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Et si Paris y croyait ?
Barcelone comme advesaire, match retour au Camp Nou : le tirage au sort des quarts de finale de la C 1 n’a pas gâté le PSG. Mais, s’il veut rêver à l’exploit, Paris a une idée du mode d’emploi.
DE L’EXCITATION et de la crainte. En regardant, hier à la mi-journée, le tirage au sort des quarts de finale de la Ligue des champions, les joueurs du PSG ont eu des réactions contrastées face à l’immensité de leur adversaire, le FC Barcelone. Un peu plus tard, sur beIN Sport, Carlo Ancelotti – qui a déjà croisé deux fois le club catalan en tant qu’entraîneur (*) – laissait transparaître une envie d’y croire : « Le Barça a plus de chances de gagner, mais on peut y arriver. » Christophe Jallet, lui, soulignait que « Barcelone a le meilleur jeu en Europe, mais il s’est déjà fait éliminer par des équipes qui jouaient moins bien… » Devant Paris, qui joue parfois beaucoup moins bien, se dresse une montagne plus haute que jamais. À Ancelotti de trouver – s’ils existent – les moyens de la franchir.
FAUT-IL REVENIR AU 4-3-3 ?
L’un des paramètres majeurs de cette double confrontation se situera dans l’absence de Zlatan Ibrahimovic au match aller, le 2 avril au Parc des Princes, sauf décision contraire de l’UEFA (voir par ailleurs). « Sans lui, ils perdent pas mal dans le jeu aérien », estimait, hier, Jordi Alba, le latéral gauche du Barça. « Quand il faut jouer long, il est bon d’avoir un attaquant capable de garder le ballon le temps que le bloc remonte, note Alain Roche, l’ancien défenseur et dirigeant du PSG. À Paris, Ibra est un peu unique dans ce profil. »
Plus largement, la question se pose de savoir si l’absence du Suédois pourrait inciter Ancelotti à revenir au 4-3-3 pour densifier le milieu parisien face au redoutable trident adverse dans l’axe (Xavi, Busquets, Iniesta). Lors du premier match de suspension d’Ibra, en huitièmes de finale retour contre Valence (1-1, le 6 mars), Ancelotti avait maintenu le 4-4-2 auquel il ne déroge pas depuis la venue du FC Porto (2-1, le 4 décembre).
Pour tenter d’endiguer le jeu barcelonais, des efforts considérables dans le pressing seront demandés aux quatre joueurs offensifs si Ancelotti garde le 4-4-2. Ce travail de sacrifice des attaquants n’est pas toujours un trait majeur du PSG cette saison, même s’ils s’impliquent plus en C 1 qu’en L 1. Roche pressent que ce sera compliqué : « Au milieu, il faudra bloquer Busquets, couper la relation entre Xavi et Iniesta, sans parler des montées de Daniel Alves et de Jordi Alba… »
COMMENT TENTER DE NEUTRALISER MESSI ?
Vincent Guérin, l’un des héros de la qualification en 1995, ne voit pas cinquante solutions : « Pour neutraliser Messi, soit on tente un marquage individuel à l’ancienne, soit on met de la densité. Il faut alors des lignes très compactes et défendre assez bas pour faire en sorte qu’il ne puisse pas accélérer balle au pied. »
Alain Roche, lui, n’est pas partisan d’un marquage individuel. « Messi s’en servirait pour décrocher et un de ses coéquipiers plongerait dans l’axe pour prendre l’espace. » Jallet élargit le problème : « Messi, c’est le joueur hors norme mais, d’avoir Pedro (suspendu à l’aller) sur un côté, ce n’est pas du gâteau non plus… »
L’affaire s’annonce délicate. Et excitante : PSG-Barcelone verra Messi se frotter à Thiago Silva, souvent considéré comme le meilleur défenseur du monde.
BIEN JOUER LES CONTRES
« On peut imaginer que le PSG va s’organiser en un bloc assez bas et miser sur son jeu de contres », pronostique Vincent Guérin. « Il y aura des opportunités, d’autant que le Barça s’expose avec les montées de ses latéraux », poursuit Alain Roche. « Sur ces contres, ne surtout pas perdre rapidement le ballon », insistent les deux anciens Parisiens.
Avec Lavezzi, Lucas et Ménez, le PSG possède trois joueurs très explosifs. Mais ces joueurs, comme Pastore, ne sont pas toujours efficaces dans l’utilisation du ballon. Tout en se projetant vite vers l’avant, Paris devra ainsi se montrer d’une grande précision technique, comme sur les coups de pied arrêtés.
Car le reste du match pourrait être pénible à vivre. Roche : « Une fois que le Barça récupère le ballon et le confisque par sa qualité de passes, l’adversaire ne sait jamais quand il va le revoir… »
JÉRÔME TOUBOUL (avec A. C. et L. D.)
(*) Alors entraîneur de l’AC Milan, Ancelotti a affronté deux fois le FC Barcelone en C 1, en 2003-2004 et en 2005-2006. Bilan des 4 matches : 1 victoire, 1 nul, 2 défaites.
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LA QUEUE DEVANT LE PARC DES PRINCES. – Dès hier après-midi, plusieurs dizaines de supporters se pressaient devant la billetterie du Parc des Princes dans l’espoir d’acheter des places pour le quart de finale aller, le 2 avril. Face à un afflux massif de demandes, également par téléphone et sur Internet, le club n’a pas tardé à lancer deux packs, en pensant à d’autres affiches printanières moins reluisantes. Les tarifs du « Barcelone + Valenciennes (35e journée) » vont de 50 à 340 €. Quant au pack « Barcelone + Brest (37e journée, le 18 mai) », il a été mis en vente pour un montant de 50 à 350 €.
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En 1995, « un combat de boxe »
PARMI LES GRANDES heures du club parisien, la soirée du 15 mars 1995 conserve une place de choix. Deux semaines après un match aller maîtrisé au Camp Nou (1-1), le PSG de Luis Fernandez était venu à bout du Barça de Johan Cruyff, des buts de Rai (73e) et Vincent Guérin (83e) répondant à l’ouverture du score du milieu José Maria Bakero (50e). Deux ans après avoir éliminé le Real Madrid en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA (1-3, 4-1), le PSG version Canal + – avec George Weah, David Ginola (notre photo, ici face à Ronald Koeman) et Rai comme têtes d’affiche – faisait chuter l’autre grand d’Espagne, cette fois en quarts de finale de la Ligue des champions.
« On avait déjà réalisé un très bon match au Camp Nou à l’aller, se souvient Vincent Guérin, l’ancien milieu parisien. Au retour, cela avait été un match âpre, très dur. Avec le Barça de cette époque, il y avait les prémices du Barça actuel dans la possession de balle, la recherche patiente d’une faille chez l’adversaire. La clé du match aura été de leur imposer un pressing assez fort et de ne pas perdre le ballon trop vite pour essayer de les faire courir. C’était un duel intense, presque un combat de boxe. »
Dix-huit ans plus tard, on parle encore à Guérin de son but décisif, sur une frappe rasante. Il en sourit : « Ce n’est pas un but d’anthologie, c’est certain ! La frappe n’était pas d’une puissance exceptionnelle, mais elle était bien placée et avec un effet de surprise car l’adversaire pensait que j’allais m’appuyer sur Weah... » – J. T.
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Ibra sait ce qui l’attend
ZLATAN IBRAHIMOVIC, qui sera suspendu pour le quart de finale aller, n’a joué qu’une saison sous le maillot du FC Barcelone, en 2009-2010 (21 buts en 45 matches, toutes compétitions confondues), et son passage mitigé ne lui a pas permis de susciter l’affection du public catalan. Le 10 avril, le Camp Nou devrait donc le siffler, comme il l’avait fait au soir de son premier retour, le 3 avril 2012, avec l’AC Milan, en quarts de finale retour de la C 1 (1-3). « Maintenant, je comprends Mourinho quand il vient ici et qu’il se plaint, avait lâché le Suédois après la rencontre. Il y avait penalty sur moi en seconde période, et à chaque fois qu’on touchait un joueur du Barça, il tombait et l’arbitre sifflait faute. »
Si l’attaquant du Paris-SG entretenait une relation houleuse avec Pep Guardiola, auquel il reprochait de privilégier Lionel Messi, il reste un joueur très respecté par ses anciens partenaires. « Ibra, tu ne peux pas l’arrêter au duel, expliquait Carles Puyol, la veille de ce match. Physiquement, c’est
lui qui commande, et, techniquement, c’est un phénomène. La seule manière de le rendre moins dangereux, c’est de l’éloigner de la surface. » La semaine dernière, Gerard Piqué défendait aussi son ancien partenaire : « Quand il était ici, il a montré qu’il était un mec bien et un joueur extraordinaire. » – L. D.
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L’APPEL D’IBRAHIMOVIC ÉTUDIÉ LE 26 MARS.– LE 27 FÉVRIER, la commission de discipline de l’UEFA infligeait deux matches de suspension ferme à Zlatan Ibrahimovic, expulsé deux semaines plus tôt à Valence pour une semelle sur le Mexicain Andres Guardado, lors du huitième de finale aller de Ligue des champions (2-1). L’attaquant du PSG et son club, qui ont fait appel de cette décision, seront définitivement fixés le 26 mars prochain. L’UEFA a en effet retenu cette date pour examiner le cas du Suédois et décider si sa peine est réduite ou… allongée. Ibrahimovic a purgé un match de suspension, le 6 mars, lors du huitième de finale retour face à Valence (1-1) et devrait être privé du quart de finale aller face au Barça, le 2 avril. Car la sanction a des chances de demeurer inchangée, au vu de la jurisprudence pour un carton rouge direct, qui donne à chaque fois deux matches ferme à l’expulsé. – E. M.
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Le Barça ne va penser qu’à ça
Largement en tête de la Liga, le club catalan va pouvoir consacrer toute son énergie au double affrontement contre le Paris-SG.
LE RAYO VALLECANO (8e de Liga) ce dimanche, à domicile, un déplacement à Vigo (19e) trois jours avant le match aller, et la réception de Majorque (18e) entre les deux manches : le programme du FC Barcelone en Championnat, autour du double affrontement contre le Paris-SG, les 2 et 10 avril, n’a rien d’effrayant. Avec leurs treize points d’avance sur le Real Madrid, les Catalans ont même de quoi voir venir et peuvent préserver leurs forces pour la Ligue des champions, comme ils l’avaient fait avant le huitième de finale retour contre l’AC Milan (4-0), mardi.
Ducoup, même si neuf Barcelonais (Valdés, Jordi Alba, Piqué, Busquets, Fabregas, Iniesta, Xavi, Pedro et Villa) disputeront le France-Espagne qui aura lieu une semaine avant le match aller, même si les Argentins Messi et Mascherano auront, le même jour, un déplacement pénible à La Paz (3 600 mètres d’altitude), en Bolivie, il ne faudra pas trop s’inquiéter pour la forme physique du Barça, où Xavi, actuellement blessé (ischio-jambiers), aura le temps de se remettre.
L’absence de Carles Puyol, opéré hier du genou droit (voir ci-dessous) est, en revanche, un handicap, dans l’optique de ces quarts de finale. L’équipe catalane a certes réussi sa démonstration, contre l’AC Milan, avec une défense centrale Piqué-Mascherano, mais l’Argentin devra être prudent au Parc des Princes, puisqu’un carton jaune le priverait du match retour.
Vilanova bientôt de retour
L’autre point noir, c’est la suspension de Pedro, à l’aller. Même si l’absence de l’ailier espagnol ne revêt pas la même importance pour le Barça que celle de Zlatan Ibrahimovic pour le Paris-SG, sa vitesse et ses courses défensives peuvent manquer à son équipe. Le staff de l’équipe catalane aura cependant deux matches pour trouver la meilleure solution de remplacement, qui pourrait être incarnée par Alexis Sanchez ou Cesc Fabregas, puisque David Villa, titulaire et buteur mardi, a sans doute gagné sa place dans l’équipe type, pour les prochaines grandes échéances. Victor Valdés, lui, ne jouera qu’en sélection d’ici à la double confrontation contre les Parisiens. La sanction de quatre matches de suspension du gardien catalan ayant été confirmée en appel, les seules rencontres que disputera Valdés seront celles de la Roja contre la Finlande (le 22 mars) et la France (le 26), en raison de la blessure au pouce gauche d’Iker Casillas.
Dans la vie de groupe, ces contrariétés devraient cependant peser assez peu au regard de l’élan qu’est susceptible d’apporter le retour de Tito Vilanova auprès de ses joueurs. Soigné à NewYork depuis le 21 janvier, pour une tumeur à la glande parotide, et remplacé depuis par son adjoint, Jordi Roura, l’entraîneur barcelonais est attendu à Barcelone le 25 mars, selon une confidence faite mardi par Carles Rexach, conseiller de la direction du club. L’ancien adjoint de Pep Guardiola sera donc probablement revenu pour préparer ce quart de finale et, si sa santé le lui permet, pour diriger son équipe au Parc des Princes. – L. D.
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OPÉRÉ, PUYOL NE VERRA PAS PARIS. – L’information, révélée dans la soirée par deux médias catalans, a surpris tout le monde : Carles Puyol a été soumis, hier, à une arthroscopie du genou droit. Un peu plus tôt dans la journée, Vicente Del Bosque avait justifié son absence de la liste communiquée pour les matches contre la Finlande (22 mars) et la France (26 mars), en expliquant qu’il avait une « gêne ».
Sa non-titularisation contre l’AC Milan (4-0) mardi pourrait aussi s’expliquer par ce problème au genou droit, déjà opéré le 12 mai 2012 et qui l’avait empêché de participer à l’Euro. Ces derniers jours, Puyol aurait de nouveau ressenti une douleur à la même articulation. Cette opération est aussi la seconde de la saison pour Puyol, après sa luxation du coude, le 2 octobre, à Lisbonne contre Benfica (2-0). Il sera forfait pour les quarts de finale de la Ligue des champions, contre le Paris-SG, et pourrait manquer un mois et demi de compétition. – L. D.
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Nom: Alex
Lentement mais sûrement
Ours sur un terrain, nounours en dehors, Alex figure parmi les valeurs sûres du PSG quand son corps le laisse tranquille. À 30 ans, « le Tank » cultive son profil de toujours. Celui d’un défenseur à la vitesse raillée, parfois, mais à la puissance jamais contestée.
IL EXISTE donc une machine à remonter le temps. Un Brésilien du PSG, l’un des rares footballeurs de ce siècle sans identité numérique sur les réseaux sociaux, presque une pièce manquante sur la Toile. Un joueur rétif aux consoles de jeu, qui vibre comme pas deux lorsque l’écran, dans le salon, diffuse une telenovela aux lumières surannées. Alex Rodrigo Dias da Costa vit notre époque à distance des carcans de la bulle footballistique. Il ne fuit pas les médias, anciens ou nouveaux, pour cultiver une quelconque énigme.
C’est plutôt qu’il ne les aime pas. Pas assez charismatique sur les terrains, trop tranquille en dehors : il n’est jamais trop compliqué de trouver un motif de ne pas s’intéresser à cet homme, né comme Leonardo à Niteroi, juste en face de Rio de Janeiro.
Qui se cache derrière ce « zagueiro » de trente ans, ce défenseur central que des clubs comme le Real Madrid, l’AC Milan, le Bayern Munich et Arsenal ont envisagé un jour de recruter ? Que vaut ce joueur qui recueille les faveurs de l’immense Thiago Silva pour composer la charnière du Paris-Saint-Germain ? Emerson Leao, l’ancien gardien international brésilien, sélectionneur express des Auriverde (2000-2001), garde les yeux de l’amour pour celui qu’il a lancé à Santos, en 2002, aux côtés d’André Luis, ce « central » furtivement passé par l’OM (2005-2006). « Pour moi, dit Leao, Alex fait encore partie du top 10 des meilleurs défenseurs du monde. Je regrette qu’il ne soit pas plus respecté dans le milieu. C’est un joueur sous-coté. »
Il y a onze ans, Leao avait opté pour un choix à contrecourant. « Alex n’était pas utilisé dans les équipes de jeunes. Personnellement, j’étais convaincu qu’il deviendrait un très grand. Malgré son gabarit, il était très rapide. Et très puissant. »
Au fil du temps, on peut toujours voir en Alex un rempart très puissant. Très rapide? Il faut croire Leao sur parole, parce que l'image européenne du défenseur a rarement brossé l'idée d'un tank qui reviendrait comme une furie essuyer ses chenilles sur ses adversaires quand le ballon s'échappe dans son dos.
De sa voix zen, il souligne lui-même l'érosion évidente - «A trente ans, tu ne cours plus aussi vite qu'à vingt-trois... » - et souffle que ses douleurs au genou droit, objet d'une arthroscopie en novembre 2010, ont froissé son âge d'or. Il garde sa main posée sur ce genou lorsqu'il en parle: « Un défenseur atteint sa plénitude à partir de vingt-huis ans. Moi, c'est à cet âge que j'ai eu ma grave blessure au genou. Ce n'est pas la meilleure chose qui puisse vous arriver pour vous permettre de rayonner par la suite. »
Alex ne laisse transparaitre aucun agacement lorsqu'on insiste sur l'état de son corps, une charpente forte qui semble s'abimer mécaniquement dès que s'enchainent des matches à haute intensité. « Il est dur pour un footballeur de jouer sans la moindre petite douleur. Le problème, c'est surtout de retrouver toutes ses sensations après une grave blessure. Je n'ai plus de douleurs à mon genou, mais je dois toujours le soumettre à un travail spécifique pour que tout se passe bien. Deux ans auparavant, cela avait été plus difficile à gérer parce qu'il y avait eu une infection après l'opération. J'ai du beaucoup travailler, ensuite, pour retrouver ma masse musculaire. Au fond, cette histoire m'a fait perdre un an dans ma carrière. »
Cette carrière n'a pas toujours couru après le temps. En 2004, Alex a vingt-deux ans lorsqu'il quitte Santos après avoir été repéré par Pete de Viser, un recruteur néerlandais qui prospecte alors au Brésil à la fois pour le PSV Eindhoven et pour Chelsea. Le premier n'a pas les moyens de l'acheter; le second, si. Mais parce qu'il n'a pas encore mis les pieds en Selecao, la recrue axiale ne peut pas rejoindre les Blues de William Gallas (*). Chelsea embauche Alex contre 7,5 M€, puis négocie un accord avec le PSV: le joueur restera au moins deux ans aux Pays-Bas, le temps d'obtenir son permis de travail anglais.
« Quand Alex est arrivé ici, il paraissait tellement lourd lors du premier entrainement que tout le monde s'est dit: mais qui sont-ils allés acheter? » se souvient Jeroen Kapteijns, ex-specialiste du PSV pour le quotidien néerlandais De Telegraaf. Pedro Salazar, lui, était à l'époque le directeur de la communication du club. Chilien d'origine, il apportait un soin particulier à l'intégration des recrues sud-américaines. « Alexinho », comme il l’appelle, est devenu son ami. « Les fans du PSV étaient sceptiques, observe-t-il. Parce que Alex était gros et défenseur. Pour eux, recruter un Brésilien n’avait d’intérêt que si c’était un attaquant. Ce public avait quand même vu passer Ronaldo et Romario... »
Alex va devoir chasser le brouillard qui enveloppe ses premiers pas en Europe. Après Leao à Santos, un autre entraîneur, Guus Hiddink, renifle alors le potentiel du défenseur brésilien, qu’il associe tour à tour à deux Oranje en place, Wilfred Bouma et André Ooijer. « Il a eu besoin de quelques semaines pour s’adapter au climat, à la nourriture, se remémore Pedro Salazar. Peu à peu, il s’est fondu dans la petite colonie sud-américaine du PSV autour d’Heurelho Gomes, son compatriote gardien de but, et de Jefferson Farfan, l’attaquant péruvien. Il est toujours resté exemplaire, toujours à l’heure aux retours de vacances, ce qui n’était pas toujours le cas des joueurs brésiliens. Au fond, il a vite pris ses marques : au bout de deux mois, il était déjà considéré comme le meilleur défenseur du Championnat... » Jeroen Kapteijns, le journaliste du Telegraaf, dresse cette comparaison : « Il jouait comme un animal. Il mangeait ses adversaires. Ne leur donnait ni espaces pour bouger ni air pour respirer. »
À Eindhoven, au milieu des Robben, Cocu et autres Van Bommel, le volumineux Alex finit par éloigner les critiques initiales pour éveiller une admiration encore vivace aujourd’hui. Alex, le gros Alex, devient « le Tank », un tank dévastateur qui livre une guerre sans merci dans les airs et pilonne les adversaires de ses coups francs de tueur qui éclateront plus tard à la face de l’Europe, notamment lors d’un légendaire quart de finale retour de C 1 entre Chelsea et Liverpool (4-4, le 14 avril 2009). Le coup franc, cet art devenu difficile à exercer en 2013, dans le PSG de David Beckham et Zlatan Ibrahimovic.
Il accepte la nouvelle donne sans faire de vagues, une ligne directrice de sa carrière : « Ce n’est pas un problème de ne plus tirer les coups francs, surtout s’ils se transforment en but. Bien sûr, parfois, ça me démange. Je sens bien le coup, surtout sur les coups francs à longue distance. Mais Ibra, ceux-là, il les adore... »
Le 2 août 2007, les autorités britanniques lui délivrent le permis de travail tant attendu, le signe qu’Alex, entre-temps, a vu s’ouvrir les portes or et vert de la Seleçao. En juillet 2007, Dunga l’alignera même avec Juan dans la défense centrale du Brésil qui remporte au Venezuela la Copa America 2007. Un instant en haute altitude, avant l’enlisement de sa brève histoire auriverde, bouclée au pays par une quinzième et ultime sélection contre le Venezuela (0-0, le 14 octobre 2009).
Trois ans après son arrivée en Europe, le Tank quitte donc sa caserne néerlandaise pour rallier le régiment de Chelsea, son club propriétaire, où José Mourinho traverse ses derniers mois sur le banc. Fin 2007, Avram Grant, le successeur israélien du Portugais, recrute le Serbe Branislav Ivanovic. Un concurrent de plus pour Alex, déjà contraint, pour gratter du temps de jeu, de batailler face au monument John Terry et au solide Ricardo Carvalho.
L’arrivée de Luiz Felipe Scolari durant l’été 2008 semble un temps affermir sa position dans la hiérarchie, aux côtés de Terry. Pas assez au goût du Brésilien, qui demande à quitter les Blues. Nous sommes en janvier 2009. Un mois plus tard, une lueur : Guus Hiddink, son ex-mentor au PSV, succède à Scolari. Un intérim de quelques mois qui précède, l’été venu, l’ouverture d’un nouveau cycle chapeauté par un certain Carlo Ancelotti.
Face à ce tourbillon de coaches, Alex peine à trouver ses repères. Mentalement, le Tank tangue. « Il a pu ressentir un manque de confiance, remarque Christophe Lollichon, entraîneur des gardiens à Chelsea. Comme beaucoup de Brésiliens, il avait besoin d’être bien dans sa tête pour s’épanouir sur le terrain. Le turn over en défense centrale et le nombre élevé de managers à se succéder ont semblé le perturber par moments. Alex a de la personnalité, mais il ne sait peut-être pas se faire entendre. Ou disons qu’il essaye de comprendre la situation et attend la limite avant d’aller voir l’entraîneur pour lui demander des explications. »
À partir de 2008, des blessures commencent à pourrir ce séjour londonien qu’Alex vit à l’ombre des ego des cadors défensifs de l'effectif. L'engagement, alors, pour compenser les divers pansements: « C'est quelqu'un qui cherche un peu son jeu et qui donne parfois l'impression de subir son corps, poursuit Lollichon. Mais c'est un battant, un monstre physique, qui n'aime pas être pris en défaut. Comme c'est un gabarit massif qui manque de vitesse, il est obligé d'avoir une très bonne lecture du jeu et d'anticiper en permanence. »
Des qualités qui ne suffiront jamais à l'enraciner complètement dans la colonne vertébrale de Chelsea. En janvier 2011, le recrutement de Davi Luiz, transféré de Benfica pour 24 M€, enclenche un processus de rupture qui s'achèvera tristement, un an plus tard, dans le vestiaire des jeunes de l'Academy de Chelsea, aux cotés de Nicolas Anelka, l'autre banni de la « First Team ». A Cobham, le Brésilien - 135 matches avec Chelsea - n'est même plus autorisé à garer sa voiture sur le parking de l'équipe première.
Quatorze mois après qu'un entraineur italien lui a tendu la main au PSG, Alex a-t-il remonté la pente? Oui, globalement, dans un club où Mamadou Sakho semblait parti pour incarner un cadre local inamovible. Recruté pour 5 M€, le rigoureux Brésilien a ébranlé la hiérarchie, aidé aussi par la préférence manifestée, début octobre par Thiago Silva, l'un des joueurs de poids, avec Ibrahimovic, à avoir l'oreille d'Ancelotti. A Paris, Alex s'est immergé dans un petit monde brésilien, celui de Silva, Maxwell, Lucas et Thiago Motta, le naturalisé italien. Cet été, au plus tard le suivant, au terme de son contrat, il envisage de revenir à Santos pour y boucler sa carrière.
En attendant, l'homme paisible a déjà le sentiment qu'en passant de Londres à Paris, il s'est rapproché de sa terre. « Parfois, je me dis que les Francais vivent le foot comme les Brésiliens. Il y a cette forme de fanatisme. A Chelsea, c'était plus calme au quotidien. J'aime bien l'atomsphère de Paris. Sentir cet engouement te fait mesurer le poids de tes responsabilités. Il te donne envie de rendre les gens heureux. Je les sens impatients de voir Paris champion. » Si le PSG gagne le titre, le tank Alex aura mérité son défilé sur les Champs.
JEROME TOUBOUL (avec E. F. et R. B.)
(*) Pour obtenir un permis de travail en Angleterre, un joueur originaire d'un pays hors-UE doit avoir disputé 75% des matches de compétitions internationales de son pays au cours des deux années précédant sa demande de permis.
L'Equipe