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Le 03/02/2010 à 07:30 - Mis à jour le 03/02/2010 à 09:23
Les petits secrets de Sébastien Bazin, DG de Colony Capital Europe
Sous des airs frondeurs se cache un redoutable négociateur. Portrait de l’actionnaire de référence d’Accor et de Carrefour, et président du PSG.
«Bazin, casse-toi !», clament les supporters parisiens à chaque défaite du PSG. Pour ces poètes incompris, le patron du club est devenu l’ennemi public numéro 1. Le comble, c’est que le foot ne pèse pas lourd dans les affaires de ce roi de l’immobilier, connu pour avoir vendu à prix d’or l’enseigne Buffalo Grill et diverses tours de la Défense. A la tête du fonds Colony Capital en Europe, cet élégant de 48 ans s’est invité par surprise dans la cour des grands.
Avec Eurazeo, depuis 2005, il a ramassé 30,3% du capital d’Accor. Il s’est aussi associé avec Bernard Arnault pour rafler 13,5% de Carrefour. Son idée: séparer les murs du business proprement dit pour mieux les valoriser en Bourse. Raté ! Jusqu’à présent, la crise a contrarié ses plans. Et sa moins-value potentielle est estimée aujourd’hui à plus de 1 milliard d’euros. Mais Bazin, qui accuse souvent vingt minutes de retard à ses rendez-vous, est prêt à patienter.
Son petit diplôme
Sur le papier, le jeune Sébastien avait tout pour réussir ses études: des parents administrateurs de biens, une enfance dorée dans le XVIe, un enseignement strict au lycée catholique Saint-Jean-de-Passy. Résultat ? Pas terrible. Certes, avec une maîtrise de gestion décrochée à la Sorbonne, il a fait mieux que ses trois sœurs et que son frère, Jean-Baptiste, éleveur de labradors en Normandie. Mais tout de même. «C’est à cause de ses yeux bleus ravageurs, plaide un vieux copain: il passait son temps à faire la sortie de Lübeck.» L’école de filles du quartier…
Son piston américain
Marié à 24 ans, le jeune homme est parti tenter sa chance à New York. Une expatriation douillette: son beau-père, Guy de Chabaneix, qui siégeait au conseil d’administration du spécialiste de l’aluminium Kaiser, l’a fait entrer comme trader. Pas de chance: le krach boursier du 19 octobre 1987 a entraîné la vente de l’entreprise. Et anéanti la carrière à Wall Street du gendre, parti dans les bagages de beau-papa.
Son sulfureux mentor
«Si je n’avais pas eu tous ces ennuis, on me féliciterait d’avoir formé Sébastien.» Clément Vaturi n’est pas dupe: depuis sa condamnation à deux ans de prison avec sursis dans une affaire de fausses factures, ce promoteur italo-égyptien ne figure plus dans le CV officiel de Bazin. C’est pourtant lui, le patron du groupe Immobilièrehôtelière, qui a tout appris au futur cador de Colony. En 1992, il avait même fait de ce garçon de 31 ans son directeur général. Ensemble, les deux hommes ont monté la minichaîne de palaces Amanresorts. Fin de l’aventure en 1997, quand la justice s’est intéressée à leur comptabilité. «Sébastien n’a jamais été inquiété, parce qu’il n’avait rien à se reprocher», assure son protecteur.
Son «vieil» ami de l’Elysée
Pour plaisanter, Sébastien Bazin aime à dire qu’il a rencontré Nicolas Sarkozy «à la maternelle». Après un silence, il précise: «Celle de ma fille.» Lors de la prise d’otages du 13 mai 1993, à Neuilly, Fleur, la cadette de ses quatre enfants, faisait partie des vingt et un bambins retenus en otages, et libérés trente-six heures plus tard. Depuis, le financier ne cache pas son admiration pour le chef de l’Etat. Les deux hommes, fans de foot, se croisent à l’occasion dans la tribune officielle du Parc des Princes. On sait moins que le président a fait venir Bazin dans sa résidence de La Lanterne, à Versailles, pour l’interroger sur ses intentions au sujet d’Accor et de Carrefour. «Nicolas Sarkozy veut être certain que Colony ne jouera pas les vautours, avance un proche du dossier. Il y a quand même 600 000 emplois en jeu.»
Ses meurtres de sang-froid
Dans la famille coupeur de têtes, Sébastien Bazin a inventé la version sympa. En octobre 2005, il lance au patron d’Accor, Jean-Marc Espalioux: «Tu n’exécutes pas mon plan, tu dois partir.» Mais, depuis, il l’invite parfois à déjeuner à l’Interalliée. En novembre 2008, il a aussi débarqué José Luis Duran de la présidence de Carrefour en lui lâchant: «Tu es dans le groupe depuis dix-huit ans, il faut du sang neuf.» Huit mois plus tard, il était au premier rang lorsque Christine Lagarde a remis la Légion d’honneur au manager espagnol. «Sébastien peut vous adorer et vous virer. Il passe de l’affect au business sans problème», confie Alain Cayzac, l’ex-patron du PSG, lui aussi poussé dehors. Seul absent de l’«amicale des remerciés» : Serge Weinberg. L’ancien président d’Accor n’a toujours pas avalé la suppression de son poste en février dernier. Ni que Bazin lui propose, comme une aumône, un bureau chez Colony, le temps de retrouver un job.
Son improbable duo avec Bernard Arnault
Mais pourquoi a-t-il été chercher le magnat du luxe pour investir dans Carrefour ? «Parce que lui seul en avait les moyens», fait dire Bazin aux curieux. En réalité, les deux associés ne se côtoient guère, Bernard Arnault laissant son fidèle bras droit, Nicolas Bazire, gérer cette participation. Préséance oblige: pour les grandes décisions, Sébastien Bazin se déplace chez le milliardaire. Ce dernier lui en veut-il pour ce mauvais placement ? «Il n’y a pas l’ombre d’une divergence», assure l’entourage d’Arnault. Jusqu’à quand ?
Son bail incertain au PSG
«5% de mon temps, 95% de mes ennuis», a-t-il coutume de dire au sujet du club. En reprenant le PSG au printemps 2006, Sébastien Bazin pensait mettre la main sur le Parc des Princes, avec l’idée de construire un complexe immobilier autour: des bureaux, une crèche, des restaurants. Or rien ne s’est passé comme prévu. L’architecte de 83 ans, Roger Taillibert, renâcle à toucher à son bébé. Le terrain de la rue Claude-Farrère, où Colony envisageait de construire un parking, n’a toujours pas pu être acquis. Et voilà maintenant que Bertrand Delanoë veut lancer un appel d’offres public pour accorder un bail de cinquante ans sur le stade. «Nous ne serons peut-être pas candidats», a laissé entendre Bazin au maire. Du bluff ?
Ses vacances de bénédictin
Les virées en yacht et le bronzage parfait toute l’année, il laisse ça à son patron, Tom Barrack, un Américain d’origine libanaise. Pour les vacances, Sébastien Bazin préfère le charme discret et pluvieux de Saint-Lunaire, un village chic de la côte bretonne où il côtoie notamment son ami Bernard Liautaud, le fondateur de Business Objects. Très attaché à la région, Bazin, fils de Malouins, y possède une villa en front de mer et le bateau pneumatique à moteur qui va avec. Il a aussi racheté deux commerces en déshérence, afin de les transformer en boulangerie et en boutique de décoration. L’an dernier, il a même donné près de 40 000 euros au tennis-club du coin, où ses parents se sont rencontrés. «Si on ne fait rien, des promoteurs viendront racheter le terrain pour tout bétonner», a-t-il expliqué au maire, Michel Penhouët. Parole d’expert…
Sa table au Fouquet’s
Pour garder la ligne, le financier est abonné aux délicieux poissons du Fouquet’s, sa cantine, située à deux pas du siège de Colony
Les soirées à risque de son fils
Inconditionnel du PSG, son aîné, Martin, pousse la passion jusqu’à faire les déplacements avec les ultras. Il était ainsi du fameux voyage à Marseille, qui a tourné à la guérilla urbaine.
Ses coups droits dans le filet
Malgré les leçons de son père, autrefois champion de tennis de Bretagne, Sébastien Bazin n’a jamais fait de miracle sur terre battue. A l’exception du jour où il a mis 40 000 euros dans le tennis-club de Saint-Lunaire.
Sa belle allemande
Fan de voitures de collection, il possède une demi-douzaine de modèles de prix, dont ce cabriolet Mercedes 190SL de1956.
Olivier Bouchara
Les petits secrets de Sébastien Bazin, DG de Colony Capital Europe
Sous des airs frondeurs se cache un redoutable négociateur. Portrait de l’actionnaire de référence d’Accor et de Carrefour, et président du PSG.
«Bazin, casse-toi !», clament les supporters parisiens à chaque défaite du PSG. Pour ces poètes incompris, le patron du club est devenu l’ennemi public numéro 1. Le comble, c’est que le foot ne pèse pas lourd dans les affaires de ce roi de l’immobilier, connu pour avoir vendu à prix d’or l’enseigne Buffalo Grill et diverses tours de la Défense. A la tête du fonds Colony Capital en Europe, cet élégant de 48 ans s’est invité par surprise dans la cour des grands.
Avec Eurazeo, depuis 2005, il a ramassé 30,3% du capital d’Accor. Il s’est aussi associé avec Bernard Arnault pour rafler 13,5% de Carrefour. Son idée: séparer les murs du business proprement dit pour mieux les valoriser en Bourse. Raté ! Jusqu’à présent, la crise a contrarié ses plans. Et sa moins-value potentielle est estimée aujourd’hui à plus de 1 milliard d’euros. Mais Bazin, qui accuse souvent vingt minutes de retard à ses rendez-vous, est prêt à patienter.
Son petit diplôme
Sur le papier, le jeune Sébastien avait tout pour réussir ses études: des parents administrateurs de biens, une enfance dorée dans le XVIe, un enseignement strict au lycée catholique Saint-Jean-de-Passy. Résultat ? Pas terrible. Certes, avec une maîtrise de gestion décrochée à la Sorbonne, il a fait mieux que ses trois sœurs et que son frère, Jean-Baptiste, éleveur de labradors en Normandie. Mais tout de même. «C’est à cause de ses yeux bleus ravageurs, plaide un vieux copain: il passait son temps à faire la sortie de Lübeck.» L’école de filles du quartier…
Son piston américain
Marié à 24 ans, le jeune homme est parti tenter sa chance à New York. Une expatriation douillette: son beau-père, Guy de Chabaneix, qui siégeait au conseil d’administration du spécialiste de l’aluminium Kaiser, l’a fait entrer comme trader. Pas de chance: le krach boursier du 19 octobre 1987 a entraîné la vente de l’entreprise. Et anéanti la carrière à Wall Street du gendre, parti dans les bagages de beau-papa.
Son sulfureux mentor
«Si je n’avais pas eu tous ces ennuis, on me féliciterait d’avoir formé Sébastien.» Clément Vaturi n’est pas dupe: depuis sa condamnation à deux ans de prison avec sursis dans une affaire de fausses factures, ce promoteur italo-égyptien ne figure plus dans le CV officiel de Bazin. C’est pourtant lui, le patron du groupe Immobilièrehôtelière, qui a tout appris au futur cador de Colony. En 1992, il avait même fait de ce garçon de 31 ans son directeur général. Ensemble, les deux hommes ont monté la minichaîne de palaces Amanresorts. Fin de l’aventure en 1997, quand la justice s’est intéressée à leur comptabilité. «Sébastien n’a jamais été inquiété, parce qu’il n’avait rien à se reprocher», assure son protecteur.
Son «vieil» ami de l’Elysée
Pour plaisanter, Sébastien Bazin aime à dire qu’il a rencontré Nicolas Sarkozy «à la maternelle». Après un silence, il précise: «Celle de ma fille.» Lors de la prise d’otages du 13 mai 1993, à Neuilly, Fleur, la cadette de ses quatre enfants, faisait partie des vingt et un bambins retenus en otages, et libérés trente-six heures plus tard. Depuis, le financier ne cache pas son admiration pour le chef de l’Etat. Les deux hommes, fans de foot, se croisent à l’occasion dans la tribune officielle du Parc des Princes. On sait moins que le président a fait venir Bazin dans sa résidence de La Lanterne, à Versailles, pour l’interroger sur ses intentions au sujet d’Accor et de Carrefour. «Nicolas Sarkozy veut être certain que Colony ne jouera pas les vautours, avance un proche du dossier. Il y a quand même 600 000 emplois en jeu.»
Ses meurtres de sang-froid
Dans la famille coupeur de têtes, Sébastien Bazin a inventé la version sympa. En octobre 2005, il lance au patron d’Accor, Jean-Marc Espalioux: «Tu n’exécutes pas mon plan, tu dois partir.» Mais, depuis, il l’invite parfois à déjeuner à l’Interalliée. En novembre 2008, il a aussi débarqué José Luis Duran de la présidence de Carrefour en lui lâchant: «Tu es dans le groupe depuis dix-huit ans, il faut du sang neuf.» Huit mois plus tard, il était au premier rang lorsque Christine Lagarde a remis la Légion d’honneur au manager espagnol. «Sébastien peut vous adorer et vous virer. Il passe de l’affect au business sans problème», confie Alain Cayzac, l’ex-patron du PSG, lui aussi poussé dehors. Seul absent de l’«amicale des remerciés» : Serge Weinberg. L’ancien président d’Accor n’a toujours pas avalé la suppression de son poste en février dernier. Ni que Bazin lui propose, comme une aumône, un bureau chez Colony, le temps de retrouver un job.
Son improbable duo avec Bernard Arnault
Mais pourquoi a-t-il été chercher le magnat du luxe pour investir dans Carrefour ? «Parce que lui seul en avait les moyens», fait dire Bazin aux curieux. En réalité, les deux associés ne se côtoient guère, Bernard Arnault laissant son fidèle bras droit, Nicolas Bazire, gérer cette participation. Préséance oblige: pour les grandes décisions, Sébastien Bazin se déplace chez le milliardaire. Ce dernier lui en veut-il pour ce mauvais placement ? «Il n’y a pas l’ombre d’une divergence», assure l’entourage d’Arnault. Jusqu’à quand ?
Son bail incertain au PSG
«5% de mon temps, 95% de mes ennuis», a-t-il coutume de dire au sujet du club. En reprenant le PSG au printemps 2006, Sébastien Bazin pensait mettre la main sur le Parc des Princes, avec l’idée de construire un complexe immobilier autour: des bureaux, une crèche, des restaurants. Or rien ne s’est passé comme prévu. L’architecte de 83 ans, Roger Taillibert, renâcle à toucher à son bébé. Le terrain de la rue Claude-Farrère, où Colony envisageait de construire un parking, n’a toujours pas pu être acquis. Et voilà maintenant que Bertrand Delanoë veut lancer un appel d’offres public pour accorder un bail de cinquante ans sur le stade. «Nous ne serons peut-être pas candidats», a laissé entendre Bazin au maire. Du bluff ?
Ses vacances de bénédictin
Les virées en yacht et le bronzage parfait toute l’année, il laisse ça à son patron, Tom Barrack, un Américain d’origine libanaise. Pour les vacances, Sébastien Bazin préfère le charme discret et pluvieux de Saint-Lunaire, un village chic de la côte bretonne où il côtoie notamment son ami Bernard Liautaud, le fondateur de Business Objects. Très attaché à la région, Bazin, fils de Malouins, y possède une villa en front de mer et le bateau pneumatique à moteur qui va avec. Il a aussi racheté deux commerces en déshérence, afin de les transformer en boulangerie et en boutique de décoration. L’an dernier, il a même donné près de 40 000 euros au tennis-club du coin, où ses parents se sont rencontrés. «Si on ne fait rien, des promoteurs viendront racheter le terrain pour tout bétonner», a-t-il expliqué au maire, Michel Penhouët. Parole d’expert…
Sa table au Fouquet’s
Pour garder la ligne, le financier est abonné aux délicieux poissons du Fouquet’s, sa cantine, située à deux pas du siège de Colony
Les soirées à risque de son fils
Inconditionnel du PSG, son aîné, Martin, pousse la passion jusqu’à faire les déplacements avec les ultras. Il était ainsi du fameux voyage à Marseille, qui a tourné à la guérilla urbaine.
Ses coups droits dans le filet
Malgré les leçons de son père, autrefois champion de tennis de Bretagne, Sébastien Bazin n’a jamais fait de miracle sur terre battue. A l’exception du jour où il a mis 40 000 euros dans le tennis-club de Saint-Lunaire.
Sa belle allemande
Fan de voitures de collection, il possède une demi-douzaine de modèles de prix, dont ce cabriolet Mercedes 190SL de1956.
Olivier Bouchara