« Il n’y a pas toujours la culture du détail au PSG »LEONARDO, le directeur sportif du PSG, rappelle, dans un entretien exclusif à « L’Équipe », les exigences liées aux ambitions élevées du club.
Sa réunion à peine terminée, Leonardo débarque dans les salons du Parc des Princes, détendu et souriant. Deux jours après la première défaite en L 1 du PSG sous l’ère Ancelotti (1-2, à Nancy), le directeur sportif brésilien (42 ans) est disposé à répondre à toutes les questions sur l’actualité de son club.«
ÊTES-VOUS SATISFAIT des derniers résultats ?– Évidemment non. Mais on est quand même restés dix-sept matches sans perdre, ce n’est pas rien. Quand je suis arrivé, le 13 juillet, j’ambitionnais déjà, au fond de moi, de gagner le Championnat cette année. Mais si on m’avait dit que nous serions deuxièmes le 1er avril, j’aurais signé des deux mains.
– On attend quand même plus du PSG au niveau du fonds de jeu, non ?– On a été premiers à partir de la 8e journée (3-0, le 24 septembre à Montpellier). Quand tu arrives là, tu ne peux plus reculer, tu ne peux pas dire que tu ne vas pas chercher à gagner le titre. C’est normal, mais il faut être réaliste. On a fait beaucoup de choses et il en reste beaucoup à faire : dans l’organisation du club, d’un projet commun, de la communication. Le PSG réussit à être à la première place parce qu’on a aussi mis ces choses en place. Mais à Montpellier, ça fait quatre, cinq ans que les joueurs jouent ensemble. Lille revient, pourquoi ? Parce qu’il a gagné le Championnat l’année dernière. Chacun a sa force.
– Le PSG avait une base avec certains joueurs et Antoine Kombouaré. Il progressait depuis deux ou trois saisons et, à la trêve, il était champion d’automne…– Quand on est arrivés (avec Qatar Sports Investments, le nouveau propriétaire du club, en juin dernier), il y avait treize joueurs pro. La base, c’était Giuly, Makelele, Coupet, qui sont partis. Des contrats arrivaient à leur terme. Plein de choses n’étaient pas programmées. On n’a pas changé d’entraîneur pour gagner le Championnat mais pour le futur. On voulait mettre en place une gestion de l’équipe pour les prochaines années. Sur ce plan, les joueurs ont été formidables.
– Serait-ce un fiasco de finir à la troisième place ?– Si Lille, champion l’an passé, ne gagne pas le titre cette année, ce sera quoi ? Ce sera un échec, non ? Une équipe championne, elle part forcément avec l’idée de garder son titre, il ne faut pas me raconter d’histoires. Et nous aussi, on a attaqué la saison pour être champion. Ne pas l’être serait un échec. Ne pas gagner est toujours un échec.
– Les mises au banc de Sakho et Nene, à Nancy, relèvent-elles de choix sportifs ou de sanctions ?– Sanctions de quoi ? Zéro sanction ! C’est juste un choix sportif. En ce qui me concerne, Sakho, je n’ai aucun problème avec lui. Mon seul problème, c’est de le former comme athlète. Il est jeune et, de temps en temps, je trouve qu’on lui en demande trop.
– Pastore, lui, ne sort jamais. Est-il protégé ?– Je comprends qu’on pense cela parce qu’il a coûté beaucoup d’argent et qu’on devrait tout faire pour que ça marche bien. L’important, ce sont les résultats. Mais Pastore n’est pas protégé. S’il n’est pas bon, il ne jouera pas.
– Que pensez-vous de ses prestations ?– Il a très bien démarré. Après, il a eu un moment plus difficile et il s’est blessé (cuisse). Après sa blessure, cela a été plus difficile de revenir sur le plan physique. Mais on ne peut pas oublier qu’il a vingt-deux ans et qu’il est arrivé dans une équipe en construction. Prenons l’exemple de Messi. Si on le met là, ce n’est pas évident qu’il joue aussi bien qu’à Barcelone. Même si c’est Messi. Mais je ne le compare pas à Messi, hein, attention.
– Qu’a apporté Ancelotti depuis son arrivée ?– Ce qu’il y a dans toutes les grandes équipes du monde : la gestion du détail par rapport au physique, aux entraînements tactiques et techniques. Il a apporté une gestion détaillée sur le quotidien du joueur, sur l’étude de l’adversaire, avec un staff très expérimenté. Ce n’est pas qu’Antoine (Kombouaré) ne savait pas faire ça mais il n’avait pas l’idée de le faire parce qu’il avait un autre groupe de travail, plus réduit, qui n’avait pas l’habitude de ces choses.
– Ancelotti parle beaucoup du manque de discipline et de mental de vainqueur. Est-ce cela qui fait défaut au PSG ?– Je pense qu’il n’y a pas toujours la culture du détail au PSG, chez certains joueurs. Les discothèques existent à Londres, à Rome… mais là-bas, quand tu sors, tout le monde te contrôle. Ici, à Paris, après 22 heures, personne ne te dit : “Rentre chez toi.” Il reste huit matches, il faut être carré et je n’ai pas d’inquiétude sur le fait que les joueurs soient sérieux.
– Pensez-vous qu’Ancelotti paie sa méconnaissance de la L 1 ?– Non… Il connaît parce qu’il y a un travail approfondi effectué par rapport à chaque équipe. Ancelotti connaît tout, même la couleur du slip de l’adversaire. Toutes les équipes ont connu des baisses de régime et elles sont dirigées par des entraîneurs qui connaissent le foot français.
– Peut-on s’attendre, cet été, à un autre investissement comparable au cas Pastore ?– Je sais qu’il se dit beaucoup de choses sur le coût de Pastore. Ce que je peux vous dire, c’est que son transfert n’a pas coûté 42 M€…
– Combien a-t-il coûté alors ?– Moins. Mais une clause de confidentialité m’interdit de révéler le vrai chiffre. On parle de Pastore, mais Alexis Sanchez, Barcelone l’a acheté 27 M€ à l’Udinese. David Villa, le Barça l’a payé 42 M€ (au Valence CF). Daniel Alves, ils l’avaient acheté 41 M€ (au Séville FC), dont 8 M€ de bonus. Un marché existe et ce n’est pas le PSG qui l’a inventé. Et puis, je rappelle que Pastore faisait partie d’une liste très réduite de talents très prometteurs, aux côtés de Sanchez, Neymar et Ganso (Santos). Ces quatre joueurs de vingt, vingt-deux ans, tout le monde les voulait.
– Qui voulait réellement Pastore, en dehors du PSG ?– Tous les clubs européens. Chelsea, Manchester City… Après, Pastore serait-il meilleur à Barcelone qu’ici ? Je ne sais pas. Comme j’ignore ce qu’il se passera quand il jouera la Ligue des champions avec nous. S’il se montre très fort, tout le monde trouvera le prix justifié.
– Paris est-il le nouveau Chelsea, le club à qui on fait surpayer de 20 ou 30 % les transferts ?– C’est possible, oui. Et c’est normal en même temps. On sait bien qu’à proposition équivalente, un joueur choisira aujourd’hui le Real Madrid ou l’AC Milan plutôt que le PSG. Mais, mis à part Pastore, nos autres transferts ont découlé de dépenses très modérées.
– Le PSG, c’est le club à la mode pour faire monter la cote d’un joueur dans les journaux ?– Oui. À chaque fois qu’il y a un joueur à vendre, on sait que le PSG est susceptible de pouvoir l’acheter. Alors, il est facile de se servir de nous. Parfois, un agent fait “fuiter” que le PSG s’intéresse soi-disant à son joueur, tout ça pour revaloriser son contrat dans un club russe, par exemple. Le top, ce sont les gens qui nous appellent vraiment. L’agent me dit : “Leo, ça va ?” Je réponds : “Oui et toi ?” On échange deux ou trois banalités et, à la fin, l’agent va dire qu’il a parlé avec le PSG. Il n’a parlé de rien, mais il peut toujours affirmer en dehors qu’il a discuté avec le PSG… C’est comme le jeu des rumeurs à la Bourse.
– L’été prochain, comptez-vous recruter encore en Italie, ou un peu plus en France ?– (Il sourit.) Je sais, j’arrive d’Italie, ça gêne un peu, on dit que je suis devenu italien, bla bla bla… Mais pourquoi a-t-on acheté en Italie, l’été dernier ? Parce que l’Italie traverse une période économique difficile. Les clubs de Serie A, aujourd’hui, sont vendeurs.
– Comme avec Taarabt l’été dernier, l’actionnaire vous suggère-t-il de recruter un joueur comme Belhanda, d’origine maghrébine ?– L’actionnaire est le propriétaire. Avec eux, je parle de football et de la gestion du club. Heureusement que l’actionnaire est passionné. Le cheikh Tamim a pu dire à un de ses amis que Belhanda était un bon joueur. Et alors ? C’est vrai, c’est un bon joueur. Mais ça ne signifie pas qu’on le convoite. Carlo Ancelotti a dit que Giroud était un bon joueur. Tout de suite, on a dit : “le PSG veut Giroud…” On n’a jamais contacté un joueur de L 1, français ou étranger, pour tenter de déstabiliser un concurrent. Giroud, Belhanda, Hazard, M’vila, on ne les a jamais approchés. Il faut arrêter de penser que, parce qu’on est riche, on se permet de tourner la tête des joueurs adverses. On a un respect absolu du Championnat, surtout à ce moment de la saison.
– Michel Platini, le président de l’UEFA, a reparlé récemment du fair-play financier en faisant allusion au PSG…– (Il coupe.) Même Platini parle du PSG ! Tout le monde fait allusion au Paris-Saint-Germain (il sourit).
– Dans votre travail pour recruter, sentez-vous que ce sera une grosse contrainte ?– On va tous s’adapter aux règles. Le décalage existe déjà. Le fair-play financier, c’est quoi ? Dépenser ce que tu gagnes. Barcelone ou le Real Madrid perçoivent des droits TV cinq fois supérieurs à ce qu’on touche en France, leur merchandising rapporte quatre ou cinq fois plus. S’ils gagnent 400 M€ et nous 100 M€ alors c’est fini.
– Allez-vous essayer, avec d’autres clubs, de convaincre l’UEFA pour qu’elle assouplisse sa position ?– Il faut respecter la règle. Après, tu vas faire de la politique pour la changer. Certains clubs sont satisfaits de la mise en place du fair-play financier, d’autres vont se dire qu’avec leurs recettes, ils n’arriveront jamais à être compétitifs. Aujourd’hui, le club a 100 M€ de budget. Si tu ne peux dépenser que 100 M€, c’est impossible de faire une équipe compétitive en Ligue des champions.
– La vie de directeur sportif est-elle plus sympa que celle d’entraîneur ?– J’aime bien la construction, l’idée de gérer des personnes.
– Le vestiaire vous manque-t-il ?
– Un peu. Le côté match surtout, l’adrénaline du match. Mais aujourd’hui, ça va. Je ne dis pas que ça va passer, je suis ouvert à tout. Après, ce serait peut-être difficile de devenir entraîneur à Paris après en avoir été directeur sportif. Je l’ai fait à Milan mais ici c’est différent.
– Comment vous sentez-vous à Paris ?– Très bien. Vous savez, ma vie est comme ça. (Il claque des doigts plusieurs fois.) Ces dernières années, ma vie a été pleine de mouvements (il agite ses mains). Aujourd’hui, je ne pense pas à partir.
– Dimanche, le PSG reçoit l’OM dans un contexte particulier. Les deux équipes ont l’air tendues…– Cela reste un clasico. Je ne suis pas certain que la situation des deux équipes changent grand-chose. C’est l’opportunité pour les deux de démontrer qu’on est là. On sait que jouer contre Marseille, c’est LE match.
– Avez-vous le sentiment que Marseille est un club affaibli ?
– Non. Marseille joue tout de même un quart de finale de Ligue des champions. Si nous sommes en quarts de finale de Ligue des champions la saison prochaine, ce serait fantastique ! »
ALEXANDRE CHAMORET, DAMIEN DEGORRE ET JÉRÔME TOUBOUL