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POUR SE CHANGER LES IDEES
Déjà qualifié pour les huitièmes, le PSG s’avance face au FC Porto sans la pression qui l’accable désormais en Championnat, mais dans un climat bel et bien tendu.
Ce soir, le PSG reçoit le FC Porto pour la grande finale du groupe A. Mais l’enjeu de la première place, qui garantirait aux Parisiens un huitième de finale retour à domicile, se retrouve presque étouffé par le grondement des grandes manœuvres en cours à Doha, où l’on semble décidé à clore le cycle Leonardo-Ancelotti, au plus tard à l’été 2013.
DE PASSAGE, hier, au Camp des Loges, en compagnie de Hernan Crespo, Nicolas Anelka a dû penser que le temps avait suspendu son vol. Un vol au-dessus d’un panier de crabes. Des résultats en chute libre, un vestiaire scindé en deux, un entraîneur qui ne colle plus au projet de l’actionnaire : douze ans après une crise fatale à Philippe Bergeroo et favorable à Luis Fernandez, le scénario du moment dessine une réplique de l’une des plus graves secousses de l’ère Canal + (1991-2006), cette fois avec la dimension galactique accolée à ses nouveaux acteurs principaux, Carlo Ancelotti, Leonardo et Zlatan Ibrahimovic.
Un entraîneur réputé, mais au management contesté, un directeur sportif énigmatique dont le « projet » sportif vacille, un buteur phénoménal à l’ego dévastateur : voilà trois personnages au cœur de ces turbulences qui mettent aujourd’hui en péril les ambitions du PSG de Qatar Sports Investments, après trois défaites lors des cinq dernières journées de L 1 (*) et une élimination en quarts de finale de la Coupe de la Ligue, mardi dernier, à Saint-Étienne (0-0, 3-5 aux t.a.b.). Dans ce contexte, cette dernière soirée de l’année en Ligue des champions prend les allures d’une thérapie de groupe, ou de ce qu’il en reste.
Dans la logique de sa première partie de saison, le PSG, ce soir, pourrait très bien redonner une lumière nouvelle à son jeu sous les projecteurs de la C 1. De ses doubles victoires sur le Dynamo Kiev (4-1, le 18 septembre ; 2-0, le 21 novembre) et le Dinamo Zagreb (2-0, le 24 octobre ; 4-0, le 6 novembre), il ressort le sentiment que Paris sait maîtriser un match, voire l’enflammer, quand il s’en donne vraiment la peine. C’est l’un des paradoxes de l’automne : à l’exception du match aller à Porto (0-1, le 3 octobre), le PSG ne connaît pas d’accrocs en Ligue des champions, mais il marche sur des épines en L 1, où sa motivation s’avère aléatoire alors que le titre figure son objectif absolu.
Trois fois plus de chances de disputer les quarts en terminant premier
Cette défaite au stade du Dragon aura marqué un tournant psychologique dans la saison parisienne. Après un mois de septembre fougueux (5 victoires toutes compétitions confondues), le PSG avait alors touché du doigt ses limites : rigueur collective insuffisante, jeu en manque de rythme, volume insuffisant au milieu. Des carences confirmées, quatre jours plus tard, à Marseille (2-2), où l’agacement d’Ibra après le match avait dévoilé les premières fissures dans le vestiaire. Depuis, le PSG n’a jamais retrouvé éclat, autorité, discipline et unité. Mais il s’est qualifié pour les huitièmes de finale de la C 1, ce qui maintient aujourd’hui Ancelotti sous respiration artificielle.
Hier, l’entraîneur a feint d’ignorer le contexte menaçant qui pèse sur lui à Doha (voir par ailleurs), insistant plutôt sur son attente d’un PSG revanchard et conscient de l’importance de souffler la première place aux Portugais. L’Italien n’a pas tort. Si le standing des potentiels deuxièmes donne parfois le vertige, l’histoire récente prouve que recevoir au retour ouvre plus facilement les portes des quarts. Depuis la saison 2003-2004, quinze clubs français sont sortis des groupes : sur les sept qui avaient fini premiers, cinq sont passés en quarts (71 % de réussite) ; sur les huit qui avaient fini deuxièmes, seuls deux ont franchi le barrage des huitièmes (25 %)…
La statistique est assez édifiante et on ne saurait trop conseiller au PSG, par les temps qui courent, de mettre ce genre d’atouts de son côté. Pour y parvenir, Paris devra trouver les moyens de déverrouiller un système défensif portugais qui, comme le sien, n’a cédé que deux fois lors des cinq premiers matches de C 1. Côté fraîcheur, Porto part avec un avantage. L’équipe de Vitor Pereira reste sur une élimination en huitièmes de finale de la Coupe du Portugal, vendredi dernier, à Braga (1-2), sa première défaite de la saison en dix-huit matches. Mais l’entraîneur a aligné, ce soir-là, une équipe très mixte, au moment où Ancelotti, lui, s’apprêtait à reconduire à Nice (1-2), le lendemain, neuf des dix joueurs de champ qui avaient dû batailler à Saint-Étienne…
Quand Pereira et Jackson Martinez ont parlé de leur équipe, hier, dans l’auditorium du Parc des Princes, ils ont lâché des mots qui peuplent rarement les lieux cette saison. « Nos attaquants et nos milieux offensifs sont très importants dans notre animation défensive, a glissé le technicien portugais. Voir cette entraide au sein de l’équipe me rend heureux et peut nous permettre d’affronter les difficultés. » L’attaquant colombien d’enchaîner : « À Porto, la progression d’un joueur vise toujours à faire grandir l’équipe. Dans ce club, tout est tourné vers le collectif. » Même sans le vouloir, un Dragon peut remuer des couteaux dans les plaies.
JÉRÔME TOUBOUL
(*) Face à Saint-Étienne, le 3 novembre, puis Rennes, le 17, et Nice, samedi dernier (1-2, à chaque fois). Le PSG est quatrième, à 5 points du leader, Lyon.
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« J’ai un bon feeling sur ce match »
CARLO ANCELOTTI, l’entraîneur du PSG, sous la pression de son actionnaire, a dédramatisé la situation, hier, évacuant les questions sur son avenir.
DANS LA FOULÉE de Maxwell, Carlo Ancelotti est apparu, hier soir, dans l’amphithéâtre du Parc des Princes, visage fermé et regard sombre, flanqué de son attaché de presse qui, d’emblée, brandissait le bouclier : « Ne posez que des questions sur le match de demain ! » Évidemment, le sujet de la possible succession de l’Italien au poste d’entraîneur, évoquée par L’Équipe dans son édition du jour, a été avancée, mais Ancelotti n’a pas eu le temps d’ouvrir la bouche que la communication du club dégainait : « Nous avons dit qu’on restait dans le cadre du match. Question suivante. » Ancelotti eut tout de même le temps d’ajouter « ne pas avoir lu les journaux », ce qui lui arrive assez rarement d’habitude.
Il n’empêche, le technicien n’avait pas la légèreté de ses précédentes conférences de presse de veille de Ligue des champions, alors que la qualification pour les huitièmes de finale est assurée. Peut-être le justifiait-il par l’importance d’arracher la première place du groupe à son adversaire du lendemain, le FC Porto. À moins que ce ne soit l’état d’esprit de son équipe qui l’inquiète davantage. « C’est un match important pour terminer premier du groupe et obtenir un meilleur tirage, assurait Ancelotti. Mais aussi parce qu’il nous offre l’opportunité d’oublier la défaite à Nice (1-2, samedi dernier) en affrontant un grand club avec de l’expérience. (…) J’ai un bon feeling sur ce match. »
« Tout le monde, au PSG, est désolé »
À défaut de commenter sa propre situation, il ne pouvait nier, cependant, celle plutôt compliquée de son équipe qui vient de s’incliner pour la troisième fois de la saison en Ligue 1 : « Je suis focalisé sur le fait de trouver la solution. Je suis sûr que je vais trouver la bonne. Peut-être dans huit jours, peut-être dans quinze, peut-être dans un mois. Mais je suis sûr que le PSG sera compétitif en Championnat jusqu’à la fin de la saison. Je suis confiant. On va y arriver, c’est sûr. »
Après avoir assuré que « tout le monde, au PSG, est désolé car nous n’avons pas fait un bon début de saison », Ancelotti a rappelé, dans une façon constante de manier l’optimisme, que le Championnat de France « n’était pas terminé » (*), et a agité les statistiques de son équipe cette saison en C 1, qui « disent que Paris est, avec (le Chakhtior) Donetsk, le club qui a le plus marqué (12 buts) et celui qui a encaissé le moins de buts (2, comme le FC Porto) ». Mais ces chiffres ne suffisent pas à convaincre son actionnaire, qui aimerait voir le PSG dominer la L 1 et rayonner en Ligue des champions. L’Italien sait l’impatience qui caractérise les responsables qatariens et, après la défaite à Nice, il a promis des changements. « Nous devons être focalisés sur les petits détails, a-t-il précisé, hier. J’ai également dit qu’il était très important pour l’équipe d’être solidaire, surtout sur le terrain. Quelquefois, on a perdu des points parce que ce n’était pas le cas. Tous ensemble, nous allons retrouver notre état d’esprit. Vite. »
DAMIEN DEGORRE
(*) Le PSG est quatrième à 5 points du leader, Lyon.
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Au milieu du vestiaire… les Alpes
La séparation entre les joueurs francophones et italophones du PSG paraît de plus en plus marquée.
AU DÉBUT, tout allait bien. Mais le monde merveilleux du vestiaire polyglotte du Paris-SG a déjà du plomb dans l’aile. Ce n’est pas que l’ambiance soit mauvaise, elle est juste insipide, à la limite inexistante. Entre les joueurs français ou francophones (le Brésilien Nene et le Malien Mohamed Sissoko) d’un côté, les étrangers italophones de l’autre, une frontière s’installe tout doucement à Paris, entretenue par la barrière de la langue, beaucoup, et par les choix de Carlo Ancelotti, un peu.
Le déplacement à Kiev (2-0, le 21 novembre), en Ligue des champions, fut symbolique de cette fissure grandissante. Avec un seul Français aligné d’entrée (Blaise Matuidi), l’entraîneur italien marquait sa préférence et la justifiait par des raisons tactiques, uniquement. La victoire l’a conforté, les résultats suivants un peu moins (*). Surtout, une très grande majorité des francophones du club de la capitale ont le sentiment de ne pas forcément jouir du même crédit que leurs divers concurrents. « Je vais peut-être prendre des cours d’italien si je veux jouer », plaisante l’un d’entre eux.
L’atmosphère dans le vestiaire parisien prend alors régulièrement des airs de cantine de collège, un jour de cervelle-épinards. Que Paris gagne ou perde, les têtes demeurent le plus souvent baissées, et l’envie de regagner son domicile après une rencontre reste toujours aussi urgente. C’était d’ailleurs l’objet de la réunion dominicale, au lendemain du succès en L 1 contre le promu troyen : exprimer davantage son bonheur les soirs de victoire. Zlatan Ibrahimovic a pris la parole, en anglais, et affirmé : « Ce n’est jamais facile de gagner. Je sais que, pour ceux qui ne jouent pas, ce n’est pas facile, mais on est une équipe et on doit tout partager ensemble. »
La veille, à la mi-temps du match, c’est surtout sa colère à l’endroit de ses partenaires qu’il avait partagée, en assenant : « Même mes fils savent mieux jouer au foot que vous (L’Équipe du 27 novembre) ! » Personne ne lui avait répondu. « Et franchement, vu la façon dont il était en colère, il ne valait mieux pas », se marre l’un de ses coéquipiers. Et le lendemain, sa déclaration d’intention n’eut qu’un écho limité. Pas grand monde n’a rebondi sur ses conseils de vie en collectivité.
La liberté de ton et d’action dont jouit le Suédois depuis son arrivée à Paris, l’été dernier, alimente ainsi un peu plus les tensions en interne, même si, au quotidien, une fois l’entraînement terminé, il sait aussi se détendre et plaisanter. En italien avec les étrangers ; en anglais avec les Français, enfin avec ceux qui le comprennent bien, et ils ne sont pas nombreux. C’est là que se situe le principal écueil du vestiaire. Entre les Français, qui ne maîtrisent que leur langue, et les Brésiliens, Suédois, Argentins ou Italiens qui refusent de l’apprendre, le fossé s’accroît. « Pourtant, on est sûrs que ce sont tous de bons mecs, mais bon… », lâche l’un des francophones.
À part le gardien italien Salvatore Sirigu et le défenseur brésilien Maxwell, qui parlent désormais le français, aucune autre recrue étrangère de l’ère Leonardo ne suit des cours avec assiduité. Du coup, les joueurs de chaque « clan » discutent peu, voire plus du tout.
Certains Français déplorent par ailleurs le manque d’échange individualisé avec leur entraîneur, quand ils constatent que ce dernier dialogue plus volontiers avec les italophones. Ce constat les dérangeait tout autant quand les victoires escortaient les soirées parisiennes, mais ils l’exprimaient moins fort. Aujourd’hui, des joueurs paraissent lassés de figurer comme des roues de secours, à l’image de Guillaume Hoarau, Nicolas Douchez ou Kevin Gameiro, et le rapport de confiance avec leur entraîneur s’en trouve affecté. Il y a aussi cette déclaration de Sirigu, qui faisait état d’une réunion entre joueurs lors de la mise au vert à Kiev. Aucun francophone n’en avait été averti. Cela n’avait pas contribué à souder les liens entre les deux parties.
DAMIEN DEGORRE (avec JÉRÔME TOUBOUL)
(*) Une victoire en L 1 contre Troyes (4-0, le 24 novembre) ; une élimination à Saint-Étienne en quarts de finale de la Coupe de la Ligue (0-0, 3-5 aux t.a.b.), trois jours plus tard ; et une défaite en Championnat, à Nice (1-2), samedi dernier.