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CE SOIR, IL Y A DES ÉTOILES PARTOUT
Habitué au rôle d’ogre en L 1, le PSG défie, aujourd’hui, le géant de ces dernières années. Sur le papier, il ne possède qu’une petite chance d’éliminer le FC Barcelone mais veut croire en ses atouts.
Paris dans le rôle du petit, c’est pour ce soir. Face à l’immense Barça et ses incroyables talents, le leader de la Ligue 1 ne part pas en situation de favori dans ce quart de finale aller de Ligue des champions. Si aucune recette ne se dégage pour être sûr de mettre en échec les Catalans, le PSG possède des armes pour y croire. Un peu.
LE TIRAGE AU SORT des quarts de finale effectué et l’émotion à peine digérée, la question est revenue sans cesse : comment battre Barcelone ? Les points de vue ont beau converger, ils ont autant de difficultés à convaincre qu’un défenseur à contenir Leo Messi. Commencer par resserrer les lignes, entend-on ici ou là. C’est connu, les adversaires du Barça sont souvent tentés d’abandonner des espaces aux Catalans… Couper la relation avec l’attaquant argentin, précisent d’autres. Là encore, aucun entraîneur n’y avait songé… Les empêcher, autant que possible, de développer leur jeu à une touche, avancent les moins téméraires qui insistent bien sur le « autant que possible ». Très bien mais comment ? En découpant le porteur du ballon, en le plaquant au sol et en comptant sur la bienveillance de l’arbitre, M. Stark ?
Vue d’ici, la montagne semble haute pour les appétits parisiens et il apparaît difficile de ne pas être rationnel devant la tâche qui attend les joueurs de la capitale. Même si, sur un match, l’exploit est possible, il y aura toujours un retour pour rappeler qu’éliminer ce Barça revient à escalader l’Everest deux fois de suite. Et il y aura toujours Messi pour faire rôder une menace permanente au cas où l’adversaire se rapprocherait du sommet. En Espagne, l’Argentin a marqué contre toutes les équipes de Liga cette saison. En Ligue des champions, seul le Benfica Lisbonne n’a pas subi la foudre du quadruple Ballon d’Or, qui n’avait pas participé au match retour (0-0, le 5 décembre) et, depuis un mois, ce dernier marque à chaque rencontre de Barcelone. Et il faudrait que Paris brise le cours de cette série ?
Lutter et réfléchir
Il le faudrait, oui, c’est même le début d’une idée. Parce que depuis janvier, à chaque fois que le prodige argentin n’a pas trouvé le chemin des filets, le Barça n’a pas gagné. Cette condition est nécessaire pour croire en un destin européen du PSG mais elle risque de ne pas suffire. En fait, ne pas du tout encaisser de but à l’aller ne figure même pas une exigence suffisante pour rêver d’un tour de plus, l’AC Milan pourrait en témoigner (1). Mais Paris présente d’autres arguments que les Milanais. D’abord, il a Ibra, requalifié par l’UEFA (2) co-meilleur passeur de la compétition et avide de s’affirmer, enfin, dans un quart de finale de C 1. Mais le PSG a aussi d’autres joueurs d’envergure internationale sur lesquels s’appuyer et le profil parfait pour récolter les quelques graines de doute que les vice-champions d’Italie ou le Real Madrid, plus récemment (3), ont semées dans les rangs catalans.
Vu par Carlo Ancelotti, le projet est excitant, forcément. Sur sept quarts de finale comme entraîneur, l’Italien s’est qualifié à cinq reprises et il aborde celui qui s’avance drapé d’un statut d’outsider qui lui convient. « Tout le monde doit être content de jouer ce match, déclarait-il, hier. Affronter le Barça est difficile pour toutes les équipes. J’espère juste voir un PSG courageux, qui jouera avec personnalité. » D’une certaine manière, Ancelotti, comme le reste de la France du football, se demande si le PSG dans sa version qatarienne est à la veille du grand exploit qui pousserait enfin le pays à se pâmer pour ses stars et rassurerait Nasser al-Khelaïfi, un président inquiet de la cote de popularité de son club.
Sur une pelouse du Parc comme une piste aux étoiles, il vaudrait mieux que la réponse reste en suspens, aux environs de 23 heures, après un match aller qui, vu de Paris, pourrait tendre autant vers le combat que vers la migraine. Car il faudra lutter et réfléchir pour bousculer ce Barça, indéniable favori, architecte d’un jeu sans pareil où l’harmonie collective le dispute aux exploits individuels. Face à une formation qui a tendance à passer autant par l’axe que par les côtés et bénéficiera d’une possession de balle insolente, Ancelotti a prévenu qu’il ne modifierait pas une approche tactique efficace depuis la victoire sur Porto (2-1, le 4 décembre). L’Italien sait que l’effet de surprise n’aurait qu’une portée limitée face à Barcelone. Lui mise sur la continuité.
DAMIEN DEGORRE
(1) Au tour précédent, l’AC Milan s’était imposé 2-0 à l’aller, avant de s’incliner 0-4 au retour.
(2) Il avait été suspendu deux matches après son expulsion, consécutive à une semelle lors du match aller contre Valence (2-1), en huitièmes de finale. Sa sanction a été réduite à un match la semaine passée.
(3) Le Real a battu le Barça deux fois en quatre jours : 3-1 au Camp Nou en Coupe du Roi (le 26 février) et 2-1 à Madrid en Liga (le 2 mars).
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Le calme avant la fête
Les conférences de presse n’ont réservé ni éclat de voix ni déclarations fracassantes. Dans les deux camps, on veut croire à une soirée de gala.
L’EXERCICE EST INGRAT, dans un auditorium du Parc des Princes surchauffé et bondé de journalistes venus de toute l’Europe. Sur l’estrade, un attaché de presse, un traducteur, puis un coach et un joueur de chaque équipe, qui défilent au rythme d’un protocole lissé et minuté. Pour être tout à fait honnête, ces moments débouchent rarement sur une immense information. Dehors, la présence d’une grosse centaine de supporters massés devant l’entrée du stade et qui fait du bruit pour mille dans un quartier déjà bouclé par la maréchaussée rappelle l’imminence du sommet. Mais on ne ressent pas dans l’air cette tension qui augure des grands soirs. Alors il y a bien eu ce moment, dans le camp parisien, entre détente et agacement, quand un journaliste anglais pose une question sur David Beckham à un Zlatan Ibrahimovic d’humeur courtoise : « En un mois, c’est la cinquième fois qu’on me pose la question de l’impact de Beckham. Mais je vais répondre, ne vous inquiétez pas », rétorque-t-il dans l’hilarité générale. Puis sur un ton qui rappelle celui de l’étudiant récitant sa leçon apprise par coeur, la star suédoise déroule : « Il a un gros impact, une grosse expérience. Il est fantastique avec le ballon, c’est un combattant, un gagneur, qui a un gros coeur. Et dans ces moments où on peut encore tout gagner, sauf la Coupe de la Ligue, c’est là qu’il peut être le plus important. Il connaît ces situations, et avec tout le respect que j’ai pour mes coéquipiers ce n’est pas le cas de tout le monde. » Quelques minutes plus tard, Carlo Ancelotti, flegmatique, tâche d’en dire le moins possible sur le dispositif tactique de son équipe ou la crainte qu’inspire le Barça de Leo Messi : « Ce ne sera pas simple non plus pour Barcelone de bloquer Ibrahimovic. On veut jouer notre football, être concentrés en attaque et en défense et ne pas trop penser aux qualités des joueurs adverses. Cette saison, on a été très bons en défense et en contre-attaque, mais aussi parfois en possession. Il faudra montrer ça aussi si on veut faire quelque chose de positif. » Ces vingt-cinq minutes de conférence très formelle succèdent aux quarante minutes accordées par le clan espagnol. En tenue d’entraînement, l’attaquant barcelonais David Villa s’était présenté le premier, pour dire à quel point les Catalans avaient appris de la défaite du match aller à Milan (0-2) en huitièmes de finale et le respect que lui inspirait ce PSG new-look. Puis ce fut au tour de Jordi Roura, l’adjoint de Tito Vilanova, de passer sous le feu de questions qui ne trouvaient pas toujours de réponse, sinon une : l’entraîneur catalan sera bien sur le banc ce soir : « C’est le chef, et son retour est donc important, tant sur le plan personnel que professionnel. Cela signifie le retour à la normale. » Et ce n’est peut-être pas le meilleur des présages pour Paris. – R. B.
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Lucas est là, pas Thiago Motta
Le PSG devrait présenter un système en 4-4-2 dans lequel figurera le Brésilien mais pas l’italien, non remis de sa blessure à un mollet.
C’EST UNE ÉQUIPE PARISIENNE très proche de celle alignée à Valence (2-1, le 12 février), en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions, que Carlo Ancelotti devrait proposer, ce soir, face au leader de la Liga. Même schéma – 4-4-2 –, même état d’esprit – bloc bas – et mêmes joueurs, à l’exception du retour de Thiago Silva en défense centrale, ce qui ne peut pas vraiment être considéré comme un signe d’affaiblissement pour le PSG. Mais cela laisse planer une interrogation sur celui qui évoluera aux côtés du capitaine de la Seleçao contre le FC Barcelone : Alex ou Mamadou Sakho ?
Hier, ces deux défenseurs centraux étaient associés dans la même équipe lors de l’entraînement, ce qui ne livre pas beaucoup plus de précision. La veille, Alex avait formé avec Thiago Silva la charnière un long moment avant d’être remplacé par Sakho. Dans la logique d’Ancelotti, le Brésilien semble posséder quelques longueurs d’avance sur l’international français et apparaît comme le favori pour être sur la pelouse du Parc, au coup d’envoi. Pour le reste, peu de surprises sont à attendre. Thiago Motta, toujours pas remis de sa blessure à un mollet, ne figure pas dans le groupe, comme prévu. L’idée est que le milieu international italien soit prêt pour le match retour mercredi prochain. Maxwell, touché à un pied, a participé normalement au dernier entraînement et jouera bien contre son ancien club. À droite, Jallet retrouvera sa place de titulaire aux dépens de Van der Wiel, même si ce dernier a évolué, lui aussi, quelques minutes dans l’équipe des titulaires supposés hier matin.
Du temps de jeu pour Gameiro ?
Il y avait également, dans les changements entrepris par le technicien italien, une volonté de conserver une grande partie de son effectif impliquée par l’événement. Chantôme a remplacé Matuidi et Beckham Verratti mais la paire de récupérateurs titulaires sera bien constituée de Matuidi et Verratti. À aucun moment, en revanche, Ancelotti n’a changé de système en cours de séance. Ni dimanche ni hier. « Le dilemme pour Ancelotti sera l’équilibre de son 4-4-2, estime Daniel Bravo, consultant pour Canal +. Si l’un des deux attaquants ne se replace pas, cela peut être la catastrophe. Sur les côtés, Lucas et Pastore ont montré qu’ils pouvaient faire les efforts. Je pense qu’on aura alors un bloc très bas qui va exploser à la récupération. » Touché à une cheville face à Nancy (2-1, le 9 mars), l’international brésilien ne ressent plus aucune douleur.
L’autre changement important effectué par Ancelotti concerne Kevin Gameiro. Le technicien italien reconnaissait, vendredi soir, que ce dernier, buteur face à Montpellier (1-0), méritait davantage de temps de jeu. Lorsqu’il a pris la chasuble des titulaires supposés, Gameiro a remplacé Pastore et s’est positionné aux côtés d’Ibra, alors que Lavezzi s’est décalé sur le côté gauche. Cela pourrait offrir un aperçu du coaching d’Ancelotti en cours de match, ce soir. Surtout si le PSG mise sur sa vitesse en contre- attaque. Ménez, lui, n’a jamais évolué avec les titulaires. – D. D. (avec A. C.)
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Trop intense pour Beckham
Le milieu anglais de trente-sept ans ne semble plus taillé pour commencer un quart de finale contre le FC Barcelone.
CERTAINS AVANCERONT peut-être les séquelles d’un périple en Chine, dix jours plus tôt, qui lui interdiraient de commencer une telle rencontre mais ce voyage, à l’arrivée, dessine un prétexte parfait. La raison d’une non-titularisation de David Beckham, ce soir, est plus basique : à trente-sept ans, l’Anglais du PSG ne semble plus avoir les jambes pour batailler face à la densité et la mobilité du milieu barcelonais pendant tout un match, et même un peu moins.
« Dans l’absolu, il pourrait jouer, estime Alain Perrin, l’ancien entraîneur de l’OL (2007-2008). Mais contre Barcelone, il faut être prêt à courir beaucoup et, lorsque je l’ai vu cette saison, je ne l’ai pas senti capable de faire un long travail d’essuie-glace. »
Dans une perspective où Paris devra le plus souvent courir derrière le ballon, Carlo Ancelotti devrait privilégier des milieux plus récupérateurs que distributeurs. « Mais si Beckham joue dans le même registre qu’à Saint-Étienne (2-2, le 17 mars), il est capable d’effectuer les efforts », est convaincu Alain Roche, ancien défenseur du PSG. Peut-être, mais sur quel rythme ? C’est là que Perrin s’interroge : « Contre Barcelone, les milieux sont plus sollicités que les autres. Beckham est sans doute capable de jouer à un rythme constant mais peut-il en changer de façon répétée pour sortir au pressing ? Ça me paraît plus compliqué. »
Ancelotti doit partager cet avis pour préférer le duo Matuidi-Verratti, deux joueurs qui ont aussi une qualité de passe non négligeable. « Il faut trouver un équilibre entre la récupération du ballon et son utilisation, de façon à ne pas le perdre trop vite, insiste Roche. De ce point de vue, Beckham peut être utile. Mais celui qui le sera encore plus, c’est Ibra (*), par sa façon de le conserver et de permettre au bloc de remonter. C’est pour ça qu’il était important qu’il joue. » – D. D.
(*) Suspendu deux matches pour une semelle à Valence, en huitièmes de finale aller (2-1, le 12 février), l’attaquant suédois a vu sa sanction réduite en appel à une rencontre, déjà purgée lors du retour (1-1, le 6 mars).
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Eux, ils savent comment faire
Les Catalans ont perdu seulement six fois en quarante-sept matches cette saison. Nous avons sondé quelques-uns de leurs vainqueurs récents. Ils donnent leur secret d’un soir.
DRÔLE D’ENDROIT pour une rencontre mais, après tout… Le parvis du château de la Belle au bois dormant, à Disneyland-Paris, a servi de décor à un très bref entretien avec Javier Pastore. L’occasion de lui poser la question qui taraude un peu tout le monde : « Comment battre le Barça ? » L’Argentin déploie alors un sourire de dentiste et résume : « L’important sera qu’il ne marque pas ! » O.K., c’est un début, mais allons plutôt sonder ceux qui ont réussi cet exploit récemment, ou au moins une fois dans leur carrière. À seulement dix-neuf ans, Raphaël Varane, défenseur central du Real Madrid et de l’équipe de France est de ceux-là : « Il ne faut pas les laisser jouer et, surtout, leur abandonner le moins d’espace possible. Mais la plus grande difficulté, c’est de les empêcher de déployer leur jeu à une touche de balle et en mouvement. Ce qui suppose de monter très vite vers le porteur du ballon. » Mbaye Niang, vainqueur (2-0) des Catalans à l’aller au tour précédent avec l’AC Milan – avant une défaite (0-4) au retour – explique : « On avait mis de la densité au milieu pour gêner au maximum leur circulation et leurs mouvements entre nos lignes. » Face à cette équipe dont la possession de balle peut parfois dépasser les 70 % sur l’ensemble d’une rencontre, l’adversaire doit se préparer à souffrir physiquement et psychologiquement. Ce fut d’ailleurs l’une des recettes de Philippe Montanier, entraîneur de la Real Sociedad, première équipe à avoir vaincu les Catalans cette saison (3-2, le 20 janvier, 20e j.) « Il y a eu un fait de jeu important, reconnaît l’entraîneur des Basques. Barcelone s’est retrouvé à 10 à l’heure de jeu (carton rouge contre Piqué) et ça nous a bien aidés. La semaine précédant cette rencontre, nous avons intensifié la préparation physique et, surtout, mis l’accent sur la préparation mentale. Si tu n’es pas prêt, dans la tête, à jouer un match où tu sais que tu vas toucher très peu le ballon, aïe, aïe, aïe ! C’est décourageant et, à un moment, l’usure joue. Nous, une semaine avant, on s’est mis en tenue de combat, prêts à courir quel que soit le résultat. Au coup d’envoi, dans la tête, on était prêts à ne pas lâcher 1 cm de terrain quel que soit le score. »
Sagna : « À partir de la 65e, 70e, le Barça a un creux physique... »
Une fois les digues consolidées, l’idée serait de se projeter le plus vite possible vers l’avant afin d’exploiter la lenteur des défenseurs barcelonais. « Vous pouvez jouer très haut, offensif, et les exposer à leurs faiblesses défensives », estime Arsène Wenger, le manager d’Arsenal. « Ce sera le choix qu’Ancelotti devra faire, même si je comprends qu’il soit difficile et très risqué, car il peut se dire : “Si, déjà, on ne prend pas de but à domicile, on aura une bonne chance de se qualifier.” Le Barça reste l’une des trois meilleures équipes au monde mais ils n’ont plus exactement la même rigueur tactique qu’il y a deux-trois ans, notamment défensivement. »
Lors de leur victoire à domicile (2-1), le 16 février 2011, face à Messi et sa bande, les Gunners avaient adopté une autre stratégie que celle, défensive, qui avait permis à Chelsea (en 2012, 1-0, 2-2) et à l’Inter Milan (en 2010, 3-1, 0-1) de l’emporter en demi-finales. « Il faut jouer haut, les presser, les obliger à jouer long dès leurs six mètres, s’enthousiasme Bacary Sagna, le latéral droit londonien. Ils n’aiment pas être sous pression. C’est difficile mais, contre eux, il faut prendre des risques, jouer les coups à fond, les faire douter. Si Paris s’adapte au jeu du Barça, il va souffrir, comme nous lors de la première période en 2011. Cette année-là, c’est lorsque nous nous sommes lâchés et que nous avons joué notre jeu que nous les avons battus. Dans l’impact physique, Paris peut leur faire mal. À partir de la 65e-70e, le Barça a un creux physique. C’est là qu’il faut en profiter. » Et sur ce point, les experts sont unanimes. La qualité du jeu de contre parisien doit être déterminante. Au moins au match aller…
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Refaire le match
SURTOUT, ne jamais refaire un match qui n’a pas encore eu lieu. Pourtant, entre l’équipe d’Espagne au Stade de France et le Barça au Parc des Princes, le problème posé au PSG étant à peu près le même (en pire ?) que celui auquel a été confrontée l’équipe de France la semaine dernière, on tourne et on retourne la même question dans tous les sens : comment faire pour les battre ? À la lecture de cette Lucarne, vous éprouvez peut-être la désagréable sensation que l’auteur se répète. C’est hélas ce qu’il est en train de faire (L’Équipe du 27 mars). Aujourd’hui comme il y a huit jours, il se demande ce qu’il faut faire. La question est posée ci-contre à ceux qui l’ont fait, par exemple à Arsène Wenger. Il incite à jouer haut et offensif. Mais, en 2011, après avoir gagné à l’aller 2-1, Arsenal – à dix, c’est vrai – perdit au retour 1-3, en ne tirant jamais au but et en courant après le ballon les trois quarts du temps. Ce n’était ni haut ni offensif. Alors, le meilleur conseil à donner n’est-il pas de faire du mieux qu’on peut ?
DIDIER BRAUN
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Il ne sourit pas, et alors ?
En public, Zlatan Ibrahimovic peut renvoyer l’image d’un homme renfrogné. Pourtant, le Suédois est heureux à Paris, assurent ceux qui le côtoient dans le vestiaire.
PLUSIEURS FOIS, depuis le début de l’année 2013, Zlatan Ibrahimovic a traversé les zones presse d’après-match sans un mot ni un regard pour les médias français. « Ils ne méritent pas que je leur parle », peut-il alors lâcher. Parfois, il a aussi répondu aux sifflets d’une partie du Parc des Princes par une main posée derrière l’oreille, après un but, ou par une déclaration au vitriol qui blessait les supporters, le club et son histoire (1). Enfin, quelques fois, cette saison, Ibra a aussi témoigné publiquement son amour pour l’Italie en général, l’AC Milan en particulier, au point de diffuser le doute sur son bien-être à Paris et son envie d’y rester au-delà de l’été prochain.
Sur la première partie de la question – est-il heureux ? –, tous ceux qui le côtoient au Camp des Loges évacuent le soupçon. Souvent souriant et avenant, il salue tout le personnel du centre d’entraînement avec la même prévenance, à l’exception du steward qui avait suivi les ordres d’Olivier Létang, directeur sportif adjoint du club, et refusé de laisser Ibra garer sa voiture sur les places du staff, en décembre dernier. Depuis ce jour, le Suédois ne le regarde plus même s’il reconnaît, en privé, que sa « victime » n’était pour rien dans l’incident.
Dans le vestiaire, en revanche, pas de discrimination. Il chambre ses partenaires sans distinction de nationalité, se fait de plus en plus chambrer à son tour – « parce qu’au début, on n’osait pas trop », sourit un joueur – et étale un vrai plaisir de travailler à leurs côtés.
Plaisir feint ? « Franchement, je ne pense pas, dit l’un de ses coéquipiers. On le sent content d’être là. Quand il est arrivé, en juillet, on avait, nous aussi, le regard que les gens peuvent avoir sur lui, mais on a découvert l’homme. Et on le sent bien intégré et investi. » Comme les autres Parisiens, Ibra (31 ans, sous contrat jusqu’en 2015) prend l’essentiel de ses déjeuners au Camp des Loges et ne manque jamais à l’appel quand un dîner collectif est organisé dans un restaurant parisien. Il apprécie, aussi, les bonnes tables de la capitale et, le lendemain matin, raconte s’il a aimé ou pas. Il ne parle pas le français, ne le parlera peut-être jamais puisqu’il ne l’apprend pas, mais il fait des efforts pour le comprendre et en maîtrise quelques expressions, comme après certaines victoires, lorsqu’il chante « Paris est magique », ou balance, sur le terrain, des « joue vite » lorsque le ballon ne lui arrive pas assez… vite. « Il y a un autre mot qu’il a appris, glisse un autre partenaire. C’est “gagner”. Avant les matches, c’est “gagner ce soir” ou avant les entraînements, c’est “gagner ce matin”. C’est vrai qu’il déteste perdre mais, sincèrement, il donne le sentiment de se plaire ici. »
Heureux au PSG… et en équipe de Suède
Bien sûr, Zlatan n’est pas à l’abri d’un coup de sang susceptible de trahir quelques états d’âme et là, c’est alors en italien ou en anglais qu’il s’énerve. Ce fut le cas à la mi-temps de PSG-Troyes (4-0, le 24 novembre), quand il a asséné que ses « fils jouaient mieux au foot » que ses partenaires. Ce fut encore le cas sur la pelouse du Parc, pendant PSG-Bastia (3-1, le 8 février), pour invectiver Marco Verratti : « Quand tu as le ballon, c’est moi que tu cherches. » Ce fut enfin le cas après PSG-OM (2-0, le 24 février), quand il s’est agacé d’évoluer au sein d’une équipe de contre… Forcément, l’image de l’attaquant énervé à ces instants précis ne plaidait pas en faveur d’une grande félicité.
D’ailleurs, tout ne lui plaît pas non plus depuis son arrivée. Ibra n’a pas apprécié les articles sur sa quête de logement dans la capitale et sur sa vie privée en général. Dans la vie interne du club, il a peu goûté la visite nocturne imprévue d’un souk, à Doha – ordre venu d’en haut –, avec signatures d’autographes, juste après le match amical contre Lekhwiya (5-1, le 2 janvier), et prévenu : « Plus jamais ça ! » Déçu par le niveau de la Ligue 1, il avait aussi des craintes que sa saison perde de l’intérêt au sortir des huitièmes de finale de la Ligue des champions. Mais la participation du PSG aux quarts, conjuguée à la bonne campagne de qualification de la Suède pour la Coupe du monde 2014 (2), l’a rassuré. Ce qui nous amène à la seconde partie de la question initiale : a-t-il des envies d’ailleurs ? Un peu moins depuis quelque temps, même si son agent a noué des contacts avec l’Inter Milan et la Juventus Turin. Au cas où…
DAMIEN DEGORRE
(1) Après PSG - Nancy (2-1, le 9 mars), Ibra avait déclaré : « Les supporters en demandent beaucoup. C’est étrange, vu ce qu’ils avaient par le passé. Parce qu’ils n’avaient rien. »
(2) La Suède est 2e ex æquo du groupe C, avec un match de moins que l’Autriche (2e) et deux de moins que l’Allemagne (1re).
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«Sans doute la meilleure équipe de tous les temps »
À la veille de les retrouver une fois de plus, l’attaquant suédois du Paris-SG a prodigué des louanges à son ancien club (2009-2010) et à Lionel Messi.
Ce soir, il sera peut-être moins aimable. Mais, hier, Zlatan Ibrahimovic avait le sourire aux lèvres et la bouche pleine de mercis. Pour les journalistes qui lui posaient des questions, mais aussi pour son adversaire du lendemain, le FC Barcelone, d’où il est pourtant parti par la petite porte après une seule saison (2009-2010).
Ce n’est pas la première fois que le Suédois croise la route de son ancien club. La saison passée, avec l’AC Milan, il avait disputé le second match de la phase de groupes (2-3, le 23 novembre), en Italie. Puis il avait été éliminé par le Barça en quarts de finale (0-0, 1-3). Après le retour, il avait d’ailleurs pesté contre l’arbitrage. « Maintenant, je comprends (José) Mourinho quand il vient ici et qu’il se plaint, avait-il lâché. Il y avait penalty sur moi en seconde période et, à chaque fois qu’on touchait un joueur du Barça, il tombait et l’arbitre sifflait faute. »
Hier, il se souvenait seulement de la supériorité de ses adversaires. « C’est sans doute la meilleure équipe du monde et même sans doute la meilleure équipe de tous les temps, jugeait-il à propos du Barça. On sait qu’ils veulent avoir la possession, tout le monde les connaît. Mais on voudra aussi l’avoir, on est à domicile, et on va essayer de les gêner le plus possible. C’est facile à dire avant, mais il faut le faire après sur le terrain et c’est le plus difficile. »
Si ses relations avec Pep Guardiola, alors entraîneur du club catalan, ont vite été difficiles, il n’a jamais dénigré Lionel Messi, qui fut pourtant son principal concurrent, pour un poste dans l’axe de l’attaque du Barça. « Aujourd’hui, c’est lui le meilleur, a-t-il estimé. Il a gagné tous ces Ballons d’Or (2009, 2010, 2011 et 2012). D’ailleurs, ils devraient mettre son nom dessus et ne plus appeler ça “Ballon d’Or” (sourire). Si c’est le meilleur joueur de l’histoire ? C’est encore difficile à dire. Il faut attendre qu’il arrête sa carrière, je pense. Quand un joueur est encore en activité, c’est compliqué de dire ça. Quand il sera à la retraite, je répondrai plus facilement à cette question. »
Alors qu’il aurait dû manquer le match de ce soir en raison de sa suspension, finalement levée, Ibrahimovic n’est donc pas mécontent de vivre de nouvelles retrouvailles : « Bien sûr, j’aurais été déçu de le rater, c’est un match que tout le monde veut jouer. » Lui le premier, bien sûr. Il n’a pas encore pris sa revanche. – L. D.
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Dix-huit ans après, ils y croient
Les Parisiens qui étaient venus à bout du Barça en 1995 estiment que le PSG a ses chances.
C’ÉTAIT UN AUTRE BARCELONE et un autre PSG mais l’histoire ne peut-elle pas se répéter ? Pour les Parisiens de 1995, qui avaient éliminé le club espagnol au même stade, en quarts de finale de la Ligue des champions (1-1, 2-1), l’exploit n’est pas impossible. « Même si le PSG a fait des faux pas, même s’il a parfois du mal à poser le jeu, il a montré qu’il pouvait répondre présent dans les grands rendez-vous. Comme face à Valence (2-1, 1-1 au tour précédent), par exemple » , estime David Ginola. « Oui, répond Daniel Bravo, l’ancien milieu de terrain, les Parisiens sont capables de bien défendre et de faire mal au Barça avec leurs joueurs rapides : Lavezzi, Ménez ou Lucas. Mais il faudra qu’ils soient tous à 120 %. » Un bémol, cependant, par rapport au PSG de 1995. Ginola pointe le manque de vécu et, parfois, d’esprit collectif du PSG actuel. « On formait une équipe qui jouait très bien ensemble, rappelle l’ancien attaquant international, 17 sélections. On pouvait battre n’importe qui. Avant les matches, on se réunissait dans les chambres pour se parler, se motiver entre nous. » « On avait une maîtrise, abonde José Cobos, l’ancien défenseur. Au Barça, les joueurs se connaissent depuis l’école. Tout est calé, formaté. Ils pourraient jouer sans entraîneur. Ce n’est pas le cas du PSG. Il faudra qu’ils soient homogènes, collectifs comme face à Valence. »
Pour Ginola, vouloir prendre le Barça à son propre piège, celui de la possession du jeu, serait « un gros risque » et une impasse. « Même si ce n’était pas du beau jeu, l’Inter Milan de Mourinho (2010, en demi-finales, 3-1, 0-1) et le Chelsea de Di Matteo (en demies aussi, la saison dernière, 1-0, 2-2) sont parvenus, avec un système très défensif, à les faire déjouer, avance-t-il. Le problème, c’est que le Barça va presser haut, et le PSG n’aime pas ça non plus. » Face à ce Barça-là, les anciens Parisiens misent sur le talent individuel. « Le PSG d’aujourd’hui, c’est un peu le PSG version 91 (*), se souvient Bernard Lama, l’ancien gardien parisien. Ce n’est pas encore un rouleau compresseur. Il a encore besoin de se construire, d’avoir une assise, de se rassurer. C’est pour ça qu’il est plus à l’aise sans le ballon. Mais avec des individualités comme Ibra, Thiago Silva, Ménez ou Lucas, les Parisiens peuvent créer la surprise. » Valdo, l’ancien milieu, mise lui aussi sur les fulgurances des individualités parisiennes, en particulier celles de Lucas. « C’est un joueur fascinant. Lui, il va vraiment enchanter le Parc, ce n’est que le début… » , annonce-t-il. « Qu’Ibra puisse finalement jouer est déjà une bonne chose, rassure Ginola. Mais il faudra que tout le monde soit au diapason pour gagner. » Reste une inconnue : la jeunesse et l’inexpérience de l’effectif parisien (Pastore, Verratti…) à ce niveau. « En 1995, j’avais vingt-six ans et j’étais le plus jeune sur la photo, rappelle Cobos. On était une équipe expérimentée. Là, il y a des jeunes talentueux mais sans bagage. Ça peut faire la différence » . Mais Ginola positive : « Le PSG domine en France mais, là, il va vraiment savoir où il en est en Europe. Ancelotti essaie de trouver une identité, un style à cette équipe. Ce match peut être le déclic. »
ALEXANDRE CHAMORET (avec E.F.)
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Colleter, de la lumière à la galère
En 1995, il éliminait le Barça en quarts de finale de Ligue des champions avec le PSG. Aujourd’hui, l’ancien défenseur se bat pour retrouver une place dans le milieu du foot.
UN SOIR OÙ COURAIENT sur la pelouse du Parc Weah, Ginola, Rai, Valdo, Stoïchkov, Hagi, Koeman, Nadal, il y avait aussi, quelque part dans le couloir gauche du PSG, Patrick Colleter. « J’étais un peu l’anonyme dans une équipe de stars, concède l’ancien latéral, âgé de 47 ans. Un peu comme Chantôme ou Jallet peuvent l’être aujourd’hui. Je n’étais pas un crack, mais j’étais présent, jamais blessé. On pouvait compter sur moi pour aller au combat. »
Des deux batailles contre le Barça (*), il se souvient de la force qui avait gagné le PSG après le match aller en Espagne. « Ce résultat au Camp Nou nous avait mis en confiance. Au Parc, quand Bakero a ouvert le score (50e), ça nous a mis un coup au moral. Mais on était habitué à ne rien lâcher. Après l’égalisation de Rai (73e), on a tout donné jusqu’au but de Vincent (Guérin) sur cette frappe de vingt mètres au ras du poteau (83e). Il n’a peut-être pas très bien pris le ballon, mais la frappe était tellement vicieuse et bien placée… Je pense que le gardien (Carles Busquets) ne s’attendait pas à ce qu’il frappe ! »
Serveur dans un restaurant à Nice
Un an plus tard, le 8 mai 1996, à Bruxelles, Patrick Colleter bouclera ses cinq saisons parisiennes par un nouveau statut de titulaire en finale de la Coupe des Coupes face au Rapid de Vienne (1-0). « Je ne suis jamais retourné au Parc depuis mon départ du PSG. Pour le clin d’oeil de l’histoire, ils auraient pu inviter tous les vainqueurs de 1995 à ce nouveau PSG-Barcelone. Ce n’est pas grave, je regarderai le match chez moi, à Nice. »
Nice, où le natif de Brest s’est posé au bout de sa collaboration comme adjoint de Ricardo, à Bordeaux (2005-2007), puis à Monaco (2007-2009). « Quand Ricardo est parti au Sao Paulo FC, je lui ai demandé si je pouvais l’accompagner. Il m’a dit que ce serait compliqué à cause de la barrière de la langue. »
Depuis bientôt quatre ans, tout est un peu compliqué pour Patrick Colleter. Chômage, soucis familiaux… Il finira même par travailler comme serveur dans un restaurant niçois. « J’ai dû un peu repartir de zéro. Bosser dans le restau de mes amis ne m’a pas dérangé. Ce n’était pas forcément pour survivre, c’était surtout pour faire quelque chose de ma vie. J’ai arrêté ce job, mais s’il fallait recommencer, je le referais. »
Depuis août, Colleter entrevoit une lueur. Devenu consultant sur BeIN Sport, il dit « se régaler » au contact d’un milieu du foot qu’il espère avec force réintégrer, même à l’échelon le plus bas. « Ces dernières années, j’ai cherché à intégrer des staffs de L 1, de L 2. Dans la région de Nice, j’ai même sondé des clubs de DH, de CFA 2. En vain. Alors, je cherche toujours. Je sais que je retrouverai le terrain un jour car je me bats comme un chien pour ça. Comme quand je jouais. » Comme en 1995, Patrick Colleter rime toujours avec force de caractère. – J. T.
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En 1997, Ronaldo a fait pleurer Leo
C’EST L’UNE DES SOIRÉES européennes les plus douloureuses pour le Paris-SG. Et les larmes de Leonardo en sont le symbole. Le 14 mai 1997, à Rotterdam, le club de la capitale, tenant du titre depuis sa victoire face au Rapid Vienne (1-0 en 1996), dispute sa deuxième finale d’affilée de Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe face au FC Barcelone de Pep Guardiola et Luis Figo. Sous les ordres de Ricardo, les Parisiens, emmenés par Rai, Leonardo et Paul Le Guen, s’inclinent sur un penalty de l’avant-centre brésilien Ronaldo, après une faute de Bruno Ngotty (37e). À l’issue de la rencontre, « Leo », associé ce jour-là à Patrice Loko en attaque, pleure. « Je suis comme ça, quand on est triste, ça peut arriver, se justifie, à l’époque, l’actuel directeur sportif du PSG. C’était un grand titre qui se jouait, c’est dur. Mais je n’ai pas de regrets. On a bien joué, on a tout essayé, mais on n’a pas marqué. » Comme sur l’occasion de Loko, qui trouvait le poteau droit de Vitor Baia avant que la frappe du gauche de Leonardo ne s’envole au-dessus du cadre (57e)… « C’est dur à accepter mais c’est comme ça, poursuivait alors le Brésilien. Une défaite sur un penalty laisse toujours un goût amer. » Le lendemain, L’Équipe titrait en une « Ça fait mal ». – C. Ga.
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Le Parc, un pré catalan
Barça n’est pas venu à Paris que pour la Coupe d’europe. Il a souvent été l’invité de soirées de prestige, riches en histoires et en symboles.
1974 : CRUYFF RAYONNE, BIANCHI EST BRISÉ
Le 9 octobre 1974, 46 734 spectateurs accourent pour voir le Barça emmené par Johan Cruyff, star de la récente Coupe du monde. Barcelone affronte une « entente » composée de joueurs de Reims (huit dont trois Argentins – Laraignée, Santamaria et Bianchi) et du jeune PSG, qui découvre à peine la D 1. L’équipe de Rinus Michels subjugue le Parc (5-1), marque cinq fois, par Cruyff (2 buts), Marcial (2) et Heredia. Carlos Bianchi marque aussi, comme il en a l’habitude depuis qu’il est en France. Mais, dans un choc avec Gallego, il se fracture le tibia et le péroné. L’incident douche l’ambiance.
1977 : CRUYFF, MAIS AUSSI DAHLEB
L’affiche du 19 avril 1977 (1-1) fait moins recette que la précédente. Ils sont 22 000 pour voir le PSG, entraîné par Velibor Vasovic, tenir tête à un Barça peu concerné. Au milieu de l’équipe parisienne prend place un joueur de l’OM, Norberto Alonso, que Daniel Hechter espère engager. Après un éclair de génie de Cruyff, qui illumine une première période terne, c’est Mustapha Dahleb qui réalise un exploit personnel à la Cruyff et permet à Tokoto d’ouvrir la marque. Maître Johan a ensuite une réaction d’orgueil, qu’il traduit par un but en demi-volée en fin de match.
1982 : QUAND LEMOULT SERVAIT MARADONA
Le 12 novembre 1982 (4-1 pour le Barça), 30 000 spectateurs attendent le nouveau dieu du Barça, Diego Maradona. Après vingt minutes parisiennes emballantes, l’équipe d’Udo Lattek n’a pas à se forcer pour prendre le large et mener 3-0 à la mi-temps. Le 2e but est signé Maradona, sur un mauvais renvoi de Jean-Claude Lemoult. À 3-0 à la mi-temps, le jeune Gilles Cardinet (voir ci-contre) entre à la place de Tokoto et marque, sur une passe aérienne du même Lemoult.
2012 : IBRA DÉCOUVRE LE PARC
45 000 spectateurs au Parc un 4 août, c’est déjà un événement. Ils ont accouru pour deux raisons – une seule aurait suffi. L’une d’elles, c’est la visite du Barça et de toutes ses vedettes du moment (2-2, 4-1 aux t.a.b pour les Catalans). Vingt et un joueurs en maillot orange-citron foulent la pelouse parisienne. L’autre raison, c’est la première de Zlatan Ibrahimovic à Paris, qui l’accueille comme un nouveau messie. Messi, justement, marque sur penalty. Ibra en inscrit un également, juste avant de recevoir l’ovation de la foule quand il cède la place, en même temps qu’une autre recrue parisienne, Ezequiel Lavezzi. Un trophée, même amical, étant en jeu, il faut départager les deux équipes aux tirs au but. Messi, Xavi, Fabregas et Piqué font ce qu’il faut. Pas Hoarau ni Gameiro. Une Coupe de plus dans la vitrine du Barça.
DIDIER BRAUN
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« Avoir marqué, à vingt ans, contre le Barça… »
GILLES CARDINET, jeune et anonyme milieu du PSG en 1982, se souvient de son but inscrit contre le FC Barcelone de Maradona.
Lors du match amical du 12 novembre 1982, Gilles Cardinet entre à la mi-temps face au Barça de Maradona (4-1 pour l’équipe espagnole). Le milieu de terrain, qui avait débuté très jeune chez les pros (à 17 ans, en décembre 1979), ne joue pas un seul match officiel avec le PSG lors de cette saison 1982-83, mais marque contre le Barça deux minutes après son entrée en jeu. Aujourd ’hui homme d’affaires dans le Nord, Cardinet (51 ans) n’a pas oublié cette soirée.
« VOUS SOUVENEZ-VOUS de votre but contre le Barça, le 12 novembre 1982 ?
– Comment pourrais-je avoir oublié ? Je n’ai pas marqué si souvent que ça (*). Avoir marqué, à vingt ans, contre le Barça, c’est un beau souvenir. Je m’étais fait chambrer par Toko (un de ses coéquipiers). J’avais célébré un peu mon but. Normal, non ? Toko m’avait dit : “On aurait cru que tu venais de marquer en Coupe d’Europe !”
– Vous vous rappelez de l’action ?
– Je me revois faire un contrôle un peu compliqué et marquer du gauche en étant dos au but (la séquence, revue sur YouTube, le montre contrôlant puis dribblant plusieurs défenseurs avant de réussir un tir décroisé). Mais trente ans sont passés, alors…
– Et quel souvenir gardez-vous de Maradona, que vous avez donc croisé, sur le terrain ?
– Je me souviens surtout que cela avait été un gros événement médiatique. Déjà. Me rappeler que j’ai un peu participé à cet événement, ça fait plaisir… » – D. Br.
(*) Avec le PSG, où il a joué 13 matches de Championnat (jusqu’en 1985), il a inscrit 1 but, contre Brest en 1980.
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« PEUT-ÊTRE LE MATCH DE NOTRE VIE »
THIAGO SILVA brûle d’impatience de retrouver le Barça et de disputer un duel monstrueux avec Lionel Messi. Le capitaine parisien évoque aussi, désormais, son bonheur d’évoluer à Paris.
Il y a un Anglais, à Marseille, qui parle en mal du Brésil…
La saison dernière, sous le maillot de l’AC Milan, il avait déjà affronté quatre fois le FC Barcelone, en phase de groupes (2-2, 2-3), puis en quarts de finale (0-0, 1-3). Si Thiago Silva n’a encore jamais vu chuter les Catalans, il vit avec la conviction que ce rival n’est pas infaillible. Devenu capitaine du PSG depuis le déplacement au Dynamo Kiev (2-0, le 21 novembre), l’international brésilien (33 sélections) a trouvé une régularité dans ses performances qui conforte sa réputation de meilleur défenseur du monde. Plus gros transfert de l’histoire du football français, le « Monstre », recruté l’été dernier pour 42 M€ (+ 7 M€ de bonus), évoque également sa passion immense pour le football. Tout en adressant une pique acérée à un certain… Joey Barton.
« VOUS AURIEZ PU évoluer face à Zlatan Ibrahimovic ce soir…
– Oui, l’été dernier, le Barça était entré en contact avec mon agent (Paolo Tonietto). C’est un club où tous les joueurs rêvent un jour d’évoluer. Quand j’étais enfant j’en rêvais aussi, mais ça ne s’est jamais réalisé. Quand Barcelone est venu l’an passé, je discutais déjà avec le PSG. J’avais même donné ma parole à Leonardo que si je quittais Milan ce serait pour signer à Paris. À partir du moment où je donne ma parole, je ne reviens plus en arrière.
– Quelles seront les clés tactiques du choc contre Barcelone ?
– Rester tranquilles et concentrés de la première seconde à la dernière. Ne pas oublier que la qualification se jouera sur deux matches, et pas seulement à l’aller. Barcelone est une équipe qui maîtrise énormément le ballon et qui presse beaucoup l’adversaire quand elle le perd. Garder beaucoup le ballon, ça limite forcément les chances de l’adversaire de jouer. On le sait d’avance. C’est pourquoi il faudra rester calmes et exploiter la moindre faille qui apparaîtra chez eux. Des failles, il y en aura, à l’aller comme au retour. Dans ces moments-là, on devra être forts et efficaces.
– Quel peut être le point faible du Barça, justement ?
– Toutes les équipes en ont un, nous comme eux. On sait qu’ils ont peut-être un tout petit point faible, mais je n’en parlerai pas avant le match. Ce sera dur pour nous, comme ce sera dur pour eux… On n’atteint jamais les quarts de finale de la C 1 sans le mériter. Sur le terrain, il y aura deux équipes déterminées à remporter cette compétition.
– Comment appréhendez-vous votre nouveau duel avec Messi ?
– Leo Messi est un joueur extrêmement agile et rapide, très doué dans la conduite de balle. Il n’est pas par hasard le meilleur joueur du monde depuis quatre ans. Il faut le respecter, bien sûr, et dans l’idéal, l’empêcher de prendre de la vitesse ou de trouver des espaces.
– Vous avez appelé Philippe Mexès pour prendre les derniers conseils avant d’affronter le Barça ? (1)
– (Il sourit.) Non, je n’ai parlé avec presque personne du Milan depuis son élimination. Le seul avec qui j’ai des contacts réguliers, c’est avec mon ami Mathieu Flamini. Au fond, on n’a besoin de personne pour savoir que ça va être compliqué. Mais ils auront aussi une forte pression. Dans notre vestiaire, personne n’a peur d’eux. Tout le monde brûle d’envie de jouer ce match et rêve d’éliminer Barcelone. Je sens notre groupe très concentré. Qui ne le serait pas ? C’est peut-être le match de notre vie…
– Y a-t-il des joueurs qui vous ont surpris en L 1 ?
– Il y a pas mal de joueurs de qualité, mais aucun à ressortir en particulier. En revanche, il y a en un ou deux qui m’ont beaucoup déçu. Je ne veux pas donner de noms, ce ne serait pas élégant. Mais c’est un peu étrange d’entrer sur le terrain avec pour seule idée de chercher à agresser l’adversaire. J’ai une carapace qui me permet de garder mon calme face à ces attitudes. Mais j’en ai parlé à mes coéquipiers : il y a comme un manque de respect à notre égard. Il faudrait que ça change.
– Difficile de ne pas penser au tacle de Brandao sur votre cheville lors de Saint-Étienne-PSG (2-2, le 17 mars)…
– Non, je ne parle pas de lui spécialement. Il a eu un geste dur sur cette action, mais il a fini par s’excuser. J’espère que ses excuses étaient sincères. Il y a eu d’autres matches où des joueurs ont eu des mots un peu excessifs, des entraîneurs adverses aussi. Vous savez, je ne parle pas le français, mais je le comprends très bien…
– Comment jugez-vous l’arbitrage en France ?
– Il y en a qui sifflent pour trois fois rien, qui sortent des jaunes ou des rouges assez facilement, d’autres qui privilégient un peu plus le dialogue. Le problème, avec certains arbitres, c’est qu’on dirait qu’il faut se faire ouvrir la jambe pour qu’ils expulsent l’adversaire coupable. C’est ce qui est arrivé avec le malheureux joueur de Saint-Étienne (2). Mais si sa blessure n’avait pas été visible, je ne suis pas certain que son adversaire aurait été exclu. À Saint-Étienne, grâce à Dieu, j’ai pu me relever après la faute que j’ai subie et c’est peut-être pour cela que l’arbitre n’a pas sanctionné le responsable… J’ai parfois du mal à comprendre leurs critères.
– Avez-vous encore la nostalgie du Milan ?
– J’aurai toujours la nostalgie des bonnes choses. Je suis nostalgique de Rio de Janeiro, de mes années à Fluminense (2006-2009), je suis nostalgique de Milan (2009-2012), du club comme de la ville. Demain, si je devais partir du PSG, je serais nostalgique également. Paris me manquerait. Parce qu’avec le temps, j’ai appris à aimer Paris. Il m’est même difficile, aujourd’hui, d’envisager de partir. Au début, je ne connaissais pas du tout cette ville, je ne comprenais rien à la langue. Tout était un peu confus. J’arrivais d’un autre pays. Pendant deux mois, je venais à l’entraînement en traînant ma tristesse. Puis j’ai repris confiance et senti que l’ambiance dans le groupe s’améliorait peu à peu. Je me sens beaucoup mieux dans ma vie aujourd’hui, et cela se ressent aussi sur le terrain. Désormais, je suis très heureux ici. Même si le football est imprévisible, j’ai même très envie de m’inscrire au PSG dans la durée.
– Pourquoi retournez-vous parfois vous soigner à Milanello ?
– Parce qu’en quittant Milan, j’ai quitté mon physiothérapeute brésilien, Marcelo Costa, dont je suis très proche. Adriano Galliani (le vice-président de l’AC Milan) l’avait fait venir en Italie. J’ai une immense confiance en lui. Il connaît mon corps comme personne d’autre. Marcelo, je le connais depuis Fluminense. Galliani, un grand dirigeant, m’a autorisé à revenir quand je le souhaitais pour le consulter. Alors, à chaque fois que je suis blessé, comme il lui est difficile de s’absenter pour venir à Paris, c’est moi qui vais le voir là-bas.
– En quoi le meilleur défenseur du monde peut-il encore devenir meilleur ?
– Je travaille beaucoup, je respire le football vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Chez moi, je regarde beaucoup de matches de différents Championnats, de Première comme de Deuxième Division ! Même quand je vais au restaurant, j’aime bien quand un match est diffusé sur un écran. Je vis du football. Je dépends du football. Impossible de m’en passer. Même quand je sors d’un match, je rentre chez moi et… je regarde du foot ! J’observe et je m’en sers dès le lendemain, à l’entraînement, avec l’idée de progresser encore.
– À vos yeux, quels sont les autres grands défenseurs centraux actuels ?
– Quand j’ai commencé ma carrière professionnelle, j’admirais le Paraguayen Carlos Gamarra. Ensuite, j’ai toujours beaucoup aimé Juan, l’international brésilien, qui a longtemps joué à l’AS Rome (2007-2012). J’admire aussi Rio Ferdinand, Alessandro Nesta et Nemanja Vidic. Tous ces joueurs m’ont inspiré.
– Comment voyez-vous la carrière de Sakho ?
– Il a une qualité et une force physique très importantes. C’est un défenseur qui grandit beaucoup, mois après mois, avec une mentalité exemplaire. Parfois il joue, parfois non. Mais quand il ne joue pas, il n’est pas du genre à pourrir l’ambiance. Il me fait penser à Gennaro Gattuso à Milan : même quand il était remplaçant, il parlait dans le vestiaire pour le bien du groupe. J’ai beaucoup d’admiration pour un professionnel comme Sakho. S’il continue dans cet esprit, il ira très haut. J’espère qu’il ne quittera pas le PSG l’été prochain.
– À quinze mois de la Coupe du monde, êtes-vous un peu inquiet des dernières prestations de l’équipe du Brésil ?
– Assurément, on traverse une passe difficile. Mais les grandes conquêtes sont encore plus savoureuses quand on surmonte des moments compliqués. J’espère qu’on va en sortir le plus vite possible et que le Brésil va retrouver le meilleur football du monde. En ce moment, j’entends pas mal de gens critiquer la Seleçao. Il y a même un joueur de Marseille, dont je ne me souviens plus du nom – c’est un Anglais – qui parle en mal de Neymar, du foot brésilien en général, mais aussi de Beckham, d’Ibra.
– Cet Anglais s’appelle Joey Barton.
– (Il feint de ne pas entendre.) Comme personne ne parle de lui, ça le distrait peut-être de baver sur de grands joueurs pour qu’on sache qu’il existe. Ce que cette personne ne doit jamais oublier, c’est qu’il y a sur le maillot auriverde plus d’étoiles que sur n’importe quel autre maillot. Il y en a cinq. Cinq Coupes du monde. Cela mérite un peu de respect. Ça me donne encore plus envie de gagner, pour faire taire cet Anglais. Il connaît quoi, lui, au football brésilien ? Je n’ai pas le souvenir de l’avoir affronté en sélection… Cela me touche tout ce qu’on dit sur le Brésil, parce que le Brésil, c’est tout pour moi. On fera tout pour gagner cette Coupe du monde. Le football brésilien est unique au monde. Il ne faut jamais l’oublier… »
(1) En 8es de finale de laC 1, l’AC Milan de Mexès a été éliminé par le FC Barcelone (2-0, 0-4).
(2) Lors de Saint-Étienne - Nice (4-0, le 2 mars), le milieu Jérémy Clément a subi une fracture ouverte tibia-péroné au niveau de la cheville droite, après avoir essuyé un tacle du milieu Valentin Eysseric, suspendu ensuite onze matches par la LFP.
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Un gagnant, le Qatar
L’émirat, qui possède le PSG, est aussi le sponsor principal du FC Barcelone.
SUR LE TERRAIN, ce soir, le FC Barcelone et le PSG seront des adversaires. Le reste du temps, ce sont plutôt des partenaires, tant un nouvel axe entre les deux clubs se dessine à travers les investissements parallèles consentis par le gouvernement qatarien depuis 2010. Via Qatar Sport Investment (QSI), le fonds souverain de la famille princière Al-Thani, l’Émirat a investi environ 420 M€ dans le PSG, entre le rachat du club (70 M€ au total) en juin 2011 et les transferts de joueurs (environ 250 M€). Une enveloppe à laquelle il faut ajouter le récent partenariat conclu avec l’office de tourisme de l’Émirat (environ 100 M€ par an). Sans compter les 40 M€ que vont investir les Qatariens pour la réalisation du nouveau centre d’entraînement, dont l’inauguration est toujours prévue le 1er juillet 2015, ni les 50 M€ destinés à la rénovation du Parc des Princes avant l’Euro 2016.
Les liens de QSI avec le FC Barcelone – le modèle que les propriétaires qatariens veulent transposer à Paris, à terme – remontent à 2010. Dans le sillage de son élection à la présidence du Barça, Sandro Rosell avait alors officialisé un contrat historique avec le Qatar. Son montant, resté confidentiel, est estimé à 170 M€, étalés sur six ans. Contre ce chèque, QSI a obtenu le droit de s’afficher sur le maillot blaugrana. Une révolution en Catalogne. Au départ, les Qatariens avaient décidé d’afficher leur fondation (Qatar Foundation) « qui aide les gens, qui investit dans l’éducation, la culture », justifiait Rosell. Mais dès la saison prochaine et jusqu’en 2016, le Barça partagera des valeurs plus commerciales, celles de Qatar Airways, la compagnie aérienne du pays, qui sera donc la première marque privée à figurer sur la tunique du club catalan.
La question du conflit d’intérêts se pose-t-elle, puisque, à ce cousinage PSG-Barça, il faut ajouter les investissements qatariens à Malaga, autre qualifié pour les quarts de finale de la C 1 ? « Mais Malaga, c’est l’investissement privé d’un homme d’affaires qatarien, répond Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG. Il appartient à la famille royale (*), c’est vrai, mais cela n’a rien à voir avec le gouvernement du Qatar. C’est à 100 % une démarche indépendante. Vous ne trouverez jamais la trace d’un fonds souverain du Qatar dans ce club. Il n’y a aucun conflit d’intérêts, comme il n’y en a aucun avec le Barça, même s’il est sponsorisé par Qatar Foundation. Nous aimons cette ville, nous aimons la France et nous sommes focalisés sur notre club. On ne peut pas aimer deux clubs à la fois. Jamais. On a choisi un club pour toujours. Ce club, c’est le PSG. On n’investira jamais dans un autre club européen. Je donne ma parole que ceci ne se produira jamais. »
Mais la proximité entre les deux clubs a des avantages, comme la rencontre amicale organisée au Parc des Princes, le 4 août dernier, a pu l’illustrer (2-2, 4-1 aux t.a.b.). En théorie, le Barça exige un chèque d’environ 2 M€ pour un match de gala. Mais cette fois, le PSG n’aurait pas eu à débourser un centime, en dehors des dépenses logistiques, pour ce match diffusé par beIN Sport, filiale d’Al Jazeera, propriété du… Qatar.
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DANS LE BUNKER DU BARÇA
Depuis le passage de Pep Guardiola, les joueurs de l’équipe catalane vivent retranchés dans leur centre d’entraînement, où les règles de vie sont très strictes.
DEVANT LA GRILLE du d’entraînement, à Sant Joan Despi, dans la banlieue de Barcelone, quelques dizaines de supporters attendent. Il n’y a pas grand-chose à voir, pourtant, sinon quelques grosses voitures qui entrent et qui sortent, au début et à la fin de chaque entraînement. Une photo ou un autographe à glaner, c’est à peu près tout.
Depuis le long passage de Pep Guardiola sur le banc (2008-2012), le Barça est une équipe protégée, dont la vie, régie par des règles strictes, se déroule dans un certain secret. Avant lui, le FC Barcelone s’entraînait près du Camp Nou et seules les séances de veille de match étaient à huis clos. Aujourd’hui, il n’y a que des entraînements à huis clos, dans ce centre qui accueille aussi le secteur formation du club (la Masia), où Guardiola a rapatrié l’équipe première, quand il en a pris les commandes. Même après son départ, les principes de fonctionnement établis par l’ancien milieu de terrain continuent, aujourd’hui, de dicter la vie du groupe dirigé par Tito Vilanova, son ancien adjoint. Tous les jours, les joueurs ont rendez-vous une heure avant le début de l’entraînement. En arrivant, il leur faut émarger une feuille de présence, contrôlée par Pepe Costa, un membre du staff. En cas de retard sans justification, les amendes montent au fil des minutes, même si la discipline est plus souple les lendemains de déplacement, après un retour tardif.
L’une des principales nouveautés introduites par Guardiola, et qui est toujours d’actualité, c’est aussi le petit déjeuner pris en commun, avant l’entraînement. Après la séance, les joueurs montent dans une salle commune où leur est servi un buffet. Contrôler l’alimentation de ses joueurs était l’un des leitmotivs de Guardiola, qui avait notamment mis en place un dîner d’après match obligatoire, au Camp Nou, en vertu de ce précepte : selon lui, les deux heures après une rencontre sont les plus importantes pour la récupération du footballeur.
Le Barça est, par ailleurs, l’une des rares équipes à s’entraîner le matin des matches, sur la pelouse du Camp Nou, quand elle joue à domicile. À quelques heures de la rencontre, cette dernière séance est destinée à un léger échauffement mais aussi à du travail tactique et sur phases arrêtées, l’un des dadas de Vilanova. En revanche, pas de mise au vert, sauf en Ligue des champions ou si le match est programmé très tôt. Après l’entraînement matinal, les joueurs prennent donc une collation ensemble, rentrent chez eux et reviennent deux heures avant le coup d’envoi.
Xavi, figure incontournable
Deux ou trois fois dans la saison, ce train-train est aussi interrompu par quelques moments de convivialité moins formels. Le dernier en date remonte au 6 mars, à quelques jours du huitième de finale retour de Ligue des champions contre l’AC Milan (4-0, le 12 mars). Après l’entraînement, l’effectif et le staff du Barça s’étaient réunis au complet pour déjeuner, dans un restaurant situé à quelques kilomètres de Barcelone. Dans les heures qui ont précédé cette rencontre capitale, Xavi avait aussi pris l’initiative d’inviter Lionel Messi à la soirée de gala du football catalan, au cours de laquelle Sergio Busquets devait recevoir un prix. Après la cérémonie, le milieu espagnol avait emmené dîner la star argentine.
Dans le vestiaire, Xavi est une figure incontournable. Vice-capitaine, derrière Carles Puyol, il a notamment joué un rôle important pendant les quelques jours de doute traversés par le Barça, avant ce match retour contre Milan (aller 0-2), alors que Vilanova était encore absent. Fondamental dans l’équilibre du groupe, il est l’un de ceux qui travaillent à créer du lien, dans un vestiaire sans clan mais où les affinités sont assez bien identifiées. Lors des déplacements, par exemple, les internationaux espagnols passent du temps ensemble, parfois autour d’un jeu (le parchis) très populaire de l’autre côté des Pyrénées. Avec Messi, un autre groupe peut rassembler le deuxième gardien, Pinto, l’un des joueurs dont l’Argentin est le plus proche, Javier Mascherano ou Daniel Alves. Mais, après les matches, dans le vestiaire, c’est souvent vers Messi que tout le monde se tourne pour une photo qui alimentera les réseaux sociaux. L’attaquant n’est pas le plus bavard, mais il n’est pas le moins populaire.
LIONEL DANGOUMAU
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Messi, de plus en plus fort
Depuis son arrivée au FC Barcelone, à l’âge de treize ans, l’argentin a progressivement ajouté des atouts à son jeu. Plusieurs témoins de cette évolution racontent.
LIONEL MESSI (25 ans) a toujours été un joueur hors norme. Dès son plus jeune âge, à Rosario, le petit Argentin a impressionné tous ceux qui l’ont croisé. « Il fait aujourd’hui la même chose que quand il avait dix-sept ans », assure, par exemple, Albert Benaiges, ancien coordinateur de la formation du Barça, qui l’a entraîné en cadets. Son identité de joueur a cependant évolué au fil des ans.
L’équipe)
La formation (2001-2006)
Vasquez: « Personne ne pouvait lui prendre le ballon »
Victor Vazquez, aujourd’hui attaquant du FC Bruges, formait un duo redoutable avec Messi dans les équipes de jeunes du Barça. « Il n’a pas beaucoup changé, commente cet ancien partenaire. Il jouait derrière moi comme numéro 10. Sa plus grande force, c’était sa vitesse avec le ballon. Personne ne pouvait le lui prendre. » « Avec moi, il jouait surtout ailier gauche et il marquait déjà beaucoup », complète Benaiges. Son passage au centre de formation du Barça l’oblige cependant à adopter un registre plus complet. « À treize, quatorze ans, il pouvait faire quarante mètres avec le ballon pour aller marquer, poursuit Vazquez. Il n’a jamais été indiscipliné, mais les entraîneurs lui montraient que, au Barça, il fallait davantage jouer en équipe et mieux se placer sur le terrain. » À la fin de sa période de formation, Messi commence aussi à muscler son corps, sous la responsabilité de Juanjo Brau, l’un des préparateurs physiques du club, qui est toujours à ses côtés aujourd’hui, y compris quand il part en sélection.
La révélation (2006-2010)
Benaiges: « Il s'est amélioré dans le jeu collectif »
À dix-sept ans, Messi dispute son premier match officiel chez les pros (Espanyol-FC Barcelone, 0-1, le 16 octobre 2004). En 2006-2007, il termine la saison avec quatorze buts, en Liga, et s’installe en équipe première. Il est alors surtout utilisé sur l’aile droite, où s’expriment sa vitesse et ses qualités d’élimination. « Quand un joueur arrive à dix-sept ans en Première Division, il a envie de montrer ce dont il est capable, de tout faire tout seul », avance le milieu de l’Espanyol Barcelone Victor Sanchez, qui a côtoyé Messi au Barça. Mais le jeu de l’Argentin s’est déjà enrichi. « Il s’est amélioré dans le jeu collectif, en jouant à une ou deux touches. Plus jeune, il était plus individualiste », considère Benaiges.
L’arrivée de Pep Guardiola, qui décide de le placer en faux numéro 9 à la fin de la saison 2008-2009, sa première saison sur le banc catalan, est aussi déterminante pour sa progression. « C’est sa position idéale, souligne l’ancien milieu Gerard Lopez, qui a côtoyé Messi à la fin de sa carrière barcelonaise (2000-2005) et qui commente aujourd’hui les matches du Barça à la télévision. Quand il est arrivé en équipe première, il a commencé à jouer sur le côté droit, pour rentrer vers l’intérieur et utiliser son pied gauche, mais c’est dans l’axe qu’il est le plus dangereux. »
La plénitude (2010-2013)
Lopez: « Il assume le leadership »
Désormais, Messi bat des records : cinquante buts en Liga la saison passée, quatre-vingt-onze pour l’année 2012. « Il décide mieux à quel moment il doit donner le ballon ou y aller tout seul », considère Sanchez. « Maintenant, la majorité du jeu offensif passe par lui, précise Lopez. Il est très intelligent sur le terrain, donc, en dehors de ses actions personnelles, il marque beaucoup de buts parce qu’il est au bon endroit au bon moment. » Depuis que Guardiola en a fait le seul et incontestable leader de l’attaque barcelonaise, il a aussi pris une autre stature. « Chaque année, il a évolué dans son leadership et il assume ce rôle aujourd’hui », estime Lopez. L’une des preuves de cette dimension nouvelle, c’est son rôle sur coups de pied arrêtés. « C’était la seule chose qu’on pouvait lui reprocher, parce qu’il n’a jamais été un bon tireur, se rappelle Vazquez. Aujourd’hui, il est aussi devenu un spécialiste. » Désormais, seul Xavi peut vraiment lui disputer un bon coup franc.
LIONEL DANGOUMAU
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Vilanova sur le banc
LE GRAND RETOUR, c’est pour ce soir. Jordi Roura, son adjoint, l’a confirmé hier : Tito Vilanova doit s’asseoir sur le banc, pour la première fois depuis le 19 janvier et une défaite en Liga contre la Real Sociedad (2-3). « Comme vous pouvez l’imaginer, c’est une grande joie de l’avoir de nouveau avec nous, a expliqué hier David Villa. Pas seulement parce c’est notre chef ou que c’est maintenant que la saison se joue. Mais on est surtout très heureux de le voir en bonne santé, à nos côtés. » Après déplacement à Saint-Sébastien, Vilanova avait rejoint New York, le 21 janvier, pour y suivre un traitement de chimiothérapie et radiothérapie, à la suite de son opération pour une tumeur à la glande parotide, le 20 décembre.
Revenu mardi dernier à Barcelone, il avait retrouvé ses joueurs à l’entraînement, vendredi, mais n’avait pas effectué le déplacement à Vigo, samedi (2-2). « C’est Tito qui commande et son arrivée, d’un point de vue professionnel, est très importante, appréciait Roura, par ailleurs ami personnel de Vilanova. Tout rentre dans l’ordre, en fait, après une situation compliquée. D’un point de vue plus personnel, tout le monde est content, moi le premier. » Éric Abidal, de retour après une transplantation du foie, le 10 avril 2012, est bien à Paris lui aussi, mais sa présence sur le banc des remplaçants n’est pas aussi certaine. Avec le troisième gardien, Oier, deux autres joueurs de champ devront prendre place en tribune et le défenseur français pourrait être l’un d’eux, avec le jeune attaquant Gerard Deulofeu (19 ans). Sur la pelouse, un doute subsiste entre Christian Tello et Alexis Sanchez, pour une place en attaque. – L. D.
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Marché NOIR
Le PSG pourra désactiver des billets
DÈS LE TIRAGE au sort, le 15 mars, le PSG a été débordé par les demandes de billets : entre 700 000 et 1 million pour seulement 45 000 places disponibles. Du jamais-vu ! Les prix des billets revendus sur le marché noir se sont donc envolés : jusqu’à plus de 1 000 euros pour des tarifs initiaux oscillant entre 30 et 220 euros. Conscient du problème, le club de la capitale veut y remédier, même s’il est presque impossible de réduire le marché noir à la volée aux abords du Parc des Princes, puisque, selon la loi, il faut constater un flagrant délit. Mais le PSG commence à faire la chasse aux reventes illégales sur les sites Internet. Et, dès ce soir, certains détenteurs de billet(s) acheté(s) « illégalement » pourraient avoir de mauvaises surprises à l’entrée du stade. « On estime que le marché noir représente 15 % de notre billetterie, explique Frédéric Longuépée, le directeur général adjoint du club parisien. Il est très difficile de lutter contre, mais c’est interdit par la loi. Nous entendons donc la faire respecter et on y travaille en ciblant notamment les plates-formes de revente non autorisées. La personne qui achète un billet sur un site prend le risque de ne pas pouvoir accéder au stade. Il est possible de remonter à l’origine de certains billets et de désactiver le code barres. Et il y aura des contrôles. » – A. C.
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BILLETTERIE
Pas de queue pour les joueurs parisiens
EN DÉPIT DE L’AFFLUX de demandes de places dont ils ont été l’objet pour le match de ce soir, les joueurs parisiens n’ont pas vu leurs quotas d’invitations augmenter. Chacun d’entre eux en a reçu cinq. En revanche, la plupart ont pu acheter des billets sans passer par le circuit de distribution traditionnel et en ont obtenu entre vingt et trente. Le seul problème, c’est que les places reçues ont été un peu disséminées à différents endroits du Parc… – D. D.
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COLLOQUE
La Catalogne à la Sorbonne
À L’OCCASION de ce quart de finale, l’université de la Sorbonne Nouvelle mettra la culture catalane à l’honneur, aujourd’hui (13, rue de Santeuil, dans le Ve arrondissement). Cette journée, préparée en collaboration avec l’institut Ramon Llull, l’organisme chargé de la promotion de la culture catalane, comptera notamment la présence de Carles Vilarrubi (notre photo), l’un des vice-présidents du Barça, chargé des relations institutionnelles. Il donnera une conférence sur le thème : « Le Barça, le sport, la culture et l’éducation » . Un groupe catalan donnera un concert après son intervention. – L. D.
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MODE
Pinto, Monsieur Nunettes !
UN JOUEUR DU BARÇA uni à une société parisienne ? Oui : José Manuel Pinto. Le deuxième gardien du club catalan est la tête de gondole en Espagne de la marque Nunettes, dont le nom vient de la prononciation enfantine de « lunettes ». « Au départ, Pinto en voulait pour son groupe de rap, explique Thierry Cohen, le PDG de cette jeune entreprise installée près de Montmartre. Mais tous les joueurs du Barça, dont Messi, son meilleur ami, ont adoré ! » Ces objets publicitaires, sur les verres desquels les marques apposent leur label, se vendent en moyenne 19,90 euros. Il s’en écoule désormais près de 100 000 par mois, notamment lors d’événements sportifs et musicaux. Après avoir séduit le Barça, par l’entremise initiale d’Éric Abidal, les Nunettes viennent de signer un contrat avec toutes les franchises de la NBA. – J. T.
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Le cheick Tamim présent ?
LE CHEICK TAMIM devrait assister à la rencontre mais, hier soir, au sein du club de la capitale, personne ne maîtrisait vraiment l’emploi du temps du prince héritier du Qatar, propriétaire du PSG via QSI. Le Parc des Princes ne manquera cependant pas de VIP pour ce match de gala face au Barça. Du côté des footballeurs, Samuel Eto’o, Samir Nasri, Gennaro Gattuso et d’anciens joueurs parisiens comme Raï, Valdo et Pauleta seront présents. Teddy Riner, le champion olympique de judo, sera également là, ainsi que les rugbymen du Stade Français : Julien Dupuy, demi de mêlée international du club parisien, ayant récupéré une dizaine de places. Le capitaine de l’équipe d’Italie Sergio Parisse et l’arrière international Jérôme Porical l’accompagneront. Il y aura aussi des stars du cinéma : l’acteur Jean Dujardin, l’actrice Leila Bekhti et les réalisateurs Luc Besson et Claude Lelouch. Six ministres du gouvernement, dont Manuel Valls, fervent supporter du FC Barcelone et habitué du Parc des Princes, sont aussi attendus. – J. T., R. B., A. C.
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« À Barcelone, j’ai découvert l’essence du football »
Lilian Thuram a passé deux ans en Catalogne entre 2006 et 2008. Un autre monde, selon le plus capé des joueurs français.
Lorsqu’il pose ses valises à Barcelone, à l’été 2006, Lilian Thurama déjà tout gagné ou presque (*). Chez les champions d’Europe en titre, le recordman français des sélections (142) va découvrir une approche totalement différente du jeu, par rapport à ce qu’il a pu connaître à Monaco (1991-1996), Parme (1996-2001) ou à la Juventus Turin (2001-2006).
« DANS QUELLES CONDITIONS avez-vous rejoint Barcelone ?
– Les premiers contacts ont eu lieu durant la Coupe du monde 2006. La Juventus Turin descendait en Serie B. J’avais trente-quatre ans. Ma première réaction a été de me dire : “Est-ce qu’ils se sont bien renseignés sur mon âge ?” Même dans mes rêves, je ne m’étais pas vu arriver dans ce club.
– Quelles ont été vos premières découvertes ?
– J’avais rejoint l’équipe en stage de préparation aux États-Unis. D’entrée, Samuel Eto’o m’avait prévenu : « Tu vois, ce joueur là ? C’est le plus fort de l’équipe. » Il me désignait Iniesta, tout gêné de l’entendre. La première chose qui m’a marqué, c’est qu’on travaillait exclusivement avec la balle, même le travail physique. Cela me changeait complètement de ce que j’avais connu en France ou en Italie. L’autre grosse différence, c’était le grand nombre de joueurs qui venaient du centre de formation, la Masia.
– Que vous inspire leur formation ?
– Je pense que les joueurs qui sortent de la Masia ont une très grande intelligence de jeu, une grande faculté à résoudre les problèmes qu’ils vont rencontrer durant le match. Pour y parvenir, il faut une certaine technique, bien sûr. Mais à Barcelone, on a su développer une forte aptitude à analyser les situations. Si on place une caméra isolée sur un joueur barcelonais, notamment au milieu de terrain, on s’aperçoit qu’il est toujours en train de regarder ce qui se passe. Il a un champ de vision beaucoup plus large. Dès six-sept ans, on les éduque à regarder dans toutes les directions, surtout derrière soi. C’est cette éducation qui fait une énorme différence.
– Quels sont les principes de jeu du Barça ?
– Le Barça fonctionne par attaques placées, son jeu est avant tout un jeu de positionnement. Les équipes ont souvent tendance à vouloir aller très vite vers l’avant. À Barcelone non. S’il n’y a pas de solution, on n’hésite pas à revenir en arrière, quitte à jouer avec le gardien. Dès la perte du ballon, les Barcelonais exercent aussi un pressing tout-terrain en agressant l’adversaire. C’est une philosophie bien ancrée au club. Cela explique aussi que beaucoup de joueurs qui viennent de l’extérieur, même les plus grands, ont parfois du mal à s’adapter. À Barcelone j’ai découvert l’essence du football.
– Que voulez-vous dire ?
– Les Barcelonais ont un autre type de compréhension du jeu. Pour maîtriser la balle, il faut passer le plus de temps possible avec. À l’entraînement, je me souviens qu’on faisait des heures et des heures de toro alors qu’ailleurs, cet exercice est trop souvent considéré comme de la rigolade. Barcelone est aussi Barcelone parce que ce club a pris du temps pour mettre en place un style de jeu et une équipe sur le long terme. Prenez les titulaires : Xavi, Iniesta, Messi, Busquets, Valdés, Puyol… Depuis combien de temps évoluent-ils ensemble ? Parfois, on oublie qu’il faut prendre le temps pour solidifier les choses. Vous avez plus de chances d’avoir une équipe performante sur le long terme, si vous avez des joueurs qui ont grandi avec la même culture de jeu. Cette saison, ils sont en tête de la Liga, qualifiés pour les quarts de finale de la Ligue des champions, alors que leur entraîneur principal (Tito Vilanova, victime d’un cancer de la glande parotide) est malade. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de clubs capables de garder un tel niveau de performances dans ces conditions.
– En octobre dernier, vous disiez leur jeu, c’est de l’art.
– Quand on regarde jouer Barcelone, certaines phases sont incroyables. Elles tendent parfois à la perfection. L’adversaire court après la balle, on a l’impression d’un toro géant. Effectivement, c’est de l’art.
– Ils ont aussi un phénomène, Messi.
– Avant que je signe au Barça, la Juventus avait participé à un match amical à Barcelone. Tous les joueurs étaient revenus en parlant d’un jeune que personne ne parvenait à arrêter. C’est là que j’ai entendu son nom pour la première fois. Quand je suis arrivé dans le club, je l’ai vu et, effectivement, il était déjà extraordinaire. J’ai surtout été marqué par son humilité et sa force de caractère. Et chaque année il parvient à élever son niveau de jeu.
– Le Paris-Saint-Germain a-t-il une chance ?
– Il n’est pas écrit que Paris ne peut pas gagner la Ligue des champions. Pour leur première année ensemble, les Parisiens sont tout de même en quarts de finale. Le plus compliqué pour eux, peut-être, c’est que les joueurs de Barcelone savent très bien qu’ils peuvent perdre contre Paris. »
JEROME LE FAUCONNIER
(*) Coupe du monde 1998, Euro 2000, Coupe de l’UEFA 1999, Championnat d’Italie 2002 et 2003, Coupe d’Italie 1999 et 2001.
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Leur Barça à eux
Quatre Français, trois d’origines catalanes, l’un salarié du club barcelonais, décrivent le lien particulier qui les unit au futur adversaire du Paris-SG.Manuel Valls
« Dans les années 1970, le Camp Nou était aussi un chaudron politique »« JE SUIS NÉ à Barcelone. J’y ai passé de longues périodes, très jeune, avec mes cousins. L’hymne de Barcelone a été écrit par un cousin de mon père, qui était un musicien classique. Il s’appelait… Manuel Valls. (Il sourit.) Dans les années 1970, le Camp Nou était aussi un chaudron politique. Il y avait de l’engouement pour le jeu, les nouvelles stars comme Cruyff, qui inspire encore l’équipe, et puis cette résonance politique. Le pays était en train d’attendre de basculer dans la démocratie. C’était extraordinaire. En 1974, j’avais douze ans. L’équipe venait de gagner un titre, le premier depuis très longtemps (1960), avec Cruyff et Neeskens, et, en même temps, il y avait cette attente liée à l’agonie interminable de Franco (*). Barcelone est devenu un club planétaire mais il ne l’était pas à l’époque. C’était le Real Madrid. Mais si ce club ne pratiquait pas le jeu qu’il pratique aujourd’hui, ce jeu inégalé, ce lien que j’ai se serait sans doute distendu. Et il n’y aurait pas des millions de supporters du Barça dans le monde. En plus, ces joueurs ont déjà beaucoup gagné, perçoivent beaucoup d’argent, mais ils continuent à avoir envie. Après leur défaite contre l’AC Milan à l’aller, en huitièmes de finale (0-2, le 20 février), leur match retour (4-0, le 12 mars) a été révélateur de cet état d’esprit. » – A. C.
(*) À sa mort, le 20 novembre 1975, la monarchie a été restaurée et le roi Juan Carlos a accéléré la transition démocratique, effective en 1982, avec l’arrivée au pouvoir des socialistes, quatre ans après l’approbation d’une nouvelle Constitution.
Jerome Porical
« Avec mon grand-père, nous regardions tous les matches »« MES GRANDS PARENTS maternels sont nés à Barcelone, ils sont venus en France pendant la guerre civile espagnole (1936-1939). Avec mon grand-père, Élysée, nous regardions tous les matches à la télévision. C’est ce qui nous rapprochait. Quand j’ai enfin eu l’âge, je suis allé au Camp Nou avec des copains. Ce devait être il y a dix ans, la première fois. Il n’y a pas de mots assez forts pour expliquer tout ce que représente le Barça en Catalogne. Les Catalans sont fiers de cette identité, des valeurs d’humilité et de travail que véhicule le club. Et pas seulement à cause des résultats extraordinaires de ces dernières années ! Il y a aussi un centre de formation exceptionnel : huit ou neuf joueurs formés au club sont sur la pelouse chaque week-end. Quand j’étais encore à l’USAP (il est né à Perpignan et a quitté son club formateur en 2012), nous avions rencontré les joueurs du Barça dans leur centre d’entraînement. Mes coéquipiers m’avaient pas mal chambré parce qu’ils savaient que j’étais fan. On a pu échanger avec quelques gars, notamment (Éric) Abidal. C’était magnifique. » – R. B.
Cali
« Nous, les Catalans, on est champions du monde! »«NOUS, à Perpignan, avec tous les potes, on se considère comme les champions du monde de foot. Pourquoi ? Parce que Barcelone a huit ou neuf joueurs en équipe nationale d’Espagne et, comme on est Catalans, comme eux, on est donc champions du monde. C’est chauvin à fond, mais c’est comme ça. Pour moi, il y a Manchester en Angleterre, Marseille en France et le Barça. Mon père est né à Barcelone. Comme d’autres républicains espagnols chassés par la dictature de Franco, il a atterri en France. Le Barça, cette ville, c’est aussi cela pour moi. Il y a une vraie histoire politique derrière ce club. Je me souviens de ce concert de Lluis Llach, le chanteur catalan révolutionnaire. Sa fameuse chanson (l’Estaca) était interdite à Barcelone sous Franco. On lui avait donc dit de ne pas la jouer. Il ne l’a pas fait… mais il a joué la musique, et c’est le stade entier qui l’a chantée à sa place ! C’est pour ces raisons aussi qu’il est magnifique de voir aujourd’hui Barcelone être la vitrine mondiale du football. Même si c’est beau de voir Beckham, Ibra à Paris… mais mon club, en France, c’est Marseille. Je ne peux donc pas en plus être pour le PSG. » – A. C.
Laurent Colette
« Plus de signification qu’une sélection »«C’EST UN CLUB que j’ai découvert quand j’étais petit, à Besançon. On n’avait pas grand chose sous la main. Besançon était en D 2 et il y avait Sochaux, qui a toujours été mon club, mais le Barça, c’était la planète supérieure, avec un stade de 100 000 places. C’était l’époque des Cruyff, Neeskens, etc. Si j’y suis entré ensuite, c’est un peu par chance et grâce à l’amitié qui me lie à Sandro Rosell (le président actuel). Je suis entré chez Nike, il y a une quinzaine d’années, nous y avons travaillé ensemble et nous sommes devenus amis. Il m’a fait entrer une première fois au club, en 2003, comme directeur d’exploitation, puis il m’a fait sortir en 2006 (sourire)… quand j’ai été viré six mois après qu’il a lui-même claqué la porte (pour des divergences avec Joan Laporta, le président de l’époque). Ensuite, je l’ai aidé dans sa campagne de 2010 et, quand il a été élu, il a réussi à me convaincre de revenir... Mon quotidien ? Cela peut être une semaine de voyage en Asie pour trouver de nouveaux débouchés ou bien une semaine au bureau pour des réunions. Demain (aujourd’hui), je ne sais pas si je pourrai voir le match car je serai dans un avion pour le Qatar… En travaillant dans ce club, j’ai découvert la profondeur de ce qu’il représente pour le peuple catalan. Le Barça a beaucoup d’histoire et de signification, plus qu’un autre club ou même qu’une sélection. » – L. D.
L'Equipe