tantôt dans l’ombre d’entraîneurs avides de prérogatives élargies, tantôt sous la menace d’une humeur contrariée de l’actionnaire, il est décidément rare que le président revête les habits qui devraient être les siens. Ceux d’un patron.
L'Equipe papier
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Un favori, deux recours
Trois hommes semblent en mesure de devenir le prochain président du PSG. Qui sont-ils et quel est leur pourcentage de chances d’être nommé ?
Guillaume CHENUT - 5%
Ancien président du Stade de Reims (de 1997 à 2004), il avait abandonné ce rôle peu après être devenu directeur général de L’Équipe. Depuis le 1er avril 2008, il est directeur général du groupe Lacoste. Entré au conseil d’administration du PSG, il y a moins d’un an, cet homme de quarante-six ans est un proche d’Alain Cayzac. Il n’a jamais caché son ambition d’occuper, un jour, des responsabilités au PSG. Pour accéder à la présidence, il faudrait d’abord qu’il quitte ses fonctions chez Lacoste, hypothèse peu probable à très court terme.
SIMON TAHAR - 5%
Il avait assuré l ’ intérim à la présidence du PSG entre la démission d’Alain Cayzac, le 21 avril 2008, et la nomination de Charles Villeneuve un mois plus tard. Avocat du club de 1978 à 1991, il en est ensuite devenu l’administrateur jusqu’en 2001. Frère de Charles Talar, dirigeant historique du PSG depuis 1973, il a participé au développement de l’Association PSG, dont il a pris la tête lorsque Alain Cayzac est devenu président du club. C’est à ce titre qu’il siège au conseil d’administration. Son nom a été murmuré pour un nouvel intérim, mais l’intéressé assure que rien ne lui a été proposé.
SEBASTIEN BAZIN - 90%
Via Colony Capital Europe (fonds de pension), dont il est le président, il est l’actionnaire majoritaire du PSG depuis 2006 (62,5 % des parts). Dès le rachat du club à Canal +, aux côtés de Walter Butler Partners et Morgan Stanley, il a mis en place Alain Cayzac à la présidence du club. Avant de nommer Michel Moulin comme conseiller sportif (avril-mai 2008), puis Charles Villeneuve à la présidence (27 mai 2008). Aujourd’hui, ses proches conseillent à ce dirigeant de quarante-sept ans de succéder lui-même à Villeneuve à la tête du PSG.Une option qui redonnerait à Colony une mainmise complète sur le club et qui revaloriserait la fonction de président du PSG, souvent affaiblie ces dernières années. Si Bazin prenait cette responsabilité, il nommerait probablement à ses côtés un manager sportif renommé, qui ne serait pas forcément Gérard Houllier.
Verdict le 3 février
HIER, LES COURRIERS ADRESSÉS aux participants de la prochaine assemblée générale ont été envoyés : elle se tiendra le 3 février prochain au Parc des Princes. Cette AG concerne les représentants des actionnaires (Colony, Morgan Stanley, Butler Capital Partners) et les membres du conseil d’administration. Les quatorze personnes qui s’étaient réunies dimanche soir, après PSG-Sochaux (2-1), pour débattre du cas Villeneuve puis décider de la démission collective du conseil d’administration, sont donc attendues.Cette fois, Charles Villeneuve,convoqué en tant que président en titre, devrait être présent. Cette assemblée générale doit élire un nouveau conseil d’administration, lequel désignera, sur propositionde Sébastien Bazin, le nouveau président du PSG.
Equipe papier
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Giuly : « Je reste pro-Villeneuve »
LES JOUEURS DU PSG sont au repos jusqu’à demain matin. Pour eux, la situation tendue dans les coulisses n’a pas encore de conséquences concrètes. Et l’épisode ne fragilise pas vraiment Paul Le Guen, qui sera en fin de contrat en juin prochain : l’entraîneur est plus proche de Sébastien Bazin que de Charles Villeneuve.
Dans l’effectif, en revanche, Villeneuve conserve quelques chauds partisans, dont Ludovic Giuly, qui inaugurait, hier, son centre de remise en forme, Camp 8, à Saint-Raphaël (voir page 6) : « Je ne crois pas que ça va avoir des répercussions néfastes sur le rendement des joueurs, mais je trouve que cet épisode est très dommageable et qu’il n’intervient pas au meilleur moment, explique le milieu de trente-deux ans, recruté par Charles Villeneuve l’été dernier. Je suis convaincu que le club n’avait pas besoin de ça. Personnellement, je respecterai les choix qui seront faits et ça ne changera rien à mon implication pendant les deux ans et demi de contrat qu’il me reste. Faire partir Villeneuve serait à mes yeux une erreur. Je ne le connais pas depuis longtemps mais avec lui le courant est passé tout de suite. C’est devenu un ami, quelqu’un que j’apprécie profondément et que je trouve particulièrement efficace. Aujourd’hui, le PSG est revenu dans le haut du tableau, et sa volonté de jouer le titre dès la saison prochaine est réalisable. Il (Villeneuve) fait du bon boulot, son discours est cohérent et, quand il a fallu être présent, il a toujours été là. Il dit simplement vouloir des moyens pour faire quelque chose de grand à Paris. C’est normal, il a entièrement raison, et je reste plus que jamais un pro-Villeneuve. »
L’avis de l’ancien Monégasque n’est pas forcément représentatif. L’autre patron du vestiaire, Claude Makelele, figure, comme Mateja Kezman, également arrivé l’été dernier, parmi les partisans de Villeneuve. Mais les soutiens avérés à l’ancien journaliste ne vont guère plus loin côté joueurs. – J.-P. Riv.,
R. D.
MAKELELE CAMBRIOLÉ PENDANT LE MATCH. – Le domicile du capitaine du PSG, Claude Makelele, a été cambriolé dimanche, pendant la rencontre Paris-Sochaux (2-1), au cours de laquelle il était sorti sur blessure à la mi-temps. Les voleurs lui ont dérobé plusieurs milliers d’euros, des montres ainsi que deux trousseaux de clés de deux voitures. La maison de Claude Makelele est louée par le Paris-SG
Equipe Papier
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FINANCES - Trente millions, le prix de l’ambition
DANS LA FAMEUSE lettre adressée la semaine dernière aux administrateurs du club, Charles Villeneuve pointait les difficultés de trésorerie du PSG. Un argumentaire déjà développé par Jérôme de Metz lorsqu’il a présenté sa démission du conseil d’administration du PSG le 23 décembre dernier. Dans un courrier, cet ancien membre de la DNCG explique : « Toutes les informations prévisionnelles adressées le 1er décembre, par la direction financière du PSG, montrent des pointes de besoin de trésorerie – dont le financement n’est pas assuré – qui dépasseront 13 millions d’euros en mai prochain. »
Il dépeint le PSG comme « une société structurellement déficitaire ». De fait, le déficit sur les deux dernières saisons s’établit autour de 30 millions d’euros. Et le retour à l’équilibre n’est pas prévu pour juin prochain. La balance devrait être encore négative de plus de 10 millions d’euros. D’autant qu’il faudra payer 7 millions d’euros de transferts déjà acquis (dernière traite du transfert de Sessegnon et achat de Kezman, prêté cette saison). Paris n’est évidemment pas ruiné. Le club est adossé à un actionnaire principal très solide (début décembre, les avoirs gérés par Colony étaient estimés à 25 milliards d’euros).
Mais, pour éponger le passif et espérer un recrutement ambitieux, il lui faudrait obtenir de ses actionnaires une rallonge d’une trentaine de millions d’euros. La somme a de quoi faire réfléchir Colony Capital, frappé par la crise financière et qui a déjà investi une cinquantaine de millions d’euros dans le club
Equipe Papier
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Ce qu’ils avaient vraiment dit
LA RELECTURE des différentes interviews ou déclarations de Sébastien Bazin et Charles Villeneuve est surtout éclairante pour les omissions qu’elle révèle. Ainsi Sébastien Bazin, accusé par Charles Villeneuve de ne pas tenir les engagements financiers qu’il aurait pris, a pris soin de ne jamais promettre publiquement d’accorder beaucoup d’argent pour recruter. Au contraire. Dès le 29 mars 2007, dans nos colonnes, il avait même souligné le train de vie luxueux du PSG : « On a la deuxième masse salariale de Ligue 1 et on est 19 es en Championnat. C’est d’une absurdité incroyable. »
C’est Charles Villeneuve qui, le 28 mai 2008, s’est avancé sur ce terrain en expliquant : « L’enveloppe
(pour le recrutement) n’est pas encore établie, mais je peux vous assurer qu’il y aura des moyens importants. » On peut analyser les sorties publiques du futur ex-président du PSG comme une lente montée en pression jusqu’à la fameuse lettre adressée aux administrateurs du club la semaine dernière.
Le 13 août, il soulignait ses vertueuses pratiques financières : « C’est la première fois que le PSG n’achète qu’avec ce qu’il a vendu. Il faut savoir que depuis plusieurs saisons le club est en déficit. Je n’ai pas envie d’être le président de l’accroissement du déficit. Je gère avec l’enveloppe à ma disposition, le fruit des transferts (…) à Paris, le recrutement ne peut pas être celui d’un autre club du Championnat de France. On a recruté Giuly et Makelele, mais il faut qu’on aille plus loin, évidemment. » Un avis précisé le 2 décembre dernier : « Il faut plus d’organisation, plus de discipline et plus de grands joueurs. »
Equipe Papier
Par contre, je sais pas si c'est utile...
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L'Oeil de C. Dugarry - « Messieurs les actionnaires, démasquez-vous ! »
« POURQUOI les actionnaires investissent-ils dans le football ? Pourquoi ces gens, a priori intelligents et détenteurs de l’argent, c’est-à-dire du vrai pouvoir, sont-ils dans le football ? Je ne pige pas. Pour moi, ces gens-là constituent une énigme. S’ils croient que c’est pour gagner de l’argent, c’est qu’ils nesont pas si intelligents que cela. Ils s’achètent un club avec de belles paroles. En réalité, ils se l’offrent sans réelle ambition, ni passion et en bernant leur monde. Une fois au pouvoir, ça fait “pschitt !” Or, acheter un club implique des devoirs. Tu n’as pas le droit de trahir les amoureux du football, tous ces passionnés quimangent et respirent football. C’est ça, le foot ! C’est ça, qui est génial. Pourquoi Jean-Michel Aulas a-t-il réussi ? Parce qu’à un moment donné, ce monsieur a pris des risques. Il les a mesurés, c’est son talent, il a su s’entourer, c’est sa force, et il a toujours défendu son club comme ses prédécesseurs. Je sais, il est trop facile de se cacher derrière les anciens présidents et leurs malversations.
C’est vrai, Claude Bez et Bernard Tapie se sont cassé la gueule après avoir réussi. Ils ne représentent pas le meilleur exemple. Mais il n’existait pas de garde-fous à leur époque. Et puis surtout, derrière leurs erreurs, ils avaient l’amour de leur club. C’est pour ça que les supporters leur ont pardonné. Parce que le football est une passion, une ambition, une énergie. Vous croyez que nous aurions été champions du monde et encore plus, champions d’Europe, sans ces maîtres mots ? Elle est où, aujourd’hui, cette passion ? Les footballeurs proposent un discours ambitieux. Mais il se heurte au but ultime des actionnaires : gagner de l’argent et surtout, ne pas en perdre. Non, le but ultime, c’est de gagner des matches et des titres. À quoi servirait le football sans ambition ? Que ceux qui ne jouent pas le jeu, que ceux qui n’aiment pas sincèrement le football, cèdent leur place. Messieurs les actionnaires, démasquez-vous ! Dites-nous quels sont vos véritables desseins pour nos clubs. À cause de certains d’entre vous, le football français a perdu de son ambition et de sa passion. »
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